Chapitre 11 : Moi, dresseuse sans Pokémon
Personnage narrateur : Estelle
Je promène ma lampe torche sur les fourrés bordant ce chemin de forêt. Le jour ne tardera pas, mais je n'ai encore aucune piste. Pas question de dormir tant que je ne l'aurai pas retrouvé.
Je suis rentrée au Centre Pokémon sans prêter attention à l'infirmière qui s'inquiétait de voir mon haut déchiré. En deux minutes, je m'étais lavée pour me débarrasser enfin des marques de la Team Rocket et de Lance sur ma peau. Puis j'ai revêtu un autre uniforme –je ne possède que ces tenues... Demain, j'irai faire un peu de shopping- et ai vaporisé dans mon cou quelques gouttes de Ricci Ricci. Puis je suis descendue et, contre l'avis de tous les résidents qui me conseillaient de me cacher de la Team Rocket, je suis sortie.
Passer inaperçue de nuit n'a pas été un véritable problème. J'ai fait un petit crochet par la Pension Pokémon en passant. Le couple a été très surpris de me voir leur laisser les cinq Pokémon qui ont fait ma gloire. Je leur ai demandé d'en faire don à des enfants qui leur apprendront à aimer leurs dresseurs comme Ivy l'a fait avec moi. Non, pas Ivy. Ombréon.
C'est pour cette raison que je suis là, dans la forêt, à fanfaronner sans Pokémon pour me protéger. Je cherche mon sauveur. Mon petit Evoli, devenu Noctali pour moi. Alors qu'il détestait tant ce Pokémon auparavant. Désormais, je crois savoir à quel point il m'aime, car je ressens la même chose pour lui. Il m'a rendue à l'humanité, à la vie en général. Il m'a libérée de la Team Rocket. Ombréon, je t'aime ! Je t'aime comme un dresseur peut aimer son Pokémon... Un vrai dresseur, pas un Sbire de la Team Rocket.
Je sais qu'il doit s'être enfui dans la forêt. Il ne peut pas être loin. Une affection comme celle que nous ressentons l'empêche de me fuir définitivement. En ce moment même, il doit m'observer, attendant une énième preuve de ma bonne foi. Une preuve que je mettrai sans doute du temps à lui apporter. Mais j'attendrai le temps nécessaire. Tout plutôt que ne jamais le revoir.
-Ombréon ! Ombréon, où es-tu ? C'est moi, Estelle ! Réponds-moi !!
Mes appels sont vains et restent sans réponse. Malgré moi, je commence à m'inquiéter. Où est-il passé ? Je sais bien que les Noctali savent mieux que quiconque se fondre dans l'obscurité. Peut-être ma recherche est-elle vaine ?
Non ! Je refuse d'y croire. Il est forcément quelque par, je le sais !
Je m'arrête un instant et m'assois en tailleur dans l'herbe. Je marche depuis longtemps, et même si Ombréon a soigné mes blessures, tout ce chemin m'a épuisée. Je dois prendre un peu de repos avant de continuer mes recherches. Je sors ma thermos de café de mon sac et contemple le monde de silence qui m'environne. Je sais qu'il est quelque part, et rien ne m'empêchera jamais de le retrouver !
Je bois mon café à petites gorgées pour l'économiser. Il ne m'en reste plus beaucoup. Je l'ai fait assez corsé pour éviter d'être trop fatiguée. Je me suis interdit toute pause jusqu'à ce que je sente à nouveau le contact chaud et familier d'Ombréon.
-Nous l'avons enfin retrouvée.
Je relève vivement la tête et me redresse à demi. Serait-ce la Team Rocket, avertie de ma fuite ? Non, car si c'était le cas, Lance aurait souhaité s'en charger lui-même. Or, il ne s'agit pas de sa voix. Qui peut bien être à ma recherche ?
Je m'immobilise sous le coup de la stupeur. Il s'agit d'un jeune garçon que je n'ai jamais vu. Il porte une casquette jaune et noire, qu'il porte dans le mauvais sens pour se donner un genre. Derrière lui, son Mentali m'examine d'un œil critique, son attitude générale exprimant une terrible envie de combattre. Pour sa part, le garçon me barre la route, bras croisés, et me dévisage avec un dédain palpable.
-C'est toi, la fameuse Estelle ?
-C'est exact, dis-je en me levant. Que me veux-tu ?
Il tend son bras en avant dans un geste de défi. J'ai peur de comprendre où il veut en venir...
-Je suis Gold, se présente-t-il avec assurance, et je sais que tu appartiens à la Team Rocket ! Je vais te vaincre avant de te livrer à la police !!
Mon cœur s'arrête un instant de battre et la réponse que je préparais meurt dans ma gorge. Comment sait-il ? Je me corrige aussitôt. Non, il ne sait certainement pas. Ce doit être l'effet des rumeurs grandissantes depuis ma victoire à l'arène de Rivamar. Pourtant, il semble bien plus assuré que l'ordinaire de mes contradicteurs...
-Mais je... C'est absolument faux ! Qui t'as dit une chose pareille ?
-C'est Lance, le Commandant de la Team Rocket. Il n'a pas pu mentir : je le tenais. On m'a prévenu que je te trouverais dans cette forêt. Et il n'avait pas tort, d'après ce que je vois !
Lance... Mon amour, tu avais donc décidé de me trahir jusqu'au bout ? Mais quelque chose me trouble. Cet enfant, Gold, aurait-il vaincu Lance ? Non, c'est impossible. Lance n'aurait jamais pu perdre face à un...
-Je n'ai qu'un Pokémon, car les autres soutiennent la police, mais cela sera bien suffisant ! Sirius, je te choisis !
-Avec grand plaisir, répond le Mentali d'une voix humaine en s'avançant vers moi. Les Sbires de la Team Rocket ne m'ont pas vraiment suffi, tout à l'heure.
Je ne peux plus faire un geste. Ainsi, l'heure est venue. Je ne peux plus échapper à mon destin. Je n'ai plus de Pokémon, Ombréon m'a abandonnée, et le monde entier saura que je suis un imposteur. Oui, cette fois, c'est terminé. Je n'ai plus d'échappatoire.
En silence, je tends mes poignets à Gold.
-Je n'ai pas de Pokémon et je ne suis pas armée.
-Tu te rends ?! s'étonne-t-il.
-Je n'ai pas vraiment le choix.
Le Pokémon et le dresseur échangent un regard surpris.
-Je ne pensais pas que ce serait si facile, dit Gold en sortant des menottes de son sac.
Il s'approche de moi et ouvre les menottes. Je le regarde faire avec des yeux vides. C'est comme s'il s'agissait d'une autre que cet enfant arrêtait. Je suis étrangère à moi-même.
Un éclair noir passe devant mes yeux, les lui arrache des mains et se rattrape d'un splendide dérapage sur les gravillons. Avant même de le voir, je sais que c'est lui. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
Ombréon est là, les menottes entre les crocs, et défie le Mentali du regard.
Merci d'être encore là pour me sauver...