Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Duel au sommet de olyn



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 11/12/2012 à 18:46
» Dernière mise à jour le 16/12/2012 à 21:20

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 17 : Coeur de glace
Il y en avait trois.

Trois possibilités.

Trois choix potentiels qui s'offraient à moi, et si je me trompais, je pouvais très bien me retrouver de retour à la case départ. J'hésitai, mon regard se posant tour à tour sur les trois dalles de téléportation. Identiques en tout point, elles me narguaient...

- Alors, c'est laquelle ? demandai-je sans trop y croire.

Le dresseur que je venais de vaincre me retourna un sourire mystérieux.

- Fais confiance à ton intuition, et tu parviendras peut-être jusqu'à notre championne.

Pfff. Le moins qu'on puisse dire, c'était que mon intuition ne m'avait pas été d'une grande aide jusque là. Cela faisait déjà deux heures que je galérais dans l'arène de Safrania, alternant entre combats ponctuels contre Pokémon psy et téléportations qui me donnaient envie de vomir. Moi et mon pauvre estomac malmené avions vraiment hâte que tout ça soit terminé.

Allez, si ça se peut Morgane n'est qu'à une dalle de distance...

Je tergiversai encore quelques minutes, puis décidai de laisser faire le hasard, qui désigna la dalle la plus proche. Je retins mon souffle, marchai dessus, et...

Raté.

Je me trouvais à présent dans une petite salle exactement comme la précédente, avec quatre nouvelles dalles au sol. Un jeune homme aux cheveux violets striés de rouge m'adressa un salut et cessa de faire léviter ses Pokéballs pour en choisir une.

- En avant Croquignole !

Un Flagadoss à l'air absent émergea de la ball. Il me jeta un regard vide et entreprit de mordiller sa propre queue. Mouais. Pas très fut-fut, ce qui n'avait rien d'étonnant pour cette espèce...

- Princesse, à toi.

Sitôt matérialisée, la Persian inspecta son adversaire de bas en haut. Ses moustaches frissonnèrent et elle me lança un coup d'œil atterré, genre 'tu veux vraiment que j'affronte ce patapouf ?'. Je lui renvoyai en échange le signe qui voulait dire 'hé oui ma petite, allez, au boulot'. (Notre communication non-verbale avait atteint un très haut niveau.) La Persian émit un son de dépit avant de débuter le combat par une Onde de Choc. Classique mais efficace. Enfin en théorie, parce que le Flagadoss n'eut pas la moindre réaction lorsque l'onde électrique l'atteignit.

En réponse, son dresseur lui ordonna de lancer Pistolet à O. Princesse zigzagua sur le terrain, cherchant à échapper au jet d'eau froide qui jaillit de la gueule du Flagadoss, mais ce dernier ajusta son tir en conséquence et la Persian fut aspergée du museau au bout de la queue. Elle cracha de colère et s'ébroua tel un chien.

- Oui, tu peux aller le mordre, lui dis-je, devinant ses intentions.

Elle ne se le fit pas dire deux fois et, après un bond assez impressionnant, alla planter ses crocs dans la queue de son adversaire, qui grogna et riposta d'un coup de tête. Il frappa Princesse en plein dans le ventre, l'envoyant à terre. La Persian se releva avec difficulté, recula puis tituba, sonnée. Je grimaçai et l'échangeai contre Pleind'Soupe - lui pourrait aisément rivaliser avec le Flagadoss question poids et taille. Le Ronflex était réveillé pour une fois, et ses oreilles s'agitèrent en attendant mes ordres.

- Coup d'Boule, énonçai-je.

Mon adversaire répéta également cet ordre, et nos Pokémon se précipitèrent l'un vers l'autre, faisant trembler le sol. La pièce était plutôt exiguë, ils n'eurent donc pas à faire plus de quelques pas avant de se retrouver au corps-à-corps. Leurs têtes se heurtèrent brutalement, et ils retombèrent chacun de leur côté, occasionnant un nouveau mini tremblement de terre.

- Choc mental et enchaîne avec Entrave, annonça le dresseur. On va le désorienter un peu.

Ha non, ça pas question.

- Recommence, Pleind'Soupe.

Le Ronflex grogna et asséna un deuxième Coup d'Boule à son adversaire, lequel vacilla et s'affaissa, visiblement assommé. Pleind'Soupe avait vaincu. Je m'approchai pour lui flanquer une petite tape de félicitations. J'y mis toutes mes forces, mais il ne parut même pas la remarquer.

- C'est bien mon gros, fis-je à voix haute.

Un ronflement me répondit. Bah tiens. Avec une moue amusée, je rappelai la Belle au Bois Dormant dans sa Pokéball et fis ressortir Princesse. Le reste du duel fut expédié en deux temps trois mouvements car les autres Pokémon étaient des Ramoloss que la Persian laissa facilement au tapis. Je posai à nouveau la question fatidique au dresseur, pour me faire rembarrer une énième fois. Parfois je me demandais vraiment pourquoi je m'obstinais... Dépourvue de tout repère, je marchai donc sur une dalle au pif et débarquai dans une salle que j'avais déjà visitée.

- Je ne fais que passer... murmurai-je à l'intention du dresseur.

Ils devaient en voir beaucoup, des personnes perdues dans leur petit labyrinthe... Après trois autres tentatives, j'arrivai enfin dans une pièce inconnue. La femme qui s'y trouvait me fit aussitôt penser aux exorcistes de Lavanville : elle portait les mêmes vêtements amples et brandissait également le bâton aux grelots d'argents qui semblait caractéristique de leur profession. Ses yeux bleus se posèrent sur moi et elle esquissa un sourire.

- Quel plaisir de te voir ici, jeune âme, déclara-t-elle.

Quelque chose chez elle m'était indéniablement familier...

- Je vous connais, n'est-ce pas ? m'enquis-je.

- Nous nous sommes croisées auparavant, oui. Tu m'as sauvée de la possession de Fantominus dans la Tour Pokémon, jeune âme.

- Oh...

- Mais notre passé commun n'interférera en rien sur notre présent, continua-t-elle. Es-tu prête ?

Je hochai la tête. Elle fit appel à un Fantominus tandis que je me reposai une fois de plus sur Princesse. La Persian semblait cependant plus intéressée par les grelots qui pendaient au but du bâton de la femme que par le Pokémon spectre. Elle s'en approcha en dandinant son derrière et sauta, cherchant à les attraper. Il y eut un tintement cristallin lorsqu'elle les effleura de ses griffes.

Pendant ce temps, le Fantominus s'était glissé dans son dos et la menaçait.

- Princesse, derrière toi ! l'avertis-je.

Elle se retourna avec une grâce purement féline et bondit dans le même mouvement, la gueule ouverte. Sa mâchoire se referma en claquant sur la vapeur violette dont était constituée le Pokémon spectre. Ce dernier poussa un cri aigu et s'écarta brusquement, se réfugiant plus haut. Ses yeux vifs brillaient toujours mais son corps gazeux était presque évaporé.

- Il ne lui reste plus beaucoup de forces, estima l'exorciste. Très bien, qu'il en soit ainsi. Fantominus, Prélèvement du Destin.

Le Pokémon spectre se mit à scintiller et fut bientôt nimbé d'une aura argentée qui pulsait à intervalles réguliers. La même aura apparut autour de Princesse, l'enveloppant du bout des moustaches jusqu'à la queue. Qu'est-ce que c'était que cette attaque ?

- Attends, Princesse, lui enjoignis-je.

Je flairais l'entourloupe. Pas question donc d'aller plus loin sans en savoir plus. Je sortis mon fidèle Pokédex et tapotai le clavier jusqu'à trouver la description de l'attaque Prélèvement du Destin.

- Si le lanceur de Prélèvement du Destin tombe K.O. des suites directes d'une attaque sans avoir utilisé une autre attaque lui-même depuis le lancement de Prélèvement du Destin, le lanceur de l'attaque tombera K.O. également, énonça le Pokédex de sa voix de machine.

Un frisson d'appréhension descendit le long de ma colonne vertébrale. Oh non... La vie de Princesse était donc liée à celle de ce Fantominus. En un cas comme celui-ci, la rapidité de la Persian jouait en sa défaveur. Quoique le Pokémon spectre aurait très bien pu relancer Prélèvement du Destin si Princesse avait été plus lente que lui, donc au final ça ne changeait pas grand chose. Je fronçai les sourcils tout en réfléchissant. Comment allais-je me sortir de ce pétrin ?

L'exorciste me dévisageait d'un air calme, le sourire aux lèvres. C'était quelque peu sadique de sa part de jouer un coup comme ça, mais au point où j'en étais il en fallait plus pour me surprendre.

- Princesse, reviens...

Je rappelai la Persian dans sa ball malgré ses protestations et fis sortir Salade. Mon mastodonte vert s'était à peine matérialisé que je mis mon plan en action.

- Fouet Lianes ! m'écriai-je, espérant prendre le Fantominus de vitesse.

Alors que les lianes du Florizarre sifflaient dans l'air, le corps du Pokémon spectre brilla à nouveau d'une aura argentée.

Merde, merde, merde.

- Salade, arrête !

Un cri désespéré. Les lianes du Florizarre s'arrêtèrent à un cheveu du Fantominus, stoppées net par les formidables réflexes de mon Salade. Mon Salade qui pulsait à présent d'une lueur argentée, signe que le Prélèvement du Destin était actif. Pfffiou... C'était pas passé loin. Je respirai à fond plusieurs fois histoire de me calmer. Dire que Salade avait failli... non, je ne voulais même pas y penser.

- Hé bien, jeune âme, quel est ton prochain coup ? me demanda l'exorciste d'une voix douce qui contrastait fortement avec ce qui était en train de se passer.

- Zarre ? renchérit Salade.

Il avait tourné la tête vers moi et m'interrogeai du regard. Un regard rempli de confiance et d'assurance. Mon bulbe vert ne comprenait sans doute pas pourquoi je venais de lui ordonner de ne pas frapper le Fantominus, mais il m'obéissait tout de même. Une telle dévotion me fit me sentir coupable. J'examinai à nouveau la situation mentalement. Une attaque qui garantissait un K.O. des deux côtés... Une dresseuse qui était prête à aller jusqu'au bout... Un Pokémon à bout de forces mais qui tenait bon... La conclusion était claire : je pouvais gagner ce duel mais je perdrais Salade... ou n'importe lequel des mes Pokémon d'ailleurs, car la femme n'allait sûrement pas changer de tactique si je choisissais un autre combattant. Et ça, ce n'était pas quelque chose que j'étais prête à accepter.

Mais il y avait aussi autre chose. L'étrange sensation qu'il me manquait une pièce du puzzle, comme une prémonition qui ne me lâchait pas. Un morceau d'une des phrases énoncées par le Pokédex tournait et retournait dans ma tête.

...des suites directes d'une attaque...

Bingo. Elle était là, ma solution. Et si j'avais tort... ? Non, ça allait marcher. Je croisai les doigts et me jetai à l'eau.

- Vampigraine, mon gros.

- Zarre, acquiesça Salade avant d'envoyer une volée de graines sur le Fantominus.

Les projectiles piégés s'implantèrent dans le corps gazeux du Pokémon spectre et se mirent immédiatement à luire. Il y eut une seconde de brillance, un éclat de lumière verte, et le Fantominus s'évapora comme de la fumée soufflée par le vent. L'aura autour de Salade cessa d'exister alors même que la vie du Pokémon spectre s'éteignait.

Mes épaules s'affaissèrent. J'avais gagné, mais le prix à payer pesait lourd sur ma conscience... Une mort de plus à mon actif.

- Une belle solution à ce dilemme, me complimenta mon adversaire. Tu vas donner du fil à retordre à Morgane, jeune âme.

- Une mort n'est jamais 'belle', rétorquai-je amèrement.

Je secouai la tête, rappelai Salade, et m'avançai sans plus attendre sur une des dalles téléporteuses, pressée de quitter cet endroit. Il faut croire que le destin récompensait les points de karma perdus car j'émergeai alors dans une pièce plus grande que les autres, avec une seule dalle au sol. Son occupante (de la pièce, pas de la dalle - oui je sais c'est logique) était une jeune femme aux longs cheveux noirs, vêtue d'un ensemble noir qui lui allait comme un gant. Elle avait des yeux en amande d'une étonnante couleur rubis mis en valeur par une touche de maquillage, et ses hautes pommettes et son nez fin conféraient à son visage une froideur mystérieuse.

Morgane.

Lorsque son regard croisa le mien, je ressentis comme un choc électrique dans tout mon corps. Une énergie venue de nulle part se glissa contre ma peau, murmure galvanisant.

- Bienvenue dans mon antre, Léa, déclara la championne de Safrania avec un demi-sourire.

- Bonjour, Morgane, la saluai-je tout en restant sur mes gardes. On peut dire que vous ne rendez pas les choses faciles pour arriver jusqu'à vous. Vos dalles de téléportation m'en ont fait voir de toutes les couleurs...

- Et pourtant tu n'as pas abandonné. La persévérance est une des qualités requises pour devenir Maître Pokémon. J'aime à penser que mon arène décourage les dresseurs qui au final ne pourraient jamais prétendre au titre, que ce soit par manque de caractère ou autre défaut rédhibitoire... Ces jours-ci je n'ai pas eu beaucoup d'adversaires, mais j'avais prédit ton arrivée.

- Vous possédez des pouvoirs psychiques ? demandai-je machinalement.

Une question un rien stupide vu qu'elle était la championne des Pokémon psy, mais j'avais fait pire.

- Et non des moindres, fut sa réponse. Je sais d'où tu viens, Léa, et je sais où tu vas. Ton voyage est loin d'être terminé; tu as encore tellement à apprendre...

- Vous... vous savez qui je suis ? bredouillai-je, estomaquée qu'elle avoue un truc pareil tout en me parlant calmement.

- Et qui tu seras, confirma-t-elle.

Alors là, ça défiait toute logique.

- Mais vous ne trouvez pas ça bizarre ? Je viens d'un monde où votre réalité est considérée comme un jeu vidéo ! Vos pouvoirs vous permettent peut-être de voir mon passé et d'anticiper mon futur, mais la façon dont je suis arrivée ici n'a aucun sens, quel que soit l'angle sous lequel on l'examine !

Ma voix était montée dans les aiguës, signe de ma frustration. Morgane remit une mèche des ses cheveux en place et me répondit d'un ton posé :

- Le monde est rempli de de choses inexpliquées et inexplicables. Mon don me permet parfois de percer le voile et d'entrevoir ce qui se cache derrière, et crois-moi, j'ai vu bien plus bizarre que ton histoire, Léa. Alors non, je ne trouve pas ça étrange.

Je me sentis soulagée. Enfin quelqu'un avec qui je n'avais pas besoin de mentir, même par omission, quelqu'un qui comprenait ce que j'avais traversé, quelqu'un qui pouvait peut-être enfin m'aider à éclaircir la situation...

- Vous l'avez dit à quelqu'un ? voulus-je néanmoins savoir.

- Non. Ton histoire t'appartient, et toi seule peut choisir de la révéler à autrui.

Je hochai la tête. Mon secret était entre de bonnes mains. Et puis de toute façon, qui l'aurait cru ?

- Vous allez peut-être pouvoir apporter des réponses à mes questions... continuai-je à mi-voix, de peur que cette saleté de destin m'entende et ne fasse s'écrouler tous mes espoirs. Vous savez ce que je dois faire pour rentrer chez moi ?

Morgane me renvoya un sourire mystérieux.

- Je le crois, oui. Mais c'est un savoir qui se paye.

Inutile d'être devin pour anticiper la nature du prix en question.

- Je te propose un duel, continua la championne, confirmant mes soupçons. Si tu gagnes, tu obtiens le badge Marais et le droit de me poser trois questions auxquelles je répondrais du mieux que je peux.

- Et si je perds ?

- Tu ne perdras pas, asséna-t-elle. Je l'ai vu.

Je restai un moment sans voix face à cette réponse catégorique. Morgane était décidément quelqu'un de très étrange... et venant de quelqu'un qui avait été aspirée dans un jeu vidéo, ça voulait tout dire.

- Alors quel est l'intérêt de se battre ? m'enquis-je finalement.

- L'intérêt ne réside pas dans l'issue du combat, mais dans son déroulement.

Qu'est-ce que ça voulait dire, ça ? L'un de mes Pokémon allait-il perdre la vie dans ce combat ? Je passais mentalement en revue mes monstres de poche. Je n'allais évidemment pas me servir de Salade ou de Teigne vu leur faiblesse face au type psy, et Princesse comme Pleind'Soupe avaient presque rattrapés le niveau des autres... À moins d'un gros coup de malchance, je ne voyais pas comment ça aurait pu arriver. Sans compter que je n'avais pas vraiment le choix.

Comme toujours.

Je repoussai cette pensée déprimante dans les tréfonds de mon esprit.

- Très bien, j'accepte votre marché, répondis-je.

- Dans ce cas...

Elle dégaina une Pokéball en la faisant léviter jusqu'à sa main et la lança dans la foulée. Un simple Kadabra en émergea. Ceux-là, Princesse était passé maître dans l'art de les mettre au tapis.

- En avant, ma grande...

La Persian miaula d'approbation en découvrant son adversaire. Pour une raison que je ne comprendrais sans doute jamais, elle préférait les Kadabra au Flagadoss de tout à l'heure.

- Concentre-toi uniquement sur des Morsures, OK Princesse ? On oublie les Ondes de Choc pour le moment.

Voilà que je me la jouais stratégique. J'avais vraiment changé en un mois - changé et beaucoup appris.

- Persian, approuva Princesse avant de sauter sur le malheureux Kadabra qui allait bientôt se retrouver tout mâchouillé.

Bien évidemment Morgane ne donna pas d'ordre à voix haute, ça aurait été trop facile. Mais elle disposait elle aussi d'une stratégie, car alors que Princesse enfonçait ses crocs dans le mollet gauche du Kadabra, la peau de ce dernier jeta un éclair et acquit un éclat métallique durant une fraction de seconde. Princesse recula, dansa hors de portée, cracha une fois pour faire bonne mesure et retourna à l'assaut. Son corps souple et agile était impressionnant de célérité ; elle bougeait si vite que j'avais du mal à la suivre des yeux. Il y eut un bruit feutré alors qu'elle prenait appui sur le sol, puis un claquement, et ses mâchoires se refermèrent à nouveau sur un bout du Kadabra - le bras droit, cette fois. Un sang sombre jaillit, dégoulinant jusque sur les dalles blanches.

Les yeux du Pokémon psy brillèrent et je reconnus une attaque mentale, allez savoir laquelle exactement. Princesse ne parut pas être affectée, elle se contenta d'un grognement avant de retomber sur ses pattes et de revenir vers moi. Dans son dos, le Kadabra s'affaissa, l'air mal en point.

- Persian, sian, fanfaronna Princesse, sûrement toute fière de pouvoir faire comme Teigne.

- Ta Persian est un peu trop sûre d'elle, déclara Morgane avant de soigner son Pokémon avec ce qui ressemblait fort à une hyper potion.

Les blessures du Kadabra se résorbèrent illico. Princesse se retourna vivement vers lui tandis qu'il se redressait.

- Persssian ! feula-t-elle, furieuse de voir sa victoire lui échapper.

Sa queue fouetta l'air et elle se rua sur le manant qui osait insister. Sa Morsure fut tellement sauvage que le Kadabra n'osa même pas répliquer, interloqué par tant de rage. Il resta immobile, une main crispée sur sa cuillère, endurant en silence l'assaut de la Persian jusqu'à ce qu'enfin elle recule et se mette à lui tourner autour, rôdant en quête du meilleur angle d'attaque.

- ...et la Prescience devrait frapper d'ici quelques secondes, fit soudain Morgane, comme si elle avait commenté le combat mentalement jusqu'à maintenant et s'exprimait soudain à voix haute pour mon seul privilège.

- Finis-en, Princesse, lui ordonnai-je aussitôt.

Peut-être que si elle était assez rapide elle parviendrait à prendre de vitesse cette foutue Prescience. La Persian réagit au quart de tour, bondissant tout crocs dehors sur le Kadabra. Je retins mon souffle... et jurai à voix basse quand Princesse tressaillit sous le coup de l'attaque mentale. Elle ne se laissa cependant pas distraire de son but et sa gueule se referma sur la main droite du Kadabra. Craquement des os qui se brisent. Un coup de tête plus tard et la fameuse cuillère du Pokémon psy tinta au sol, tandis que Princesse abandonnait le morceau sanguinolent qu'était devenue la main du Kadabra. J'eus un haut-le-cœur.

Morgane rappela son Pokémon, l'expression de son visage toujours sereine, et envoya le suivant au combat.

- M. Mime ! s'exclama la créature qui hantait parfois mes cauchemars.

Je grimaçai. Ses yeux globuleux se fixèrent sur moi et sa bouche s'agita sans qu'aucun son n'en sorte. Celui-là faisait encore plus peur que le spécimen que j'avais croisé sur le pont de l'Océane. Rien que de le regarder du coin de l'œil, j'en avais des frissons. Il me fallait du gros calibre pour m'en débarrasser rapidement. Je décidai de faire appel à Grignotte.

- Blai ? couina-t-il à la vue du M. Mime, alias le cauchemar ambulant.

Le Pokémon psy lui fit un sourire proprement terrifiant. Grignotte se tourna vivement vers moi, le museau tremblant d'appréhension.

- Sablai, sablaireau. Blaiii.

Je m'accroupis pour le regarder dans les yeux.

- Bien sûr que si tu peux y arriver, Grignotte. Moi aussi il me fout la frousse ce clown... mais à nous deux on va dépasser nos peurs et le renvoyer dans le cirque qu'il n'aurait jamais dû quitter, OK ?

Je lui tendis ma main, paume vers le ciel. Il y plaça sa patte griffue sans hésitation.

- Blaaai !

- Alors allons-y ! déclarai-je, bien plus incertaine que ce que je laissais paraître. Attaque Tranche !

Grignotte fonça vers le M. Mime, dont les yeux se mirent à briller d'une lueur dorée, caractéristique d'une attaque mentale en préparation. Mais le Sablaireau frappa le premier, ses griffes fouettant le ventre du Pokémon psy pour y laisser trois sillons sanglants. Le M. Mime baissa les yeux vers sa blessure, ouvrit la bouche comme pour crier...

... et s'écroula, inerte.

Hein ?

Grignotte le poussa doucement d'un coup de patte, l'air étonné.

- Blai ?

- Joli coup, fit Morgane. Ton Sablaireau est plus dangereux qu'il ne le pense.

Elle rappela le M. Mime qui à présent ne paraissait plus si terrible que ça. Grignotte revint vers moi en trottinant.

- Sablai ? me demanda-t-il.

- Non, non, je ne crois pas qu'il ait eu une soudaine crise cardiaque. C'est toi qui l'a vaincu, mon grand.

- Blaaaiiireau, couina-t-il tout heureux, et cette fois c'est lui qui me tendit sa patte.

Je posai ma main dessus en souriant. Le Sablaireau était de loin le plus discret du groupe et j'avais quelque peu tendance à l'oublier parfois, mais il venait de me prouver qu'il possédait des ressources cachées dont je ne m'étais pas rendu compte auparavant... Peut-être que ça aussi, ça faisait partie de la vie d'un dresseur Pokémon. Découvrir de nouvelles facettes de ses Pokémon à chaque tournant.

Un cri strident interrompit mes pensées :

- Aéromite !

Morgane avait choisi son prochain Pokémon. L'Aéromite flottait à quelques centimètres du sol, battant paresseusement des ailes afin de se maintenir en vol. Son immense corps qui ressemblait à celui d'un papillon me rappela Ficelle et la couleur violette qu'elle arborait, le duo des Poilus. Et inévitablement, parce que repenser à toutes mes pertes ne pouvait mener qu'à ça, l'image de Léonard me vint en tête. Je repoussai sauvagement la vague de chagrin qui m'assaillit. Non, non, non, c'était ridicule, je n'allais pas me mettre à pleurer en plein duel pour un badge de la Ligue. Je reniflai, refoulai mes larmes naissantes, et me concentrai à fond sur le moment présent.

- Sablaireau ? voulut savoir Grignotte.

- Non, reste en retrait. Celui-là c'est pour Pleind'Soupe.

L'espace dans la pièce se rétrécit considérablement lorsque le Ronflex apparut, et le combat débuta aussitôt. Mes oreilles crissèrent à cause de l'Ultrason de l'Aéromite.

- Plaquage ! criai-je pour me faire entendre par-dessus le son infernal.

- Rooon ! acquiesça Pleind'Soupe.

Il se dirigea pesamment vers son adversaire et le projeta contre le mur d'un coup de ventre. Ce n'était pas vraiment un plaquage dans les règles de l'art, mais ça ferait l'affaire. L'Aéromite mit quelques secondes à se reprendre, remua ses ailes pour s'envoler à nouveau, puis braqua ses yeux à facettes sur le Ronflex. Une lance d'énergie violette fusa dans l'air, touchant Pleind'Soupe en plein visage. Il se contenta pourtant de se gratter l'oreille, comme si l'attaque l'avait à peine chatouillée.

- Coup d'Boule, maintenant ! enchaînai-je.

Pleind'Soupe se baissa et fonça - enfin, marcha à grande vitesse disons - vers l'Aéromite. Lorsque sa tête entra en contact avec le corps du Pokémon psy, ce dernier fut de nouveau projeté contre le mur. Cette fois-ci, il resta prostré, ses ailes drapées autour de lui.

- Tu t'es bien battue, Velours, fit Morgane en rappelant l'Aéromite.

Je félicitai également Pleind'Soupe avant de le faire rentrer dans sa maison.

- Plus qu'un et tu obtiendras ce que tu cherches, déclara la championne avec toujours ce même demi-sourire. Es-tu vraiment sûre de ne pas vouloir faire marche arrière ?

- Certaine.

- Bien. Dans ce cas, il ne te reste plus qu'à vaincre Oméga.

Un Pokémon à la forme humanoïde se matérialisa aux côtés de Morgane. Un Pokémon qui ne m'était pas inconnu mais que j'aurais préféré ne pas avoir à affronter. Grand, la fourrure d'un mélange de marron et de jaune, des yeux couleur d'or en fusion et un museau allongé surmonté d'une longue moustache... sans oublier les deux cuillères en argent. Un Alakazam.

Il planta ses prunelles à la teinte si étrange dans les miennes et je sentis un frisson courir le long de mon échine.

Je vois la mort dans ton futur proche, petite humaine. La mort et le chagrin.

La voix mentale avait coupé à vif dans mon esprit. Aucune menace n'émanait d'elle. Le ton suggérait davantage une constatation, quelque chose de gravé dans le marbre contre lequel on ne pouvait lutter. Je serrai les poings.

- Pas cette fois, non, rétorquai-je. Grignotte, en piste.

Le Sablaireau vint se placer face à l'Alakazam. Il y eut un long silence durant lequel les Pokémon se toisèrent.

Et Morgane, qui toujours, souriait...

- Tranche, énonçai-je, pressée d'en finir, pressée d'être soulagée, de confirmer qu'aucun de mes Pokémon ne perdraient leurs vies dans ce duel.

Une aura dorée flamboya autour de l'Alakazam comme si ce seul mot avait enflammé tout son être. Grignotte s'élança. Rapide. Ses griffes sifflèrent, tranchant l'air. Et même plus. L'air, la chair, l'os. L'Alakazam recula, son bras droit pendouillant, désormais inutile, et ses flancs dégoulinant de sang. Nos regards se croisèrent une nouvelle fois. Dans le sien, j'y lus la défaite. Sa voix claire retentit dans ma tête.

Personne n'échappe à son destin.

Puis il ferma les paupières et s'affaissa. Je poussai un soupir. C'était fini ? Aussi rapidement que ça ? J'avais du mal à y croire. Tout comme Grignotte d'ailleurs, qui surveillait le Pokémon psy très attentivement. Il sursauta lorsque la championne le rappela.

- Blaireau ? interrogea-t-il en se tournant vers moi.

- Apparemment, oui, on a gagné...

- Je t'avais dit que tu l'emporterais, conclut Morgane sans se départir de son sourire. Le badge Marais est à toi.

Elle me l'offrit et je m'approchai pour m'en emparer, mais j'étais bien plus intéressée par l'autre récompense qu'elle m'avait promise.

- Trois questions, alors ?

- Trois, confirma-t-elle.

J'inspirai profondément. La question la plus importante au monde sortit de ma bouche :

- Comment je fais pour rentrer chez moi ?

Morgane ferma les yeux un instant, et lorsqu'elle les rouvrit ils étaient recouverts d'un voile blanc. Elle s'exprima alors d'une voix qui résonna dans la pièce entière, une voix dotée d'une qualité quasi spectracle :

- Tu dois vaincre la Ligue Pokémon et affronter l'ultime menace. Mais il se peut que ta définition de 'chez toi' ait changé au bout du chemin qui t'attends...

- L'ultime menace ?

La question m'avait échappé par réflexe, mais trop tard, ça comptait.

- Le Pokémon le plus puissant au monde, fut la réponse de Morgane.

J'étais à deux doigts de demander duquel il s'agissait lorsqu'une autre question autrement plus importante me brûla le bout de la langue. Laquelle choisir ? Celle qui me permettrait d'être sûre de mon avenir ou celle qui m'aiderait à apaiser les démons de mon passé ?

Tic-tac. Le temps presse. Fais ton choix.

Et c'est ce que je fis, à regret, car je savais que quelque soit celle que je choisirais, il viendrait un moment où je regretterai de ne pas avoir posé l'autre.

- Où est Vivian ?

- Il se trouve en ce moment à l'arène de Jadielle.

Jadielle... C'était trop loin. Le temps que j'y parvienne, il ne serait sûrement déjà plus là. Je devais me résoudre à continuer l'aventure, je finirai forcément par le recroiser... Sûrement pas avec l'avantage de la surprise, mais ça on ne pouvait rien y faire.

- Merci.

Morgane exhala un long soupir et ses yeux recouvrèrent leur aspect normal.

- Je ne t'envie pas, Léa. Ton futur est sombre et si incertain...

- Votre Alakazam m'a dit avoir vu la mort dans mon futur proche... murmurai-je.

Elle me renvoya un regard impassible.

- Les prédictions d'Oméga se réalisent toujours.

Pas cette fois, me promis-je. Pas cette fois.

***

Après une nuit passée à Safrania, je redescendis vers Parmanie le lendemain matin. Mon nouvel objectif était de me rendre à Cramois'île, et ne disposant pas d'un Pokémon qui aurait pu m'y amener par la voie des airs, j'allais devoir m'en remettre à Plouf. D'après les renseignements que l'on m'avait donnés, le chenal était aisément navigable et parfois emprunté par des nageurs les jours de beau temps. Un réseau de cavernes appelées les Îles Écume constituait le seul obstacle sur la route.

- Il vous faudra partir de Bourg Palette si vous voulez les éviter, m'avait expliqué une infirmière prénommée Janine.

- Pourquoi, elles sont dangereuses ? m'étais-je inquiétée.

- Oh non pas du tout. C'est simplement que les couloirs de roche forment un labyrinthe naturel, et les gens s'y perdent de temps en temps.

- Pas grave, j'ai l'habitude... avais-je répondu avant de la remercier pour son aide.

À présent, je me trouvais sur une des plages de Parmanie, en train d'essayer de rassembler assez de courage pour tremper les pieds dans l'eau.

- Persiian, me nargua Princesse tandis qu'elle gambadait allègrement dans les vagues.

Plouf passa en trombe, l'aspergeant généreusement, et elle lui cracha dessus en retour. Quant aux quatre autres, ils étaient éparpillés sur la plage, s'amusant comme ils le pouvaient. Salade avait construit un château de sable et le défendait contre les assauts de Teigne, Grignotte était occupé à creuser son quatorzième trou, et Pleind'Soupe... Je fronçai les sourcils. Regardai à droite, puis à gauche. Me retournai. Aucun Ronflex en vue. J'avais perdu Pleind'Soupe ? Comment donc avais-je réussi un tel exploit ?

- Soussoupe ? lançai-je. Où que t'es mon gros ?

Je crus entendre un 'Ron' complètement étouffé, puis le château de sable de Salade bougea. Il y eut un tremblement, les deux magnifiques tours construites avec soin s'écroulèrent, et Pleind'Soupe émergea de sous l'édifice.

- Ronflex ?

- Ah t'es là...

À la vue du tas de sable informe qu'était devenu le château, Teigne gonfla ses biceps et sautilla sur les décombres pour bien tout tasser.

- Zaaaarre, se lamenta Salade.

D'une liane, il reconstruit en vitesse un petit pâté, que Teigne démolit aussitôt.

- Singe !

Autrement dit : 'J'ai gagné, essaie pas de tricher !'.

- Zaaarre ? fit Salade en venant chercher mon approbation d'un regard.

- Je crains que Teigne n'ait raison sur ce point... mais t'inquiète mon Salade, t'auras l'occasion d'en faire d'autres, des châteaux de sab...

Je ne pus même pas terminer ma phrase car une vague d'eau méga glaciale me frappa de plein fouet, me coupant le souffle. Mon cerveau bugua et durant quelques secondes je fus incapable de penser autre chose que :

Oh mon dieu c'est froid c'est froid c'est froid.

Puis mon esprit revint sur les rails et je crachotai tel un poisson hors de l'eau. Bon, bah comme ça au moins plus besoin de mettre les pieds dans l'eau.

- Tooor, s'excusa Plouf.

Un Léviator qui a l'air désolé, c'est quelque chose à voir.

- C'est bon, Plouf. De toute façon j'allais forcément finir mouillée avant la fin de la journée, alors autant commencer maintenant. (Je m'ébrouai tel un Caninos.) Bon, et si on y allait ? Qui veut venir avec moi sur Plouf ?

Silence de mort. Puis :

- Zarre ? émit Salade d'un ton pour le moins sceptique.

- Non, je n'ai pas encore perdu la tête au point de penser que tu tiendrais quelque part sur le dos de Plouf, le rassurai-je. Je parlais aux autres.

- Ronflex ? réagit Pleind'Soupe.

- Pas toi non plus, évidemment, mon gros.

Je me tournai vers Teigne. Elle secoua résolument la tête.

- Trop peur de tomber à l'eau ? Bon, et Grignotte ?

La tête du Sablaireau surgit soudain d'un nouveau trou - le quinzième - situé à quelques mètres de moi.

- Blai ? s'enquit-il.

- Tu veux m'accompagner sur le dos de Plouf pour la traversée jusqu'à Cramois'île ?

Il couina et rentra prestement la tête dans son trou, se soustrayant entièrement à ma vue. Je n'insistai pas. C'était vrai qu'un Pokémon sol et l'eau, ça allait moyen ensemble.

- Bien, il ne reste plus que Prin...

Encore une fois, je n'eus pas le loisir de terminer ma phrase. Trente kilos de chat mouillé m'étaient tombés dessus et je gisais écrasée au sol sous leur masse. Argh. Une langue râpeuse me lécha le visage en diagonale tandis qu'un ronronnement digne d'un petit moteur se faisait entendre. Je tentai de repousser l'assaillante de mes bras, sans succès. Heureusement Salade était là : il souleva la Persian de deux de ses lianes, m'évitant de mourir par asphyxie. Je me relevai en grimaçant.

- Persian ? interrogea la coupable, l'air de dire 'qu'est-ce que j'ai fait de mal ?'.

- T'es trop lourde pour sauter sur mon épaule comme avant, Princesse... lui rappelai-je.

- Persiiiaann, miaula-t-elle, avant de bondir sur Salade et d'aller faire les griffes sur le tronc de son arbre-fleur.

Étrangement, Salade sembla apprécier le traitement. J'en pris note mentalement des fois que je tombe à court d'endroits où le grattouiller, puis après avoir appliqué un peu du liquide bleu des potions sur tous les endroits qui me faisaient mal (c'est à dire à peu près partout), je donnai le signal du départ. Princesse monta avec moi sur Plouf tandis que le reste de ma troupe rejoignait leurs Pokéballs, et nous débutâmes la traversée.

Sous le soleil qui tapait dur, la mer était d'un bleu lisse et d'un calme royal. Ça arrangeait bien mes affaires : je me voyais mal affronter une mer déchaînée ou même un tant soit peu agitée. Le dos de Plouf n'était pas ce qu'il y avait de plus confortable au monde, surtout quand on y ajoute une Persian qui s'y balade et a une tendance certaine à vous marcher dessus. Quoi qu'il en soit le beau temps signifiait que nous n'étions pas les seuls nous balader, et nous croisâmes quantité d'autres dresseurs chevauchant leur Pokémon, ou même de simples nageurs.

Qui dit 'dresseurs' dit 'duel', et même sur l'eau je n'échappais pas à cette règle immuable. Plouf s'y colla tandis que je patientais sur Pleind'Soupe (étonnamment, le Ronflex flottait très bien, et son ventre faisait un coussin super douillet). Le Léviator ne rencontra aucune difficulté face à ses adversaires, les mettant généralement KO d'un seul coup de mâchoire. Princesse voulut participer aussi, et je la laissai faire après l'avoir mise en garde sur ce qui se passerait si elle tentait une Onde de Choc. Elle se débrouilla plutôt pas mal, croquant dans les Poissirène et autres Ptitard à l'instar de Plouf.

- Elle est marrante, ta Persian, me lança un nageur alors que Princesse venait de vaincre son Hypotrempe. J'en avais encore jamais vu de comme ça !

- Et encore, ça c'est rien, répondis-je.

Princesse remonta d'un bond sur Plouf et se mit à parader telle la nouvelle reine de beauté. Sauf qu'elle avait oublié un détail.

- Princesse, avec ta fourrure mouillée, tu ressembles à une serpillière là, lui fis-je gentiment remarquer.

Elle tourna lentement la tête vers moi. Oh non. Je venais de commettre l'erreur ultime.

- Non, Princesse ! fis-je fermement. Non, elle est froide et je ne suis pas...

Pour la troisième fois de la journée, la fin de ma phrase se perdit. Et plouf fit la Léa.

Oh mon dieu c'est froid c'est froid c'est froid. (Je sais je me répète, mais ce serait votre cas aussi si on venait de vous balancer à la flotte.)

Je refis surface et foudroyai Princesse du regard. Bien entendu elle fit l'innocente et partit se placer sur la tête du Léviator, me volant ma place. Je maudis alors sa famille jusqu'à la dixième génération, ce qui ne servait strictement à rien mais avait l'avantage d'être très satisfaisant. Durant tout ce temps je barbotai près de Plouf, battant des pieds pour ne pas couler, et tout à coup ma basquette s'enfonça dans un truc mou. Je poussai un cri de surprise.

Cri qui fut coupé court lorsqu'une chose gluante s'enroula autour de ma jambe et m'entraîna brutalement sous l'eau. Hé, non, c'était que dans les films d'horreur que ça arrivait ça ! Et pourtant, voilà que je me débattais contre un monstre des profondeurs, m'évertuant à nager vers le haut tandis qu'il cherchait à me tirer vers le bas. Mes mouvements coordonnés genre brasse se révélèrent inefficaces, je passais donc à la nage dite du petit chien en train de se noyer. Je n'avais pas eu le temps de prendre une inspiration et l'air me manquait déjà. La panique me gagnait, je voyais la mort approcher, inexorablement, aussi sûrement que la surface s'éloignait...

Tout à coup, un truc immense me frôla, et j'entrevis l'éclat d'écailles bleues. Plouf ? Un battement de cœur plus tard la chose lâcha ma jambe. Libérée, je fonçai vers le haut à la vitesse d'un nageur olympique. Ma tête creva la surface et j'emplis mes poumons du délicieux air du large.

- Bon sang, c'est pas passé loin... soufflai-je.

- Persian ?

Princesse vint frotter son museau contre mon visage.

- Ça va, ça va... la rassurai-je. Où est passé Plouf ?

Le hasard faisant bien les choses, Plouf apparut à cet instant-là, émergeant des profondeurs. Il se dressa de toute sa hauteur, un Tentacool dans sa gueule. C'était donc ça qui m'avait chopé... Le réflexe fit les choses à ma place et je me retrouvai avec un Hyperball dans la main sans même avoir conscience d'avoir été la chercher. Capturer un Pokémon qui venait d'essayer de me tuer ? Oh, allez... Il n'avait fait que défendre ce qu'il considérait sûrement comme son territoire.

- Bouge pas mon Plouf.

Je lançai la ball et capturai ainsi mon dix-huitième Pokémon. Après être péniblement remonté sur le dos de Plouf, je pus déterminer grâce au Pokédex qu'il s'agissait d'un mâle et le prénommait donc Pudding. Je pris un moment pour me remettre de mes émotions, un autre pour indiquer à Plouf que si je tombais encore à l'eau il fallait absolument qu'il me repêche sur le champ, puis nous repartîmes.

Une heure et bien des duels plus tard, les Îles Écume commencèrent à se dessiner dans le lointain. Je tapotai les écailles de ma monture.

- On y est presque mon Plouf. T'es pas fatigué dis ?

- Torrr ! répondit-il.

- Alors en avant toute !

Plouf repartit à vitesse grand V. Je pus bientôt constater que les Îles Écume n'étaient pas vraiment des îles, mais plutôt deux amas rocheux séparés par une barrière montagneuse. La température chuta au fur et à mesure de notre approche, un phénomène étrange dont m'avait parlé l'infirmière Janine. D'après elles, les Îles bénéficiaient d'un micro-climat que les scientifiques ne parvenaient pas vraiment à expliquer.

Je mis pied à terre sur une plage de galets blancs. L'endroit tout entier scintillait de givre, comme si le sable s'était changé en une poudre étincelante qui réfractait la lumière. J'avais l'impression de marcher sur des milliers de minuscules diamants chatoyants. Les quelques vaguelettes qui venaient s'échouer sur le rivage gelaient avant de pouvoir se retirer, et le soleil avait disparu derrière une couche de nuage gris. Il devait faire dans les cinq degrés. Pour un peu, on se serait cru en hiver. Heureusement que j'avais eu le temps de sécher depuis mon bain de mer, sinon je me serais instantanément changée en glaçon.

À quelques mètres devant moi béait l'entrée d'une grotte : le passage obligé pour parvenir jusqu'à Cramois'île. Le sol crissa sous mes pieds lorsque je m'en approchai.

- Tor ? émit Plouf derrière moi.

- Tu m'as bien aidé mon Plouf. Fais une petite sieste en attendant que j'ai à nouveau besoin de toi, lui dis-je en le rappelant.

Je fis ensuite sortir Teigne pour me servir d'escorte avec Princesse.

- Singe ? demanda la Colossinge en levant les yeux vers moi après s'être familiarisé avec les environs.

- Non, y a pas de bagarre en prévision, lui répondis-je. Enfin, peut-être avec les Pokémon sauvages des Îles, s'il y en a...

- Singe ! affirma-t-elle en tapant du pied.

- Oui, bon, on verra...

Sans plus attendre, je pénétrai dans la grotte, suivie par les deux filles de l'équipe. L'intérieur était suffisamment éclairé pour qu'on y voit presque comme en plein jour : ici et là, des cristaux de glace émettaient une douce lumière bleutée. Ajoutez à ça les murs en pierre blanche de la caverne et le givre omniprésent, et j'avais vraiment l'impression de faire tâche avec mon T-shirt bleu et mon short rouge. Princesse et Teigne, au contraire, se fondaient parfaitement dans le paysage avec leurs fourrures de neige immaculée.

Je frissonnai et frottai mes bras pour me réchauffer. Le silence régnait dans la grotte. On entendait juste en bruit de fond le grondement lointain de l'eau. Une cascade peut-être, ou bien une rivière souterraine. Un simple coup d'œil me suffit pour constater qu'il n'y avait pas de chemin indiqué, et je me rappelais les paroles de l'infirmière Janine concernant l'aspect labyrinthique des Îles. Avec ma chance, j'allais sûrement me perdre une bonne dizaine de fois avant de trouver la sortie, minimum.

- Allez les filles, on y va.

Teigne décida de marcher devant moi tandis que Princesse faisait n'importe quoi et bondissait dans tout les sens. Je soupirai discrètement et adoptai une allure rapide - je ne tenais pas à m'éterniser ici, le look bonhomme de neige ne me tentait pas trop. Le temps passa lentement tandis que nous traversions couloirs rocheux et grandes salles creusées dans la roche calcaire. Nous passâmes plusieurs croisements, et je choisis notre destination au hasard à chaque fois, en espérant que cette fois ça allait marcher. Nous revînmes également plusieurs fois sur nos pas après être tombées sur des cul-de-sacs ou des endroits bloquées par des éboulis.

Puis enfin, au bout d'une heure ou deux de vagabondages, nous débouchâmes dans une partie de la grotte qui possédait un accès vers la mer. La lumière du jour filtrait par un trou dans la roche ; la rivière souterraine avait l'air d'entrer par là.

- Singe ! s'exclama Teigne.

- Oui, t'as vu ? On a trouvé la sortie !

- Singe, singe !

Elle était quand même vachement enthousiaste pour... Ah. Je m'étais retournée, et tout s'expliquait. Nous n'avions pas croisé un seul Pokémon jusqu'ici, au grand dam de Teigne, et elle venait de repérer un Ramoloss qui semblait dormir sur un rocher non loin de là.

- Teigne, il dort, tu vas pas le déranger. En plus, c'est un Ramoloss, quoi...

- Singe ! me contredit-elle.

Elle sauta sur le rocher et donna une pichenette sur le nez du Ramoloss. La bestiole se réveilla, cligna des yeux en avisant le gros monstre poilu qui lui faisait face, puis poussa un couinement terrifié :

- Moloss !

Je m'empressai de lui lancer une Hyperball dessus avant que Teigne n'en fasse de la bouillie. Le pauvre devait avoir tellement peur qu'il ne se débattit même pas, et le clic habituel se fit entendre.

- Colossinge... maugréa Teigne en descendant du rocher.

- Hé oui, c'est comme ça. Si tu t'ennuies, tu peux toujours aller prendre un bain de mer.

La Colossinge poussa un grognement en guise de réponse.

- Persian Persian, la nargua Princesse en passant en coup de vent devant elle.

C'était bien évidemment une mauvaise idée et quelques instants plus tard la Persian était poursuivie par la Colossinge. Je retins un soupir et sortis mon Pokédex histoire de voir si le Ramoloss était un mâle ou une femelle. Un mâle, fut le verdict. Je le surnommai donc Igor (autrement ça aurait été Gertrude), puis je libérai Plouf afin de pouvoir emprunter la sortie.

- Tu t'es reposé mon coco ? lui demandai-je alors qu'il abaissait sa tête jusqu'au sol pour me permettre de monter. Il va falloir que tu nages encore un peu.

- Tor tor ! acquiesça-t-il.

- Alors c'est parti !

Je rappelai Teigne, Princesse me rejoignit sur le dos du monstre des mers, et Plouf entra dans l'eau. Seulement, la mer dans cette partie de la grotte était loin d'être calme, et atteindre la sortie se révéla davantage de l'ordre d'une descente en eaux vives que d'une croisière tranquille. De gros remous bouillonnaient tout le long du couloir aquatique, rendant la progression difficile. Là où d'habitude Plouf glissait sans effort, ici il luttait pour avancer, n'était-ce que pour quelques mètres. Même de là où je me tenais, assise sur sa tête, je sentais la tension dans son corps et les forces qu'il déployait pour progresser.

- Vas-y Ploufi, l'encourageai-je, on y est presque !

Alors que nous rapprochions de la sortie, les vagues se firent plus grosses et nous repoussèrent de dix bons mètres. Plouf mugit et repartit à l'assaut, redoublant d'efforts. Il persévéra mais il fallait se rendre à l'évidence : nous faisions du surplace. Le courant était trop fort pour être vaincu de front.

Je cherchai du regard quelque chose qui puisse nous aider, et remarquai qu'il y avait de gros rochers en équilibre sur une corniche qui surplombait la rivière souterraine. Mmmoui, ça pouvait marcher... Je mis donc mon plan à exécution, et nous passâmes l'heure suivante à faire tomber les rochers dans l'eau afin d'amoindrir le courant. J'avais recruté l'aide de Pleind'Soupe pour ce faire ; avec sa force, il manipulait les rochers qui pesaient des tonnes comme moi j'aurais soulevé des legos.

- OK Pleind'Soupe, encore une fois et c'est bon !

Nous nous trouvions dans un couloir aquatique parallèle à celui que je voulais emprunter, occupé à mettre la touche finale à mon idée. J'étais perchée sur Plouf, et tous mes autres Pokémon excepté le Ronflex étaient dans leurs Pokéballs par mesure de précaution - je n'avais pas envie qu'ils se prennent des rochers sur la tronche.

Pleind'Soupe me renvoya un grognement en réponse et pesa de tout son poids sur la masse rocheuse en équilibre. Celle-ci bascula dans l'eau avec un plouf retentissant. Là, ça devait être bon.

- Du beau travail le gros, lançai-je à Pleind'Soupe en le faisant revenir dans sa ball.

Plouf mugit soudain, je me cramponnai à ses écailles alors qu'il bougeait sans prévenir.

- Bah alors ? T'es si pressé que ça de sortir d'ici ?

Puis je remarquai les vagues autour de nous, et la façon dont la rivière coulait à présent.

Oh non.

À force de faire tomber des rochers dans la rivière souterraine, nous avions modifié son cours et nous trouvions à présent à la merci du courant. Les vagues s'amoncelaient autour de Plouf, de plus en plus fortes, le poussant dans la mauvaise direction. Il poussa un grondement rageur et tenta de lutter contre les flots, mais c'était peine perdue. Le courant nous emmena dans les profondeurs de la grotte, jusqu'à ce que nous échouions sur un îlot rocheux perdu au milieu des rapides.

Épuisé, Plouf se laissa tomber au sol avec un grognement rauque. Je mis pied à terre, et mon cœur fit un bond dans ma poitrine lorsque je constatai que nous n'étions pas seul sur l'îlot. Un grand oiseau s'y trouvait posé en plein centre, tel une pierre précieuse cachée au cœur d'un caillou ordinaire. Dans l'écrin de roche blanche, son plumage aux multiples nuances de bleu brillait de mille feux. Il possédait une apparence racée, ciselée, digne d'un pur-sang, et si ses immenses ailes irisées d'azur étaient pour le moment repliées, on sentait émaner de lui une force et une vitesse incomparable. Les plumes de sa queue étincelaient comme autant de diamants, et son bec acéré semblait taillé dans un saphir brut. Quant à ses yeux, ils étaient fermés pour le moment : l'oiseau était endormi.

Ma respiration se bloqua dans ma gorge. Une vision oubliée me revint en mémoire...

Un oiseau à l'envergure démesurée et au plumage bleu scintillant volait vers le large. Sa queue se déroulait dans son sillage tel un ruban de saphir, et semait des cristaux de glace étincelants dans l'air.

Les paroles de Zack résonnèrent dans mon esprit...

L'un des trois oiseaux légendaires, celui qui a tout pouvoir sur la glace.

Serait-ce... ?

- Artikodin ? murmurai-je d'une voix rauque.

Ses yeux s'ouvrirent, deux prunelles d'un bleu si intense, si froid qu'elles me gelèrent sur place. La couleur du cœur d'un glacier. Il déploya ses ailes d'un seul coup, et elles se gonflèrent telles les voiles d'un bateau, chaque plume scintillante de givre accrochant la lumière. Une bourrasque d'air froid me frappa lorsque l'oiseau prit son envol brusquement. Je le suivis du regard, toujours sous le choc. Il décrivit un cercle gracieux, frôla le plafond de la caverne, parut virer à droite, et je crus qu'il allait partir, s'envoler au loin.

Mais non. Au lieu de ça, il poussa un cri strident, puis plongea en piqué.

Droit sur moi.

***

Parce que ça faisait deux chapitres qu'il y avait pas eu de cliffhangers, c'était plus possible quoi. (C'est dans le contrat de la fic : cliffhangers, blagues pourries, et morts de Pokémon.)

Pour le duel avec Morgane, Grignotte a fait deux critiques sur ses deux Tranches et hop, oneshot. ^^


Équipe actuelle :
SaladeTeigneGrignottePloufPrincessePleind'Soupe

Cimetière :
FicelleTouffuSourisPoilue
Poilu