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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 16/02/2013 à 11:18
» Dernière mise à jour le 10/09/2020 à 01:19

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 34 : Je mens
« La vie est une paire de claques
Un vaste débat
De haut jusqu'en bas »


Je mens - Benjamin Biolay



— Sven ? s'exclama Cassy. Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Et toi ? Je ne pensais pas qu'il y aurait de la concurrence.
— De la concurrence ? De quoi parles-tu ?
— De cambriole, ma chère. Tu as décidé de recommencer, malgré ta petite mésaventure ?
— Ma petite…

Cassy mit quelques secondes à comprendre ce que Sven entendait par là. Elle avait totalement oublié que, le jour de leur rencontre, elle avait prétendu être une voleuse en fuite qui tentait désespérément d’échapper à l’agent Jenny et à ses subordonnés.

— Non, se ressaisit-elle. Je ne suis pas là pour commettre un crime. J’accompagne une amie, et autant te prévenir : tu as mal choisi ton jour pour t’introduire ici. Bien que le Musée Minier soit fermé, Pierrick, le Champion d’Arène, a consenti à nous servir de guide pour une visite tout à fait exceptionnelle, à la demande de Cynthia Shirona.
— Cynthia Shirona ? répéta Sven, qui sembla perdre momentanément son assurance. Le Maître de Sinnoh ? Elle est ici ?
— Elle est même à ta recherche, et si jamais ta route devait croiser la sienne, m’est avis que tu n’aurais aucune chance d’en réchapper.
— Qu’est-ce qui a pu amener une apprentie voleuse traquée par la police à frayer avec la dresseuse la plus réputée de la région ?
— Même si je te le disais, je pense que tu ne me croirais pas…

Comme Sven ne releva pas, Cassy profita du silence qui venait de s’installer entre eux pour le détailler de la tête aux pieds. Il arborait une combinaison moulante en cuir noir, ainsi qu’un bonnet qui dissimulait sa chevelure sauvage. Un harnais était fixé à sa taille, probablement celui qu’il avait utilisé pour se laisser glisser le long de la corde. D’autres objets divers étaient accrochés à son ceinturon.

— Qu’est-ce que tu es venu chercher ? demanda Cassy. Et depuis quand es-tu un voleur ?
— Voleur est un terme extrêmement réducteur, comparé à ce que je fais. Toutefois, je veux bien reconnaître que mon emploi consiste principalement à exécuter des actes douteux au regard de la loi et de la morale. Disons pour faire simple que j’accomplis des missions.
— Des missions ? Tu veux dire... Pour le compte de quelqu’un ?
— Tu es une petite futée, toi, susurra Sven en se penchant vers elle pour déposer un nouveau baiser sur ses lèvres entrouvertes. Effectivement, je reçois mes instructions d'une personne que l’on peut théoriquement considérer comme mon supérieur, contrairement à toi qui as la chance inouïe de servir tes propres intérêts.

Cassy grommela une réponse inaudible. Elle regrettait de s’être présentée à Sven comme une voleuse pour justifier sa volonté de fuir coûte que coûte la police alors que le jeune homme s’avérait être un véritable criminel.

— Ta situation est d’ailleurs telle que je ne devrais même pas me compromettre avec toi, ajouta-t-il. La règle d’or, dans un milieu comme celui dans lequel nous évoluons tous deux, c’est de ne jamais courir de risques inutiles.
— Pourquoi est-ce que tu l’enfreins, dans ce cas ?

L’interrogation de Cassy parut le déstabiliser, car il cessa net de fouiller le placard vers lequel il s’était dirigé pendant qu’ils parlaient. Il reprit sa tâche, tout en ayant l’air de réfléchir à la question. Plus de deux minutes s’écoulèrent, durant lesquelles il examina le contenu de plusieurs tiroirs, avant de déclarer :

— Sais pas. Il faudra sérieusement que je songe à méditer là-dessus.

Des coups précipités retentirent contre la porte métallique du laboratoire, couvrant presque la fin de la phrase de Sven. La voix de Cynthia leur parvint, déformée par l’épaisseur du battant. Elle appelait Cassy, qui ne lui répondit pas immédiatement. Elle se contentait de suivre le jeune homme des yeux, tandis qu’il continuait à chercher elle ne savait quoi.

Elle comprit qu’il avait trouvé ce qu’il était venu dérober lorsqu’une expression de triomphe illumina son séduisant visage. Il s’agissait d’un épais dossier, que Sven se hâta de glisser à l’intérieur d’une large poche cousue dans le dos de sa combinaison. Il s’éloignait déjà vers la corde qui pendait toujours au centre de la pièce quand Cassy fit un pas audacieux dans sa direction.

— Qui t’emploie ? lança-t-elle brusquement.
— Secret professionnel.

Sven porta deux doigts à sa tempe afin de la saluer, geste qu’il accompagna d’un sourire enjôleur. Il se hissa ensuite jusqu’au toit à la force des bras, puis s’éloigna en courant sur la paroi vitrée. Quand il sortit du champ de vision de Cassy, celle-ci continua à fixer l’endroit où il avait disparu. Elle fut ramenée à la réalité par six bips sonores.

Le code numérique déverrouilla la porte du laboratoire, que Cynthia repoussa de toutes ses forces pour s’engouffrer dans la pièce, Pierrick sur ses talons. Tous deux avaient une pokéball à la main, mais elles ne leur serviraient à rien. Ils arrivaient trop tard.

— Cassy, tu vas bien ? s’enquit la Championne d’un ton affolé. Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas répondu ? J’ai eu tellement peur pour toi ! Que s’est-il passé ?
— Je… Je n’ai rien. Le voleur ne m’a pas fait de mal. J’ai voulu le retenir, mais… Il s’est enfui par là.

Elle pointa du doigt le cercle que Sven avait découpé dans le plafond de verre, celui par lequel il était entré et sorti sans que quiconque ait l’occasion de l’inquiéter véritablement. Pierrick balaya la pièce du regard, tandis que Cynthia attirait Cassy contre elle pour la serrer dans ses bras.

— Est-ce que tu as eu le temps de voir à quoi il ressemblait ? demanda le Charbourgeois.
— Il portait une cagoule, mentit Cassy. Je n’ai pu distinguer que ses yeux. Ils étaient sombres. Et sa silhouette… Assez grande, plutôt athlétique.
— Et tu sais ce qu’il a dérobé ?
— Des dossiers, je crois. Non, un seul gros dossier, pour être exacte. Je suis navrée, j’aurais aimé faire plus, mais il m’a surprise en refermant la porte derrière moi et…
— Tu n’as pas à t’en vouloir, Cassy, assura Cynthia. Tu n’aurais même jamais dû courir un tel risque. C’était certes courageux, mais surtout inconsidéré. Cet individu aurait pu te tuer.
— Ce n’était pas son intention, murmura la jeune fille. Cynthia… Il n’a volé que des documents scientifiques.

Cassy accentua volontairement chacune des syllabes de la phrase qu’elle venait de prononcer, mais le Maître de Sinnoh ne réagit pas immédiatement. Ce ne fut que lorsque l’adolescente lui pressa légèrement le bras qu’elle comprit.

— Oh ! laissa-t-elle échapper. Il… Oui. Hum… Pierrick, est-ce que tu as encore besoin de moi ? Ces pauvres filles sont en état de choc, et je pense qu’il vaudrait mieux que je les éloigne du musée pour les rasséréner. Ici, tout leur rappelle ce qu’elles viennent de traverser.
— Tu as raison. Emmène-les dans un endroit tranquille. De toute façon, notre malfrat s’est échappé : il n’y a rien que nous puissions faire de plus.
— Je suis sincèrement désolée, j’aurais voulu t’être d’une plus grande aide.
— Ne le sois pas. Sans toi, je n’aurais même pas été sur les lieux, et qui sait ? Il aurait peut-être tenté de dérober plus de choses s’il ne s’était pas retrouvé nez à nez avec Cassy.
— Peut-être, admit Cynthia avec un rictus crispé. Bon, eh bien… Tiens-moi au courant, d’accord ?

Pierrick le lui promit, après quoi le Maître de Sinnoh entraîna Cassy dans le couloir, où une Léa profondément chamboulée par les évènements récents les attendait. Son regard était agité, il ne parvenait pas à se fixer sur un point, pas même sur ses amies, et des frissons nerveux continuaient à parcourir son corps.

Cynthia lâcha Cassy pour prendre la main de la fillette dans la sienne, et elles quittèrent le musée sans se retourner. Comme elles n’avaient aucun endroit où aller, ayant rendu les clés de la chambre d’hôtel, la Championne décida de s’arrêter dans un café pour boire une grande tasse de choccolat chaud, dans l’espoir que cela aide Léa à se remettre de ses émotions.

— Pierrick va sûrement prévenir la police, murmura Cassy une fois qu’un serveur eut pris leur commande. Que se passera-t-il si des officiers souhaitent nous interroger ? L’agent Jenny a dû transmettre mon signalement à tous les commissariats de la région, et si on me reconnaît, je…

L’adolescente s’interrompit, submergée par la crainte que lui inspirait une telle éventualité. Cynthia ouvrit la bouche pour répondre, mais ses prunelles argentées se posèrent sur Léa, et sa proximité l’en dissuada. Elle se pencha plutôt vers l’enfant pour lui dire, avec un sourire avenant :

— Tu veux bien aller au comptoir demander à ce qu’on ajoute trois parts de cheesecake à notre commande, s’il te plaît ? Je ne sais pas vous, mais moi, toute cette effervescence m’a ouvert l’appétit.

Léa acquiesça docilement et sauta sur ses pieds, sans prononcer un mot. Elle ne s’était pas exprimée une seule fois depuis qu’elles étaient sorties du Musée Minier, un exploit pour elle qui était d’ordinaire intarissable.

Bien que les deux incidents n’aient rien de comparable, Cassy espérait que son amie ne garderait pas de séquelles psychologiques de ce qu’elle venait de vivre, contrairement à l’adolescente qui ne parviendrait jamais à chasser de sa mémoire le salon maculé du sang de sa famille.

Cynthia remua à côté d’elle, la tirant de ses sordides pensées, et sortit d’une poche de son manteau un objet qu’elle déposa sur la table, presque sous le nez de Cassy. En baissant les yeux, celle-ci découvrit un petit rectangle blanc plastifié. Sa fausse carte d’identité.

— J’avais prévu d’attendre que nous soyons aux Colonnes Lances pour te la donner, mais… Voilà !
— Cassy Rilène, lut l’intéressée. Originaire de… Kanto ?
— Je me suis dit que ça brouillerait davantage les pistes si je remplaçais ta région de naissance par ta région d’adoption, sourit Cynthia. Le contact de Lucio a effectué un travail irréprochable. N’importe qui s’y tromperait, même le plus aguerri des policiers. Et puisque tu n’es officiellement plus Katharina Granet, tu n’as rien à redouter d’eux. Enfin, c’est provisoire, bien sûr. Une fois que toute cette histoire sera terminée, tu seras libre de reprendre ta véritable identité.
— Ma véritable identité…

Les prunelles de Cassy se voilèrent de mélancolie. Quelle identité ? Celle qui l’avait poussée à croire pendant tout ce temps qu’elle avait treize ans, pour découvrir par hasard qu’elle était en réalité plus âgée de deux années ?

— Je ne suis même pas certaine de savoir qui je suis, confia-t-elle dans un souffle. Par moments, j’en arrive à penser que Katharina Granet a disparu dans ce salon avec toute sa famille, et que je suis réellement Cassy. Une Cassy qui enquête sur des choses qui lui étaient jusque-là étrangères.
— Je comprends, affirma Cynthia. À ce propos… Tu m’as fait une allusion, tout à l’heure, non ? Juste après le cambriolage.
— Un simple parallèle qui m’a traversé l’esprit, mais avec le recul, je ne suis plus si sûre que le vol au Musée Minier ait un rapport quelconque avec le capharnaüm que nous avons découvert dans la chambre d’Éric. Celui qui a mis la pièce sens dessus dessous devait être un barbare, alors qu’aujourd’hui, le cambrioleur a effectué un travail de professionnel. Pas de casse, pas de violence… Juste une vitre découpée. C’était presque… délicat, comme forfait. Rien à voir avec ce qui s’est passé à la ferme.
— Et si… Est-ce que tu penses que nous pourrions nous tromper sur toute la ligne ?
— À quel sujet ?
— Eh bien, peut-être faisons-nous erreur en songeant que la disparition de ta famille et le fait que la chambre d’Éric ait été fouillée soient liés.
— Non, ça a forcément un rapport, décréta Cassy. Personne ne savait rien de nous, hormis, si l’on s’en tient à la déduction de Régis, la personne que mes parents cherchaient à fuir. Si c’était un simple voleur qui s’était introduit chez nous à la recherche d’objets de valeur, il aurait mis toutes les pièces à sac, pas juste celle d’Éric, or les autres n’ont pas été touchées. Ça ne peut pas être une coïncidence, j’en mettrais ma main au feu.
— Laissons ça de côté pour le moment, suggéra Cynthia. Dans l’immédiat, nous n’avons aucun moyen d’y voir plus clair. Concentrons-nous plutôt sur notre objectif actuel, c’est-à-dire les glyphes. Cet après-midi, dès que le Concours sera terminé, nous nous mettrons en route pour les Colonnes Lance, et j’espère sincèrement que nous y découvrirons quelque chose d’intéressant.

Cassy acquiesça et la conversation en resta là entre les deux amies, car Léa revint au même moment, escortée par un serveur qui transportait sur son plateau les trois choccolats chauds et les parts de gâteau. La fillette se réinstalla sur sa chaise pendant que l’homme déposait leur commande sur leur table. Il s’inclina ensuite respectueusement face à Cynthia et tourna les talons.

Léa avait à présent meilleure mine. Elle avait cessé de trembloter, et ses joues reprenaient des couleurs. Quant à son appétit, il semblait au beau fixe, puisqu’elle engloutit son morceau de cheesecake en trois coups de cuillère.

Cassy, tout en picorant le sien, laissa ses pensées dériver du côté de Sven. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il puisse s’agir d’un criminel, mais après tout, que savait-elle de lui ? Absolument rien. Peut-être ne connaissait-elle même pas son vrai nom si, tout comme elle, il se dissimulait derrière un pseudonyme.

Elle s’en voulait néanmoins d’avoir songé, ne fût-ce qu’un instant, qu’il puisse être lié à l’attaque de sa ferme. Il était indubitablement un voleur, mais il n’avait rien d’un monstre capable de laisser derrière lui une pièce sanguinolente après avoir fait disparaître tous les habitants d’une maison. Un individu aussi ignoble ne se serait pas donné la peine de l’aider la nuit de leur rencontre.

Et pourtant… Un élément renforçait les doutes de Cassy. Éric travaillait sur les Gijinkas, des créatures qui, selon la légende, remontaient à l’aube des temps. Quant à Sven, il avait dérobé un dossier concernant très certainement les recherches actuelles du Musée Minier, c’est-à-dire la résurrection d’espèces éteintes.

Lui n’avait peut-être aucun lien avec l’affaire Granet, mais il avait admis avoir un commanditaire, bien qu’il ait refusé de révéler son identité. Qui que soit cet individu, pouvait-il être celui dont Cassy avait la ferme intention de se venger ? Celui qui avait scellé le sort de sa famille ?

Cette idée la perturbait tant que le choccolat parut prendre un goût âcre dans sa bouche. Elle songea à partager ces nouvelles réflexions avec Cynthia lorsqu’elles auraient une autre occasion de discuter seule à seule, à distance des oreilles de Léa, mais elle se ravisa. Cela impliquerait de lui avouer que non seulement elle connaissait le cambrioleur, mais aussi qu’elle n’avait rien tenté pour l’arrêter, en dépit de ce qu’elle avait prétendu, or elle craignait que la Championne ne cautionne pas un tel comportement, même de sa part.

Cassy devrait donc garder pour elle ces pensées qu’elle ne pouvait s’empêcher de ruminer. Elle avala une autre gorgée de choccolat chaud, déglutit péniblement et laissa son regard se perdre dans le vague.

Comme Cynthia l’avait souligné, leur prochaine étape serait les Colonnes Lances, et Cassy se tiendrait alors au plus près d’Arceus. Peut-être entendrait-Il ses prières, celles qu’elle Lui adressait tous les soirs, et qu’Il les exaucerait enfin, car elle avait plus que jamais besoin de Ses lumières…