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La rage de vaincre de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 07/11/2012 à 22:00
» Dernière mise à jour le 07/11/2012 à 22:00

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Tu peux toujours mourir
Malgré la détermination renouvelée et contagieuse d'Éliana, les nouvelles tentatives de séduction de Morgane n'eurent pas davantage de succès que les précédentes. Au contraire, elles semblaient de plus en plus contrarier Evanetas, ce qui l'amena à produire l'humainement irréparable : un soir qu'ils sortaient du lycée, Éliana dit au revoir à ses deux amis, leur laissant comme d'habitude faire le bout de chemin qu'ils avaient en commun ensemble.

Seulement, cette soirée-là, Evanetas était d'une humeur relativement massacrante. Éliana avait eu tôt fait de s'en apercevoir, mais sachant que sa présence l'agaçait davantage que celle de Morgane, elle pensait que son absence permettrait au garçon de retrouver une humeur plus amicale. Pour s'en persuader, la jeune femme décida de suivre à distance les deux tourtereaux et ce fut ainsi qu'elle assista à un scénario cauchemardesque qu'elle n'aurait jamais anticipé…

Evanetas ne sembla pas se radoucir du fait de l'apparente absence d'Éliana ; Morgane eut beau y aller bien plus modérément que d'habitude pour séduire le jeune homme, cela ne l'empêcha pas de devenir de plus en plus exécrable. Il interrompit bientôt Morgane au beau milieu de son monologue pour lui crier avec fureur des choses relativement désagréables. Suite à son emportement qu'elle jugeait un peu trop excessif, Morgane lui donna la réplique, ce qui mit Evanetas hors de lui. Le garçon s'exprima avec davantage de verve qu'auparavant et bouscula violemment son amie qui alla s'effondrer sur la route.

Éliana se demanda si Evanetas avait vu qu'une voiture arriverait bientôt à leur hauteur. Y avait-il des personnes pouvant momentanément se révéler aussi mauvaises que Ténébrax ? Au simple souvenir du jeune homme, Éliana frissonna avant de réaliser ce qu'il se passait à présent.

La jeune femme avait été tellement abasourdie par le geste d'Evanetas qu'instinctivement, elle avait activé son don pour l'empêcher. L'horreur venait à peine de disparaître de son visage que la stupeur s'y peignit.

Elle n'avait jamais arrêté le temps. Elle n'aurait jamais pensé pouvoir en être capable. Et pourtant, elle le pouvait ; c'était ce qu'elle venait de faire, de manière aussi naturelle qu'elle marchait ou respirait. La découverte de ce nouveau pouvoir l'excita tout autant qu'il l'impressionna : elle était capable de se déplacer dans le monde alors que le temps s'y était arrêté, ce qui était réellement impressionnant ! Chaque feuille, chaque bout de papier froissé traînant sur la chaussée était arrêté dans son mouvement. Tout comme Morgane, qui n'avait pas encore touché la chaussée. Son visage exprimait une terreur mêlée de surprise tandis que les traits d'Evanetas, également figés, étaient tirés par la colère. La voiture qui allait percuter Morgane était stoppée dans son mouvement. La jeune femme eut l'impression de se trouver au beau milieu de ces scènes de films où l'on fait des ralentis. Sauf que c'était la réalité. Et, actuellement, elle lui semblait douloureusement figée. Elle voulut remettre en marche le temps. Seulement, avant cela, il fallait qu'elle sauve Morgane.

Dans le but de lui épargner une prochaine violente souffrance, Éliana se dirigea lentement vers elle. Alors que pulsait en elle la volonté de changer la vitesse de son amie, il lui apparut à l'esprit tout un panel de possibilité. C'était comme de savoir avec précision les conséquences immédiates de tel ou tel geste, comme si elle le faisait vraiment puis remontait le temps ; elle sentit instinctivement quelle était la force minimale à exercer sur Morgane pour qu'elle dévie de sa trajectoire et évite ainsi l'accident.

Alors qu'elle allait appliquer cet effort bien précis sur son amie, le doute assaillit Éliana qui s'arrêta net. Qu'est-ce qui lui prouvait qu'Evanetas ne recommencerait pas ? Se ressaisirait-il après avoir réalisé sa soudaine brutalité ? Éliana l'espérait, ne serait-ce que pour le bien futur de Morgane, mais comment en être à coup sûr convaincue ? Le visage du garçon ne traduisait nul remords, nulle inquiétude ; était-ce parce qu'il ne s'était pas encore rendu compte de la tragédie qui allait arriver ou bien était-il trop rongé par la colère pour éprouver quelque autre sentiment ? Éliana n'avait aucune réponse à apporter à cette question cruciale. Tout ce dont elle était certaine pour le moment, c'était qu'il lui fallait agir si elle voulait que son amie continue à vivre. Mais ne devait-elle pas faire en sorte que son amie soit blessée afin qu'Evanetas comprenne enfin l'étendue de ses sentiments envers Morgane ? Cependant, rien ne prouvait que cet accident attise suffisamment en lui la flamme de cet amour qu'il essayait d'étouffer jusqu'à l'éteindre sans y parvenir…

Après une minute de réflexion supplémentaire, Éliana décida de se fier à la nature humaine qui n'était jamais totalement dénuée d'empathie. Et puis, après tout, Evanetas n'était pas vraiment le genre de garçon insensible aux douleurs des autres… bien qu'il eut jusque-là mis sa quête de la connaissance de la nature d'Éliana avant son amour pour Morgane. Mais non, au fond, c'était un garçon bien. Et, comme tout le monde, il avait ses défauts, et le sien, c'était son ambition dévorante… parfois même dévastatrice. Il faudrait qu'il apprenne à la juguler, où il irait au-devant de graves ennuis.

Tandis qu'une larme roulait lentement sur la joue d'Éliana, cette dernière murmura des excuses à l'oreille de son amie avant d'agir sur elle de façon à ce qu'elle ne souffre pas mortellement de la collision. Une fois cela fait, Éliana regagna la position exacte qu'elle occupait lorsqu'elle avait arrêté le temps, puis elle permit au temps de suivre son cours normalement. Avec un soulagement sans doute excessif, la jeune femme vit la fureur d'Evanetas se muer en terreur en voyant la catastrophe qui approchait. Le garçon s'élança en avant à une vitesse impressionnante, attrapa une des mains que Morgane tendait vers lui – elle était encore en train de chuter, et venait tout juste de remarquer la voiture qui fonçait sur elle à vive allure – avant de la tirer vers le trottoir avec lui. Il se retrouva allongé sur le trottoir, son amie sur lui, inanimée.

« M… Morgane ? s'enquit-il d'une voix remplie d'inquiétude. Morgane ? »

En voyant que du sang perlait à la commissure de ses lèvres et que sa jupe si magnifique était éclaboussée de sang, les larmes lui montèrent aux yeux.

« N… non ! Morgane ! »

L'adolescente, qui avait les yeux fermés jusqu'ici, les entrouvrit brièvement. Ses lèvres si joliment dessinées s'étirèrent en un faible sourire avant de murmurer :

« Il t'en aura… fallu… du temps. »

Et Morgane sombra dans l'inconscience tandis qu'un sourire amer se dessinait sur le visage du garçon qui se leva et courut jusqu'au centre de soins le plus proche, l'amour de sa vie dans ses bras.

***
Éliana retrouva le garçon dans la salle d'attente de l'hôpital ; il était assis sur un siège, la tête dans les mains, plongé dans de sombres pensées. Lorsque la jeune femme vint prendre place à côté de lui, Evanetas lui lança un regard avant de le détourner, honteux ; il était tellement préoccupé par l'état de Morgane qu'il ne releva même pas l'étrangeté de sa présence ici. Lorsqu'enfin, une infirmière sortit du bloc opératoire auquel avait été conduit Morgane, Evanetas parut reprendre vie : il se précipita vers elle.

« Comment elle va ?
– Doucement, mon garçon ! Ne t'en fais pas, elle… elle va s'en sortir !
– Mais ?
– Mais ? répéta l'infirmière en rosissant, prise de court.
– Quelle est la mauvaise nouvelle ?
– Elle va devoir rester au lit une bonne semaine. »

Le garçon déglutit avant de s'enquérir :

« Je… je peux la voir ?
– Pas maintenant, voyons ! Elle est en train de dormir !
– Je m'en fiche, je veux la voir ! J'ai besoin de la voir, vous comprenez ? »

L'infirmière fut prise de pitié pour ce jeune homme, mais le règlement de l'hôpital était strict en bien des points.

« Je suis désolée, il va falloir vous armer de patience. »

Evanetas fusilla la femme du regard qui vacilla sous l'intensité meurtrière de son regard avant de regagner son siège. Lorsqu'on vint enfin l'informer dans quelle chambre se trouvait Morgane, il courut presque dans les couloirs de l'hôpital pour aller la retrouver. À vrai dire, quand on vient de réaliser à quel point on tient une personne, à quel point on a été stupide de la délaisser, à quel point on est chanceux qu'elle ait survécu à son emportement dévastateur, il y a des raisons de vouloir la voir saine et sauve…

Éliana se rendit également jusqu'à la chambre indiquée, mais elle n'y rentra pas ; elle se contenta simplement de s'assurer par un coup d'œil à travers la vitre qu'Evanetas veillait sur la jeune femme. Il était assis sur une chaise près du chevet à côté du lit sur lequel était allongée Morgane. Sur son visage à elle se lisait une paix intense. Quant à celui du garçon, il exprimait un profond désarroi ; sans doute se demandait-il comment réagirait son amie en le voyant. Serait-elle en colère ? Terrifiée ? Ou, comme l'avait laissé supposer ses dernières paroles, serait-elle tendre avec lui ? Un sourire tranquille étira les lèvres d'Éliana tandis qu'elle quittait l'hôpital.