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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 21/10/2012 à 23:22
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:45

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 20 : Face à la menace biologique
Si ce paysage aux airs de toundra n'avait pas rayonné d'une beauté traîtresse, Jérémie aurait certainement laissé son regard s'y perdre pendant des heures. D'autre part, le temps courait toujours plus vite, et il lui faillait mener une lutte sans merci. Chaque seconde s'avérait précieuse. Il était donc inadmissible qu'il rêvasse inutilement.

Jérémie ruminait ces tristes constats depuis qu'il savait la guerre imminente. Cette vérité était implantée en lui comme un mauvais virus qu'il fallait supporter. Était-ce là un des motifs de son désespoir ? Peut-être. Il ne savait plus vraiment ce qui le minait. Tant de choses pouvaient en être à l'origine. Mais la nécessité s'imposant à lui, il se força à bâillonner son esprit et poursuivit sa route.

Au détour d'une congère particulièrement imposante, il scruta l'horizon brumeuse. Rien de bien visible ne s'offrait à son regard. La marche lui était rendue difficile par une neige importante mais plus fine que du sable ; aussi avait-il eu l'idée de chausser des raquettes de glace pour faciliter sa progression.

Il avait laissé le navigateur derrière lui, sachant pertinemment que celui-ci profiterait de son absence pour contacter les autorités par fréquence radio. Normalement, l'individu n'avait donc plus rien à craindre ; il serait sauvé du froid, et Jérémie déjà bien loin des représailles à ce moment là. Inutile en effet de trop s'éterniser dans la zone, maintenant qu'il était activement recherché par les forces de l'ordre.

Mètres après mètres, Jérémie erra au milieu du blizzard et de la solitude, âme en peine égarée dans cet enfer blanc. Plus loin, quelques arbres semblables à des sculptures en sucre formaient une forêt éparse. S'il ne s'abusait, Jérémie croyait deviner que Frimapic n'était plus très loin.

Restait à espérer qu'il ait raison.


La beauté naturelle de Frimapic força son admiration. Comme recouverte de sucre glace orangé sous la lueur déclinante du crépuscule, elle s'ornait ci et là d'agréables maisonnettes. Parsemée d'arbres majestueux et remplie de citoyens visiblement honnêtes, elle brillait d'une splendeur incomparable. A sa pointe nord, Frimapic était dominée par un temple. Tel un gardien bienveillant, il trônait en dispensant son ombre rassurante aux passants et habitations proches.

Jérémie songea qu'il y ferait bon vivre. Si seulement sa vie n'avait pas été soumise à la précarité et aux tracas. Il rêvait plus que jamais d'une vie simple, dénuée de tous problèmes et chaleureuse. Déjà, il s'imaginait rentrer dans la maison familiale et être accueilli avec tendresse par sa femme...

Mais peut-être n'était-ce là qu'une chimère informulée dans son esprit naïf. Peut-être que, loin de pouvoir aspirer à ce bonheur simple mais gratifiant, il courait vers une fin dramatique.

A présent, la nuit s'approchait doucement mais sûrement, apportant avec elle ses constellations d'étoiles et un clair de lune serein. Jérémie était content d'avoir trouvé Frimapic sans trop de soucis. Sur le chemin, il avait rencontré quelques Pokémon de type Glace apparemment réceptifs à sa présence, ce qui n'avait pas été pour lui déplaire. Toujours bluffé par sa capacité à les comprendre, Jérémie leur avait expliqué les faits et promis de trouver un moyen pour sortir Sinnoh de l'impasse.

A en juger les réponses enjouées de ses étranges interlocuteurs, le garçon savait qu'il avait visé juste en les réconfortant par la même occasion. Se sentir utile et bénéfique à la cause des innocents avait comme appliqué un baume sur son cœur blessé. C'était, en ces temps chaotiques, un bienfait comparable à nul autre.

Lorsqu'il avait pénétré Frimapic, il s'était aussitôt empressé de passer inaperçu, jouant sur la pénombre relative pour gommer sa physionomie aux yeux des passants. Sur l'un des lampadaires, en effet, un assortiment d'avis de recherches s'étalait - dont le sien faisait partie. Quelle n'avait pas été sa franche surprise lorsqu'il s'était aperçu sur une affichette, représenté par un cliché où il faisait la moue ! De plus la prime jointe était de trois millions de PokéDollars, une somme pour le moins conséquente qui ne manquerait pas d'attiser l'appât du gain.

Sa réaction l'avait effarouché plus que n'importe quoi : il avait beau s'y attendre, se douter qu'on le rechercherait de par le monde, il ne s'y était pas préparé ; cela concourait à le faire douter de lui. Qu'il pût s'emporter dans un tourbillon de désespoir pour une simple feuille placardée lui étirait une grimace. Il ne se pensait pas si faible d'esprit.

Une personne proche s'écroula soudainement sur le macadam, à seulement dix mètres de la cachette qu'il avait dénichée. Alerté, Jérémie haussa un sourcil et tendit l'oreille. Un râle et d'écœurants gargouillis se mêlaient tandis que l'homme accidenté convulsait et bavait, dans une vision d'horreur à faire pâlir les plus insensibles. Puis une main noire, gigantesque et menaçante, saisit l'individu au collet et le rejeta sans ménagements.

Jérémie tressaillit. Hormis Dynamo, il ne connaissait qu'une personne aussi robustement charpentée. Mais alors qu'il comptait manœuvrer une fuite discrète, la voix calme et monocorde de Salomon le cloua sur place :

- Tiens donc, ne serait-ce pas là l'enfant impie que j'ai déjà affronté ? C'est une surprenante coïncidence que nous nous rencontrions. Justement, je souhaitais éprouver mes nouvelles facultés.

- Qu'avez-vous fait à cet homme ? gronda sourdement Jérémie en pointant l'individu qui gisait à terre non loin d'eux.

- Disons tout simplement que nous n'avions pas le même avis et qu'il pensait me faire absoudre mes péchés, répondit Salomon sans manifester la moindre contrariété. Et si tu t'avises de m'en tenir rigueur, tu subiras un sort identique.

- Dans ce cas, je crois bien que nous sommes de nouveau dans une impasse.

Jérémie n'était pas dupe : Salomon ne l'aurait pas laissé partir, quand bien même ils auraient eu la totalité de leurs idées en commun. Autant faire de son mieux pour gagner. Avec un peu de chance, maintenant qu'il avait des pouvoirs, le garçon pourrait surprendre et vaincre le colosse.

Avec beaucoup de chance en réalité.

- Puisque les choses doivent en être ainsi, dit lentement Salomon, je te tuerai, pour le bien de tous.

Une tension clairement palpable s'était installée entre eux. Jérémie observait fixement Salomon, et inversement. Les yeux de celui-ci n'exprimaient aucune émotion, à contrario du garçon qui sentait le poids d'une terreur muette sur ses épaules. Le vent charriait quelques flocons perdus et la tempête s'amenuisait. Visiblement, l'atmosphère serait limpide. Ce qui n'arrangerait pas Jérémie pour tenter de prendre la poudre d'escampette.

Autour d'eux personne ne donnait signe de vie, comme si nul n'avait entrevu la scène. L'homme blessé par Salomon était agité de tremblements sporadiques, et du sang perlait à la commissure de ses lèvres. Que lui avait-il donc fait pour le rendre à un état si proche de la mort ? La victime gisait dans la neige devenue écarlate, flasque et gémissante comme une vieille bête agonisante. Cela révulsait Jérémie. Il aurait voulu désintégrer Salomon pour cet acte odieux, lui faire payer son crime au centuple...

Hélas rien n'était moins sûr, car le garçon se sentait incapable de dompter cet adversaire coriace.

- As-tu remarqué, toi aussi ? souleva Salomon en jetant de rapides coups d'œil autour de lui. Il semblerait que les habitants nous évitent comme la peste. Ce qui signifie que les forces de l'ordre ne devraient pas tarder à pointer le bout de leur nez. Peut-être as-tu une chance de survivre en ce cas ? Et puis non, fit-il en se répondant à lui-même, je t'éliminerai avant qu'une telle chose ne se produise !

Sans sommation quelconque, le colosse mat se projeta vers Jérémie en soulevant des tourbillons de poudreuse. Étonnamment, Jérémie le trouva moins leste que dans le passé. Mais les dernières heures lui avaient appris que ses sens et ses capacités physiques avaient crû. Certainement était-ce dû à son pouvoir.

Quoiqu'il en fût, le garçon parvint à bloquer aisément le coup oblique de l'homme. Et si son bras en souffrit, ce fut moindre qu'auparavant. Emporté dans son élan, Salomon peina à parer la contre-offensive de Jérémie lancée avec le genou. Suite à cela, tous deux effectuèrent quelques échanges succincts et s'écartèrent de l'autre.

Bien qu'endolori là où ses membres avaient bloqué les attaques du colosse, Jérémie parvint à sourire : Salomon n'avait pas prit l'avantage pour le moment.

- Tu te défends nettement mieux que la dernière fois, remarqua l'antagoniste en le sondant étrangement. Tes pouvoirs doivent accélérer la croissance naturelle de tes forces. Tu as déjà un niveau de maîtrise que tu aurais normalement atteint en plusieurs mois d'apprentissage. Moi-même, je suis au maximum de mes capacités depuis longtemps, je ne suis plus assez jeune pour progresser. Aussi... je vais devoir t'éliminer le plus tôt possible !

Si Jérémie avait présupposé qu'il commençait à égaler Salomon, ses espérances furent vite anéanties : l'homme se jeta sur lui, feinta puis se fendit pour lui asséner un puissant uppercut. Dans ce bref laps de temps, Jérémie fut trompé et déstabilisé par tant d'adresse.

Avec un grognement contenu, le garçon recula, tituba et finit par s'agenouiller dans la neige. Ses lèvres dégoulinaient de sang et de bave, et son estomac lui semblait aplati, creusé par le choc. Quelques lumières dansaient devant lui, menant une insolite chorégraphie.

Complètement désarçonné, il vit Salomon se ruer à nouveau pour lui porter une rude manchette au niveau de la nuque. Mince... il n'avait pas le choix.

Un éclat bleu irradia les environs tandis qu'un tapis de glace proliférait à même la neige. Cette singulière gangue prenait source directement de Jérémie, emprisonnant tout ce qu'elle avait le malheur de toucher.

Horrifié, Salomon s'écarta aussi prestement qu'il le pouvait en étant si proche de l'épicentre. Ce qui ne l'empêcha pas d'être mangé petit à petit par une gerbe de glace plus vivace que les autres. Pour la première fois, Jérémie lui entrevit une expression de peur incontrôlée. Les yeux fous, il serra les deux poings et frappa le carcan qui le ceignait déjà au niveau de la taille.

Aussitôt, une nouvelle lueur, violette et laiteuse, se répandit sur la place enneigée. Des embruns de smog retombèrent sur un petit périmètre, faisant fondre la poudreuse avec un inquiétant chuintement. Sur le qui-vive, Jérémie recula précautionneusement. Salomon avait littéralement disparu sous cette fumée brumeuse et corrosive.

" Se pourrait-il... qu'il ait le pouvoir de Type Poison ? songea-t-il aussitôt en amorçant un geste pour se couvrir les voies respiratoires. "

- Rudement bien joué petit, concéda Salomon à travers le nuage vaporeux. Les émanations que tu vois là auraient de quoi tuer n'importe qui en l'espace d'une ou deux minutes. Et pour répondre à ta précédente question, c'est cela que j'ai expérimenté sur l'habitant. Tu auras pu constater par toi-même les dégâts irréversibles que ce gaz cause...

Jérémie n'aimait pas le ton amusé de son ennemi. Quelque part, toute retenue semblait s'être volatilisée en lui : Salomon parlait et affichait des émotions, oui, mais quelles horribles émotions ! Il ne paraissait pas être sujet à des sentiments négatifs, non. C'était bien pire. Salomon se délectait. Se délectait des horreurs dont il parlait, avec excitation même.

Le garçon en avait la chair de poule. Ce revirement était proprement angoissant, plus encore que les coups de folie de Dynamo ou les propos mégalomanes de Tobias. Imaginer un être si paisible et taciturne devenir ce monstre assoiffé de sang... ça lui tordait les entrailles. Il avait soudain l'impression qu'un reptile particulièrement hargneux prenait vie en lui et agitait sa cage thoracique.

- Alors, quant à toi, tu possèdes le pouvoir de la glace... Ce que c'est ironique, remarqua Salomon après un léger silence. Tu vas donc avoir une tombe taillée dans les icebergs !

Et il croisa les bras, arquant le corps et tremblant de tous ses membres. Lorsqu'il se redressa, Jérémie put constater que ses doigts se couvraient d'une substance poisseuse à la teinte violâtre. Sitôt qu'il eut analysé cet attribut nouveau, Jérémie tiqua : si l'hypothèse qui lui venait à l'esprit était vérifiée, il aurait de gros problèmes. De très gros problèmes.

Toutefois, il n'eut guère le loisir de réfléchir à la situation : Salomon, bras placés de part et d'autre de son corps, courait à nouveau vers lui. Jérémie prépara ses jambes à se détendre et arma un filet de glace entre ses paumes serrées. Sa survie dépendait désormais de sa capacité à s'adapter et à réagir rapidement. Toute erreur serait rédhibitoire et l'entraînerait vers une mort certaine et douloureuse.

Salomon frappa et Jérémie se déporta. Il décocha sa plus vigoureuse attaque en ciblant les bras du colosse, puis tenta de le frapper du pied dans le flanc. Ce ne fut qu'un succès mitigé : Salomon fut happé par la fontaine ondoyante et vit ses bras scellés, mais il parvint néanmoins à compromettre l'assaut suivant. Pire encore, il cogna l'épaule droite de Jérémie avec ses bras.

Dans un craquement sinistre, l'os se brisa et une douleur sans pareille électrisa le garçon. Il cria et riposta derechef, fauchant la jambe de Salomon qui s'écroula.

Convaincu qu'il ne pourrait pas le frapper, même à terre, Jérémie prit du recul. La douleur était dévorante et cuisante à la fois. Il se sentait honteux d'avoir donné à son adversaire une telle arme - sans compter qu'il n'avait pas besoin de ça. Mais comment aurait-il pu penser que Salomon réagirait si vite, avec un poids pourtant conséquent ?

Curieusement la douleur ne persista pas. Jérémie supposa que l'adrénaline n'y était pas étrangère. Autant dire que, s'il avait le bonheur d'en réchapper, ses os se chargeraient de lui rappeler dans quel état ils avaient été mis par sa faute.

Le cours de ses pensées fut endigué par une offensive inattendue de Salomon, qui s'était défait de ses liens glacés. D'extrême justesse, Jérémie prit appui sur son dos pour passer au-dessus de lui, comme s'ils jouaient à un saute-mouton des plus insolites. S'étant arc-bouté pour frapper, Salomon atteignit la neige qui constellait le sol de taches blanches et s'y enfonça.

Telle une motte de beurre sous le soleil, la neige fondit en sifflant bizarrement. Mais ce ne fut pas tout : dans son élan, le colosse avait également touché la base d'un tronc dissimulé sous la poudreuse. Dès lors, le bois se rancit et prit une horrible teinte noire semblable à du pétrole. S'ajoutaient à cela des émanations pestilentielles qui agressèrent les narines de Jérémie : l'arbre se flétrissait, pourrissait devant lui.

Alors, le garçon comprit. Salomon semait la mort par un simple contact. Il était bel et bien ce qu'on disait des Pokéman : une sorte de demi-dieu capable de réaliser des miracles, des faits surhumains tout du moins. Lui-même se considérait comme moins que rien face à cet individu. Un individu qui le surpassait largement.

Le combat était perdu d'avance.

- Puis-je savoir quand tu vas te décider à m'offrir un véritable duel ? asséna Salomon avec un dédain qui lui était jusqu'alors étranger. Nous sommes tout de même le fleuron des combattants, l'élite, et toi tu trouves le moyen de déshonorer notre titre ? Cela veut donc dire que tu ne mérites pas de vivre !

Désabusé, Jérémie ne prit pas la peine de répliquer : toute sa répartie avait fondu comme glace au soleil. Encore une fois, Salomon le réduisait à un gamin stupide et faible, incapable de faire autre chose que fuir. Il avait cette impression d'inutilité en horreur. Et pourtant... oui, et pourtant, il en avait une pleine conscience. Nier sa faiblesse aurait été une erreur de jugement évidente.

Mais plus que cette vérité accablante, il percevait autre chose ; une sorte de vice germait dans un recoin de son esprit, lui susurrant : " Laisse ta colère te porter, elle te mènera plus loin que quiconque... Et là, tu pourras tuer cet homme, lui broyer les os et déchirer sa chair... "

S'il ajoutait à cela la proximité horrifiante de la mort, Jérémie peinait à demeurer lucide. Ses pensées et ses émotions devenaient tout à coup des fléaux plus dangereux que l'ennemi lui-même. Elles se bousculaient, se chevauchaient, s'agitaient et l'affectaient chacune de leur manière. Et il en résultait une confusion monstre qui ne l'aidait pas, loin de là.

- Allez, active-toi un peu, que diable ! grommela Salomon en se jetant sur lui derechef.

Ses doigts fendirent l'air telles des griffes, fouettant quelques cheveux de Jérémie lorsque celui-ci se baissa avec l'intention de frapper du coude.

Hélas, l'espoir mince qu'il entretenait, cette petite lumière soudain ravivée dans le chaos de sa conscience, se volatilisa aussitôt. Le genou de son adversaire, levé en opposition, avait tout fait pour cela. Plus prompt encore, le coup suivant envoya Jérémie à terre aussi facilement qu'une poupée de chiffon.

Quelque part entre ses côtes, Jérémie fut brûlé par une douleur ; un nouveau craquement l'alerta durant sa chute, mais il n'y pensait plus. Sa peau lui semblait lardée par milles aiguilles et il se courba en gémissant. Même le matelas cotonneux de neige ne put estomper ce mal incomparable par sa douce fraîcheur.

Jérémie gémit encore et encore en tenant son flanc gauche. Rien de tel ne lui revenait en mémoire ; jamais il ne se souvenait d'avoir supporté une telle chose. Jamais... il n'avait eu si mal.

- Paix à ton âme, susurra le colosse en se penchant auprès de lui, mains prêtes à entrer en action. Mes doigts t'ont injecté un poison particulièrement virulent. C'est un coup basé sur le Direct Toxik des Pokémon... Relativement efficace, tu ne trouves pas ? Tu auras été une de ces victimes tristement ballottée par un pouvoir et un avenir qui les dépassaient. Laisse-moi mettre un terme à tout ça.

Salomon semblait avoir retrouvé son habituelle équanimité et l'observait sans sourciller. Impuissant, le garçon observa son bourreau lever le bras pour porter un coup fatal. Avec ses doigts crochus, il avait l'aspect d'une faucheuse appliquant la sentence. Amertume comme doute furent l'un des deux derniers hôtes de Jérémie. Son épaule droite et une de ses côtes étaient cassées, propageant en lui une souffrance incommensurable.

En son for intérieur, Jérémie trouvait ridicule de mourir ainsi, oublié de tous et condamné à l'errance dans un hypothétique au-delà. Sous son regard embué, les moindres détails paraissaient déphasés ; rien ne donnait l'impression de se dérouler à une vitesse normale. Au-dessus de lui, Salomon abaissait son bras au ralenti, chaque motif de son visage ressortant avec une précision déconcertante.

Un bourdonnement résonnait à ses oreilles et ses poumons se rétractaient comme sous l'emprise d'un étau. Le souffle lui manquait, la tête lui tournait. C'en était fini...

Quelque part dans son dos, il y eut un flash. Puis une gerbe rougeoyante succéda et percuta Salomon en le faisant voler. Le colosse parcourut cinq bons mètres avant de retomber et de se rouler dans la neige, le corps léché par les flammes.

Peu après, une voix narquoise se répercuta en longs échos, vrillant les tympans de Jérémie avec force :

- Et bien, pauvre naze, tu vas pas me dire que ce pseudo Roi Mage te mets une raclée ! Allez, bouge-toi le derrière et montre que t'es un homme, un vrai !