025 - La conférence, première partie
« Ne donnez pas d'explication : les amis vous comprennent et les ennemis ne vous croient pas. »
(Elbert Hubbard)
« Nous on va faire la révolution,
Avec ceux qui n'ont jamais raison.
Ils comptent pas pour du beurre !
Nous on va faire la révolution,
Qu'à cela ne tienne,
On a des munitions. »
(RoBERT, La Révolution)
« En Flashbacks : Rien »
(Domino)
(Pour rappel, les flashbacks verts représentent des scènes d'un « futur alternatif », qui ne se déroulera jamais mais qui aurait pu se dérouler si le personnage avait pris tel ou tel chemin)
Salle blanche.
Deux personnes, assises face à face dans des canapés noirs.
Elle s'appelle Tara. Brune, les cheveux attachés, elle est maquillée et piercée. Plutôt jeune. Habillée assez sérieusement mais pas non plus comme si elle allait passer un entretien, plus comme si elle allait faire une rencontre décontractée avec quelqu'un de sérieux.
Lui s'appelle Joe. Quelqu'un de simple, assez jeune, lunettes, brun.
- Tu sais ce qui va se passer ?! demanda Tara.
Joe secoua la tête.
- Moi non plus. J'ai hâte de savoir.
Joe acquiesça mollement. On ouvrit une porte à la droite de Joe. Une sorte de secrétaire - hôtesse d'accueil - dame de service.
- Bonjour. Veuillez me suivre.
Les deux hôtes se levèrent et suivirent la dame plutôt petite, grassouillette, l'air assez âgée, avec de grosses lunettes.
- Je m'appelle Teresa. Je suis la responsable de l'accueil ici. C'est à moi que tout le monde se réfère pour savoir qui est où. C'est un gros travail.
Ils franchirent plusieurs couloirs. Tara semblait déterminée et sûre d'elle. Joe un peu plus suspicieux.
Le couloir suivant après une porte coupe-feu arborait une pancarte :
« NOUVEL ORDRE POUR UN NOUVEAU MONDE »
Couloir suivant.
« DEVELOPPER UN POTENTIEL INEDIT POUR SOUTENIR UNE GRANDE CAUSE »
Tara semblait satisfaite. Joe se braquait de plus en plus.
« REVOLUTIONNER L'AVENIR »
- Nous y sommes presque, signifia Teresa.
Joe s'arrêta et leva les bras.
- Excusez-moi, je... je renonce à passer l'entretien-test.
Teresa examina le jeune homme.
- Vous êtes sûr ?
- O... Oui, j'ai le droit non ?
- Ah bien sûr, oui. Il apparaît également évident que je vous raccompagne à la sortie.
Teresa sortit un Neitram. La créature fixa Joe de ses yeux verts et téléporta le jeune homme à l'extérieur de l'immeuble.
Tara haussa les épaules.
- Je me doutais bien que c'était une chiffe-molle...
Teresa répondit avec un sourire entendu. Les deux femmes poursuivirent jusqu'au bout du couloir.
- C'est ici...
Teresa frappa à la porte.
« Oui ! »
Teresa ouvrit.
- Votre rendez-vous, monsieur.
- Une seule personne ?
- Oui.
- Oh... Qu'elle entre !
Teresa laissa entrer Tara, toujours aussi décontractée.
- Merci.
- Vous pouvez nous laisser, Teresa.
La dame ferma la porte.
- Asseyez-vous, je vous en prie !
Tara s'assit face à l'homme. Ses cheveux avaient la couleur du blé, étaient relativement longs mais disposés en bataille sur son crâne. Il portait un joli smoking. Ses grands yeux noisette étaient presque lumineux. Il n'était pas excessivement charismatique et on sentait qu'il n'était qu'un second couteau, sous quelque chose de plus grand que lui. Pourtant son bureau laissait à penser autre chose.
- Hm... Hm... Hmmm...
Il regardait une liasse de papiers. Tara observait, intriguée. L'homme la regarda, un peu surpris.
- Oh ! Mes excuses ! Je ne me suis même pas présenté !! Haha ! J'ai toujours de mauvaises manières avec les femmes, pardonnez-moi !
Il se leva et tendit la main.
- Je suis Seth Corrigan, ravi de vous rencontrer, Tara !
Elle lui serra la main.
- De même !
Il se racla la gorge, gêné de sa maladresse.
- Votre... Hm, votre test d'évaluation s'est avéré tout à fait convaincant. Vous semblez apte à être des nôtres et à entrer chez Direction Dresseurs !
Tara hocha la tête.
- Certes, mais... qu'est-ce que ça implique réellement, en fait ?
Seth afficha un grand sourire.
- Si vous saviez le nombre de fois qu'on m'a posé cette question !
***
Matinée. Perrine, Wallace, Walter et Naomi sont dans leur bulle. Ils semblent excessivement calmes. Helen a annoncé aux élèves que le programme de la matinée serait bousculé en raison de la conférence. La classe irait à la médiathèque pour effectuer quelques recherches, et les élèves qui le souhaitaient pouvaient se rendre à la conférence.
Walter et Naomi faisaient la queue devant la salle, tandis que Wallace et Perrine étaient sur un banc dans le couloir, cachés dans le bras perpendiculaire au couloir de la salle de conférence.
Naomi et Walter entrent dans la salle et se placent à peu près au milieu de la pièce, profitant de l'accès handicapé total de la salle. Walter semble quelque peu tendu, mais il fait confiance au dictaphone caché sous le bras gauche de son fauteuil roulant. Naomi, assise à ses côtés, souffla pour se détendre.
- Est-ce que je peux profiter du fait que nous soyons seuls pour te poser une petite question ?
- Oui, vas-y.
- ... pourquoi tu m'as pas envoyé de SMS hier ?
Naomi leva les yeux au ciel.
- J'étais fatiguée.
- Bah je sais pas, depuis quelques jours tu m'en envoies plein, on a de longues conversations par SMS interposés, on se raconte plein de trucs et hier plus rien !
- Oh ça va Walter, tu ne vas pas m'en vouloir parce que je ne t'ai pas envoyé de SMS hier soir !
- Je m'y étais fait à ces SMS, ça m'a manqué ! geignit Walter.
- Eh bien désolée de ne pas avoir satisfait ta faim de SMS, j'essaierais de me rattraper.
- Je plaisante, disons que j'étais inquiet !
Naomi acquiesça et montra son portable avec les 5 messages envoyés par Walter qu'elle n'avait pas lu.
- Un envoyé toutes les demi-heures, quelle précision !
- Merci, j'aime la régularité !
- Je sais pas, j'avais peut-être plus rien à te dire !
- Oh bah voyons ! souffla Walter.
Les gens entraient peu à peu dans la salle, il y avait des notables de la ville comme des médecins généralistes et quelques journalistes locaux, ainsi que quelques élèves de diverses classes. Naomi regarda Walter.
- Ne t'en fais pas, je me suis assurée que mon père ne viendrait pas.
- Je sais, tu me l'as déjà dit avant-hier, j'ai encore le SMS.
- Tu m'énerves ! grommela gentiment Naomi.
Mike et Steven firent leur entrée dans la salle.
- Oh non !
- Quoi ? Oh...
Naomi se cacha avec son bloc-notes. Walter la regarda.
- Tu...
- Je ne veux pas qu'il me repère !
- Naomi, euh...
Walter regarda son fauteuil roulant super discret et regarda de nouveau Naomi.
- S'il ne me voit pas, il ne viendra pas vers moi ! assura Naomi.
- Naomi, j'veux pas te dire que ton camouflage n'est pas efficace, mais...
Steven et Mike arrivèrent à la hauteur de Walter et Naomi.
- Hey ! Je savais qu'il n'y avait qu'un seul mec en fauteuil dans toute l'école !
Naomi baissa son bloc-notes, consternée par sa propre bêtise, et regarda Mike et Steven qui semblaient surpris de les voir ici également.
- Vous séchez aussi ? s'étonna Steven.
- Non, c'est pour notre devoir ! grommela Naomi.
- ... non, c'est pour notre devoir ! répondit plus calmement Walter.
- Ah... Ouais, ok. Nous c'est pour pas avoir à faire de recherches. Et pour laisser James tout seul avec Fey aussi, on est comme ça, nous, on est cool avec les couples ! Hein Mike ?
- Ta gueule, Steven ! souffla Mike.
- Hein ? Oh mais ça va, ça fait une semaine, c'est bon quoi !
Les deux s'assirent derrière Walter et Naomi qui du coup, cessèrent de discuter, embarrassés.
***
Perrine et Wallace observaient, grâce à un miroir installé exprès en face d'eux, les gens qui entraient et sortaient de la pièce. L'idée était d'Helen Clover.
Perrine inspira fortement.
- J'espère qu'ils auront assez d'informations, qu'on n'ait pas fait tout ça pour rien.
Wallace saisit la main de Perrine.
- Tout va bien se passer, t'en fais pas.
- ... je rêve ou tu me tiens la main ?!
- Je te tiens la main. Rassure-toi. Tout va bien se passer, c'est juste de l'espionnage !
Perrine ricana à cette blague. Wallace sourit.
- Désolée, je... je crois que je suis un peu fébrile, on semble si près du but...
- Ouais, je comprends. Et en même temps, ça fait bizarre de te voir réagir normalement.
- Normalement ?
Wallace acquiesça.
- C'est normal d'avoir peur face à l'inconnu.
Perrine acquiesça.
- Quand on ose, on morfle, hein ?
- Exactement.
Perrine ferma les yeux et respira calmement.
***
- Voilà. L'appartement est à vous !
Perrine signa la première. Elle avait bien grandi, mais elle était toujours aussi grosse.
- Et monsieur...
Wallace signa également. Look typique de l'homosexuel dans sa trentaine, chemise colorée, chaîne en argent, cheveux blonds décolorés.
- Tout est en règle ! A bientôt ! Pour le loyer !
- Hm !
- C'est ça...
La propriétaire partit. Perrine souffla.
- Enfin partie...
- Tu m'étonnes. L'emmerdeuse, quoi... souffla Wallace.
- Bon... On va pouvoir tout ranger correctement...
Les deux nouveaux colocataires s'activèrent à défaire leurs cartons.
***
Perrine s'activait dans le salon de parfaits inconnus, accompagnée d'une petite équipe de peintres.
- Vous respectez le patron de départ et vous n'en sortez pas, compris ?
- Hm !
- D'accord.
Elle regarda le croquis de départ sur le mur, représentant un Feunnec courant au milieu des flammes. « J'comprends pas leur engouement pour ce Pokémon... Il est moche ! »
***
Perrine rentra à l'appartement. Elle trouva Wallace sur le canapé à regarder la télé.
- Toujours pas trouvé de travail ?
- Nan.
Perrine posa son sac.
- Tu en as cherché au moins ?
- Oui... peut-être !
Perrine haussa les épaules.
- Sinon, toi, toujours pas de petit copain ?
- Ca n'est pas vraiment la même chose... souffla Perrine.
- T'as cherché au moins ?
Perrine plissa les yeux, blasée.
- Avec toi dans les parages, comment veux-tu que j'aie un petit copain !
- Pareil pour moi, avec une meuf ici, impossible que je me stabilise !
Chacun fit sa vie de son côté, en pensant très clairement « Et c'est très bien comme ça ! »
***
- Nous vous invitons à lire la documentation que nos chers membres bénévoles vous distribuent !
Helen laissait faire, ce n'était pas comme si des prospectus allaient tuer les élèves. Lindsay, Chelsea, Judy et les autres filles de l'équipe des pom-pom girls.
- Je pense à vous, mesdemoiselles les Pom-Pom Girls !
Helen plissa les yeux, intriguée. Le groupe de six filles s'étonna qu'on s'adresse à elles.
- Pensez aux débouchés que vous offre la carrière de pom-pom girl ! Pensez à votre avenir. Pensez : Qu'est-ce que je ferais dans deux ans ?
Lindsay haussa les épaules.
- Bah... on ira à la fac !
Les membres de Direction Dresseurs eurent un sourire méprisant. Helen sourit, amusée.
- Voilà, tout le monde en a eu... Merci pour votre coopération, madame Clover.
- Mais de rien ! sourit Helen qui avait elle-même sa documentation.
Les membres de Direction Dresseurs sortirent de la salle. Helen soupira.
- Nouvel exercice, chers élèves : Elaboration de confettis. Les plus soigneux, prenez des ciseaux, les plus rebelles, utilisez vos mains...
***
- Nous vous disons donc à plus tard au stand devant l'école ! Merci, madame Barnes !
Blandine haussa les épaules alors que les élèves de sa classe semblaient intrigués par la documentation qu'on leur avait proposés.
***
- Voilà ! N'hésitez pas à venir devant notre stand.
Ulrich Paxton sourit en hochant la tête, les mains jointes tandis que sa classe recevait les feuillets.
***
Sandrine regarda les représentants sortir de sa salle.
- Bon, euh... je... suppose qu'on va pouvoir reprendre le cours... marmonna la prof d'apprentissage technique.
***
Walter et Naomi repérèrent les personnes qui s'étaient installées à la tribune.
- Tu vois les noms sur les tréteaux ? demanda Walter.
Naomi hocha la tête.
- La plus à droite c'est la secrétaire à l'orientation, Tara Yokas.
- Elle ressemble à une ex-camée... marmonna Walter.
- Hm... Au milieu à gauche c'est... Seth Corrigan !!
Walter se releva un peu sur son fauteuil et vit un type brun clair avec de grands yeux marron, dans un smoking très classe, qui discutait avec Tara.
- Il a l'air étrangement propre sur lui.
- A côté, c'est censé être... Oh mon Dieu, Justin Truce !! Justin Truce est censé être ici !!
- Sérieux ?!
- Mais oui ! On va se retrouver dans la même pièce que le numéro 1 de l'organisation !! s'inquiéta Naomi.
- Calme-toi, on n'a rien à craindre, ce n'est pas comme si on était repérables.
- Vous pourriez pas arrêter de parler comme des espions russes ? soupira Steven.
Walter et Naomi se turent et prirent leurs téléphones.
[Et tout à droite ?] demanda Walter.
[C'est une place réservée à la responsable accueil, Teresa Torres]
[La responsable accueil ?!]
Naomi regarda Walter et hocha la tête. Walter haussa les épaules, se demandant pourquoi une telle personne serait mise en avant de la sorte. Naomi sembla aussi déconcertée que lui.
Le noir se fit et un film fut diffusé sur les écrans. Walter et Naomi s'étonnèrent.
HISTOIRE DE DIRECTION DRESSEURS
Un film institutionnel Direction Dresseurs
- Ca a le mérite d'être clair... marmonna Walter.
Naomi hocha la tête.
Au départ, Direction Dresseurs était « Avenir Dresseurs », l'entreprise de l'éminent Ménard Truce. Cette entreprise visait à créer des objets et des applications pour divers appareils, elle travaillait en collaboration avec d'autres compagnies Poképolites telles que la Sylphe SARL, Devon Corp et la Galerie Concorde.
Ménard Truce avait décidé d'utiliser son pouvoir personnel et financier au service de cette entreprise et de créer des produits toujours plus performants. Ainsi que, par la suite, des armes.
Naomi haussa les sourcils. Walter plissa les yeux.
Ménard Truce aurait ainsi produit des armes pour le compte de nombreux pays en guerre, dont Poképolis pendant la dernière guerre de Suzuki – la fameuse « Bombe M » comme Ménard est, entre autres, son œuvre - Mort un an avant la guerre d'une crise cardiaque, Ménard Truce est remplacé par son fils qui au départ ignore comment utiliser intelligemment le plein potentiel de l'entreprise, mais qui néanmoins cesse la production d'armes.
Walter regarda Naomi en levant le pouce. Celle-ci ne put qu'acquiescer.
Des investissements audacieux et une rupture totale avec les agissements de son père permettent à Justin Truce de faire émerger après la guerre, une puissante société de services. Justin Truce est ambitieux et désire améliorer la société en donnant à tout le monde sa chance de percer. Son action consiste au départ à trouver des emplois pour des gens qui sollicitent ses prestations.
L'ambition de Justin Truce ne s'arrête pas là, et en se mêlant aux hautes sphères et en multipliant les contacts, il fonde Direction Dresseurs, puissante société qui possède désormais un immeuble entier à Volucité, le Sky Director. Justin Truce est le grand président mais Seth Corrigan, rencontré plus tard, assure la vice-gérance avec brio.
Walter secoua la tête. « En onze ans à peine, fonder un tel empire... impensable... »
Naomi se mordilla les lèvres. « Dire que mon père y a participé... »
Steven et Mike avaient l'air de bien se faire chier.
Mais le grand coup d'éclat de Justin Truce, c'est la collaboration avec Roland Smirnoff.
Walter et Naomi se regardèrent, surpris. « Ils l'avouent d'eux-mêmes ?! »
De la campagne électorale à la présidence, Justin Truce est un partenaire privilégié. Avec ses nombreux soutiens, Justin Truce contribue à l'application stricte des réformes. Il collabore de près avec le gouvernement, et on surnomme même Justin Truce « L'Exécutif de l'Ombre ». Aujourd'hui, Justin Truce poursuit les objectifs de Roland Smirnoff et propose même une alternative aux élèves qui ne se sentiraient pas à l'aise dans ce système
Walter hocha la tête, content que les choses se précisent enfin. Naomi semblait tout aussi satisfaite et prenait même des notes sur les hypothèses qu'elle commençait à formuler dans sa tête. Mike bâillait.
***
- Maman !!
Naomi releva la tête.
- Quoi, Chris ?!
- Michelle et Mike Junior, y font rien qu'à m'embêter !!
Naomi se releva, dans sa robe à fleurs, interrompant son ménage. Elle alla voir ses enfants qui semblaient coupables.
- Qu'est-ce qui se passe ?!
- Bah Chris y veut pas partager ses légos ! geignit le petit garçon.
- Ouais pis on veut y jouer aussi !! répondit la petite fille.
- Vous allez tout me prendre !
Naomi leva les yeux au ciel.
- Les enfants, partagez, bon sang, et arrêtez de me déranger pendant que je passe la serpillère !
Naomi s'en retourna à sa cuisine en soupirant.
***
- J'suis rentré !
Naomi vint accueillir Mike qui retira ses chaussures. Elle l'aida à enlever sa veste.
- Putain, j'suis lessivé... Tu m'as fait mon café ?!
- Ah, non, j'ai passé la serpillère toute la journée...
- Merde, Naomi... Après ça, les gars vont venir pour une soirée console, alors tu prépareras le service à boissons.
- Oui chéri.
- Cool.
Mike alla s'asseoir sur le canapé. Naomi alla préparer le café. Elle alluma la cafetière et se regarda dans un miroir sur le buffet, l'air coincée dans une vie atroce.
***
Seth mena Tara à une grande salle remplie de bureaux, qui semblait faire la totalité de l'étage.
- Nous avons développé un réseau immense qui inclut les communications. Chez Directions Dresseurs, nous aimons à penser que le monde entier est accessible. Nous voulons mettre en contact ceux qui peuvent et ceux qui veulent.
Seth avança, suivi par la nouvelle recrue potentielle qui semblait ébahie.
- Nous aurons également besoin d'une grande force de combat... C'est un des critères sur lesquels vous serez choisie !
Tara haussa les sourcils. Avec l'âge apparemment jeune de son interlocuteur (Il ne devait pas avoir plus de vingt ans à première vue), c'était seulement la deuxième chose qui l'avait gênée depuis son entrée dans l'immeuble.
- Pourquoi ?
- Ah, on ne réalise pas de grandes choses dans ce monde sans force. Voyez l'actuel président de l'association Pokémon, qui s'est tracé une route vers le succès grâce à sa victoire à la Zone de Combat !
Tara hocha la tête.
- Oui, c'est vrai, c'est... un homme très charismatique et effectivement très puissant !
- Je ne vous le fais pas dire !
Ils arrivent à une porte, montent des escaliers et accèdent à un grand bureau très propre, contenant quelques objets plus ou moins précieux, mais également pas mal de dossiers.
Au meuble bureau était accoudé un homme en plein travail. Les cheveux noirs et relativement courts, il était nettement plus âgé que Seth Corrigan, il avait bien trente-cinq ans. Un Bulbizarre vivant se trouvait sur son bureau. Tara pensait au départ que c'était un presse-papier original. L'homme avait, de surcroît, une tenue étrange et portait, en plus d'une tenue casuelle grise et noire, un manteau long et brun qui lui donnaient un faux air de détective privé.
- Tara, je vous présente Justin Truce, notre président.
L'homme releva la tête et posa ses yeux taciturnes sur la jeune femme aux cheveux noirs qui salua d'une main. Il tendit une main ferme et chaleureuse en direction de la jeune femme.
- Justin, il s'agit de...
- Tara Yokas, vingt-six ans, la jeune femme que tu recevais aujourd'hui pour un poste au sein de l'aile G.
Seth hocha la tête.
- Content de voir que tu es toujours aussi investi !
Tara s'étonna de voir une telle informalité dans des relations entre subordonnés.
- Mademoiselle, quel poste avez-vous précédemment occupé ?
- J'étais... conseillère d'orientation dans un foyer à Bourg Geon.
Justin hocha la tête, intéressé. Tara sentait que cet homme se consacrait à elle et à elle seule pendant un laps de temps que lui seul aurait choisi. Une telle dévotion impressionna la jeune femme. Il ne se foutait pas d'elle.
- Vous accepteriez de suivre une formation en psychologie afin d'aider des jeunes en difficulté et à situation précaire ?
Tara haussa les sourcils. Même pas engagée et déjà on lui proposait une promotion.
- Euh... Je...
- Evidemment je vous laisse du temps pour réfléchir, il va sans dire qu'on ne prend pas ce genre de décision à la légère.
- Je voudrais savoir quel est le but de Direction Dresseurs, je ne comprends pas exactement ce que vous faites...
Seth regarda Justin en souriant. Le grand manitou ne se laissa cependant pas démonter.
- Le but de Direction Dresseurs, c'est de se rendre utile. Vraiment utile. Et cette utilité passe par les enfants. C'est eux qu'il faut préparer à devenir utiles. Seth, retourne travailler.
- Bien. Bon courage, Tara.
La jeune femme hocha la tête. Justin prit Bulbizarre dans ses bras, sortit de son bureau et amena Tara dans une autre aile du bâtiment.
- Nous sommes une entreprise très complète mais également très cartésienne. Ainsi, quand nous disons que nous faisons quelque chose, nous le faisons à fond. N'y a-t-il rien de plus frustrant qu'une entreprise qui ne va pas au bout de ses possibilités ?
- Je... Oui, en effet...
Justin franchit une porte, tenant Bulbizarre en écharpe sur un bras et poussant d'une main. Tara le suivit et s'étonna de se retrouver dans une sorte d'internat. Les chambres étaient toutes occupées par des adolescents et pré-adolescents d'âges et de sexes divers.
- C'est...
- Nous logeons ces jeunes gens qui n'avaient pas d'avenir. Nous intervenons en tant qu'internat d'excellence, nous transformons ces zéros tout désignés en éléments supérieurs, capables de lutter dans le monde réel, alors qu'avant c'était impensable pour eux.
Tara réprima un « Génial ».
- Cela doit demander une sacrée logistique...
- Nous faisons travailler des gens, et nous proposons ces internats à un prix adapté au cas par cas. Auparavant ces salles étaient destinées à loger des employés de mon père pour les exploiter 7 jours sur 7, j'ai choisi d'accueillir de jeunes espoirs.
Tara hocha la tête. Un jeune homme se présenta à Justin. Jeune, brun aux cheveux très courts, l'air pas très gâté par la vie, short et t-shirt sans manches.
- Maître...
Tara haussa les sourcils. Justin haussa également les siens.
- Vivien, que se passe-t-il ?
« Il les connait tous par leur prénom ? »
- J'ai... J'ai agressé Bonnie, maître !
Justin hocha la tête alors que Tara semblait stupéfaite. « Il se DENONCE ?! »
- Je vois.
Justin et Tara suivent Vivien qui les amène à la buanderie. Ladite Bonnie, une petite rousse, était assise sur une chaise, entourée d'autres filles.
- Laissez, je m'en charge.
Elles s'éloignèrent. Bonnie regarda d'abord son Bulbizarre et ensuite Justin.
- Je nettoyais les nuisettes de mes copines de chambrée, ça prenait trop de temps, du coup Vivien m'a un peu brusquée...
Justin remarqua qu'elle se frottait le bras. Il regarda Vivien qui semblait anxieux.
- J... J'voulais pas, j'voulais pas lui faire de mal...
Justin observait cette anxiété avec... intérêt. Aucune inquiétude de sa part, Vivien était scruté comme un sujet d'étude. Froidement et avec efficacité.
Le patron regarda Tara qui sursauta presque. Ce regard implorait la jeune femme de se rendre utile, de montrer ses capacités. Elle avait beau éviter son regard en regardant le Pokémon dans ses bras, cette même impression d'être obligée submergeait la jeune femme. Tara sentait qu'elle était dans un autre monde, alors elle agit.
- Vivien, la gestion du temps est partie intégrante de la vie en communauté. Tu dois respecter tes camarades et avoir de la patience avec eux.
Vivien acquiesça et regarda Bonnie.
- Je suis désolé.
- Ce n'est rien. Avec le recul, j'aurais dû choisir une autre heure.
Justin acquiesça. Il regarda Vivien.
- Cela te plairait-il d'avoir quelqu'un à qui parler régulièrement, quelqu'un comme Tara ?
Le jeune homme hocha la tête. Justin acquiesça, et le duo quitta la buanderie.
- C'est de ça dont nous avons besoin.
Tara crut mal comprendre.
- Du confort humain. Nous avons trop longtemps fait croître cette entreprise sur le constat que le professionnalisme à l'excès nous mènerait à tout. J'avais tort, c'est la spontanéité et l'humanité qui nous amèneront sur la voie que nous cherchons, celle d'un avenir meilleur.
Tara grimaça.
- J'avoue... ne pas très bien comprendre ce qui se passe ici...
Justin sourit, tout comme son Bulbizarre.
- C'est pourtant évident. Nous préparons l'avenir.
***
Wallace et Perrine mangeaient des barres céréalières.
- Pourquoi la salle est gardée à ton avis ? marmonna Wallace entre deux mâchonnements.
- Chais pas... rumina Perrine.
Deux personnes contrôlaient en effet les entrées et les sorties. L'un observait le Quelorior endormi près d'eux.
- Pourquoi y'a un Queulorior ici ?
- Ça doit être la mascotte de la ville...
- La mascotte d'Ogoesse c'est un Queulorior ?
- T'occupe, vieux, c'est comme ça et pis c'est tout...
Le regard de Wallace s'aiguisa.
- ... Perrine...
Elle se leva et regarda mieux dans le miroir.
Un groupe arrivait. Un groupe de cadres, menés par un homme en imperméable marron tenant un Bulbizarre.
- ... C'est Colombo !
- Crétin ! Ça doit être quelqu'un d'important !
- Genre avec une tenue pareille ?
- Mais oui !
- Et il a un Bulbizarre ?!
- Bah apparemment oui !
Wallace s'étonna. Sans se concerter, par réflexe, ils avaient chuchoté.
Le groupe semble pouvoir rentrer. Wallace hocha la tête.
- On devrait entrer nous aussi.
- Pourquoi faire ?
- Je sens que tous ceux qui devaient entrer sont entrés, on sert à rien ici, on serait plus utiles à l'intérieur !
Perrine secoua la tête.
- Walter et Naomi comptent sur nous pour leur servir de renforts, on reste à notre place !
Wallace tenta d'avancer et regarda dans le couloir. Il recula aussitôt.
- Quoi ? Quoi ? demanda Perrine.
- ... Le gars à l'imper...
- Quoi ?
- Il est genre... super flippant, il a l'air méga sérieux et surtout... il laisse entrer ses gars avant lui, c'est le patron, c'est certain.
Perrine semblait mal à l'aise. Ils firent silence pour écouter les conversations.
- Maître Truce, je suis certain que la conférence de cette semaine sera un succès !
Justin acquiesça.
- C'est une simple formalité, juste pour montrer à ces écoles que notre présence n'est pas dangereuse.
- Vous avez bien raison.
- Et puis, cette école n'est pas comme les autres, vous le savez bien...
Les gardes hochèrent la tête d'un air entendu. Les hommes de Justin étaient tous entrés. Justin s'apprêtait à faire de même.
- C'est Justin Truce, Perrine ! Ils l'ont appelé Truce, ça peut être que lui !
Perrine secoua la tête, effrayée.
- Ca va pas ?
- Je... Je sais pas, on devrait pas... trop en faire, je le sens mal sur ce coup...
Wallace hocha la tête.
- D'accord. Si j'reviens pas, venge ma mort !
Et Wallace partit tout naturellement à la rencontre de Justin Truce devant une Perrine effarée.
***
- Une Piña Colada pour la sept !
Wallace Gribble, barman au Top d'Or Café. C'est juste LE boulot de ses rêves. Il fait des cocktails, il en sert, il se fait des contacts utiles...
- Salut Wallaçounet !!
- Coucou les filles !
Wallace salua les deux hommes qui s'assirent à une table. Depuis qu'il avait ce travail, il ne s'était jamais senti aussi bien. Sa vie sociale avait pris le tour distant qu'il espérait pour ainsi dire depuis le début de sa vie.
- Hey Wally.
Wallace vit arriver un client régulier qu'il salua joyeusement.
- Hey ! Alors, la pêche ?
- Ouais mon grand. Et toi, c'est quand que tu viens te poser dans mon plumard ?
- Aaaaah non, je reste célibataire et libre comme l'air ! Hors de question de me caser !
- Rhaaaa un joli petit lot comme toi !
- Précisément, je tiens à le rester ! Regarde-toi, t'as du bide ! ricana Wallace.
- C'est un coussin de graisse !
- Mouais...
- Dis donc ça commence à faire longtemps que tu bosses là-dedans !
- Oh tu sais quand j'étais gosse, je savais pas ce que je voulais faire. Un jour je me suis aperçu que faire le service, c'était bien, mais qu'être aux commandes, ça pouvait me convenir. Il me suffisait juste de réaliser que j'avais une âme de leader, tu vois.
Wallace passait son temps libre dans son appartement, le plus souvent avec une conquête temporaire. Il avait pour ainsi dire une vie idéale, il ne manquait de rien et il menait la vie qu'il voulait.
Enfin, ça c'est ce qu'il se plaisait à penser.
Un jour, en fin d'après-midi, un petit couple arriva. Wallace les observa et haussa les sourcils.
Il ne connaissait pas les deux, seulement une personne. C'était Tristan Edison, son vieux camarade de classe. Bien accompagné, à première vue. Ils s'assirent à une table dans le fond, entre deux banquettes. Wallace regarda son aide de bar.
- Tu... peux prendre le relais, faut que je prenne une pause...
- Hm.
Wallace se retira, quelque peu perturbé par cette vision. Mais il ne saurait pas dire s'il était jaloux ou gêné de revoir une vieille connaissance.
***
Le film s'acheva. Walter et Naomi ne purent que constater que d'autres cadres de Direction Dresseurs étaient entrés dans la salle.
- Pas de trace du grand chef ? demanda Walter.
- Non...
Seth se leva, l'air quelque peu inquiet, comme si quelque chose ne se déroulait pas normalement. Il se mit cependant face au micro.
- Eh bien, bonjour, je suis Seth Corrigan, le vice-président de Direction Dresseurs. Notre entreprise se fait un devoir de venir en aide aux âmes perdues, aux jeunes qui sont le terreau d'un avenir meilleur. Direction Dresseurs a été fondée avec la volonté de créer un monde meilleur, un monde où la jeunesse n'aurait plus à souffrir de la faim, de la pauvreté, ou même de la solitude.
Seth se désigna, la main sur la poitrine.
- Je suis, moi-même, un ancien enfant des rues. J'ai moi-même été abandonné par ce système inique qu'est la société, et j'ai vécu en sa marge. Je sais tout ce que je dois aux gens qui m'ont sorti de cet enfer, je sais que j'ai eu de la chance. Mais aujourd'hui, j'œuvre en compagnie de Direction Dresseurs pour démocratiser cette chance, pour la rendre universelle.
Walter secoua la tête, désabusé. Naomi le regarda.
- C'est n'importe quoi... n'importe quoi... marmonna le jeune homme.
- Parce que quelqu'un m'a tendu la main, j'ai pu me relever de mes erreurs et prendre un nouveau chemin. Je veux donner cette opportunité à tout le monde !
Mike hocha la tête.
- Ces mecs font des trucs trop cools !
« Il n'ont pas parlé de faire quoi que ce soit, c'est du vent ! » songea Walter.
- Moi ça me gonfle, j'voudrais bien me casser en fait... souffla Steven.
Walter regarda vers la porte, gardée par deux personnes. « Ça, c'est pas normal »
Naomi regarda son camarade qui semblait fébrile. Seth continuait son discours.
- Ayons également une pensée pour Roland Smirnoff.
Walter haussa les sourcils. Mike s'étonna.
- Hey, c'est pas le mec de votre devoir ?
- Parle plus fort, je crois que personne ne t'a entendu... grommela Naomi.
Mike haussa les sourcils alors que Walter était complètement scotché au discours prononcé.
- Roland Smirnoff est probablement le plus grand réformateur de ce siècle. Notre action a été grandement portée et aidée par la sienne. Son ambition a porté nos rêves, le rêve de Justin Truce, notre grand patron.
Walter secoua la tête, incapable de supporter plus d'inepties.
- Mais aussi parfaite que soit l'action et les initiatives que Roland Smirnoff a prises, nous nous faisons un devoir d'améliorer encore plus son œuvre et de résoudre les quelques dommages collatéraux.
« Il est hors de question... »
Walter se leva de son fauteuil, à la surprise de Mike, Steven et Naomi, et leva également la main.
« ... que je supporte un tel flot de conneries sans dire quoi que ce soit ! »
- Walter !! chuchota Naomi, inquiète.
- Wow putain, Walter il est pas vraiment handicapé en fait !! s'étonna Steven.
***
Le fauteuil roula jusqu'à un bureau. Walter se mit au travail. Il reprit là où il s'était arrêté dans la correction du manuscrit qu'on lui avait fait parvenir.
« Ils font toujours les mêmes fautes, c'est navrant... »
Walter vivait seul dans un petit appartement au rez-de-chaussée d'un immeuble. Son état s'était plutôt aggravé et il était désormais incapable de se lever quelques secondes, comme quand il était adolescent. Il s'était en quelque sorte exilé dans ce petit endroit. Quelqu'un entra.
- Me voilà !
C'était une jeune femme. Elle posa les sacs sur une table. Walter la regarda, quelque peu embêté.
- Tout est là, je vous rends votre carte bancaire !
- Hm...
- Je vous range ça dans la cuisine !
- Oui, merci...
L'aide à domicile partit. Walter soupira d'en être arrivé à une telle extrémité.
Le téléphone sonna. Comme à chaque fois, Walter ne répondait pas. Il laissait sonner, généralement les gens ne laissaient pas de message.
Sauf aujourd'hui.
« Walter... t'es pas là... ou tu veux pas répondre... »
Walter reconnut la voix de Wallace.
« Je... Je suis à Hawaï, avec Greg... ça s'passe pas très bien et... quand on était gosses, je te parlais de ce genre de choses et du coup ça m'a fait penser à toi... Je m'suis demandé ce que tu devenais et si t'allais bien... Tu pourrais essayer de me rappeler, si ce n'est maintenant, au moins un de ces-»
Walter avait débranché le téléphone. Il se remit à son travail sans s'apitoyer. Juste à rester encroûté dans cette vie humiliante et sans issue.
***
- Nous vous laissons une journée de réflexion nécessaire. Chez Direction Dresseurs, on est engagé pour un CDI très exclusif. Vous vivrez pour ainsi dire ici.
Tara acquiesça.
- Bien, je... je vous remercie de toutes les propositions que vous m'avez faites, je... je vais y réfléchir très sérieusement !
- Hm, je compte sur vous.
Tara sortit de l'immeuble. Justin souffla et alla rejoindre Seth dans son bureau.
- Qu'en penses-tu ? Chouette élément, hein ?
Justin semblait moins enthousiaste.
- Je pense qu'elle va refuser... Ne me demande pas pourquoi, un pressentiment.
- Hm...
- Quand est prévue la prochaine rencontre avec Smirnoff ?
Seth acquiesça.
- Lundi.
- Bien. Bien, bien bien...
Justin semblait satisfait. Seth sourit et se tenait prêt à répondre aux questions suivantes de son chef.
- Où en est le projet D. ?
Seth sembla embarrassé.
- Eh bien... Nos méthodes de repérage sont brouillonnes et inefficaces...
- Ce ne doit pas être si compliqué de repérer les déchets... C'est à eux que nous devons nous attaquer d'abord. Si nous frappons ce système stupide en plein cœur, nous gagnerons la bataille.
Seth acquiesça, un peu embarrassé.
- Pardonne mon ton cavalier, Justin, mais... comment peux-tu être si humain et en même temps vouloir mettre au banc tous ceux qui... ont un ancêtre commun avec Suzuki... ou qui ont participé à son système...
Justin ferma les yeux et soupira.
- Je ne peux pas supporter l'existence de gens qui n'ont jamais rien fait de leur vie et qui d'un coup se retrouvent au sommet. Je pense que Tara va refuser parce qu'elle n'est pas assez humaine. Elle n'est pas tournée vers l'homme. Son test montre une fonceuse, intelligente, pleine d'initiative, mais aucune humanité.
Seth haussa les épaules.
- Tu sais, l'humanité, ça ne se discute pas, ça se comprend, au fond...
Justin hocha la tête et se dirigea vers la sortie du bureau de Seth.
- Nous en discuterons ce soir, si tu veux bien.
- Hm !
***
- Monsieur TRUCE !!!
Wallace s'approcha de Justin comme si c'était son oncle. Il lui tendit la main, les yeux pleins d'étincelles.
- Ca alors ! J'ai tellement entendu parler de vous !!
- Plaît-il ?
Le ton de Justin Truce était neutre, impalpable. Wallace en fut quelque peu perturbé, lui qui avait pour habitude de lire dans les gens comme dans des livres ouverts et de juger n'importe qui en un regard et trois mots, c'était un choc.
- Vous êtes le grand maître de Direction Dresseurs ! J'adore votre organisation, je trouve ça super cool qu'on nous propose d'autres façons de voir le monde, je suis à 100% pour ce que vous faites.
Perrine était apeurée. « Mais QUEL GROS CON ! »
- Et si je vous faisais visiter notre école ? Je suppose que notre proviseur n'a même pas pris cette peine, quelle impolitesse !
Justin fit signe à ses cadres de rentrer dans la salle. Son Bulbizarre quitta ses bras et rejoignit son épaule gauche. Il regarda Wallace.
- Intéressant. Un jeune homme intéressé par notre action.
- Evidemment, qui ne le serait pas !
Wallace n'arrivait pas à percer qui était cet homme. Il n'arrivait pas à voir par quel angle l'attaquer, comment lui plaire, comment l'emmener dans son jeu. « Il est très fort, très méfiant, très malin aussi... »
- Je reconnais que notre action suscite souvent de la méfiance...
Justin regarda un des deux gardes devant la porte qui semblait vérifier quelque chose. Wallace ne se laissa pas démonter.
- Oh mais il ne faut pas vous laisser embobiner par des racontars, votre action est juste et légitime.
- Je n'en ai jamais douté... marmonna Justin en scrutant son intermédiaire.
L'homme hocha la tête. Justin acquiesça également et attrapa Wallace par le bras.
- J'en tiens UN.
Wallace fixa l'homme, étonné. Pour la première fois de sa vie, il était en position de faiblesse.
- Eh, mais...
- Je n'en ai jamais douté, jeune homme. Je ne me laisserais jamais embobiner par les racontars d'un jeune freluquet sans cervelle, fut-il une des quatre petites teignes qui perturbent notre action depuis quelques temps...
Wallace écarquilla les yeux, stupéfait.
- ... et je suis totalement persuadé que notre action est juste et légitime. Y compris en ce moment.
- LÂCHEZ-LE, GROSSE BRUTE !
Justin releva la tête vers Perrine, au bout du couloir. La jeune fille semblait terrorisée mais elle s'était résolue à aider son ami.
- Ah, là, ça devient intéressant... marmonna Justin Truce.
***
- Tout ce que vous dites, tout ce que vous venez de nous montrer, tout ce que vous faites...
Seth hocha la tête, semblant s'attendre à des compliments.
- ... n'est qu'une vaste farce, une propagande destinée à dissimuler des objectifs plus grands !! Vous vous cachez derrière une belle image, mais si votre action était juste, elle serait officielle, politique et reconnue par tous, or vous avancez en parallèle des autorités comme des vermines, comme si vous aviez quelque chose à cacher !
Naomi était stupéfaite. Steven hocha la tête, plutôt d'accord avec ce qui venait d'être dit. Mike n'en revenait pas que le Walter parle ainsi.
- De plus, vous vantez l'action de Roland Smirnoff, vous vantez son bon sens, mais si c'était le cas, et si votre action était si bonne et si nécessaire, vous auriez donc, à juste titre, dû être intégrés à son gouvernement, pas en annexe comme des sous-fifres à qui on ordonne mais auxquels on ne fait pas confiance !
Walter se rassit. Les cadres de Direction Dresseur pensèrent à bouger mais Seth les arrêta d'un geste de la main.
- Jeune homme...
Le brouhaha suspicieux qui s'était élevé étonna Naomi, Mike et Steven. Walter avait eu beaucoup de courage, et il était épuisé de s'être levé. Il se tenait les cuisses, haletant.
- Walt, tout va bien ?!
- Je... oui, ça... ça va... ça faisait longtemps que j'avais pas fait un tel effort !
- Tu es fou !
- Nan, il le fallait... Il le fallait.
Seth se plaça face au micro.
- Tout, dans la vie, n'est que poussière destinée à servir un objectif de dimension supérieure. Nous ne nous en sommes jamais cachés.
Seth regarda Walter.
- Je me demande si tu ne serais pas toi-même un orphelin à qui, quelqu'un, un jour, a tendu la main.
Walter écarquilla les yeux, embarrassé. Naomi se mordilla les lèvres. Steven grimaçait. Mike était carrément à l'ouest.
- Je connais des gens tels que toi, qui sont trop curieux. Et un jour, ils se brûlent les ailes sur un secret bien trop grand pour eux...
Walter regarda Naomi. Les deux eurent la même pensée.
« Nous sommes découverts... et peut-être même piégés... »
***
Perrine sortit Cacturne.
- Je vous ai demandé de le lâcher !!
Justin se tint droit face à Perrine.
- Et si je refuse ?
Cacturne croisa les bras. Perrine se mordilla les lèvres. Wallace la regardait, affolé.
***
- J'accepte. Je veux bien travailler pour vous !
Justin et Seth avouèrent leur étonnement. Justin est agréablement surpris. Il n'a pas son Bulbizarre. Seth hoche la tête, tout s'est bien passé.
- Teresa va vous montrer votre bureau ! J'étais persuadé que vous nous rejoindriez !
- Je pense que le fait de participer à quelque chose de plus grand que moi a beaucoup pesé dans la balance.
Les deux patrons acquiescèrent. Tara suivit Teresa, bien plus accueillante qu'à sa première visite.
- Suivez-moi, je vais vous montrer vos appartements.
Justin et Seth rejoignent un ascenseur.
- Tout s'est bien passé ! sourit Seth.
- Oui... Tu avais raison.
- Tu vois que finalement il faut faire confiance dans l'humanité.
- Je pense que je préférais penser qu'elle allait refuser, pour avoir la bonne surprise et ne pas être déçu.
- Tu es impayable... sourit Seth.
L'ascenseur se ferma et descendit. Les deux hommes restèrent silencieux.
- Regarde-moi...
Seth se tourna vers Justin qui soupira en levant les yeux au ciel et rajusta son col.
- Argh ! Arrête !
- Tu t'habilles dans le noir, ma parole...
Seth laissa faire son aîné qui laissa le col, finalement satisfait.
- Voilà.
- Tss...
- Une bonne présentation, ça fait tout, Seth.
- Oui, oui...
L'ascenseur s'ouvrit. La salle était grande. De nombreuses personnes étaient assis, dont Duncan Kingsley et Jackson Wound, l'un des chefs de cabinet de Roland Smirnoff. Teresa arriva pour les rejoindre. Seth alla se placer à l'autre bout de la salle. Justin hocha la tête.
- J'annonce le début de cette réunion.
Seth abaissa une affiche montrant toutes les écoles de Poképolis.
- Bien. Roland Smirnoff a décidé de cesser l'éducation telle qu'elle était auparavant afin d'arrêter la militarisation permanente de Poképolis. Nous voulons profiter de ce créneau pour, au contraire, pousser les écoles à redevenir des camps d'entrainement pour soldats potentiels.
Justin hocha la tête.
- Notre but est de refonder Poképolis, d'en refaire une nation où l'effort servira une cause juste et noble. L'éradication de la caste des riches, et la prise du pouvoir par les vrais érudits de ce siècle.
Justin sourit.
- La prise du pouvoir de l'intelligence sur la fainéantise, de la ruse sur la bêtise, de l'humilité sur la richesse. Et cela commence par débarrasser Poképolis de l'emprise des anciens sympathisants de Suzuki, de ces insupportables « héros de guerre »... Ces Déchets...