Chapitre 136 : Les esclaves de la liberté
Huit ans plus tôt...
Siena avait fugué. Enfin, ce n'était pas vraiment une fugue. Elle comptait revenir. Mais il n'en restait pas moins qu'elle avait quitté la base en pleine nuit. C'était interdit pour tout le monde sans permission ni ordre de mission, et ça l'était encore plus pour une fillette de dix ans, sans arme ni Pokemon pour se défendre. La petite fille n'avait pas conscience du danger, en revanche, elle savait que ce qu'elle faisait était mal. Papa ne serait pas content, pas content du tout. Et quand le commandant Penan s'énervait, il ne faisait pas semblant. Mais Siena se fichait d'avoir le derrière rouge pendant un mois. Il était temps qu'elle fasse ses preuves. Elle voulait plus que tout rejoindre la Team Rocket. Officiellement, elle, son frère et sa sœur n'étaient considérés que comme des orphelins dont le commandant Penan s'occupait.
Or, ils auraient bientôt dix ans, et c'était l'âge requit pour commencer à devenir cadet dans la Team. Pour prouver à Penan et à ceux qui commandaient la base qu'elle était digne de devenir un cadet, elle avait volé une Pokeball dans un des entrepôts de la base, et quand elle reviendrait, elle comptait que ce soit avec un Pokemon à l'intérieur, qu'elle aurait capturé elle-même. Si elle faisait ça, sans aucun Pokemon pour l'aider, ce serait certain que son père reconnaîtrait sa valeur. Même Mercutio et Galatea seraient impressionnés. Oui. Il était temps qu'elle devienne dresseuse de Pokemon, le premier pas vers l'admission au sein de la Team Rocket !
Mais pour l'instant, elle devait se repérer dans une nuit sans lune ni étoile, au travers de la grande forêt qui bordait la base. Elle savait que des Pokemon sauvages particulièrement violents y vivaient. Si la petite fille ne craignait pas de finir dans le ventre d'un Ursaring, c'est qu'elle était drôlement rapide et agile, et n'aurait aucun problème à grimper à un arbre pour échapper à quelques Pokemon qui cherchaient un repas tardif. Bon, en revanche, il était clair qu'elle ne gagnerait pas un match de lutte avec le genre de Pokemon qui pouvaient la considérer comme comestible. Elle devrait taper sur des Pokemon plus petits.
Pourquoi pas un Hoothoot ? Vu les cris qu'elle entendait depuis qu'elle avait pénétré la forêt, il devait y en avoir un nombre conséquent. Mais Siena renonça vite à cette idée. Hoothoot n'était pas vraiment connu pour être un modèle de puissance chez les Pokemon, et le capturer ne lui apporterai aucune gloire personnelle. Peut-être un Pokemon insecte, comme un bon gros Migalos ? Siena aimait bien ce Pokemon; à l'inverse de sa sœur Galatea qui le trouvait proprement repoussant et effrayant. Elle trouva alors un beau spécimen : un Corboss. C'était un Pokemon assez rare en tant que sauvage, et raisonnablement fort durant les combats. Siena sourit, s'étant décidé. Ce Corboss serait son premier Pokemon !
Mais quand elle s'approcha un peu plus, elle hésita. Celui-ci était particulièrement gros, et devait bien faire le poids de Siena. De plus, le Pokemon dévisagea la petite humaine d'un œil mauvais et nullement effrayé. Mais Siena n'allait pas reculer face à un oiseau certif d'un monocle ! Elle fonça et se jeta sur lui. Le Corboss se contenta de faire un pas de coté et Siena s'esclaffa sur l'herbe humide et les ronces. Le Pokemon corbeau ne se fit pas prier pour éclater d'un coassement passablement moqueur. Siena se releva comme si de rien n'était et ramassa un morceau de bois mort, dont elle se servit comme d'une arme. Encore aurait-il fallu toucher le Corboss.
Le Pokemon s'amusa avec la petite fille un quart d'heure durant, à éviter ses attaques, à la faire tomber, à lui rire au nez. Siena, elle, ne s'amusait pas, mais elle n'abandonnerait pas. C'était une lutte, entre l'humain et le Pokemon, comme il en avait toujours été ainsi depuis le commencement des temps. Et Siena ne comptait pas perdre. Elle surpris le Corboss en jetant son bâton vers sa droite, tandis qu'il surgissait de sa gauche. Le Corboss s'envola, mais une seconde trop tard; Siena avait eu le temps de lui attraper une de ses serres. Mais, chose qu'elle n'avait pas prévu, son poids ne parvient pas à garder le Pokemon à terre, et ce dernier parvint quand même à s'envoler, avec comme passagère clandestine une petite humaine apeurée. Déjà, ils avaient dépassé la cime des arbres.
- Eh ! Redescend ! Hurla Siena à Corboss. Crétin d'oiseau boursoufflé !
Ce qualificatif ne fit guère d'effet au Corboss, si ce n'est qu'il s'éleva encore plus haut. Siena eut un regard rapide vers le sol, ce qui suffit à lui donner un vertige monstre. Si elle tombait de cette hauteur, c'en serait fini d'elle.
- Allez quoi, sois sympa, renchérit Siena d'un ton plus doux... et suppliant. Je te laisserai tranquille après, je te promets !
Le Corboss ne fut guère plus conciliant, et secoua même la serre à laquelle s'était accrochée Siena pour tenter de se débarrasser de ce passager indésirable. Siena tint bon, et elle resta ainsi durant près d'une heure. Le Corboss avait dépassé la forêt maintenant, et Siena ignorait où elle se trouvait. Loin de la base en tout cas. Finalement, le Corboss se posa, enfin fatigué du poids de Siena. Mais la jeune fille ne le lâcha pas, même à terre.
- Ramène-moi immédiatement d'où on vient ! Ordonna-t-elle.
La réponse du Pokemon vint sous la forme d'une attaque Tranche Nuit. Siena courut se cacher derrière un arbre, mais sentit la morsure de l'attaque dans son dos. Le Corboss s'ébroua et laissa là cette humaine qui avait gâché sa soirée. Siena s'adossa à l'arbre, les dents serrées de douleur. Elle saignait, elle le sentait. Penan apprenait à tous les cadets les gestes élémentaires pour gérer les blessures primaires, mais dans le dos, quand on était seul, ce n'était pas possible. Un coup d'œil suffit à Siena pour se rendre compte qu'elle était complètement perdu dans cette petite campagne, sans savoir d'où elle était venue.
Elle se força à ne pas pleurer. Alors que Mercutio et Galatea avaient encore quelques crises de larmes, Siena ne pleurait plus depuis longtemps, et en tirait fierté. Même si il n'y avait personne pour la voir, elle se refusa à céder au désespoir. Elle n'avait que dix ans, avec une grande cicatrice dans le dos, sans arme, Pokemon ou nourriture, et surtout, totalement perdue dans la nuit la plus profonde. Ce n'était guère brillant, mais se lamenter sur son sort n'aurait rien arrangé. Si elle rencontrait quelqu'un, elle pourrait toujours se faire aider, tant qu'elle cachait son appartenance à la Team Rocket, souvent assez dépréciée.
Elle se força à se lever et se mis en route, sans savoir où elle allait. Vers une ville, de préférence. Quand elle y parvint, le soleil était déjà haut dans le ciel. Il devait être midi, elle avait faim, elle était épuisée, sa blessure la faisait souffrir plus que jamais, et surtout, à l'heure qu'il était, papa avait sûrement dû remarquer son absence à la base. Siena se demandait vaguement s'il ne valait pas mieux pour elle de mener une existence d'ermite à travers le monde plutôt que de se présenter auprès de Penan en avouant avoir quitté la base en pleine nuit et s'être fait malmener par un Corboss qui l'avait amené Arceus savait où. Parce que Siena avait fait tout ça pour prouver sa valeur en capturant un Pokemon, et tout ce qu'elle aurait gagné, ce serait de prouver à tout le monde qu'elle était indigne d'intégrer un jour la Team Rocket.
La ville dans laquelle elle venait de rentrer était assez lugubre, entourée d'une épaisse masse de brouillard. Une grande tour délabrée y siégeait. Ce fut ça plus que tout autre chose qui lui apprit qu'elle se trouvait à Lavanville. Bien qu'étant rarement sortie de la base, elle avait quand même appris la géographie de la région. Toutefois, pour pouvoir retourner à la base, elle aurait besoin d'une carte. Elle ne pouvait pas faire ça de mémoire ; ça aurait été le meilleur moyen d'arriver jusqu'à Johto sans s'en rendre compte.
Mais d'abord, la morsure brûlante dans son dos lui rappela de se mettre à la recherche d'un cabinet médical. Or, elle n'en trouva aucun dans cette petite ville lugubre à moitié abandonné, et se rendre au Centre Pokemon pour des soins sur humains était hors de question. Oh bien sûr, ils sauraient soigner sa blessure, mais cette dernière n'était pas assez douloureuse et grave pour que Siena subisse la honte de sa vie en prenant la place d'un Pokemon devant l'infirmière du centre.
Elle eut de la chance en tombant sur un certain monsieur Fuji, un vieil homme très aimable qui se chargeait de recueillir les Pokemon abandonné chez lui, et qui était l'un des rares à prendre encore soin des tombes de Pokemon se trouvant dans la tour de la ville. Quand il vit une jeune enfant en sang et épuisée tâtonner à travers les quelques maisons de la ville, il l'avait immédiatement invité chez lui et avait pris soin d'elle. En plus de soigner sa blessure, il l'avait nourrit, lavé, et lui avait préparé un lit moelleux et confortable. Siena s'était sentie coupable d'abuser de la gentillesse de ce bon grand-père en lui cachant tout d'elle, et elle lui révéla :
- Vous êtes vraiment gentil, monsieur, mais vous ne devriez pas. Pas avec moi en tout cas. Je fais partie de la Team Rocket.
Fuji lui avait en effet raconté, pendant le repas, qu'il avait eu des démêlés dans le passé avec des hommes de la Team Rocket qui avait tué un Pokemon et l'avait enlevé lui tandis qu'ils s'adonnaient à des actes de douteux à la Tour Pokemon. Mais le vieil homme secoua la tête, pas le moins du monde perturbé ou en colère.
- Team Rocket, pas Team Rocket... Nous sommes avant tous des humains, n'est-ce pas ? Si nous nous entraidons entre races, humains et Pokemon, que serions-nous si nous ne prenions pas soin les uns les autres ? Tu es une petite fille adorable et dans le besoin, Siena. Je ne pouvais que t'aider, que tu sois de la Team Rocket ou non. Et puis, tout n'est pas ni noir ni blanc dans ce monde, même dans ton organisation. Mon propre frère, qui était un scientifique brillant, travaillait pour la Team Rocket. C'était pourtant un homme bon, qui ne jurait que par le progrès de l'humanité et la découverte de tous les secrets des Pokemon. Hélas pour lui, je crains que ce ne soit ça qui l'ait entraîné vers la mort, il y a deux ans...
La logique de monsieur Fuji troublait Siena, elle qui avait toujours été élevé dans l'optique que la Team Rocket et tous ses membres étaient haïs de tous les amis des Pokemon. De même, la Team Rocket avait tendance à considérer tous dresseurs qui n'étaient pas des leurs comme des ennemis. Bien des gens auraient à s'inspirer des idées humanistes de monsieur Fuji. Quand Siena fut requinquée, propre, nourrie, reposée et soignée, elle demanda une carte à son bienfaiteur pour rentrer chez elle. Fuji lui proposa de la raccompagner, mais Siena s'y refusa. Elle n'avait que trop abusé de la bonne volonté du vieil homme, et puis, elle n'aurait pas amélioré sa situation auprès de père en demandant l'aide d'un civil et en lui indiquant le chemin de la base.
Elle accepta néanmoins de passer la nuit ici. Elle devait avouer qu'elle était soulagée que monsieur Fuji le lui ait proposé, car malgré elle, elle avait un peu peur de sortir dans cette ville fantôme le soir. Le lendemain, de bonne heure, avec en main plusieurs biscuits du bon monsieur Fuji, elle entreprit de faire le chemin inverse qui l'avait amené là. Cette escapade aura été un fiasco complet, mais elle ne la regrettait pas. Elle avait prit plaisir à rencontrer des gens aussi bons que monsieur Fuji, dont elle n'aurait jamais soupçonné l'existence. Mais comme dans le monde il y avait des âmes bienveillantes, il y en avait aussi qui cultivait le malheur et la cruauté. Le genre à enlever une petite fille à moitié perdue, grignotant des biscuits sur une route de campagne, comme Siena allait en faire l'expérience. Une voiture s'arrêta à sa hauteur. Dedans, deux hommes à l'air souriant.
- Eh bien fillette, qu'est-ce que tu fais ici toute seule ? Demanda celui au volant. C'est une route peu fréquentée, ici.
- Je rentre chez moi, expliqua la petite Siena. C'est le chemin le plus rapide.
- Tu vas où ?
- Euh... près de Céladopole.
C'était plus ou moins exact, la base Rocket G-5 était proche de la ville fleurie.
- Eh bien monte donc, proposa l'homme. Nous allons dans le coin nous aussi. Je peux te déposer à Céladopole.
Siena se laissa tenter. Elle avait marché longtemps, elle avait mal au jambe, et il n'y avait aucun mal à rouler un peu pour se rapprocher. Et puis, ces hommes n'avaient pas l'air méchant... Ce fut une grave erreur. Après plusieurs heures de route, Siena remarqua enfin qu'ils ne se rendaient pas du tout à Céladopole, mais plutôt qu'ils faisaient le trajet inverse. Ce fut en apercevant au loin la tour de Lavanville, qu'ils avaient allègrement dépassé, que Siena se mise à réagir :
- Où allons-nous ? Ce n'est pas le chemin de Céladopole !
- Ah bon ? Fit le chauffeur avec un sourire ironique. Quel tête en l'air je suis...
Son complice éclata de rire. Siena sentit la peur la gagner. Elle détacha sa ceinture et se précipita sur la poignée, mais la porte était verrouillée. Elle tenta alors de se servir de ses pieds pour faire exploser la vitre, mais un flash lumineux l'empêcha. L'un des deux hommes venaient d'appeler un Pokemon. Un petit oiseau vert répondant au nom de Natu. Et quand ses yeux se mirent à briller en rouge et que Siena sentit ses membres s'engourdir, elle reconnut rapidement l'attaque qu'il utilisait. Hypnose. Mais le savoir ne la sauva pas. Le monde s'éteignit tandis qu'elle plongeait dans un sommeil qu'elle ne pouvait combattre.
***
Siena entendit des sons autour d'elle. Des voix, mais sans parvenir à en distinguer les mots. Elle sentait qu'on la transportait, elle sentait des odeurs étrange tout autour d'elle, mais elle avait encore le cerveau trop embrumer pour ouvrir les yeux. Elle fut totalement réveillée quand ses ravisseurs la jetèrent au sol d'un coup.
- Qu'est-ce que vous m'amenez-là ? Demanda une voix grasse et malveillante.
Siena découvrit qu'elle était sur un plancher moisi, dans un petit bureau qui sentait le renfermé. Un homme bedonnant, chauve, qui portait une tenue toute noire avec un F dorée brodé au niveau du cœur. Derrière Siena, ses deux ravisseurs prirent la parole.
- Une gamine qu'on a pécho sur la route. Ça fait toujours deux bras de plus à votre petite bande.
- Y'a des bras qui valent plus que d'autres, grogna le gros individu. Ce n'est pas cette morveuse qui va grandement augmenter notre rendement... Par contre, si vous avez de bons gros Mackogneur...
- On vous a déjà volé tous les Pokemon qu'on a pu, Gendaï, coupa l'un des ravisseurs.
- On a quelques règles concernant l'utilisation des humains, reprit le dénommé Gendaï en posant ses larges fesses sur son bureau miteux. On ne prend que des volontaires...
- Des volontaires ! Ricana l'autre kidnappeur. Dîtes plutôt de pauvres gars à qui vous faîte du chantage...
- Mouais, mais les enfants kidnappés, pas trop notre truc...
- Allons allons Gendaï, n'essayez pas de nous faire croire à quelques scrupules ; vous en êtes totalement dépourvu. On vous la fait à un prix d'amis, pour notre meilleur recéleur. Deux-mille billets.
Gendaï soupira, mais se leva pour aller remettre la somme indiquée.
- Au plaisir, sourit le kidnappeur. Et bonne chance à toi, fillette...
Avec un éclat de rire, les deux hommes quittèrent le bureau. Siena en profita pour se remettre debout et défier Gendaï du regard.
- Vous n'avez pas le droit de me retenir ici ! Je fais partie de la Team Rocket ! Si vous me relâchez maintenant, peut-être qu'elle ne vous fera pas passer un sale quart d'heure !
Gendaï soupira à nouveau en secouant la tête.
- Voilà pourquoi je déteste les gamins. Soit ils chialent sans s'arrêter, soit ils jouent les durs. Dans les deux cas, ils me saoulent. Tu sais quoi, gamine ? Que tu fasses partie de la Team Rocket, des G-Man ou même de ce foutu Conseil des 4, ça ne change rien. Je t'ai acheté à ses deux crétins, et tu vas travailler pour moi et l'organisation que je sert jusqu'à que ton travail rembourse la somme que j'ai dépensé pour toi. Si tu te comportes bien, tu auras droit à un matelas pour dormir, et à la ration journalière des travailleurs. Si tu t'agites trop ou que tu tentes de t'échapper, je t'enchaîne comme un de ces foutus Pokemon. C'est clair ?
La surprise de Siena la priva momentanément de réplique acide à lancer. Apparement, elle avait été vendu... comme esclave ?! Quel genre d'organisation pratiquait encore l'esclavage de nos jours à Kanto ? Gendaï prit son silence pour un acquiescement.
- Bien. Maintenant, une dernière formalité avant que tu ne rejoignes les autres pour creuser. Lanfeal ! Appela-t-il à travers la porte clause.
Quelques secondes plus tard, un homme entra précipitamment, presque au garde à vous devant Gendaï. Cet homme était entre deux âge, portait des vêtements misérables et troués, et il semblait supporter sur son dos tous les malheurs du monde.
- Monsieur Gendaï...
- Une nouvelle arrivante, fit celui-ci en désignant Siena. Passe-moi le sceau.
Le dénommé Lanfeal sorti quelque chose de sa poche et le tendit à son supérieur. Ça ressemblait à un tampon. Gendaï appuya sur un petit bouton au bout, et aussitôt, le plat du tampon brilla d'une lueur rouge. Il représentait un grand F, comme sur la tenue de Gendaï. Ce dernier l'approcha de Siena, et la jeune fille put sentir de là la chaleur qu'il dégageait. Elle voulut reculer, mais tomba entre les bras de Lanfeal, qui lui chuchota à l'oreille.
- Ne te débat pas. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Si tu résistes, ce sera pire...
Siena reconnut le ton de la sincérité et de la gentillesse dans cette voix, et c'est ce qui la fit tenir tranquille tandis que Gendaï lui déchirait ses vêtements derrière son dos, et appliqua le sceau brûlant entre ses omoplates. Siena tressaillit et se bouta, les dents hermétiquement serrées pour retenir un hurlement, mais elle ne put retenir des larmes de souffrance. Quand ce fut terminé, elle resta un moment entre les bras de Lanfeal, la brûlure dans son dos privant son corps de réactivité, comme si tous ses nerfs avaient été sectionnés.
- Tu vas la prendre dans ton groupe, ordonna Gendaï à Lanfeal.
- Mais... monsieur, protesta Lanfeal, l'équipe 13 n'est pas adaptée pour de si jeunes enfants ! L'excavation demande la résistance des Pokemon, et...
- Je t'ai déjà donné beaucoup de Pokemon, coupa Gendaï. Et puis, ton gosse travaille bien dans ce groupe, lui. La gamine n'a qu'à faire la même chose que lui. Maintenant amène là et déguerpit. J'ai à faire.
Lanfeal hocha la tête malgré lui, et prit Siena qu'il soutenu pour marcher. Une fois une porte fermée entre elle et l'affreux Gendaï, Siena fusa en question.
- Monsieur, on est où ici ? Qui est-ce type ? Qu'est-ce qu'il me veut ? Pourquoi doit-on travailler ? Je ne...
- Plus doucement, ma chérie, murmura Lanfeal. Il pourrait nous entendre. Et si ce n'est pas lui, ce seront les sbires Freedom. Ils ne sont jamais loin de Gendaï.
- Les sbires Freedom ?
- Oui. Ils sont la Team Freedom, et nous travaillons pour eux.
Siena fronça les sourcils.
- Freedom veut dire liberté, non ? Ce n'est pas vraiment ce qui m'est apparue quand on discutait avec ce Gendaï...
- La Team Freedom a pour but la mise en place d'un monde de liberté totale pout les humains. Pour ça, elle veut posséder une certaine pierre antique, qui est censée être enterrée ici, aux excavations Cuplens. Nous, les travailleurs, nous sommes pour la plupart de gens criblés de dettes qui n'ont eu d'autre choix de venir travailler pour la Team Freedom en échange de l'effacement de ces dettes. Ils réduisent en esclavage de nombreux Pokemon aussi...
- Mais moi je n'ai aucune dette ! Protesta Siena. J'ai été enlevé par ces deux types, qui m'ont ensuite vendu à Gendaï...
- Je sais, coupa Lanfeal. Et tu n'es sans doute pas la seule ici. La Team Freedom a des contacts dans tous les milieux du banditismes. Tous ceux qu'elle exploite ne sont pas là de leur plein gré. Moi, j'y suis obligé pour payer les soins médicaux de ma femme. Mon fils est venu avec moi. La Team Freedom peut se montrer très cruelle parfois. Le mieux que tu puisse faire, c'est de travailler le temps qu'il faudra pour regagner ta liberté, ma chérie. Ça ne prendra qu'une année, ou un peu plus. Vaut mieux ça que tenter de s'échapper. Personne n'a réussi... du moins vivant.
Ils arrivèrent enfin dehors. C'était un grand paysage montagneux, dans lequel travaillait une centaine de personne et deux fois plus de Pokemon, à creuser le sol, parfois avec des machines, parfois à mains nues. Tout autour, il y avait des barbelés, et plusieurs sbires Freedom armés. Siena n'avait jamais un spectacle pareil. Ça semblait irréel, même pour elle qui avait grandit dans la Team Rocket et qui n'était pas étrangère à l'exploitation des Pokemon pour des tâches et d'autres. Mais là, les Pokemon semblaient tués à la tâche par les sbires Freedom qui les martelaient de coup de fouets électriques. Ils portaient tous au cou, ou à ce qui s'en rapprochait le plus, un collier de domination. Siena en avait déjà vu parfois dans la Team Rocket. Si le Pokemon se rebellait, quelqu'un activait un signal qui dégageait une forte décharge de douleur au niveau du collier. Elle remarqua que quelques humains en avaient eux aussi. Son air choqué dut se voir sur son visage, car Lanfeal dit :
- Des travailleurs qui se sont mal conduits. Si on ne travaille pas assez où que l'on fait une erreur, ils nous passent le collier pendant un certain temps. Mais nous sommes moins à plaindre que les Pokemon. Eux y ont droit sans arrêt. Viens, je vais te mener à mon équipe... qui est aussi la tienne maintenant. Au fait, je ne connais pas ton nom...
Siena détacha son regard ébahit du spectacle digne des enfers qu'elle avait sous les yeux pour répondre.
- Siena. Siena Crust...
- Enchanté, Siena Crust. Moi c'est Erik Lanfeal. J'aurai aimé qu'on se rencontre ailleurs. Mais chaque jours, nous nous disons que ce calvaire prendra fin, et que nos dettes seront remboursés. C'est ce qui nous maintient en vie ici...
Erik la conduisit au sud-ouest, vers un cratère mainte fois creusé, où travaillait quatre hommes, une femme, un adolescent, et une dizaine de Pokemon.
- Voilà l'équipe 13, lui dit Erik. Ce cratère est à nous. Depuis le temps que nous creusons, je doute d'y trouver un jour quelconque tunnel antique renfermé la fameuse pierre magique que recherche la Team, mais ce n'est pas notre problème. Ils nous disent de creuser, on creuse, même si ce n'est pour rien. Tiens, voilà mon fils. Un brave gosse. Pour payer plus vite les frais de santé de sa mère, il est venu travailler avec moi ici. Eh fiston, viens donc saluer notre nouvelle recrue !
Le fils d'Erik s'approcha. Il devait avoir quelques années de plus que Siena, dans les treize ans. Il avait les cheveux noirs de jais et les yeux jaunes. Bien que couvert de suie et de poussière, il était très mignon, et son regard respirait la force et la bonté. Il sourit à Siena.
- Salut. Je m'appelle Zelan Lanfeal.