La nature de l'être de Cyrlight

Pandore était assise sur son lit dans la chambre d'hôtel, ses bottes abandonnées au sol et les genoux remontés contre sa poitrine. Se balançant d'avant en arrière au rythme de l'horloge, elle n'en décrochait pas son regard une seconde. Sören, lui, se tenait adossé dans l'angle que formait le placard mural avec la fenêtre, depuis laquelle il observait ce qui se passait dans la rue.

- Tu vois quelque chose ? demanda la jeune femme pour la énième fois, alors que l'aiguille indiquait vingt-et-une heures trente passées.
- Toujours rien. Il fait trop sombre pour que je puisse discerner quoi que ce soit, mais de toute façon, il n'y a pas foule au dehors.
- Aussi tard, ce n'est pas étonnant. Cela ne ressemble pas à François de ne pas rentrer, surtout lorsqu'il fait nuit. Il t'a bien dit qu'il revenait à l'hôtel ?
- Oui, mais vous veniez de vous disputer et il était furieux. Il a peut-être décidé de prendre l'air, d'aller faire un tour, je ne sais pas moi.
- Pendant trois heures ? Quand il t'a quitté, il était plus de dix-huit heures, et je suis arrivée ici un peu avant vingt heures. Que pourrait-il faire qui dure aussi longtemps ?
- Il a peut-être été voir Cynthia à l'hôpital, songea soudain Sören, dont l'idée n'était pas venue plus tôt.
- Attends-moi ici, et continue à veiller par la fenêtre, je vais contacter l'infirmière Joëlle par visiophone au rez-de-chaussée.

Pandore se rua hors de la chambre, bousculant plusieurs dresseurs dans le couloir sans prendre la peine de s'excuser. Elle appela l'ascenseur, mais comme il tardait à venir, elle s'engouffra dans les escaliers qu'elle dévala quatre à quatre. Le hall était quasiment désert à l'exception de l'hôtesse qui tenait l'accueil. Ce fut un tabouret qui arrêta la jeune femme dans sa course, sur lequel elle s'assit avant de décrocher le combiné du visiophone et de composer le numéro du Centre Pokémon.

- Infirmière Joëlle ! s'exclama-t-elle lorsque le visage de la femme apparu sur l'écran. Vous vous souvenez de moi ? Avec mes amis, nous avons emmené Cynthia chez vous cet après-midi.
- Evidemment que je m'en rappelle. Vous voulez de ses nouvelles ? Pourtant, votre frère est passé, il aurait dû vous dire que tout allait bien et qu'elle sortait demain matin.
- François ? François est venu ici ? C'est justement à son propos que j'appelle. Il n'est pas rentré à l'hôtel, et nous commençons sérieusement à nous inquiéter, car ce n'est pas dans ses habitudes. Pourriez-vous m'indiquer l'heure exacte à laquelle il a quitté le Centre Pokémon, s'il vous plaît ?
- Je dirais depuis environ un bon quart d'heure. Voulez-vous que je prévienne l'agent Caillou ? Depuis quelques temps, nous assistons à des disparitions de pokémon. Si cela s'étend aux humains, il vaut mieux mettre la police sur l'affaire.
- Vous me rendriez un fier service en la prévenant. Je vais chercher mon frère de mon côté. Si jamais vous avez du nouveau, je vous saurez gré de contacter l'hôtel et de laisser un message à l'intention de Pandore ou de Sören.

La dresseuse lui communiqua le numéro de l'endroit, remercia l'infirmière puis raccrocha. Elle fit une brève halte devant l'hôtesse pour lui demander, au cas-où son frère rentrerait pendant leur absence, de lui dire de les attendre dans leur chambre.

Elle sortit ensuite par la porte aux battants coulissants tout en prenant une pokéball dans la poche de sa jupe. Une fraction de secondes plus tard, Dracaufeu se matérialisait devant elle, les genoux courbés pour qu'elle ait moins de mal à monter sur son dos.

- Pandore ? s'étonna le fils de Giovanni lorsqu'il la vit surgir devant la fenêtre.

Il ouvrit le battant et passa la tête au dehors. Sans qu'il n'ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, elle le tira de toutes ses forces à l'extérieur, où il atterrit sur la croupe du dragon.

- François a disparu, pas le temps de t'expliquer. Tu regardes de ce côté et moi de celui-là. Il a bien été voir Cynthia, mais cela doit faire maintenant vingt minutes qu'il a quitté le Centre Pokémon, or il n'en faut même pas cinq pour rallier l'hôtel à pied.

Ils survolèrent la grand-rue du Plateau Indigo en vain. Aucune trace du garçon. D'ailleurs, ils ne croisèrent personne. Tout était silencieux et il n'y avait pas âme qui vive aux alentours. Ils ne pouvaient donc même pas demander à un passant s'il avait croisé François. Cette sensation de vide autour d'eux rendait l'atmosphère plus pesante encore.

Finalement, ils comprirent bien vite que cela ne rimait à rien de continuer de la sorte. Sören proposa de se séparer. La jeune femme hésita un instant, car si un dangereux criminel rôdait dans la nature, il aurait mieux valu être deux, mais retrouver son frère était plus important que ses craintes personnelles.

Dracaufeu vola au ras du sol, tandis que le fils de Giovanni sortait l'une de ses pokéball. Luxray apparut aux côtés du dragon dans un flash éblouissant et son dresseur bondit sur son dos. Ils avaient fière allure, tous les deux.

- Si tu trouves quelque chose, Lance-Flamme. Si c'est moi, Etincelle. Nous sommes bien d'accord ?

Et il s'éloigna en chevauchant le pokémon électrique après que Pandore eut acquiescé à sa proposition. Elle espérait que l'agent Caillou, prévenue par l'infirmière Joëlle, se trouvait déjà au Centre Pokémon, à mener l'enquête. Cependant, lorsqu'elle survola l'endroit, rien ne semblait indiquer que la police était arrivée sur les lieux. Le seul espoir qu'avait la jeune femme était qu'elle se soit lancée directement à la recherche de François sans perdre de temps à essayer de rassembler des indices.

Soudain, la dresseuse discerna un bruit. Quelque chose de discret et léger qu'elle avait eu du mal à entendre à cause des battements d'ailes répétés de Dracaufeu. Une personne marchait dans la rue, quasiment au-dessous d'elle. Pandore se pencha pour tenter d'apercevoir quoi que ce soit, ce qui ne fut pas une mince affaire car les lampadaires espacés plongeaient des pans entiers de trottoir dans la pénombre.

Tant bien que mal, elle vit vaguement bouger une silhouette, apparemment habillée en noir de la tête aux pieds. Elle n'avançait pas vite, comme si elle cherchait quelque chose, ou quelqu'un. Ce comportement douteux avait tout l'air d'appartenir à une personne qui ne tenait pas à être repérée.

La jeune femme s'inclina vers l'avant après avoir dépassé la mystérieuse forme, et murmura d'une voix très basse dans le creux de l'oreille de Dracaufeu de faire demi-tour le plus silencieusement possible pour surprendre l'inconnu par derrière. Son compagnon émit un bref grognement avant de s'exécuter.

Au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient du suspect, il perdait de l'altitude. A moins d'un mètre de leur cible, Pandore se mit debout sur le dos de sa monture, et se jeta sur l'obscure silhouette qu'elle plaqua au sol. Avec l'élan du saut, elles roulèrent jusqu'au lampadaire le plus proche où la dresseuse put enfin distinguer le visage de la personne qu'elle venait d'agresser.

[*]

- François vient d'être enlevé, informa Mewtwo.

Son visage avait beau rester hermétique et inexpressif, sa voix mentale n'en trahissait pas moins son anxiété.

- Tu t'inquiètes pour lui ? s'enquit Jirachi en venant se poser sur son épaule.
- Il est le cadet de mes soucis. Cependant, si cet homme, Danny, qui faisait partie de la Team Rocket et n'a pas hésité à s'en prendre à toi, rôde autour du Plateau Indigo, il ne doit pas être étranger à cette affaire. Or, on ne peut pas dire que François ait jamais été réellement impliqué dans les plans de Pandore pour déjouer les leurs. J'en arrive donc à penser que c'est après elle qu'il en a, et non après son frère. C'est un piège, voilà tout. Mew ! ajouta-t-il télépathiquement. Reste sur tes gardes, et protège-la à n'importe quel prix, elle est probablement en danger. Je viens te remplacer le plus vite possible.
- Non ! Mewtwo ! Tu lui as promis.
- De ne pas me mettre en danger. Or, un membre isolé de la Team Rocket ne représente aucune menace pour moi. Et la sécurité physique de Pandore n'est pas le seul problème qui m'importe. Giovanni mort, j'ai effacé la mémoire de la grande majorité de ses sbires à la Caverne Azurée. A Sinnoh, ses plus fidèles employés ont été emporté avec lui, et tous les autres ont cessé leurs activités, donc je n'ai rien à craindre d'eux. Cependant, je n'avais pas pensé cet homme. Tu m'as dit qu'il était le créateur de la Masterball, cela ne peut signifier qu'une chose : lui aussi est au courant de mon existence. Je ne peux pas me permettre qu'il la dévoile à Pandore alors qu'elle m'a oublié.
- Vu sous cet angle... Je te souhaite bonne chance, mon cher ami. Tu en auras besoin.