Chapitre 47: Retrouvailles
Les mains dans les poches, Aaron fixait les Cornèbres qui s'approchaient toujours plus de lui. Lui, n'esquissait pas le moindre geste, se contentant de fixer ces oiseaux, qui semblaient surpris qu'un humain reste aussi stoïque face à eux. L'un d'eux s'approcha à quelques dizaines de centimètres à peine du jeune homme aux cheveux bruns. Ce dernier tendit son bras.
« Le ciel a porté des monstres tellement plus majestueux ... mais aujourd'hui, on arrive à être fasciné par des choses aussi insignifiante qu'un Cornèbre. Haha ... c'est ridicule ! » fit Aaron, d'un rire nerveux. « Bon désolé, les oiseaux. Mais j'ai autre chose à faire, en ce moment. Du genre ... aller aux premières loges pour un futur spectacle plus qu'intéressant ! »
Sitôt après que ces mots furent prononcés, une vague d'énergie glaciale congela instantanément tous les Cornèbres qui étaient face à Aaron, sans qu'aucun ne puisse avoir le temps d'y échapper. L'enfant, qui avait accompagné Aaron jusque là, resta incrédule. Il ne comprenait pas comment cela était possible. Cela le dépassait complètement. Logique, non ? Aaron tourna les talons et passa devant le petit enfant, encore tétanisé par le spectacle qui venait de se produire devant ses yeux.
« Ils ont prit un coup de froid, je pense. » ricana l'homme en blouse, remettant ses lunettes en place. « Tu peux aller prendre tes fruits maintenant. »
Pas de réponse. Bien entendu ... c'était logique. Il ne comprenait rien à la situation, c'était un gamin. De toutes manières, Aaron ne souhaitait pas de réponse. Cela lui allait, ainsi. Lui, il avait du chemin à faire pour rattraper les deux Projets qui prenaient un peu d'avance. Ce n'était que temporaire. Cette avance, il la reprendrait sans trop forcer. Car les obstacles de ces personnes ne sont pas les siens. Lui n'en a pas. C'est l'avantage de passer après que les femmes de ménager. L'endroit est propre. Le jeune homme retint un léger rire sarcastique à cette pensée. Bon, de toutes manières, il faudrait quand même se dépêcher s'il ne voulait rien manquer. Hors de question de faire comme sur l'île Ten'Gaï cette fois-ci. Son rôle n'allait pas être aussi passif.
***
La nuit était tombée maintenant. Partir vers les Montagnes Kazansan n'était pas ce que l'on pourrait qualifier de facile. Miréna était déjà endormie dans la tête qu'elle avait montée, tandis que celle de Mydreï était vide. Lui, était dehors. Le vent frais de l'obscurité soufflait sur lui. Son regard était tourné vers l'horizon. Ils avaient quittés le Village de la Pleine Lune. D'ici, il regardait l'astre céleste. Il était resplendissant de beauté, et sa lumière argenté éclairait les environs. Cette atmosphère détendait le jeune homme. Il était silencieux. Bizarrement, il avait l'impression qu'ils n'auraient pas l'Institut tout de suite. Dans le même temps, il savait qu'il y avait quelque chose d'immensément important aux Montagnes Kazansan. Il le sentait. C'était plus qu'une intuition. Mais il n'avait pas beaucoup d'armes. Avec l'épée du Dragon, il en avait une belle et neuve. A celle-ci s'ajoute son marteau qu'il a depuis un bout de temps maintenant, et enfin la dernière ... celle-ci, il n'a pas envie de l'utiliser. Elle était beaucoup, beaucoup trop dangereuse. A tel point qu'il n'avait pas souhaité l'utiliser même lorsque le combat décisif qui l'avait opposé à Aryen sur l'île Ten'Gaï avait eu lieu. Même lorsque la vie de Miréna et de Karl avaient été mise en jeu. Car non ... cette arme là, s'il la possède, c'est surtout ... pour que personne d'autre ne puisse s'en servir.
Et pourtant ... il a l'impression que quelque chose semble perturber cela. Au fur et à mesure qu'il avance vers les Montagnes, il ressent une étrange présence qui fait vibrer sa dernière arme depuis l'intérieur. L'âme du Pokémon qui y repose est presque attirée par quelque chose d'extérieur. Le jeune homme ouvrit son sac. Ses yeux traduisirent une partie de surprise. Cette petite aura sombre qui entourait son arme ne le rassurait pas. En terme de destruction, cette dernière surpassait de loin toutes les armes qu'il avait jamais manié. Il ne fallait pas que cela se produise.
Serrant les poings, et refermant son sac, le jeune s'asseya sur les bords de la petite falaise. Rester là, à contempler une partie de ce ciel argenté. Lorsque l'on prend le temps de le regarder, cette divine création qu'est le monde est vraiment ... magnifique. Il ne s'en était pas aperçu, jusque là. Jusque là ... il avait gagné sa vie bêtement et sans réfléchir. Tss. Ce n'était peut-être pas son point fort après tout. Au bout de quelques minutes, le jeune homme regagna sa tente. Il fallait marcher demain, et cela nécessitait d'être en forme. Une bonne nuit de sommeil, ne faisait jamais de mal.
***
L'obscurité était devenue souverraine ici aussi. Dans le château terne que possédait Réliana et les quelques mercenaires qui étaient à son service. La maîtresse des lieux se trouvait dans sa chambre personnelle, les yeux mi-clos. Son visage était tourné vers ce plafond qu'elle connaissait parfaitement depuis des années maintenant. Pourquoi le remarquait-elle simplement aujourd'hui, qu'il est aussi triste ? Serait-ce dû à de l'anxiété ? C'est vrai ... dans sa demi torpeur, la jeune femme sentait son coeur se serrer un petit peu derrière sa poitrine. Est-ce que ... elle avait peur ? Mais de quoi ? Ses pouvoirs lui suffiraient pour battre Sériane. Oui ... c'était sur. Mais ... pourquoi sentait-elle que quelque chose l'effrayait, alors ? Voulait-elle se rassurer elle-même, quit à se voiler la face, tant pour elle que devant ses compagnons qui l'accompagnait ? Trop fière sans doute, pour pouvoir ne montrer qu'une once d'hésitation devant eux ? Et pourtant là ... elle n'a jamais été aussi anxieuse de toute sa vie. Mais la perspective du combat face à Sériane n'était pas la seule chose qui préoccupait la jeune femme au regard écarlate. Les yeux de la jeune femme s'ouvrirent, et son regard était posé sur sa lance à la forme si particulière. Cette dernière ne l'inquiétant nullement d'habitude, mais cette fois-ci, cela lui paraît différent. C'est sans doute ce manque d'habitude, des conflits. Elle n'y était pas habituée, voilà tout. Elle ne sortait jamais de ce manoir. Pour les achats de provision, et toutes ces choses banales, il y avait bien des personnnes qui le faisait. Raven ... c'était elle, qui pouvait s'en occuper. Maintenant, elle n'était plus. Réliana serra un petit peu les dents. Quelle imbécile ... elle avait envoyée elle-même cette femme se battre, et elle serait prise de regrets ? Non ... elle n'avait pas le temps pour de telles choses. Elle était la troisième Exterminatrice, et bien plus encore. Ces derniers temps, les choses ne marchent pas du tout comme il le faudrait. Dreynos a été éliminé, Raven aussi, de nombreux autres mercenaires liés à cet endroit ont périt ... et à chaque fois, à cause de ces femmes. Le Projet P-M-1, Sériane Ocyna. Le Projet P-M-5, Miréna Vrayden. Elles allaient être éliminées. Et c'était elle, qui allait s'en charger. Depuis tout ce temps ... elle en avait besoin, maintenant. Elle ne pouvait plus attendre. Elle ne pouvait pas dormir. C'était au-dessus d'elle. La jeune femme se redressa un petit peu sur son lit. Son regard quitta la seule pièce dans laquelle elle était confinée depuis tant d'années déjà, pour atteindre le monde extérieur, que la fenêtre lui offrait.
Le monde extérieur ... à quoi ressemblait-il, déjà ? Réliana soupira. Elle était trop impatiente visiblement. Les rares moments où son existence monotone pouvait chavirer, elle les prenait sans doute trop à coeur. Et fonçait droit dans des désillusions qui ne l'enfermeraient que davantage dans cette bulle qu'on nomme vie. Soit ... la jeune femme se rallongea, et ses paupières se fermèrent. Jusqu'au lever du jour.
Les rayons de soleil n'apparaissaient pas. Mais le jour était en principe levé. Dans le monde, c'était ainsi fait. Pas ici. Pas dans l'obscurité règnante. Pas au-dessus de son manoir. Pas à l'entrée d'un monde de terreur et de ténèbres. Réliana ouvrit ses yeux écarlates. Le grand jour approchait. Sériane n'était sans doute pas encore arrivée jusqu'ici, mais cela ne saurait bien tarder. Les Montagnes Kazansan n'étaient pas si éloignées du Village de la Pleine Lune, lieu sur lequel la jeune femme aux cheveux bleus avait effectué une petite démonstration, il y a peu de temps. Quelques jours suffirent pour venir jusqu'ici. Mais ces jours se font longs. Trop longs. Comme ces minutes, puis ces heures qui défilèrent, sans que rien se produisit.
« Cheffe Réliana. » fit une voix provenant de l'extérieur de la pièce.
Le regard de la jeune femme se tourna là-bas, tandis qu'elle prenait en même temps la lance qui se trouvait non loin d'elle.
« Entre donc, Aryen. » répondit la Troisième Exterminatrice.
La porte s'ouvrit, laissant apparaître le Deuxième Exterminateur, toujours enveloppé de sa sombre tenue qui cachait une grande partie de son corps, Ici, il laissait néanmoins apparaître son visage à celle qui était sa supérieure.
« Je suis venu pour ... »
« Si c'est pour tenter une nouvelle fois de me dire que me battre n'est pas une bonne idée, tu sais très bien ce que je vais te répondre. » coupa rapidement Réliana en s'asseyant sur sa chaise, en face de son interlocuteur.
« Non, ce n'est pas le cas, Madame. » rétorqua simplement Aryen, d'un ton respectueux. « Je voulais simplement vous avertir que selon nos dernières estimations, Sériane sera ici d'ici deux jours si elle ne se trompe pas de chemin, et Miréna ne devrait pas être très longue ensuite. »
« ... Très bien, merci. As-tu autre chose à ajouter ? » rétorqua son interlocutrice.
« Je voudrais aller moi-même tester plus précisément les pouvoirs de Sériane et de Miréna. »
« Nous en avons déjà parlé, et je t'ai dit que non, n'est-ce pas ? Mon avis n'a pas changé à ce sujet. Et ne cherche pas à discuter, je suis très claire là-dessus. »
Aryen hocha la tête, avec une forme de résignation. Faire changer d'avis cette femme semblait être une mission impossible lorsqu'elle avait finalement décidé quelque chose. Eh bien ... sans demander son reste, l'Exterminateur rebroussa chemin, saluant une dernière celle à qui il devait obeissance. Cette dernière le regarda partir. Deux jours ? C'était quand même long ... deux jours. Elle aurait presque voulu que tout se passe dès maintenant.
Elle soupira, une nouvelle fois.
***
Les Montagnes étaient bien visibles. Elles n'étaient plus très loin, maintenant ! Mydreï avançait d'un pas décidé. Il semblait bien plus déterminé qu'il ne l'était ces derniers jours, ce qui eu même pour don de surprendre son amie.
« Mydreï ... est-ce ... ça va ? » demanda Miréna, au bout de plusieurs minutes de marche, brisant ainsi le petit silence.
« Hein ? Oui, pourquoi ça n'irait pas ? » rétorqua l'intéressé, en se retournant.
« C'est juste que ... non, en fait, je ne sais pas. J'ai l'impression que tu as changé. »
« Changé ? Comment ça ? Je suis toujours le même, ne t'inquiètes pas. »
Après ce bref échange, peu productif, ils reprirent néanmoins leurs marches. Il ne fallait pas traîner sur ces sentiers de plus en plus escarpés. Heureusement qu'il n'y avait pas d'escalade à effectuer, cela aurait été très difficile, surtout pour Miréna, qui n'a pas vraiment reçu l'entraînement nécessaire pour effectuer pareil exercice.
En chemin, ils ne parlaient pas beaucoup. Chacun était concentré dans ses propres pensées, ses motivations. Miréna pensait toujours à l'Institut. A cette organisation si étrange ...
« Dis-moi, Mydreï. » commença la jeune femme.
« Je t'écoute. » répondit le jeune homme, tandis qu'ils continuaient leur route.
« Est-ce que tu sais comment Cynthia a terminé sa vie ? »
« ... Cynthia ? Celle de ton livre ? »
« Oui ... en fait, je ne sais pas comment elle finit. J'aurais aimé le savoir. »
« Désolé mais je ne connais pas grand chose à son sujet. » répondit le jeune homme, avec un peu de dépit dans son ton.
Miréna hocha la tête. Bon ... c'était normal, hein ? Pas évident de retrouver les traces de cette femme après des générations. Elle ne lui en voulait bien sûr pas ... mais, en revanche, quelque chose allait être plus ennuyeux. Tous d'eux s'arrêtèrent. Il y avait encore quelqu'un, devant eux. Cette situation ressemblait trop à celle qui a conduit à l'affrontement avec Raven. Mydreï sortit son épée aux pouvoirs du Dracolosse, prêt à se battre. L'ombre avançait de manière nonchalente vers eux, les mains dans les poches .. de sa blouse blanche.
Miréna écarquilla les yeux.
« Hahaha ... ça fait un moment ! Miréna Vrayden, Projet P-M-5 ! Que je suis content de te revoir ! »
Cet homme ... Le Docteur Aaron Reiken. Mais que faisait-il dans un endroit pareil ? C'était ... si étrange.