Chapitre 9 : Interversion
_____L'oiseau de fer volait encore et encore, transperçant les nuages, livrant une vue sur la terre de Hoenn extraordinaire aux passagers. Kécléon et Kirlia étaient assis confortablement, à l'avant, sur deux sièges blancs semblant neufs.
_Tous deux lorgnaient le paysage, l'une le découvrant pour la première fois et l'autre recouvrant ses souvenirs d'antan.
_Brisant les regards avides du panorama Hoenien des deux compagnons, un Lucario travaillant dans la compagnie aérienne de Parsemille leur proposa :
_— __Une boisson ou une viennoiserie, peut-être ?
_Ils répondirent négativement. Après tout, ils allaient bientôt être arrivés, à quoi bon consommer un quelconque soda ou gâteau ?
_Voyant qu'après leur interruption, Kécléon restait muet, Kirlia décida de lancer un sujet de conversation pouvant combler le peu de temps qu'il restait avant l'atterrissage :
_— __Est-ce que je pourrais te poser une question sur ton passé, si cela ne te dérange pas ?
_Après un acquiescement de sa cible, elle questionna :
_— __Tu m'as dis que lorsque tu étais encore avec ta Delcatty vous avez eu un enfant, n'est-ce pas ?
_— __Oui, notre Sablaireau, comme tu le sais, pourquoi cette question ?
_— __Eh bien... Tu es un Kécléon et c'était une Delcatty... Et votre enfant est un Sablaireau... Ce n'est pas concrètement impossible ?
_A la suite de cette argumentation, Kécléon fit grise mine et se renfrogna.
_— __C'est vrai... Nous avions eu quelques problèmes pour faire un œuf naturel, tu vois, mais nous avons trouvé un autre moyen pouvant combler cet handicap. Mais je n'ai pas trop envie d'en parler, du moins pour le moment.
_— __Je te comprends, c'est un moment de ta vie plutôt sombre et brutal, le consola-t-elle. Mais tu sais je suis là, je peux t'écouter et...
_— __Je ne veux pas en parler pour le moment, la coupa-t-il froidement, c'est tout !
_— __Je te comprends, mais...
_— __Oui, tu me comprends j'ai compris ça ! Laisse-moi admirer le paysage, ne m'arrache pas ces quelques minutes de bonheur, merci.
_« Ne m'arrache pas ces quelques minutes de bonheur... » La qualifiait-il comme un fardeau ? Elle qui essayait de le consoler, qui essayait d'atténuer son passé si brutal, elle était traitée ainsi. Voilà comment elle le prenait : un rejet.
_Durant la dizaine de minutes qu'il leur restait avant leur arrivée, Kirlia ne prononça aucun autre mot, trop énervée à l'idée qu'il la repoussât de cette manière.
~ * ~
_L'atterrissage s'était effectué avec succès. Kécléon et Kirlia posèrent enfin les pieds à terre, cette dernière s'émerveillant devant le paysage qu'elle découvrait petit à petit : une nappe aquatique magnifique bien bleutée bordait une fine étendue de sable, surplombée par une ville mêlant végétaux et bâtiments tous deux surprenants.
_Bien que le soleil rayonnait splendidement, une légère brise se détectait par quelques grains de sables tourbillonnant et s'échouant sur des visages, ce qui amusait l'étrangère.
_Elle ne put poursuivre ses regards ébahis sur la ville de Nénucrique puisqu'elle fût coupée sèchement par son collègue, qu'elle avait partiellement oublié durant ses secondes d'observation :
_— __On va pas rester plantés là éternellement, si ?
_Là, c'était la phrase de trop :
_— __Très bien, tu me cries presque dessus durant notre trajet, tu me parles encore froidement, et qu'est-ce que ça sera après ? J'en ai vraiment assez, invectiva-t-elle. Tiens, je vais aller faire un tour vers le centre commercial, ça me détendra... Après tout, ça sera plus simple pour retrouver Simiabraz tant qu'à faire ! Au revoir.
_Kécléon restait planté, en regardant Kirlia partir en direction de la grande bâtisse dominante mais demeurait néanmoins impassible, comme s'il pensait à autre chose de bien plus important...
~ * ~
_— __Bonjour, auriez-vous un Jus de Baie, s'il vous plaît ?
_— __Oui, bien évidemment, cela vous fera 100 pokédollars.
_Kirlia étala la monnaie demandée par la Lainergie sur le comptoir, et repartit en sirotant sa consommation : elle était surprise qu'il y ait un « coin bar » au centre commercial de Nénucrique, sûrement était-il nouveau.
_D'autres décidaient de s'asseoir à des tables préparées justement à cet effet : ainsi, l'on pouvait observer des couples, ou encore des amis discutant de leur vie autour d'une boisson.
_Des amis... Oui, elle repensait à Kécléon... Avait-elle été trop dure avec lui ? Avait-elle mal réagi ? S'était-elle emportée ? Non, rien de tout ça. Après tout, c'était lui qui était le responsable, c'était lui qui lui avait répondu strictement. Elle n'y était pour rien...
_Sortant du grand magasin, elle se dirigea vers le petit parc de verdure qui avoisinait quelques maisons, sans croiser Kécléon : à vrai dire, c'est ce qu'elle voulait, être tranquillisée pendant un petit moment.
_Elle n'oubliait bien évidemment pas pour autant le « pourquoi » ils étaient venus ici, chercher Simiabraz pour lui poser des questions sur l'enquête et surtout sur quelques griffonnages du dossier qui semblaient étranges, mais elle souhaitait se reposer.
_Oublier quelque peu les événement précédents. Oublier la discorde qui s'était installée entre eux deux. Oublier tous ces faits, pour enfin revenir joyeuse et éclatante. Oublier.
~ * ~
_Le Kécléon était adossé à un banc faisant face à la mer, et à ses vagues qui s'échouaient sur le sable fin. En fixant ces sempiternelles lames d'eau, il repensait aux diverses répliques qu'il avait lancé à son acolyte...
_Elle le questionnait sur sa vie passée, certes, mais c'était sûrement pour le décharger, pour paraître sympathique à son égard... Il se remémorait les regards plus qu'amicaux qu'ils avaient échangés durant ces derniers jours... Il ne voulait pas que cela s'arrête pour une simple dispute. Non, l'Amitié est bien plus forte que cela, bien plus forte qu'une simple froideur mal jaugée. Il se rendait compte qu'il avait été trop frigide, trop froid, trop glacial.
_Il espérait qu'au moment où ils se retrouveraient, sans doute bientôt, ils recouvreraient leur complicité qui avait été fissurée par ces quelques mots. Et pour ça, il fallait oublier, il faut oublier, il faudra oublier. Oublier.
~ * ~
_Continuant toujours sa douce promenade en lâchant quelques regards encore et encore sur le paysage vert, Kirlia appréciait sa petite solitude.
_Après avoir médité sur ce qu'elle avait précédemment évoqué, elle avait décidé de pardonner : c'était la meilleure chose à faire. Elle espérait seulement qu'il serait d'accord, qu'il acquiescerait.
_Plongée dans ses pensées, elle ne fût pas attentive à la route qu'elle empruntait et saboula quelqu'un sur son passage qu'elle reconnut aussitôt :
_— __Enfin ! Nous vous cherchions, Simiabraz.