Ch. 09 Le réveil a sonné
Un grand fracas retentit contre la porte.
- CORWYN !! PAR LES LEGENDAIRES TOUT PUISSANTS, OUVRE CETTE FOUTUE PORTE !
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- JE COMMENCE À AVOIR PEUR, JE VAIS LA DEFONCER SI TU OUVRES PAS, JE TE PRÉVIENS !
Dick soupira en laissant glisser sa grande main le long du bois blanc.
- Quel petit zigoto celui-là... marmonna-t-il, rouge.
Un petit bruit passa à travers la porte. Nantelieu sursauta et tendit l'oreille près de la poignée, pour entendre distinctement. La porte s'entrouvrit doucement, laissant y découvrir Phyllali et Kirlia, tous deux le regardant avec des yeux ronds et suppliants.
- Qu'est-ce qui se passe ici, vous deux ? demanda-t-il, limite apeuré. Il est là votre dresseur ??
Les deux Pokémon se poussèrent afin de le laisser rentrer. Le chef entra rapidement en claquant des pieds, et observa l'état de l'appartement : vêtements entassés, éparpillés, tasses dispersées un peu partout dans la pièce. L'ordinateur portable était encore ouvert sur la table basse, à côté d'un plateau garni de biscuits émiettés, comme s'ils avaient étaient déchiquetés par vengeance. « La légende de l'agent bordélique était vrai » pensa-t-il. Dick soupira de plus belle en jurant lorsqu'il vit Nathan, affalé comme un gros tas sur le canapé. Une légère couverture traînait par terre et lui cachait les jambes. Son bras pendait dans le vide, et sa bouche ouverte trahissait totalement le mythe. Dick partit dans la cuisine prendre un grand verre d'eau, et tout en revenant vers l'agent, il fut surpris de constater que malgré le bazar, l'appartement sentait bon.
- RÉVEILLE-TOI, GROS CRÉTIN !
Dick jeta le verra sur le visage de Nathan. Il ouvrit les yeux tout doucement, même pas choqué. On aurait dit qu'il l'extirpait d'un sommeil terrassant. Il se mit à bâiller puis s'essuya le visage d'une main molle. Il cligna les paupières à de nombreuses reprises, puis considéra Dick, à quelques centimètres de son visage.
- J'ai l'impression d'être tout pâteux... Pourquoi vous êtes là, boss ?
- C'est quoi ça ?
Il montra les yeux de Nathan imbibés et rouges, presque boursouflés. De l'autre main, il montra une boîte de mouchoir. Son visage à l'expression dubitative considéra le brun aux yeux ambre.
- J'espère que tu t'essuyais ce que je pense, plutôt que pleurer. Pleurer c'est pour les fiottes, tu sais ça ? Je veux pas de pleurnichard dans mon équipe. Surtout pas toi, ordonna-t-il pour une fois sur un ton dur.
Nathan garda le silence. À dire vrai, il avait plus l'air paumé qu'autre chose à ce moment.
- Nouveaux meurtres. Découverts à 10 heures. Morts dans la nuit.
- Morts ? répéta-t-il.
Dick se leva et lui jeta quelques habits sur la tête, et attrapa ses Pokéball.
- Bouge-toi, il est 16 heures Corwyn.
= =
Vergazon. Un petit village sympathique recouvert d'une moquette végétale abondante, brillante lors de la rosée du matin. À 16 heures, en milieu d'après-midi, dans cet endroit d'ordinaire si calme et reposant, bercé par le chant entraînant des Ludicolo, ne résonnaient que les sirènes des voitures du B.I.C. La lumière du soleil venait d'être troquée par les lumières bleues et blanches allumées sur le dos des engins. Un tas d'hommes qui avaient délimité le périmètre, proche du Tunnel Merazon soit dit en passant, faisaient reculer quelques habitants qui désiraient voir où en étaient les recherches. Dick et Nathan arrivèrent sur les lieux, ce dernier un peu ailleurs, mais se voulant opérationnel. De toute façon, il n'avait pas le choix, avec Nantelieu qui le toisait et le surveillait de près. Ils s'avancèrent, puis passèrent la bande de plastique au-dessus d'eux d'un revers de main, afin de pénétrer dans le carré réservée aux autorités. Depuis six heures, le corps n'avait pas bougé. Greta était là, affublée d'une tenue multicolore. Voilà qui ramenait un tant soi peu de gaieté dans cet espace où chacun courait d'un point à l'autre, en criant, en faisant des signes. Logan et Camille avaient les bras étendus, semblant mesurer des distances. Le Girafarig de la brune à casquette frappait le sol aux endroits où elle lui ordonnait. Tous travaillaient comme à leur habitude.
Quoique. La déception se lisait cruellement sur leur visage. Quoi de pire que de devoir attendre un meurtre pour identifier un suspect. C'est d'une lâcheté. Nathan s'approcha de la femme allongée au sol ainsi que du Pokémon à ses côtés.
- Te voilà le pionceur ! grommela Camille en le tapotant sur la tête.
Nathan ne répondit pas, resta les mains dans les poches, et observa la victime, alors que Greta palpait sa peau blanchâtre avec ses doigts gantés. Une jeune femme, des plus banales, les cheveux châtains aux yeux... fermés. La même opération s'était reproduite : sa gorge était tranchée, et le sang avait coulé à flot, tellement que l'herbe s'était teintée d'écarlate. Sa robe de soirée était déchirée au niveau de l'épaule gauche, où un triangle était tailladé dans la chair. Une odeur de putréfaction commençait à se faire sentir, notamment de par les endroits où le flux plasmique s'était échappé. Des marques bleuâtres couvraient sa peau au niveau des poignets, et au dessus du coup de lame.
- Quelle plaie ces Psyko... maugréa Nathan.
- Mouais, j'te le fais pas dire, chéri, acquiesça Greta. Néanmoins, il y a quelques relevés à faire, peut-être que je pourrai trouver quelque chose d'intéressant.
- Je te le souhaite. On a son identité ? Elle m'a pas l'air inconnue...
Kyle surgit de nulle part et répondit.
- On vient à peine de l'avoir. Lauren Mallis, 22 ans. Une grande fêtarde connue des bars. Ses parents ont confirmé il y a dix minutes. En revanche, ses papiers ont disparu, ainsi que la quasi-totalité de ses affaires. Il reste... un tampon. Plus de sac. Plus de PokéBall non plus.
- Et ce Lainergie ?
Le Pokémon rose à côté de la victime était couché sur le ventre. Le dos était fendu et dessinait une sorte de demi-cercle. Bien sûr, c'était taillé de la même manière que le triangle, c'est-à-dire profondément, précisément, de telle manière que la trace était marron, et non rougie par un peu de sang. Nathan s'accroupit devant Lainergie et contempla son dos.
- C'est quoi ? Un C en tant que lettre, un demi-cercle...
- ... ou un chiffre romain, encore ? Comme le I, rappela Kyle. Il me semble que ça veut dire cent le C.
- Cent un en tout, ça donnerait... dit Dick Nantelieu.
Logan se prêta à un rapide examen.
- Les deux victimes ne sont pas du tout issues du même rang social. Isis avait une très mauvaise situation alors que celle-ci croule visiblement sous les richesses.
- Bagues en or, robe D&G, sac en vrai Escroco... Pas faux, approuva Kyle.
En effet, la victime semblait habituée à sortir le soir. Ses hauts talons dorés ainsi que son rouge à lèvres de la même couleur ne la faisaient pas passer inaperçue. Une de ses deux jambes était retournée, le genou était cassé.
- Et alors, rétorqua Nathan, il se peut que quelque chose les rapproche, malgré leurs classes sociales, ça ne veut rien dire. Mais au vu du mode opératoire, cherchant à brouiller les pistes, il se peut que l'intention du meurtrier soit simplement de nous faire tourner en bourrique, comme pour jouer.
- Je pensais plus à quelque chose comme ça aussi, acheva Kyle, tout en rentrant son Eoko dans sa PokéBall. Fais sniffer le périmètre à Arcanin.
Ni une ni deux, l'agent lâcha son Pokémon Feu qui partit à la recherche de n'importe quelle senteur existante et intéressante. Dick rameuta Logan et Camille près de Greta, et demanda, impatient :
- Quelque chose alors ?
Greta pesta des mots incompréhensibles, et se décida à parler seulement après que Dick porte la main à son oreille.
- J'ai dit « Comment tu veux trouver quelque chose ici ? » ! J'ai pas de scalpel propre, pas de table froide, j'ai pu seulement ramasser un petit débris dans la griffure, c'est tout ! La seule chose que je peux te dire, c'est que l'utilisation d'un Psyko de maîtrise empêche de savoir si la victime connaissait son agresseur ou pas.
Alors que Dick se grattait le derrière de l'oreille, dubitatif, Arcanin revint sans aucune nouvelle piste. Il encouragea tout le monde à rentrer au B.I.C, ordonna à deux agents lambda de ramasser le corps et de l'emmener précautionneusement dans le laboratoire du médecin légiste, qui le toisait vilainement de sa petite taille. Nathan regarda encore une fois la jeune femme, glacée dans le paysage verdoyant, tout en plissant les yeux.
= =
Les crépitements sonores des vieux téléphones réveillèrent Nathan qui ne parvenait pas à rester pleinement attentif. Il somnolait continuellement, pris dans un nuage cotonneux qui restait ancré dans sa tête même s'il la secouait. Camille lui jetait quelques coups d'œil de son bureau.
- J'ai quelque chose, dit-elle à voix assez haute pour que ses trois équipiers l'entendent. Les deux victimes ont fait leurs études au Lycée Adrien Seko.
- C'est là où j'ai fait les miennes, voilà pourquoi elle me disait quelque chose la dernière... C'est triste, répondit Nathan.
Il but une bonne gorgée de café chaud. Kyle se leva et se plaça derrière Camille, la main sur le dossier de sa chaise. Il soupira.
- En même temps, ça veut rien dire. Le lycée Seko regroupe le périmètre des cinq, six villes autour.
- Que je sache, t'étais pas au lycée, pourtant t'habites aussi ici, déclara Nathan.
- On a pas les mêmes valeurs, mon bon ami.
- Bon ami... répéta le brun, sarcastique. Tu veux dire que tu étais bien trop pourri gâté pour côtoyer les pauvres qui se nourrissent au lard et à la soupe de patates.
Kyle roula des yeux tout en haussant les sourcils. Il regarda Nathan en souriant.
- J'irais pas jusque là, mais tu as saisi l'idée. Je suis le grand méchant intolérant !
- Bon, ça suffit, dit Logan timidement, y en a qui bossent ici...
Nathan et Kyle ricanèrent. Bosser sur quoi ? Ils n'avaient pas la moindre idée d'où s'aventurer. C'était une suite de meurtres en série ultra-calculée, où le meurtrier était très attentif aux détails et très soigneux. Les victimes ne se ressemblaient absolument pas, et malgré leur âge très proche et le même lycée, rien ne les liait plus. Le seul espoir qu'ils pouvaient avoir, c'était que Greta trouve quelque chose. Nathan et Kyle ne supportaient que rarement, comme n'importe quel agent, de voir des vivants filer sous leurs doigts. Sans pistes, sans le moindre indice, ils ne pouvaient que tourner en rond ou se lancer dans l'inconnu. Le Réseau X-2 aurait pu être une piste intéressante, mais après l'incarcération des principaux responsables de ce dernier, un autre meurtre a eu lieu. La drogue n'est apparemment pas intéressante. Arcanin n'avait rien flairé. Au bout de quelques minutes, le seul et unique espoir arriva : Greta.
- Kyle, viens.
Ce dernier se dirigea vers la petite femme, tout en replaçant le col blanc de sa chemise bleue ciel. Nathan le suivit, quand Greta se stoppa net. Elle se retourna vers lui.
- Pas toi Corwyn, j'ai dit « Kyle. »
- Mais je... fais partie de l'enquête, non ?
- Il y a des fois où j'aime entretenir des relations privilégiées avec mes chouchous, j'ai le droit ? Ou tu préfères que je te colle Ohmassacre aux pattes ?
Nathan déglutit, surpris, et s'en retourna à sa place, comme un enfant.
- Je vais aller entraîner mes Pokémon, dites à Kyle de passer sur le terrain pour qu'on aille voir les parents Mallis.
Logan et Camille acquiescèrent face à la douceur inattendue de sa voix.
Il suffit de grimper les quelques étages avec l'escalier blanc cassé, s'agripper à la rampe abîmée, parfois trouée par une balle de révolver. Il arrivait au B.I.C aussi d'essuyer de nombreuses blessures en son sein. Il effleura un endroit où quatre trous s'avoisinaient. Il se rappelait très bien de ce moment, car c'était Kyle qui avait tiré. Abattre de sang froid un homme et son Cacturne, c'était des choses qui semblaient faciles pour lui. Nathan n'avait pas osé tirer, malgré l'arrivée imminente du Pokémon prêt à le transpercer avec ses dards. Une grosse faiblesse du brun qui handicapait un peu son équipe. Heureusement qu'il compensait autrement.
Sur le toit plat du B.I.C, les terrains sont nombreux. La vue est magnifique, donnant sur les innombrables immeubles, les commerces, et l'imposant tribunal cerclé de grandes colonnes blanches. On peut apercevoir la fontaine, qui en plein jour n'est pas si spectaculaire que ça. Il n'y a pas toutes ces lumières multicolores qui scintillent sous les jets d'eau, pas de contraste entre le crépuscule et la noirceur du fond des rues. C'est là que les agents s'entraînent quand ils ont du temps. Ce jour, les terrains étaient déserts. Le vent faisait valser ses cheveux, et il devait ancrer sa main au-dessus de son front pour que ses yeux ambre puissent voir distinctement. Il choisit un terrain proche des escaliers, afin de partir rapidement. Nathan sortit Kirlia et Heledelle, afin de travailler l'esprit de duo. Arcanin et Phyllali se mirent sur le côté, prêts à observer.
En appuyant sur une télécommande incrustée sur une tour arrivant au niveau de sa ceinture, Nathan déclencha l'entrée venant du sol de plusieurs cibles, et de rondins de bois. Il examina rapidement le terrain, remarquant que quelques-uns d'entre elles se mouvaient doucement au loin.
- Bon, on va essayer la technique Iron. Heledelle.
Comprenant instinctivement, l'Oiseau employa Aile d'Acier, changeant ses ailes plumées en véritables boucliers de métal.
- Kirlia, Ball'Ombre.
Le Pokémon Psy prépara une sphère pourpre entre ses pattes.
- Psyko !
Il utilisa l'attaque sur la précédente, mais le manque de concentration le fit échouer. Il fallut reprendre l'exercice six ou sept fois, devant un Nathan se voulant patient, avant qu'une sphère entourée d'une aura rosée prenne effet.
- Et... Go !
Kirlia balança l'attaque de toutes ses forces vers Heledelle. Le Pokémon Vol frappa précisément avec son aile métallisée la sphère qui partie vers les cibles.
- Si tu contrôles ça Kirlia, c'est que ton évolution approche !
C'était un peu de la provocation, mais Nathan aimait bien cette technique. S'il pouvait rapidement l'apprendre, ç'aurait été bien. Kirlia engendra un second Psyko pour tenter de déplacer la sphère, mais après avoir percuté un rondin, il ne réussit qu'à la faire exploser. L'agent trouva ça plutôt sympa comme idée, et recommença l'exercice plusieurs fois. Au bout de plusieurs minutes, seule une cible mouvante restait présente, se déplaçant très rapidement à mesure que le temps avançait. Nathan voulait l'avoir à distance, car après tout, un agent n'avait pas souvent l'occasion d'envoyer ses Pokémon près.
Ce fut un Farfuret arrivant à une vitesse fulgurante qui déchira la cible mouvante avec ses griffes. Nathan fut surpris de le voir arriver.
- Kirlia, Feuillemagik !
Kirlia envoya ses feuilles colorées qui fusèrent à travers le terrain. Farfuret avec son regard vicieux les coupa tranquillement. Ce dernier s'élança vers le Pokémon Psy tout en créant une pluie d'Eclats Glace. Il courait autour de Kirlia.
- Kirlia, Psyko !
Ainsi, il put renvoyer tous les éclats sans grande contrainte.
- Tourmente, Farfuret. Spectrum, Poing Ombre.
Farfuret agita la patte face à Kirlia et raya de la liste son attaque Psyko. Le Pokémon Spectre apparut juste après et dégomma Kirlia qui s'écroula en un coup. Lou apparut derrière la grille du terrain.
- Bien joué l'alien. Je ne m'attendais pas à ta visite.
- Tes collègues m'ont dit que tu t'entraînais.
- T'es passée comme une fleur ?
Elle rentra dans le terrain tout doucement, moulée dans des habits noirs.
- Ça va pas ? demanda-t-elle. Un nouveau meurtre ?
Il la dévisagea longuement, avant d'admettre.
- Ouais. Je me suis jamais senti aussi inutile de toute ma vie.
Après avoir rappelé Kirlia, et qu'Arcanin, Phyllali et Heledelle se rapprochèrent des Pokémon de Lou, Nathan s'assit sur le sol.
- Je sais que tu m'en veux pour hier soir.
Il leva la tête vers elle, totalement désintéressé.
- Ça t'arrive des fois d'arrêter de croire que je suis amoureux de toi, et qu'il y a autre chose que nous deux dans la vie ?
Elle bredouilla.
- Mais je... J'ai jamais dit ça !
- Alors tu viens me voir pourquoi ? Pour encore une fois venir me narguer, te montrer sous mon nez en clamant que tu es constamment désolée ? Est-ce qu'il y a un jour où tu vas comprendre que j'ai pas besoin qu'un coup tu te colles à moi comme un Chenipan, puis qu'un autre je vois que t'en ais rien à foutre de moi ? Mais Lou, sérieux, grandis, j'suis plus un gamin.
Elle sourit, regarda ailleurs. Nathan avait beau avoir compris certaines choses à propos d'elle, il ne comptait pas non plus sauter dans ses bras. Surtout après ce qu'il avait vu, à quoi bon ?
- Sinon oui, un autre meurtre. Encore une attaque Psyko. Encore un Pokémon mort. Et les seuls indices que notre médecin légiste a trouvé, je n'ai apparemment pas le droit de les connaître.
Lou prit ça pour une excuse, et réagit sans attendre.
- Ah bon ? C'est bizarre. Ça arrive souvent qu'on te mette sur le banc de touche ?
L'idée même d'être recalé par rapport à Kyle dessina des veines sur son front.
- Ça dépend. C'est vrai qu'elle aime bien nous prendre un par un des fois, pour « préserver les bonnes amitiés » comme elle dit.
- Eh bien, aucune raison de s'inquiéter. Demain, Tim et Serah veulent qu'on mange ensemble à Yotuba, ça te dit ?
- Y aura Serah ? répéta-t-il.
Elle hocha la tête en levant les yeux au ciel.
- Ah ben non c'est bête, j'ai quelque chose de prévu demain.
- Te saouler au café en regardant des émissions culinaires ? ironisa-t-elle.
Émergea soudainement des escaliers Logan, armé d'un pack de cafés. Il se rapprocha des deux bruns et salua gentiment la jeune femme qu'il avait aiguillée quelques minutes plus tôt.
- Kyle ne pourra pas se libérer pour aller interroger les parents de la victime, on y va ensemble.
- Première bonne nouvelle de la journée ! sourit Nathan en rappelant tous ses Pokémon. Allez on y va.
Il s'arrêta en regardant Lou. En l'observant un peu mieux, elle avait pas une bonne tête aujourd'hui. Les yeux trop maquillés de noirs, les lèvres ternes, les cheveux raides, paraissant presque plus foncés que d'ordinaire. Son hochement de tête lui indiqua qu'il pouvait partir pour accomplir son devoir sans la raccompagner. Il se rapprocha d'elle rapidement et enlaça sa taille pour la coller contre lui.
- Je t'aime bien quand même, faut juste pas trop m'en demander.
= =
Les parents de Lauren Mallis habitent donc à Vergazon. Ce petit village réputé pour être le plus paisible de tout Hoenn était devenu le village assailli par les caméras et les journalistes avides de potins. Leur maison est isolée près du Tunnel Merazon, pas très loin de là où le corps a été retrouvé. Tout en marchant, Nathan et Logan observaient le sol, comme s'ils pouvaient trouver encore quelque chose. La scène de crime était toujours délimitée, malgré la très faible présence des villageois. Seuls les cameramen étaient là.
La maison Mallis était une petite bicoque, qui au-delà d'une fondation délabrée, possédait un certain charme. Les mauvaises herbes étaient broutées par des Castorno sauvages. Logan toqua à la porte écorchée, tout en essuyant ses pieds sur le paillasson marronnasse. Une petite fille aux longs cheveux bruns remontés en deux couettes leur ouvrit la porte. Elle tenait un Zigzaton dans les bras.
- Quoi ? demanda-t-elle.
Logan prit les devants, pour ne pas confronter la brutalité de Nathan à cette charmante petite fille. Pourtant, ce dernier était peiné.
- Tes parents sont là ?
- Ils sont dans le salon. On m'a dit que Lauren était partie voyager, c'est vrai ?
Il réfléchit rapidement.
- Oui c'est vrai, acquiesça Nathan. Emmène-nous voir papa et maman.
Un Dardagnan arriva et les accueillit sur le pas de la porte. Ils traversèrent tous les quatre un long couloir, semblant contenir une atmosphère humide. Comme si les murs étaient imprégnés des larmes versées, des gémissements entendus au loin.
Les parents étaient écroulés l'un contre l'autre sur le canapé, deux personnes dont on ne voyait plus que les ridés, les sillons creusés par les pleurs et l'aspect flagrant d'obscurité qui les couvrait. À la vue du badge de Logan, les parents se levèrent et serrèrent cordialement la main des deux agents. La papa prit la petite sur ses genoux, tandis que la mère proposait du thé.
- J'ai déjà un café, sourit Nathan en levant son gobelet.
Quand elle revint poser un plateau sur la table basse, Nathan démarra sans plus attendre les questions.
- Vous excuserez notre précipitation, seulement nous devons agir au plus vite. Votre fille était donc habituée à sortir ?
- C'est exact, répondit Mr Mallis. Elle ne résistait jamais aux coups de fil de ses amies. Elle était constamment dehors.
- Lauren était habillée d'une façon très particulière... remarqua Logan, un poil ferme.
Ce bon vieux Logan. Aussi stricte que son équipier sur les valeurs de la société.
- Notre fille a...vait de mauvaises fréquentations, rajouta le père. Elle s'habillait mal, sa mère essayait constamment de lui faire comprendre.
- Toujours... renifla-t-elle avant de se moucher.
Nathan regarda autour de lui. Un salon des plus modestes, orné d'un canapé, d'un gros tapis touffu aux couleurs fades et d'une grosse télé posée sur un meuble, dans une maison carrément exclue de richesses.
- Pourquoi portait-elle autant de marques ? demanda le brun. Des habits aussi chers, du maquillage aussi voyant ? Ça ne vous ressemble pas du tout. Vous n'avez pas l'air riche non plus.
- Vous financiez tout ça ? finit Logan.
La mère s'arrêta de pleurer, visiblement mécontente de sa fille.
- Lauren nous prenait sans arrêt de l'argent. Elle trouvait toujours le moyen de nous extirper des sous pour un bon prétexte. Elle disait souvent que c'était pour bien entretenir Lainergie.
- Mais non Diana, quand même...
- Tu sais très bien que c'est vrai !
Alors que Logan notait tout ça attentivement, Nathan glissait quelques sourires en direction de la petite fille, coupée de ce monde. Les adultes se prennent la tête pour si peu, devait-elle penser. Sauf qu'on ne parlait pas d'un voyage normal. Elle tenait maladroitement son Zigzaton, et Nathan honorait son courage pour ne pas bouger d'un poil.
- Il est vrai... reprit Mr Mallis, que Lauren aimait beaucoup l'argent. Elle pensait que c'était l'unique chose pour laquelle on voudrait d'elle.
- Quelle étrange théorie... cracha l'agent qui repensait amèrement à ses Pokédollars retirés pour une broutille.
Logan retira de sa banane (c'est la pochette autour de la taille, hein) quelques papiers et photos.
- Je vous préviens, ce n'est pas votre fille. Néanmoins, vous devez comprendre que la macabre mise en scène est l'œuvre d'un tueur en série.
- Léana, va jouer dans ta chambre, demanda le père en poussant doucement sa fille.
L'agent déposa une photo du bras d'Isis June gravé d'un triangle, une autre où la carapace de son Carabaffe était fissuré d'un grand I. Puis quelques autres où étaient mis en évidence les marques bleuâtres sur les poignets et les cous. Enfin, le portrait radieux de la charmante jeune femme. La mère retint un haut le cœur, ainsi que des vomissements qui semblaient monter.
- Désolés. Voici Isis June, la première victime. Vous dit-elle quelque chose ? questionna Nathan.
- Pas du tout, s'étonna le père. Elle ne ressemble même pas à notre fille.
- Elle était également au Lycée Adrien Seko. Lauren a peut-être eu des problèmes là-bas ?
La mère se glaça instantanément. Elle fit un signe étrange à Nathan.
- Vous savez où sont les toilettes ? demanda-t-il.
- Je vais vous montrer ! sauta presque Mme Mallis.
Tout en l'entraînant dans le couloir, elle le plaqua presque contre le mur, les yeux injectés de sang. Nathan fut plus que surpris, et hésita presque à sortir Phyllali.
- Ma fille a eu des problèmes avec un garçon. J'espère que ce n'est pas lui qui l'a tuée.
- Il me faudrait plus d'éléments madame... Et relâchez-moi, j'ai l'impression de m'étouffer.
Elle desserra son étreinte. Il s'extirpa de la prison formée par ses bras et le mur du couloir et recula.
- Ma fille m'a raconté quelque chose... Qu'elle ne veut pas que son père sache. Il doit avoir votre âge à peu près. Notez ce nom : Montalio.
Nathan s'étrangla. Qui ne connaissait pas Montalio au lycée ? Le grand gaillard toujours accompagné de son Florizarre. Il cligna plusieurs fois des yeux, et acquiesça.
- Très bien, je retiens. J'espère que je n'oublierai pas... toussota-t-il.
Diana le remercia, et le raccompagna jusqu'au salon.
- Vous l'avez accompagné jusque dans les WC ? ricana Logan.
Le couple esquissa un sourire. Dans cette situation, il ne valait mieux pas insister. Les deux agents laissèrent les parents, tout en les remerciant grandement pour leur accueil. Les informations retenues étaient pour le moment suffisantes. À la sortie, Logan regardait Nathan.
- Quoi ? demanda-t-il tout en rentrant dans la voiture.
- Deux choses : tu arrives en retard ce matin, ou plutôt cette après-midi, et tu agis bizarrement avec une fille sur le toit du B.I.C.
- Je suis fatigué, et j'ai des histoires de cœur moi aussi, eh oui !
Logan haussa un sourcil, puis mit le contact.
- C'est étonnant.
= =
Dick, Camille, Logan et Nathan étaient ensemble autour de leurs bureaux. Camille expliqua qu'elle n'avait trouvé aucun antécédent, que ce soit niveau drogue ou autres accrochages. Les deux hommes racontèrent leur visite, ce qu'ils y avaient appris. Dick les observait d'un œil examinateur, la mine pensante. Il tordait sa bouche tout en réfléchissant, pendant que Nathan buvait son café brûlant, que Camille touchait sans arrêt sa casquette. Il était impossible de retrouver Montalio. Le nom que Nathan avait entré dans la base de données était erroné, et il n'y avait aucune trace de lui nulle part.
- On va faire une soirée.
- Une soirée ? répétèrent tous les agents.
- Parfaitement. Une soirée d'anciens lycées. On prend la ou les promotions ciblées.
- Ça va faire un peu des centaines de personnes ça, boss, rétorqua Nathan. Mais c'est une bonne idée, je sais que Montalio ne manquerait ça pour rien au monde.
- Sauf s'il est mort, argua Camille. Au moins, ça offrira un panel de suspects.
Il bougonna.
- Alors dans ce cas...
- On a qu'à cibler la classe de Lauren, la classe d'Isis, dit tout simplement Camille.
- La mienne aussi, ajouta le brun.
- Pourquoi ?
Il expliqua que Montalio était dans sa classe au lycée pendant trois ans, et qu'à la base, c'était quand même pour le chopper lui qu'ils faisaient tout ça.
- Tu aurais pu nous le dire plutôt, grommela Dick.
- On est peut-être issus de la même promotion, je n'ai pas grand souvenir de ces deux filles.
- Il aime garder des secrets notre petit Nathinou !
Nathan se dirigea vers où émergeait la voix de Kyle.
- T'étais où toi ?
Il s'assit confortablement dans son fauteuil, regarda les quelques feuilles retraçant le parcours de l'affaire avec de répondre.
- Nulle part. Rendors-toi.
- Allez ! On va organiser tout ça ! sourit Logan tout excité.
Nathan considéra le blond du regard. Pas un seul coup d'œil de sa part, pas une seule phrase ne sortie de sa bouche. Comme s'il voulait l'oublier.