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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 23/02/2013 à 11:17
» Dernière mise à jour le 14/09/2020 à 20:11

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 41 : Comme
« Comme jamais rien ne s'achève
Dans nos têtes pleines de rêves
Comme je viens... »


Comme - Elisa Tovati



Léa était encore si choquée au moment de reprendre la route avec Cassy et Cynthia qu’elle ne prononça pas un mot au cours des heures qui suivirent. Elle paraissait plus bouleversée qu’elle ne l’avait été après le cambriolage du Musée Minier, mais cette fois, ses deux amies ne tentèrent rien pour la réconforter. D’un commun accord, elles avaient estimé qu’il valait mieux lui laisser du temps pour assimiler la nouvelle concernant sa « cicatrice », sans chercher à la brusquer davantage.

Cassy était tout de même préoccupée. Si elle s’était doutée que la vérité éclaterait ainsi au grand jour, elle aurait agi autrement. Elle avait cru qu’en taisant le peu qu’elle savait, elle préserverait Léa de l’épais voile de mystère qui les enveloppait, au lieu de quoi les révélations de Kiméra avaient annihilé toute la confiance que la fillette plaçait en elle.

Celle-ci ne s’était toujours pas exprimée lorsque le soleil amorça sa courbe vers l’horizon et que Cynthia s’immobilisa, les mains sur les hanches, en décrétant qu’elles n’iraient pas plus loin ce soir. Elle sélectionna un endroit où dresser le camp, à distance sécuritaire d’une zone de hautes herbes, au milieu desquelles les pokémon sauvages aimaient généralement se tapir.

Léa n’esquissa pas un geste pour aider Cassy à monter la tente, et la jeune fille n’exigea exceptionnellement rien d’elle. Elle le regretta lorsqu’elle eut terminé, car elle réalisa que son amie n’était plus assise sur la vieille souche moussue sur laquelle elle s’était affalée à l’instant même où Cynthia avait donné l’ordre de s’arrêter.

— Léa ? appela Cassy. Léa, où es-tu ?

Elle balaya les environs du regard, sans apercevoir la moindre trace de la fillette. Cynthia, qui était accroupie sur le sol et fouillait dans son sac de voyage, cessa aussitôt pour se redresser de toute sa hauteur. Une main en visière, elle imita Cassy et sonda les alentours, sans plus de succès.

— Vous… Vous pensez qu’on a pu l’enlever ? s’inquiéta l’adolescente.
— Sans que tu l’entendes ? Elle était juste derrière toi.
— Quelqu’un a pu l’endormir avec du chloroforme. J’ai déjà vu Régis neutraliser un Ursaring en lui agitant un mouchoir imbibé sous le nez, pour pouvoir soigner la patte à laquelle il était blessé. Ce pokémon a beau être énorme, il s’est écroulé comme une masse.
— Dans ce cas, ne t’éloigne pas de moi, intima Cynthia. Lucario, j’ai besoin de toi !

La Championne jeta une pokéball en l’air, d’où jaillit une créature bipède à la fourrure bleue et noire. Elle écouta patiemment les consignes de sa maîtresse, qui l’envoya chercher Léa dans une direction pendant qu’elle-même partait dans l’autre sens avec Cassy.

Elles passaient devant un petit champ de baies et une cabane en bois lorsque la jeune fille, dont l’estomac se nouait un peu plus à mesure que la nuit tombait, menaçant d’engloutir totalement la route 308 et Sinnoh dans les ténèbres avant qu’elles aient localisé leur amie, décida de confier ses craintes :

— Vous pensez que ça peut être l’œuvre de Kiméra ?
— Kiméra ? répéta Cynthia. Qu’est-ce que tu entends par là ?
— La disparition soudaine de Léa. Nous n’avons rien trouvé à propos des glyphes jusque-là, or elle en savait plus que nous à leur sujet. C’est… louche. Peut-être qu’elle est liée à ce qui est arrivé à ma famille.

Cynthia secoua la tête en signe de dénégation, d’une façon telle que son geste semblait catégorique.

— Kiméra a beaucoup de défauts, elle est égocentrique et peut se comporter comme une vraie peste, mais c’est bien le pire que l’on puisse lui reprocher. J’aurais dû me douter que si quelqu’un avait connaissance de quelque chose à propos des glyphes, ce serait elle. À l’université, elle a souvent déstabilisé des professeurs en mentionnant des détails ou des anecdotes dont eux-mêmes ignoraient tout. D’aucuns prétendaient d’ailleurs que ce n’était que des inventions de sa part, de pures chimères uniquement destinées à attirer l’attention sur elle.
— Et ? C’était vrai ou pas ?
— Kiméra est tout à fait capable de raconter n’importe quoi dans le but de se mettre en avant, mais la théologie et la mythologie sont sacrées pour elle. Elle n’oserait pas jouer avec deux sujets qu’elle chérit autant.
— Qu’est-ce que vous pensez de ce qu’elle nous a révélé ?
— Honnêtement… Rien du tout, soupira Cynthia. Ses informations n’ont fait que corroborer l’hypothèse de Régis, sans que l’on puisse en retirer quoi que ce soit de concret. Et ce qu’elle a dit concernant les Gijinkas ne nous avance pas davantage.

Un frisson parcourut l’échine de Cassy lorsqu’elle se remémora les propos de Kiméra. « L’œuvre de Darkrai », avait-elle pesté à mi-voix quand Cynthia lui avait demandé ce qu’elle savait sur eux. La Championne d’Unionpolis leur avait ensuite jeté un regard lugubre, presque désapprobateur, avant de tourner les talons sans rien ajouter. Même pour une experte de son calibre, les hybrides demeuraient visiblement tabou.

Un cri sonore, que Cynthia identifia aussitôt comme étant celui de son Lucario, mit un terme à leur conversation. Elles s’empressèrent de revenir sur leurs pas, car elles avaient continué à s’éloigner du campement sans pour autant trouver la moindre trace de Léa. À leur grand soulagement, la fillette se tenait à côté du pokémon lorsqu’elles le rejoignirent.

Elle était dans un état pitoyable. De la boue maculait ses vêtements, déchirés par endroits, et de petites feuilles étaient accrochées à sa chevelure en bataille. Cassy déduisit, à la vue de son apparence, qu’elle avait dû ramper au milieu de buissons épineux.

— Où étais-tu passée, bon sang ? s’écria Cynthia, non sans avoir au préalable remercié Lucario pour son excellent travail. Nous nous sommes fait un sang d’encre !
— J’ai poursuivi un Rozbouton et j’ai fini par l’attraper ! annonça fièrement Léa. C’est le premier pokémon que je capture, je…
— Ce n’est pas une raison ! Tu ne dois pas disparaître comme ça, ça peut être dangereux.
— Dangereux ? Tous les dresseurs le font ! protesta la fillette. Comment voulez-vous que…

Cette fois, elle se tut de son propre chef, et son regard passa de Cynthia, qui s’était postée face à elle, les bras croisés, à Cassy, en léger retrait. Un éclat de lucidité chassa la naïveté infantile de ses prunelles, au grand dam de l’adolescente.

— C’est à cause de ces stupides glyphes, c’est ça ? Qu’est-ce qu’ils font ? Ils attirent les pokémon sauvages ? On peut mourir à cause d’eux ? C’est pour ça que Cynthia voyage… Non, elle ne voyage pas avec nous, en fait. Elle nous escorte, comme un garde du corps !

Cassy se massa les tempes. La journée avait été riche en angoisse et en tourments, et elle n’avait qu’une hâte : la voir se terminer au plus vite. En attendant, elle devait répondre aux questions de Léa, car à présent que la fillette avait vu clair dans ce qui se tramait autour d’elle, elle n’avait plus aucun moyen d’y couper.

— Comme nous te l’avons dit à Unionpolis, nous ne savons quasiment rien à propos de ces glyphes, c’est pour ça que nous enquêtons. S’il y a une chose dont nous sommes à peu près sûres, en revanche, c’est qu’au moins une personne s’y intéresse.
— Quel genre de personne ? s’enquit Léa, mais la teinte blafarde qui venait de se peindre sur son visage indiquait qu’elle se doutait déjà de la réponse.
— Une personne malintentionnée, qui a tenté de s’en prendre à moi par le passé. J’ai réussi à lui échapper grâce à Cynthia. C’est de cette façon que nous nous sommes rencontrées.

Le Maître de Sinnoh ne releva pas, malgré le mensonge de Cassy. La terreur qui se lisait sur les traits de Léa était désormais suffisamment grande pour ne pas vouloir lui donner matière à s’inquiéter davantage. Si l’adolescente évoquait le sort de sa famille, la fillette se mettrait à trembler pour la sienne.

— Maintenant que tu connais la vérité, compléta Cynthia, tu vas devoir faire preuve de la discrétion et de la prudence qui s’imposent, d’accord ? Ne parle à personne de ton glyphe, cache-le aussi bien que tu pourras et reste toujours sur tes gardes. Si tu suis ces règles, tout ira bien.
— Et les autres ? interrogea Léa. Kiméra a dit qu’il y avait dix-sept marques, une par personne. Où elles sont ?
— Là encore, nous n’en avons aucune idée. Celle de Cassy est apparue peu avant la tienne, mais pour le moment, ce sont les deux seules que nous avons eu le loisir d’observer.

Léa resta silencieuse, le temps pour elle d’assimiler ces informations distillées au compte-goutte. Elle était toujours pâle et sa lèvre inférieure frémissait, mais Cassy ne savait pas comment la réconforter, car il n’y avait rien de rassurant dans leur situation. Tout n’était que danger, doutes et incertitudes.

— Il y a une bibliothèque à Vestigion, annonça Cynthia. Beaucoup moins fournie que celle de Joliberges, mais ils ont tout un rayonnage réservé aux livres et textes anciens. Nous y découvrirons peut-être des éléments intéressants.

Cassy hocha la tête, sans enthousiasme. La déconvenue essuyée aux Colonnes Lances la dissuadait de nourrir trop d’espoirs. Elles n’avaient plus d’objectif et en étaient réduites à chercher au hasard, en croisant les doigts pour qu’un indice leur saute aux yeux et les mette sur la bonne voie.

Trois jours de marche leur furent nécessaires pour atteindre la Forêt Vestigion, aussi grande, si ce n’est plus, que la ville qui lui avait donné son nom, un peu plus à l’ouest. Cassy, Cynthia et Léa passèrent une nuit sous la fraîcheur des arbres, durant laquelle une horde de Laporeille affamés décida de piller leurs réserves de nourriture.

Elles reprirent donc leur route le ventre vide et s’enfoncèrent malgré les plaintes tonitruantes de leur estomac dans les profondeurs du bois, en quête de la Pierre Mousse qui permettrait à Léa de faire évoluer son Évoli en Phyllali. En chemin, Cassy ramassa quelques baies, qu’elle jugea comestibles. Elle avait une bonne connaissance des fruits sauvages grâce aux nombreux plans qui poussaient dans les environs de sa ferme. C’était d’ailleurs l’un des rares domaines où elle pouvait se targuer d’en savoir plus que Cynthia.

Elle divisa sa cueillette en trois portions égales et les distribua à ses amies, qui mangèrent goulûment. La pulpe était un peu amère, mais si épaisse et juteuse qu’elle parvint presque à les rassasier. Elles étaient encore en train de se lécher les doigts lorsqu’un haut rocher couvert de touffes verdâtres apparut dans leur champ de vision.

Léa essuya ses mains sur son pantalon, puis libéra Évoli de sa pokéball. Il jeta un regard interrogateur à sa jeune maîtresse, qui lui expliqua doucement ce qu’elle attendait de lui. La créature se dirigea vers la pierre d’un pas bondissant et se dressa sur ses pattes arrière pour appliquer ses antérieurs au contact de la surface moussue. Son corps s’entoura immédiatement d’un halo blanc tandis que sa silhouette s’agrandissait, s’affinait. Un instant plus tard, un splendide Phyllali leur faisait face.

— Et voilà ! s’exclama joyeusement Léa. Maintenant, j’ai une équipe complète de type…

Elle n’acheva pas sa phrase et se mit à frotter frénétiquement la manche de son chemisier, qu’elle avait étirée au maximum afin que le tissu masque son glyphe, sur les recommandations de Cassy et Cynthia.

— C’était aussi une de vos ruses, n’est-ce pas ? accusa-t-elle, et ses amies détournèrent le regard, gênées. Vous ne m’avez pas conseillé d’entraîner exclusivement des pokémon plante parce que ça pourrait m’avantager en Concours, mais à cause du symbole que je porte !
— Une autre hypothèse, confessa Cassy, qui s’est jusque-là révélée non concluante.
— Qu’est-ce que vous espériez, au juste ?
— N’importe quoi. Que ton glyphe réagisse, qu’il te picote, qu’il disparaisse… Bref, qu’il fasse quelque chose.

L’adolescente s’attendait à essuyer une nouvelle vague de colère de la part de Léa, qui aurait été légitime à la vue des nombreuses manipulations dont elle avait fait les frais, mais la fillette se contenta d’arquer les sourcils avec l’air de quelqu’un qui réfléchit, avant de proposer :

— Vous voulez que je touche la pierre ?

Cassy et Cynthia s’observèrent mutuellement, surprises par une telle suggestion, et hésitèrent quant à la réponse qu’il convenait de donner. D’un côté, il serait sot de ne pas essayer, mais d’un autre, elles redoutaient les conséquences que cela pourrait entraîner pour Léa, si conséquences il y avait.

— Oui, vas-y, finit par lâcher Cassy, non sans appréhension à l’idée d’exposer potentiellement l’enfant à un péril.

Léa retroussa sa manche, juste assez pour dégager son glyphe. Son bras tressaillit lorsqu’elle l’appliqua contre le rocher, au contact duquel elle le maintint pendant plus d’une minute avant de reculer d’un pas en secouant la tête.

— Rien. Rien du tout. Désolée.
— Ne le sois pas, intervint Cynthia. Tu n’y es absolument pour rien.

Léa paraissait tout de même déçue, à l’instar de Cassy. Ces glyphes étaient décidément un mystère, qui semblait s’intensifier un peu plus à chaque nouvelle tentative infructueuse.

Elles n’échangèrent plus un mot tandis qu’elles reprenaient leur chemin jusqu’à Vestigion. Elles n’avaient rien d’autre à dire, et surtout, il faisait trop chaud pour envisager de bavarder. Comme les températures n’eurent de cesse de s’accroître au cours des heures qui suivirent, ce furent assoiffées et trempées de sueur qu’elles pénétrèrent dans la ville.

Elles s’engouffrèrent dans le premier supermarché qu’elles aperçurent afin d’acheter des bouteilles d’eau fraîches, car elles avaient englouti le contenu des leurs durant leur longue marche. Elles en profitèrent également pour se munir d’un guide de Vestigion, à l’intérieur duquel Cynthia releva l’adresse de trois hôtels. Le plus proche se situait au sud-ouest de leur position, à proximité du musée.

— Vous devriez aller admirer les statues de Dialga et de Palkia qui se trouvent à l’entrée, suggéra le Maître de Sinnoh. Elles sont vraiment magnifiques. Selon la rumeur, l’artiste qui les a ouvragées s’est inspiré de gravures anciennes, disparues depuis lors.

Suivant ce conseil, le trio se sépara. Cassy et Léa partirent de leur côté pendant que Cynthia se chargeait de réserver une chambre pour trois personnes. Elle avait prévu de passer la nuit à Vestigion, afin d’avoir assez de temps devant elle pour effectuer des recherches à la bibliothèque.

— L'être du temps… L'être de l'espace… murmura Cassy.

Du bout des doigts, elle caressa les inscriptions gravées sur les plaques dorées fixées au socle de chaque sculpture. Le texte était écrit en zarbi, mais Cynthia avait entrepris de lui apprendre comment déchiffrer cet alphabet antique. Elle lui donnait quelques cours, le soir, au coin du feu, quand l’adolescente n’était pas trop fatiguée par le voyage. La Championne avait estimé qu’il lui serait peut-être un jour utile de posséder ce savoir, notamment s’il lui fallait traduire un document par elle-même.

Cassy recula ensuite de quelques pas pour mieux observer les statues. Elles étaient monumentales, majestueuses… En d’autres termes, elles correspondaient parfaitement à l’image que la jeune fille se faisait des deux Dragons légendaires. Bien qu’il ne s’agisse que de représentations de pierre, elle avait presque l’impression de sentir la puissance de leurs auras.

— Je croyais qu’ils étaient trois, s’étonna Léa.
— Ils le sont, mais Giratina est très… controversé. La Pokible et les divers mythes et légendes qui le concernent ne donnent pas de lui une image très flatteuse. Le maître des dimensions, comme il est souvent nommé, aurait trahi Arceus et tenté de s’élever contre lui avant d’être banni dans le Monde Inversé.
— Oh… Il doit être aussi effrayant que Darkrai, alors.

Cassy acquiesça, même si elle redoutait davantage le pokémon noirtotal que le renégat. Contrairement à Giratina, condamné à vivre reclus pour l’éternité, Darkrai errait chaque nuit de par le monde, en quête d’une nouvelle victime. C’était du moins ce qu’affirmait la Pokible.

— Nous devrions rejoindre Cynthia, déclara l’adolescente après quelques minutes d’observation supplémentaires. Puisque nous sommes ici pour plusieurs jours, nous aurons tout le temps de visiter le musée à un autre moment.

Elle passa une main sur son front luisant de transpiration. Une légère brise s’était levée, mais elle ne suffisait pas à rendre la température moins accablante. Des mirages de chaleur se formaient au ras du sol, sur l’asphalte d’où émanait une désagréable odeur de goudron fondu.

Peu de gens déambulaient dans les rues, et ceux qui le faisaient longeaient l’ombre des bâtiments, afin de ne pas s’exposer aux rayons incandescents du soleil. Cassy les regardait distraitement, du coin de l’œil, tandis que Léa et elle mettaient le cap sur l’hôtel où elles retrouveraient Cynthia.

Soudain, le cœur de la jeune fille s’emballa. Elle venait de remarquer une blouse blanche, qui attira son attention comme un aimant. Envoûtée par cette vision, elle fit un pas dans sa direction, presque opposée à celle qu’elles suivaient jusque-là. Léa s’en aperçut et l’interrogea quant à ce brusque changement de trajectoire. Cassy ne lui répondit pas.

Elle continua d’avancer, mais la personne qu’elle avait repérée s’éloignait déjà et aurait bientôt disparu au bout de la rue. Lorsque cela se produisit, l’adolescente s’immobilisa, les lèvres entrouvertes, le regard vitreux, l’air absent.

— Cassy ? Tu vas bien ? s’inquiéta Léa en la saisissant par le bras pour la secouer de toutes ses forces.
— Non… chuchota la jeune fille. Je…

Pâle comme un linge, elle perdit connaissance avant d’avoir pu terminer sa phrase et s’effondra sur le trottoir brûlant, tandis que les ténèbres l’engloutissaient. Comme le soleil ne parvenait plus jusqu’à elle, Cassy se mit à grelotter. Il faisait très froid, désormais. Elle tentait de se recroqueviller sur le sol invisible quand une brume jaillit du néant pour l’envelopper.

Précautionneusement, l’adolescente se redressa. Ses jambes étaient molles, à l’instar de tous ses muscles, et elle ne distinguait rien autour d’elle. Le monde semblait plongé dans l’obscurité à perte de vue. Elle décida de fendre le brouillard à tâtons, ses mains tendues devant elle pour se prémunir contre un éventuel obstacle.

Elle progressait depuis un moment lorsqu’elle finit par apercevoir quelque chose, dans le lointain, qu’elle prit pour une lumière. Oubliant toute prudence, Cassy se précipita à sa rencontre.

— Vous…

Ce n’était pas une lueur que la jeune fille avait entrevue, mais le corps d’albâtre d’une femme à l’impressionnante chevelure rousse, celle-là même qui lui était apparue sur le Mont Couronné. Cassy s’arrêta à une distance respectueuse et l’observa. Ainsi qu’il le lui avait semblé la dernière fois, elle était complètement nue.

— Qui êtes-vous ? s’enquit l’adolescente dans un souffle. Est-ce que… vous êtes réelle ? Ou est-ce que je suis juste en train de rêver ?
— Les rêves sont un excellent canal de communication, répondit l’autre avec un sourire énigmatique.

Cassy réprima un frisson. Il y avait quelque chose chez son interlocutrice qui ne lui inspirait pas confiance. Elle paraissait nimbée d’une aura malveillante, que l’adolescente pouvait percevoir malgré la demi-douzaine de mètres qui les séparait.

— Qu’est-ce que vous me voulez ? interrogea-t-elle d’une voix qu’elle s’efforça de garder ferme.
— C’est toi qui veux quelque chose de moi, répliqua la femme avec malice. Tu convoites les informations que je détiens.
— Comment le pourrais-je ? Je ne vous connais même pas.

Cassy se mordit la lèvre en prenant conscience de son erreur. N’était-ce pas précisément ce que l’inconnue lui avait dit, juste avant leur visite des Colonnes Lances ? Que si elle ne la connaissait pas, jamais elle ne saurait ?

— Voilà pourquoi tu n’avances pas.
— Dans ce cas, aidez-moi, au lieu de vous exprimer par énigmes !

Le sang de Cassy ne fit qu’un tour lorsque la femme fondit sur elle, ne s’arrêtant qu’à une poignée de centimètres de son visage. L’espièglerie de ses traits avait laissé place à une expression menaçante.

— Ne t’avise plus jamais de me donner un ordre, c’est clair ? cracha-t-elle.

La terreur manqua de submerger Cassy, mais elle s’obligea à endiguer son flot. Elle ne devait pas se laisser intimider par quelqu’un qui n’était peut-être qu’une hallucination, le fruit de son esprit abattu par des semaines de recherches infructueuses. Avec toute la bravoure qu’elle parvint à rassembler, elle lança :

— Vous bluffez. Vous n’êtes que le produit de mon imagination, et de ce fait, vous n’avez aucun moyen d’en savoir plus que moi.
— C’est vraiment ce que tu crois ? Eh bien, tant pis pour toi.

Avec grâce, la femme tourna les talons et repoussa nonchalamment sa longue chevelure de feu, qui pendait telle une cape jusqu’à ses mollets. Sa main s’attarda dans ses boucles, au niveau de son cou, dévoilant un bref instant sa gorge laiteuse. Elle était ornée d’un symbole, que l’adolescente eut tout juste le temps de remarquer.

— Attendez ! s’écria-t-elle. Vous…

Trop tard. À l’endroit où l’inconnue se tenait encore une fraction de seconde plus tôt, il ne restait plus que les limbes.