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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 18/01/2013 à 10:37
» Dernière mise à jour le 03/09/2020 à 00:13

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 7 : Breakaway
« I'll do what it takes 'til I touch the sky
And I'll make a wish, take a chance, make a change
And breakaway
Out of the darkness and into the sun
But I won't forget all the ones that I love »


Breakaway - Kelly Clarkson



Lorsque Kathy se réveilla, le soleil n'était pas levé depuis longtemps, mais Cynthia était déjà partie. Elle sortit de sous les couvertures pour aller s'habiller, avant de prendre le petit-déjeuner que l'infirmière Joëlle lui avait apporté pendant qu’elle dormait encore.

À peine eut-elle fini de manger son croissant que l'agent Jenny pénétra dans la pièce, non sans avoir toqué au préalable. Elle lui adressa un sourire auquel la fillette ne répondit que par politesse. Elle aurait tant voulu que le Maître de Sinnoh ne soit pas retournée à l'Élite des Quatre, plutôt que de devoir passer ses journées encadrées par des policiers.

— Je t'ai amené quelques babioles pour que tu t'ennuies moins, annonça la femme en désignant le sac qu'elle avait à la main. Tu vas voir, je suis certaine que ça va te plaire.

Elle repoussa le plateau vide dans un coin de la petite table afin d'y déposer les objets en question. Elle laissa à Kathy l'honneur de les déballer, ce qu'elle fit sans enthousiasme. Contrairement à Cynthia qui avait vraiment paru sincère la veille, elle savait que l'agent Jenny ne se préoccupait de son bien-être qu’en raison de la dispute qui l’avait opposée à la Championne.

— Qu'est-ce donc ? s'enquit Kathy en découvrant une espèce de bracelet avec un morceau de métal rectangulaire collé dessus.
— C'est une Pokémontre. Elle sert principalement à indiquer la date et l'heure, mais elle a aussi plein d'autres fonctionnalités.
— Elle doit avoir un défaut, il n'y a rien de tout cela.
— C'est normal, soupira l’agent Jenny. Elle est éteinte.

Elle appuya sur le bouton qui servait à mettre l'appareil en marche et les informations s'affichèrent en gros chiffres sur l'écran. Kathy détailla la Pokémontre sous tous les angles, la tournant même à l'envers pour tenter d'en comprendre le mécanisme.

— Où sont les aiguilles ?
— De quoi parles-tu ?
— Des aiguilles pour le cadran. Comment voulez-vous lire l'heure s'il n'y a pas d'aiguilles ?

Le visage de la policière se figea de stupeur. Décidément, cette enfant ne savait vraiment rien de rien. Comment cela était-il possible ? Tout portait à croire qu'elle avait effectivement été élevée sans aucun contact avec la réalité du monde.

— J’ai constaté à l’instant avec l’infirmière Joëlle que tu n'avais pas de dossier médical, déclara la femme avant de préciser : Il s'agit des papiers qui concernent ton état de santé, en quelque sorte.
— Oui, et alors ? questionna distraitement Kathy, qui observait toujours la Pokémontre qu'elle tenait entre ses mains.
— Ça signifierait que tu n'as jamais vu de médecin depuis que tu es venue au monde. Rassure-moi, ce n'est pas le cas ?
— Non. Non, je n'en ai jamais vu. Papa répétait sans arrêt que les médecins ne servaient à rien, à part à nous rendre encore plus malade. Nous avions de bons remèdes à la ferme, basés sur les plantes et sur les baies. Ils étaient très efficaces, nous n'avions besoin de rien d'autre pour nous soigner.

L'agent Jenny leva les yeux au ciel, puis se résolut à expliquer à Kathy comment se lisait une heure numérique, et non analogique. La fillette fut un peu étonnée, dans un premier temps, mais elle s'y habitua très vite. La date, néanmoins, la désempara, car elle n'avait plus la notion des jours depuis qu'elle était retenue presque captive au Centre Pokémon.

— Je t'ai également apporté une encyclopédie, précisa la policière. Tu apprendras plein de choses à en la lisant.
— Ce sont les Apitrini qui font leur nid dans le creux des arbres, pas les Dardargnan, rectifia Kathy en ouvrant une page au hasard. Et la période de reproduction des Écremeuh se situe au printemps, pas à l’automne.

L’agent Jenny la regarda sans comprendre. Kathy connaissait visiblement des choses que bon nombre de personnes ignoraient, pourtant il fallait lui expliquer le fonctionnement d’objets en apparence basiques. Elle semblait loin d'être idiote, mais son inculture dans certains domaines frisait l'inconcevable.

— Est-ce que tu vois d'autres erreurs ?
— Généralement, les Magicarpe évoluent lorsqu'ils se sentent menacés ou en danger. Là-dedans, ils disent que c'est quand le ruisseau dans lequel ils vivent les conduit à la mer, mais c'est faux. C'est justement parce qu'ils ont peur en y arrivant, et qu'ils savent qu'ils ne survivront pas s'ils ne changent pas de forme. Et la laine des Wattouat pousse environ d'un demi-centimètre par semaine, pas un et demi. Ce qui est écrit dans ce livre n'a aucun sens.

Allison Jenny dut reconnaître que Cynthia avait raison : cette enfant avait des connaissances archaïques. Son savoir était presque illimité sur les pokémon avec lesquels elle avait grandi à la ferme, alors qu'elle ignorait absolument tout du reste autour. Depuis combien de temps vivait-elle dans cette espèce de bulle, coupée du monde ?

— Je vais bientôt devoir retourner au commissariat. Je te laisse le mode d'emploi de la Pokémontre, tu auras tout le loisir d'apprendre à t'en servir. Ah, et j'allais oublier. Cynthia m'a demandé de te donner ça de sa part.

La policière lui tendit un Teddiursa en peluche qui portait un petit sac à dos. À l'intérieur, il y avait les quatre pokéball que la Championne avait achetées la veille à la boutique. Kathy remercia l'agent Jenny, puis serra la créature de tissu dans ses bras sitôt que la femme eut quitté la pièce. Ce cadeau offert par le Maître de Sinnoh avait beaucoup plus de valeur à ses yeux qu’un carré de métal lumineux.

La fillette garda la peluche sur ses genoux tandis qu'elle feuilletait le mode d'emploi de la Pokémontre, auquel elle ne comprit rien. Quand elle en eut assez, après avoir vainement appuyé sur les boutons pendant de longues minutes, elle abandonna l'objet sur la table pour aller s'allonger sur son lit avec l'encyclopédie.

Bien que fortement erroné, le livre lui enseigna de nombreuses choses. Il y avait des explications sur le fonctionnement des pokéball, des théories sur des machines capables de ramener des pokémon fossiles à la vie, ainsi que des articles sur beaucoup d'autres sujets.

La page précédant l’index représentait une carte de Sinnoh, minutieusement dessinée. Kathy l'étudia, repérant bien vite le village de Mérolia, un peu à l'écart de la route reliant Littorella à Bonaugure. Elle prit conscience de combien la région était immense, surtout pour elle qui n'avait jusqu'alors jamais été plus loin que la forêt encerclant la ferme de ses parents.

Les paroles que Cynthia avait prononcées après l’avoir sauvée de la chute lui revinrent brusquement en mémoire. Un jour, ce serait à elle de chercher sa famille. Elle n'y arriverait cependant pas si elle ne savait rien du monde dans lequel elle devrait évoluer. Il fallait d'abord qu'elle apprenne, qu'elle découvre, et ensuite, seulement ensuite, elle serait en mesure de se lancer sur leur piste, sans que son ignorance risque de lui porter préjudice.

Kathy n’hésita pas longtemps. Elle déchira la carte de la région, qu'elle glissa dans le sac en plastique laissé sur la table par l'agent Jenny, puis elle y ajouta les pokéball et le mouchoir brodé du Maître de Sinnoh, ainsi que son chapelet. Enfin, elle craqua une autre page de l'encyclopédie, vierge, sur laquelle elle écrivit un bref message :

À l’attention de Cynthia,

Je vous remercie une fois de plus pour tout ce que vous avez fait pour moi, et j'espère un jour être en mesure de vous rendre la pareille. Vous avez raison : il est encore trop tôt pour que je puisse découvrir par moi-même ce qui est arrivé à ma famille, mais il est toutefois inutile que je reste ici. Je pars à l'aventure, sans avoir aucune idée de l’endroit où je vais, pour découvrir ce que je ne connais pas. Ne vous inquiétez pas, je suis certaine que tout se passera bien. J'ai vraiment besoin de cela si je veux pouvoir m’accomplir et songer à l'avenir.

Avec mon affection la plus sincère,

Kathy


La fillette posa délicatement la lettre entre les pattes du Teddiursa en peluche et le contempla une dernière fois avec tendresse. Elle se rendit ensuite dans la salle de bain, où elle prit sa trousse de toilette. Elle s'apprêtait à sortir pour aller la mettre dans le sac avec tout le reste, mais elle s'arrêta pour observer son reflet dans le miroir.

Elle avait énormément changé au cours de ces trois dernières semaines. L'expression de son visage s'était modifiée, ce qui la vieillissait. Elle semblait plus mature, plus adulte que ce tragique matin où elle avait quitté pour la dernière fois le domicile familial sous le regard bienveillant de ses parents. Et elle l’était. Ses lèvres s'entrouvrirent pour prononcer dans un souffle :

— Joyeux anniversaire, Kathy. Et adieu.

Elle éteignit la lumière du revers de la main, avant de lancer d'un geste déterminé sa trousse dans le sac qui contenait ses autres effets personnels. Elle n’emporta aucun de ses habits : elle n'en voulait plus. D'après ce que lui avait fait comprendre Cynthia, les gens ne portaient plus ces vêtements depuis des décennies, or elle tenait à passer inaperçue.

Il était temps pour elle de se mêler au monde, au vrai, de découvrir une vie qu'elle n'avait jamais soupçonnée jusqu'à présent. Elle rattraperait les treize années passées dans l'ignorance, puis elle se lancerait à la recherche de sa famille, car elle doutait que d'ici là, la police ait obtenu le moindre indice supplémentaire.

Son sac en partie dissimulé par les plis de sa robe, la fillette quitta sa chambre sans regret. Elle suivit le long couloir qui menait jusqu’au hall, où elle découvrit non sans une pointe de stupéfaction qu’il n’y avait aucun officier en vue, eux qui n’avaient eu de cesse de monter la garde à tour de rôle.

Kathy songea que Cynthia n’était probablement pas étrangère à cette absence d’uniforme dans le Centre Pokémon, et une bouffée de reconnaissance l’envahit. Grâce à cela, elle n’aurait aucune difficulté à accomplir son dessein.

L’enfant, trop heureuse de ne pas avoir à se heurter à un policier, négligea cependant la présence de l’infirmière Joëlle. Elle s’apprêtait à se diriger vers la porte automatique lorsque la femme, derrière le comptoir où elle s’affairait, s’adressa à elle :

— Bonjour, Kathy. Tu as besoin de quelque chose ?
— Je...

Elle hésita. Depuis qu’elle était petite, sa mère lui serinait qu’il ne fallait pas mentir, que c’était mal et qu’Arceus réprouvait une telle attitude, mais elle avait également affirmé qu’elle serait toujours là pour Kathy, aussi la fillette songea-t-elle qu’aucune de ces paroles n’était encore valable. Désormais, elle devrait faire la part des choses, la différence entre le bien et le mal, entre le juste et l'injuste, seule.

— Je viens de penser à quelque chose qui pourrait intéresser l’agent Jenny, et peut-être même faire avancer l’enquête, affirma-t-elle en tâchant d’avoir l’air convaincante, ce qui fut plus simple qu’elle ne l’aurait cru.
— Je vois. Eh bien, Cynt... Allison a estimé que tu ne courais aucun danger ici et qu’il était inutile pour les policiers de continuer à surveiller les lieux, donc il n’y a personne aujourd’hui, mais si tu veux, je peux appeler le commissariat et leur demander de...
— Ce n’est pas la peine, je vais y aller à pied.
— Tu en es sûre ? Parce que ça ne me dérange pas de...
— C’est à deux pas d’ici et il fait un temps superbe, aujourd’hui, insista Kathy. Et puis, ça m’occupera un peu. Je m’ennuie à mourir, dans cette chambre.

L’expression faciale de l’infirmière changea soudain du tout au tout, preuve qu’elle avait connaissance des évènements de la veille. Quoiqu’un brin sceptique, elle se résolut à donner son accord à Kathy, qui la remercia d’un signe de tête.

Avec un sourire satisfait, elle quitta le Centre Pokémon, mais plutôt que de s’engager dans la grand-rue pour rejoindre le commissariat, elle contourna l’établissement pour aller chercher Ponyta dans le petit enclos où il se languissait tout autant qu’elle.