Chapitre 2 : Et pour une machine à laver de plus ?
Le noir qui entourait Rodney s'estompa lentement. Il se rendit compte qu'il volait. Plus exactement, il lévitait et ce, devant une immense porte de marbre.
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? S'étonna t-il en fronçant les sourcils.
- Hugues-Aurélien, vous m'entendez ? Hurla le professeur dans son oreille.
- Pas si fort ! S'écria l'étudiant. Vous allez me briser les tympans !
- Oh, en effet, je remarque que j'ai mis le son du micro au maximum, je baisse tout de suite ! Hurla t-il encore.
Rodney marmonna quelques mots à propos d'un vieux fou puis tenta d'observer mieux l'endroit où il se trouvait. Il n'y avait rien autour de lui, à part cette porte. C'était le néant. Ou du moins, ça y ressemblait.
La porte devait faire dix mètres de plus que lui et elle portait une petite poignée en porcelaine blanche, sur sa droite.
- Incroyable, vous vous trouvez actuellement dans votre première phase de sommeil ! S'enthousiasma Detrois.
- Ce qui signifie ?
- Notre sommeil est composé de deux phases majeures, que je ne vous détaillerai pas, parce que je ne pense pas que ça vous intéresse. La première, celle dans laquelle vous vous trouvez, c'est la phase de sommeil simple, où vous ne rêvez pas. Quand vous dormez normalement, vous êtes ici, puis, lorsque vous faites des rêves, vous vous trouvez derrière cette porte. Ne me demandez pas pourquoi, ce n'est que mon analyse préliminaire et je n'aurais pas de conclusion fructueuse à donner à ce sujet.
- En somme, je dois passer cette porte pour rêver ?
- On dirait bien.
- Mais en quoi arpenter MES rêves va me permettre de sauver Mushana ? Vous m'aviez dit qu'il fallait que je visite les siens...
- Exact, mais pour cela, il va vous falloir connecter votre rêve à celui du Pokémon. Ce ne sera pas bien difficile, il vous faut juste faire un rêve et trouver la porte qui mène à ses songes. Ca, c'est mon œuvre, bien entendu. Il est tout à fait impossible de faire cela, lors d'un sommeil, normal ; grâce à mon magnifique appareil, l'Oniric 1.1, nous allons pouvoir explorer ses pensées, comme prévu. Mais assez radoté, vous devez passer cette porte et rêver !
- Facile à dire, bougonna Rodney.
Il s'avança vers la porte en volant, ce qui lui plut particulièrement. Lorsqu'il se trouva devant la poignée, il se rendit compte qu'elle était plus grande que lui.
Il haussa les sourcils, désappointé. Que faire, à présent ? Il se contenta de toucher la poignée, laquelle se déforma alors jusqu'à devenir juste à la taille de sa main.
Il tourna la poignée et poussa la porte qui s'ouvrit très facilement, à son grand étonnement, au vu de sa taille.
Derrière la porte, il n'y avait rien. Le néant. Elle s'ouvrait sur le même espace que celui dans lequel il se trouvait déjà.
- Professeur, vous ai-je déjà dit à quel point j'appréciais qu'on se foute de ma gueule ?
- Restez poli, Hugues-Aurélien ! Et en plus, j'ai la nette impression qu'il se passe quelque chose...
En effet, un bruit commençait à se faire entendre, comme du vent. Rodney contempla consciencieusement la porte et fut soudainement aspiré par l'intérieur. Il n'eut pas le temps de crier qu'il était propulsé à toute vitesse dans le néant. Cependant, à peine eut-il passé la porte qu'il se rendit compte que ce n'était plus le même néant qui l'entourait. Ce néant-là ressemblait à...
- L'espace intergalactique ?! S'exclama l'étudiant.
- Absolument pas ! Vous êtes dans la partie du subconscient qui génère les rêves. Vous voyez toutes ces étoiles qui vous entourent ? Ce sont des rêves.
- Des...rêves... ?
- C'est...cela même. Je pense que c'est à partir d'ici que vous devriez pouvoir trouver la porte qui mènera à l'esprit du Pokémon.
Rodney avait beau chercher, la seule porte qu'il voyait était celle par laquelle il était venu et il constata avec stupeur qu'elle se refermait lentement dans un grincement désagréable. Inutile de s'échapper, apparemment.
L'étudiant décida d'explorer un peu cet espace ; puisqu'il volait, pourquoi s'en priver ? Il survola de nombreuses étoiles, slalomant entre les points lumineux. Il manquait juste les planètes et le soleil pour que l'on se croie dans l'espace ; cela tombait bien pour le jeune homme, qui avait toujours rêver de faire un voyage spatial. Apparemment, dans une ville d'Hoenn, il y avait un centre spatial réputé, mais il n'avait pas pu finir de lire l'article qui en parlait, car il avait renversé tout son café dessus. Un café sans café, d'ailleurs. Les restrictions budgétaires.
En y repensant, Rodney fit la grimace. Il avait oublié d'acheter à manger à son Pokémon.
- Ce qui me rappelle...Professeur, vous croyez que je peux utiliser mon Pokémon dans cet endroit ?
- J'imagine que oui mais ce ne sera pas réellement votre Pokémon. Juste un songe qui y ressemblera.
- C'est vraiment incroyable...s'émerveilla t-il encore.
Il décida de ne pas faire sortir son Vipélierre de sa Pokéball : si jamais celui-ci ne pouvait pas voler, il risquait d'avoir une mauvaise surprise. Puis il se souvint qu'il ne risquait pas vraiment de tomber, puisqu'il n'y avait aucune planète dans les environs.
- Dites, c'est bien joli de flâner, mais je ne vous paie pas pour ça, s'impatienta le professeur.
- Et qu'est-ce que vous proposez ? Parce que je vois pas vraiment ce que je peux faire maintenant...Il faut que je rêve, d'après vous, mais comment ? C'est bien beau d'être entouré de tous ces trucs, mais si je peux pas les utiliser, on va pas aller loin.
- Pourquoi n'essayeriez-vous pas d'en toucher un ?
Rodney eut un petit ricanement et alla vers l'étoile la plus proche en songeant que cela ne marcherait jamais. A peine avait-il posé un doigt dessus que celle-ci se mit à rayonner de mille feux, l'aveuglant ; il y eut un flash et tout devint noir à nouveau.
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Rodney tombait en chute libre, ce qui n'était pas vraiment pour lui plaire. Certes, ce n'était qu'un rêve, mais s'il rêvait qu'il tombait et qu'il mourait, il allait passer un mauvais quart d'heure.
Fort heureusement, sa chute fut bien vite interrompue par le sol qu'il percuta de plein fouet.
- Rodney, si vous êtes mort, je ne vous paierai pas ! Menaça le professeur.
- Ce...C'est rien, j'ai atterri sur un matelas blanc. Enfin...je crois...
- Cet endroit est bizarre...il m'est familier et pourtant, je ne rappelle pas y être allé un jour.
- Moi aussi, j'ai l'impression de connaître les lieux...
L'étudiant avait atterri dans une bien étrange pièce : de forme circulaire à première vue, elle était très haute de plafond, mais tout le sol avait été couvert de matelas de différentes couleurs. Les murs étaient recouverts d'aluminium et une odeur fort désagréable parvenait à ses délicates narines.
- C'est bizarre...On dirait du linge sale...fit remarquer Rodney.
- En effet, je vois des boutons sur certains matelas, confirma le professeur. Ce sont des habits...mais des habits gigantesques !
- Je les reconnais ! Ce sont des habits à moi ! Mais qui les a agrandis, comme ça ?
Rodney tourna son regard vers un mur qui n'était pas comme les autres. Une vitre circulaire gigantesque en couvrait une bonne partie, mais ce qu'il y avait à l'extérieur était impossible à distinguer, trop de buée.
L'étudiant se figea soudainement. Il avait compris où il était et cela ne le réjouissait pas vraiment.
Cependant, ce n'était pas seulement ça qui l'inquiétait. Des Pokémon étaient apparus, un peu partout autour de lui. Des Tadmorv et des Miamiasme.
- Qu'est-ce que ces Pokémon font dans vos habits, Hugues-Aurélien ? Questionna Detrois sur un ton inquisiteur.
- Je sais où nous sommes...C'est une MACHINE A LAVER géante !!!! hurla Rodney. Et ces Pokémon symbolisent la saleté, ou je sais pas quoi d'autre !
- Oh. C'est...fâcheux.
- Vous trouvez aussi ?
- Je trouve surtout que l'eau qui commence à être projetée des murs n'est pas pour nous arranger, tout comme la lessive qui vient de tomber.
En effet, de l'eau bouillante était en train de remplir progressivement la machine et Rodney jetait des regards inquiets autour de lui. Les Pokémon couraient, mais au fur et à mesure que l'eau savonneuse les engloutissait, ils disparaissaient dans d'horribles gargouillis.
- Professeur, je fais quoi, là ?! Paniqua l'étudiant.
- Eh bien, hum...J'en sais rien ! Avoua Detrois d'un ton joyeux.
- Mais pourquoi j'ai accepté...Mais pourquoi j'ai accepté ?!
- Ne vous en faites pas, si jamais vous mourrez dans le rêve, il ne vous arrivera rien dans la réalité ! Si vous vous noyez en rêve, vous ne vous noyez pas en vrai, que je sache ! Ou alors, vous avez une force d'auto-persuasion vraiment saisissante, ce qui m'étonnerait fortement.
- Pardon ?!
- Essayez de vous sortir de là !
Mais il était déjà trop tard : la pièce se mit à tourner sur elle-même et Rodney fut bien vite plongé malgré lui dans l'eau, écrasé par les nombreux vêtements qui le percutaient sans cesse avec force. Il ne parvenait pas à respirer, ce qui l'étonnait un peu : dans les rêves, il lui semblait qu'on pouvait respirer sous l'eau, mais peut-être n'était-ce pas le cas dans celui-ci ?
Il arrêta bien vite de se demander pourquoi, occupé à chercher une issue. C'est alors qu'il remarqua une porte semblable à celle qu'il avait passé plus tôt mais de couleur violette, cette fois-ci, qui était fixée à l'un des « murs » et qui tournait avec eux.
-Essayez d'attraper la porte ! S'écria Alain Detrois.
-Gblblblbl ! Acquiesça Rodney.
-Ah la jeunesse...Incapable de s'exprimer convenablement...
L'étudiant ne prêta pas la moindre attention à la remarque du professeur et tenta, bien que propulsé dans tous les sens et manquant d'air, d'attraper la poignée de la porte quand elle passa à côté de lui. Il y parvint et eut un sourire victorieux, mais à cause du savon, sa main glissa et il fut projeté à l'opposé de la porte, s'écrasant contre un jean bleu.
Dans un ultime effort, il parvint à attraper une nouvelle fois la poignée et à la tourner.
Aussitôt, la même trombe d'air que dans la première porte l'aspira et l'eau avec, et il tomba à nouveau dans le noir, en même temps que des litres d'eau, sans pouvoir respirer ne serait-ce qu'une seule fois.