Chapitre 9 : Bas les masques
L'infirmière Joëlle jugea préférable de garder Cynthia en observation pour la nuit, même si elle était hors de danger. François promit de venir prendre de ses nouvelles dans la matinée, car Sören et lui devaient partir s'entraîner, mais Pandore ne voulut prendre aucun engagement qu'elle n'était pas certaine de pouvoir tenir : elle n'avait pas particulièrement envie de revoir la Championne de Sinnoh et allait même presque jusqu'à regretter de lui avoir sauvé la vie.
En début de soirée, les deux garçons retournèrent s'exercer au terrain vague, mais cette fois, ils ne combattirent pas. Ils se contentèrent simplement de faire répéter leurs attaques à leurs pokémon, chacun de leur côté. Pandore les regardait, les sourcils levés. Autant Sören se montrait à la hauteur, autant François avait de très nets progrès à faire.
- C'est lamentable, affirma-t-elle avec un hochement de tête tandis que Carabaffe échouait une nouvelle fois en lançant un Hydrocanon qui rata totalement sa cible. Tu crois vraiment que c'est comme cela que tu atteindras la finale.
- Je fais de mon mieux, répliqua son cadet d'un ton plus agressif qu'il ne l'aurait souhaité.
- Quand comprendras-tu que ce n'est pas suffisant ? Tu ne tiendras pas une minute face à Peter si tu continues de la sorte.
- Arrête de me harceler sans cesse avec Peter, j'en ai assez ! Puisque tu le détestes à ce point, tu n'as qu'à l'affronter toi-même.
- Tu sais très bien que je ne peux pas, il me manque un badge.
- Tu n'avais qu'à aller le chercher dans l'ancienne arène de Giovanni. Je t'avais dit que tu finirais par le regretter.
- Je n'ai jamais dit que je le regrettais, je pensais simplement que je pouvais compter sur toi !
- Parce que tu comptes sur les autres, maintenant ? Depuis des mois, tu ne cesses de nous répéter que tu as "vaincu la Team Rocket sans l'aide de personne et c'est mieux ainsi". Continue donc, puisque tu te suffis à ce point à toi-même.
François se mordit la lèvre. Ses mots avaient dépassé sa pensée. Il tenta de rattraper sa soeur qui, piquée dans son orgueil, lui avait déjà tourné le dos, mais elle se dégagea d'un violent coup de coude lorsqu'il posa sa main sur son épaule. Comme si cela ne suffisait pas, elle le poussa sur le sol d'un geste dédaigneux, et le garçon atterrit par terre dans un nuage de poussière, le dos et le fessier endoloris.
- Mais que t'arrive-t-il, petite soeur ? murmura-t-il en se remettant debout, les vêtements sales, tandis que Pandore poursuivait son chemin.
- Qu'est-ce qu'il t'a pris de lui parler de la sorte ? lança Sören, à plusieurs mètres de là, alors qu'il revenait vers ses pokémon.
François préféra ne pas répondre, et rappela ses compagnons dans leur ball respective. S'il se lançait dans un débat avec son ami sur le comportement de Pandore, il risquait une nouvelle fois de prononcer des mots qu'il regretterait par la suite. Le fils de Giovanni était totalement obnubilé par son aînée. Il lui portait une adoration qui l'aveuglait, si bien que François savait, quoi qu'il pourrait dire, qu'il lui donnerait tort.
- Tu as déjà terminé ?
- Je suis fatigué. Je rentre à l'hôtel, grommela le garçon en jetant son sac sur son épaule.
[*]
Pandore survolait le Plateau Indigo sur le dos de Dracaufeu lorsqu'elle aperçut son rival qui s'exerçait dans l'une des arènes d'entraînement. Elle alla se poser sur le terrain et il lui adressa un sourire avant de demander à son Dracolosse de rentrer dans sa pokéball, tandis qu'elle en faisait de même avec sa monture.
La jeune femme, encore énervée suite à la dispute avec son frère, fut prise d'une furieuse envie de lui révéler la présence de Cynthia en ville, avant de se raviser. Celle qui jouait les briseuses de ménage n'était jamais bien perçue : elle devait attendre qu'il l'apprenne par lui-même, ce qui finirait vite par arriver, car la Championne de Sinnoh n'allait pas passer longtemps inaperçue, ne serait-ce qu'après son combat avec l'homme encapuchonné.
- Pourquoi vous entrainez-vous autant si ce n'est pas pour participer à la Ligue Indigo ? finit-elle par demander, brisant ainsi le silence.
Il étouffa un rire qui l'intrigua, mais n'en révéla pas davantage. Un air mystérieux se dessina sur son visage, et Pandore comprit que ce n'était encore pas là qu'elle en apprendrait davantage à son sujet. Il alla s'asseoir sur l'un des bancs qui faisait le tour de la petite arène, où il lui fit signe de venir s'installer à côté de lui.
- Vous êtes étrange, affirma l'inconnu avec un sourire.
- Pas autant que vous. Je ne sais rien du tout à votre propos.
- Allez savoir ? Peut-être me connaissez-vous davantage que vous le croyez, au moins inconsciemment.
- Et de surcroît, vous parlez sans cesse par énigme, soupira Pandore en levant les yeux au ciel.
Ils éclatèrent de rire, avant de bavarder allègrement sur le Championnat. La dresseuse oublia progressivement sa querelle avec son frère, allant même jusqu'à évaluer ses chances dans la Ligue Indigo, ainsi que celle de Sören, avec son rival. Les statistiques ne jouaient pas vraiment en la faveur de François, car il y avait plusieurs adversaires susceptibles de l'éliminer dans les prochains tours. En revanche, l'inconnu voyait pour le fils de Giovanni de bonnes chances d'arriver jusqu'en finale.
[*]
L'homme au capuchon se tenait dans la pénombre du soleil couchant, derrière le mur qui bordait l'arène. Il observait les jeunes gens, sans cesser de jeter des regards anxieux autour de lui par peur d'être repéré. Maintenant que cette bêcheuse de Cynthia l'avait pris en grippe, il valait mieux pour lui ne plus être revu au grand jour. Si seulement Pandore avait pu se retrouver seule un instant, il aurait accompli ce pourquoi il était venu, sa mission, mais quand elle n'était pas avec cet homme qu'il haïssait tant et dont il avait juré de se venger le moment venu, elle se trouvait toujours en présence du fils de Giovanni.
Un bruit dans son dos l'obligea à se retourner. Un Teddiursa avançait dans sa direction. Le pokémon à l'allure d'ours en peluche ne retint même pas le regard du capuchon, qui avait un coeur de pierre. Il se contenta de pester contre lui-même à voix basse, s'en voulant d'avoir quasiment eu peur d'une créature d'aussi moindre importance.
- Allez, va t'en, laisse-moi tranquille ! cracha-t-il à l'adorable petit être qui continuait de le fixer sans ciller.
L'homme savait que si cette chose ne disparaissait pas très vite, elle risquait de le faire repérer. Cependant, comme le Teddiursa restait immobile, il jugea que ne rien faire pour l'instant était encore la meilleure solution.
Il s'écoula moins d'une minute, durant laquelle son regard ne quitta pas Pandore et son nouvel ami, lorsqu'un grognement, nettement moins amical que le couinement que pouvait émettre le pokémon mini ours, l'obligea une fois encore à regarder par-dessus son épaule.
Le Teddiursa avait disparu, et ce fut avec horreur qu'il fit désormais face à un gigantesque Dracaufeu. Il pensa un instant qu'il s'agissait de celui de la morveuse, mais c'était impossible, car après l'avoir rappelé dans sa pokéball, elle ne l'en avait plus sorti.
Le dragon fit un pas dans sa direction, puis leva sa queue enflammée à la hauteur de son visage. L'homme, tétanisé, ne put rien faire pour l'en empêcher, et la créature vit enfin ses traits, éclairés par la lumière dansante et orangée du feu, qu'il avait pourtant chercher avec soin à dissimuler aux yeux de tous.