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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 26/09/2012 à 14:19
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:45

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 19 : Le pays des glaces en vue
Ce fut avec un plaisir certain qu'il croqua avidement dans la pomme verte et brillante. Elle était sucrée et acide juste ce qu'il fallait. Sous la lueur du soleil, son épicarpe resplendissait et lui conférait un aspect encore plus appétissant.

Avec toutes ses récentes mésaventures, Jérémie n'avait eu le temps de manger que sur le pouce. Aussi savourait-il cette pomme comme le petit joyau qu'elle paraissait être. Ce goût délicat lui rappela des jours autrefois heureux et qui n'étaient plus que des spectres dans son esprit. Il poussa un long soupir à cette pensée. D'un regard mélancolique, il contempla le ciel drapé d'une couverture de nuage ouatée.

Il ne lui restait plus que ça. Cette liberté provisoire et vivifiante qu'il pouvait employer à parcourir les flots de la mer. Dans un monde où tout ne lui semblait que malheur et désolation, c'était presque un paradis sur fond bleu. Mais il savait que son escapade en bateau prendrait bientôt fin.

Cela faisait une journée entière que la " croisière " durait, et Jérémie avait hâte de toucher terre ferme. Le navire ne voguerait pas indéfiniment sur l'immensité du grand large. De toute façon, il devait faire escale. Absolument.

- Nous sommes bientôt arrivés ? lança-t-il à l'adresse d'un homme qu'il avait emmené avec lui pour qu'il pilote le vaisseau.

- Dans une heure tout au plus, couina celui-ci en manœuvrant la barre nerveusement. Le vent nous est favorable, donc peut-être même que nous mettrons moins longtemps à accoster.

- Très bien ! Après quoi, vous pourrez partir !

Accoudé au bastingage situé à l'arrière du pont, Jérémie rêvassait longuement en observant des Goélise flâner autour de leur gréement. Plusieurs sentiments opposés se bousculaient en lui sans parvenir à se démarquer. D'un côté il était ravi d'avoir retrouvé ses affaires dans l'entrepôt, et aussi de penser que ses amis l'attendaient quelque part ; d'un autre, la mort de Cyril ainsi que l'absence de ses Pokémon l'enlisaient dans un marécage de regrets.

En arrivant dans le bâtiment avoisinant l'embarcadère, il avait eu la mauvaise surprise de constater que ses Pokémon ainsi que ceux des autres avaient été transférés. Au quartier général du Gouvernement s'il en croyait la sentinelle postée là. Ce qui n'était pas pour lui plaire. Pas du tout.

Amer, il était retourné dans l'anfractuosité où Cyril avait rendu son dernier soupir. Il avait pensé lui amener ses Pokémon pour que ceux-ci pussent lui rendre un ultime hommage. Et c'est pourquoi sa déception avait été si grande.

En dernier recours, il avait usé de son pouvoir pour geler toute la cavité et ainsi conserver le corps de son ami. Jérémie savait sa barrière suffisamment solide et enfoncée dans la roche pour résister à la chaleur aussi longtemps qu'il le faudrait. Tout simplement parce qu'il l'avait modelée avec son cœur. Il n'avait pas de plus grande certitude que celle-ci.

Une larme égarée perla sur la joue de Jérémie tandis qu'il se remémorait les magnifiques années passées avec Cyril. Il trouvait cruel que la mort ait choisi de les séparer, alors qu'ils avaient encore tant de choses à accomplir... Ensemble comme séparément, ils étaient deux alliés fidèles, deux moitiés d'un tout. Et ce tout s'était irrévocablement brisé quelques heures en arrière.

Désormais, il poursuivait son chemin en solitaire. Un chemin que Cyril avait jusqu'alors parcouru à ses côtés, et duquel il avait été impitoyablement rejeté. C'était comme perdre une jambe en pleine course ; Jérémie en souffrait, s'en trouvait handicapé. Il sentait que cette plaie, invisible mais plus douloureuse que toute autre au monde, ne se refermerait jamais complètement.

Pourtant, il en voulait à Cyril plus qu'à lui-même : s'il avait été trop incompétent pour se protéger, cela ne l'empêchait pas d'en vouloir au garçon pour son sacrifice. A présent, Cyril n'avait plus à se soucier de quoi que ce soit. En revanche, il laissait à Jérémie un lourd poids qu'il devait assumer, seul de surcroît.

Quelque part l'adolescent trouvait la décision de Cyril plutôt lâche. Il avait abdiqué si aisément face à l'inéluctable, plutôt que de se battre jusqu'au bout !

Parallèlement, il admirait la bravoure avec laquelle son ami s'était interposé entre lui et l'attaque de Dynamo. Il admirait... qu'il ait pu accepter de perdre la vie pour prolonger la sienne.

Voilà pourquoi il éprouvait ce curieux mélange de ressentiment et de respect envers Cyril chaque fois que ses pensées convergeaient vers lui. Et Arceus savait combien c'était le cas.

Des embruns charriés par le vent fouettèrent délicatement le visage de Jérémie et le rafraîchirent. L'embarcation s'ébranla légèrement lorsqu'elle fendit un rouleau de vague particulièrement agressif. Puissant mais apaisant, le ressac de la mer adoucit les peines de Jérémie. Naviguer avait toujours constitué un de ses moments de détente favoris.

Malgré tout cette allégresse ne fut qu'éphémère et le doute reflua bientôt en lui. Jérémie pressentait que la tâche qu'il s'était imposée - à la demande de Cyril - lui coûterait cher. Par là même, il risquerait de rendre les efforts de son ami vains, du moins en cas d'échec. Inutile de préciser que le garçon se considérait loin d'être à la hauteur : l'affrontement mené face à Dynamo lui avait paru suffisant pour qu'il admette son infériorité consternante.

Un courant porteur d'effluves salines caressa sa joue et il détendit quelque peu les muscles. Il se perdrait en conjectures le moment venu. Quand il agirait et
seulement à cet instant précis. En attendant, il devrait tout faire pour progresser et se montrer à la hauteur des attentes que l'on avait placées en lui.

Oui... le moment venu, il aviserait.

Pokémon #221

Une demi-heure plus tard, l'air se chargea d'un froid mordant et de petits flocons de neige. Le souffle épais et brumeux de son navigateur eut tôt fait de mettre Jérémie au courant, car lui-même ne sentait pas réellement la différence.

Une telle amplitude thermique ne le laissa pas tout à fait de marbre, cependant. En l'espace d'une dizaine de secondes, le climat quasi équatorial s'était mué en climat hivernal. Le soleil avait fait place à la poudreuse, légère mais invasive. Quant au vent, il forcissait.

Le pont fut tapissé de givre aux bordures, et ce plus vite que Jérémie ne l'aurait pensé. Grelottant, le barreur tenait le cap tant bien que mal. Hélas, le garçon n'avait pas de veste à lui offrir ; il tenait trop à la sienne pour la prêter à quiconque.

D'ailleurs, Jérémie louait les cieux d'avoir pu retrouver ses effets personnels avant qu'un accident fâcheux ne survînt. Plus que tout, son médaillon, son écharpe, ses gants et sa veste étaient des objets symboliques, doués d'une résonance bien particulière à ses yeux. Ils revêtaient un sens profond et lui rappelaient continuellement quels liens le rattachaient à ce monde. Par conséquent, les perdre équivaudrait à céder une partie intégrante de sa personnalité, ce qu'évidemment il se refusait.

Dans son sac, il avait également retrouvé son Pokénav. Mais il n'osait s'en servir de peur que l'on détecte le signal émis. De tout façon, fort était à parier que passer un appel ne lui serait d'aucune utilité.

A mesure que le vaisseau progressait, il était happé par la tourmente glaciale. Jérémie notait une baisse de visibilité conséquente ainsi qu'une recrudescence du froid. Peu à peu, la menue averse de neige se transformait en un monstre venteux, plus pénétrant qu'une masse d'épingles. Inexorablement, le blizzard s'annonçait déjà dans toute sa splendeur.

Si Jérémie n'était en rien affecté par ce temps radical et dévorant, il n'en était pas de même pour son hôte : des engelures se dessinaient déjà entre les lignes rigides de ses mains. Avec pour seule protection une chemise, il n'irait guère loin.

Singulièrement agacé, Jérémie quitta le pont pour rejoindre la passerelle et prêter main forte à son compagnon d'infortune. Une fois sur place, il entreprit de dresser un imposant rempart de glace autour de la cabine. Cela fait, il s'adossa à une chaise et souffla d'un air las. Au moins, l'isolation était quasi parfaite ; seule une partie de la vitre demeurait exposée à l'intempérie pour conserver un aperçu, plutôt relatif, de la direction empruntée.

Claquant des dents, le navigateur remercia Jérémie d'un hochement de tête. Il fallait dire que le navire n'avait pas été prévu pour de telles conditions. Mais passer par là constituait le chemin le plus rapide pour rejoindre le continent. Du moins si Jérémie se basait sur les explications que son voisin lui avait fourni avant qu'il ne l'oblige à embarquer en sa compagnie.

Soudainement, une pensée vint le tarauder : ce bateau n'était pas un brise-glace ! Étant donné le froid, fort restait à parier que la banquise serait de la partie. Aussi Jérémie décida-t-il d'agir en connaissance de cause. Plus vite il pallierait ce problème, et plus vite son angoisse s'éteindrait.

Le garçon ouvrit un passage dans sa propre glace et le combla sitôt qu'il fut dehors. Courant le long du pont, il finit par arriver à la proue. Il pencha alors sa tête pour mieux voir.

La coque ridait l'eau en soulevant d'impressionnants remous. Pour l'instant, nulle trace d'icebergs ou autre. Mais prudence étant mère sûreté, Jérémie ne perdit pas de temps : plaquant sa main sur l'étrave et fronçant les sourcils, il se concentra.

Ainsi qu'il avait appris à le faire en construisant la tombe de Cyril, Jérémie laissa son corps se détendre progressivement et un flux de fraîcheur se répandre dans ses veines. C'est de cette manière qu'il employait le mieux sa capacité. Perdu dans cet état d'étrange plénitude, il pouvait tailler la glace comme un sculpteur l'aurait fait avec une statue.

Enfin, un réseau de veinules prit source de ses doigts et rampa tel du lierre le long de la coque. L'instant d'après, une imposante armature translucide revêtait la carcasse métallique. Cet insolite protection devrait entre autre permettre d'encaisser quelques chocs, pensa Jérémie.

Cela étant, tout danger n'était pas définitivement écarté : le bateau n'avait en rien la puissance d'un brise-glace, les moteurs risquaient donc de ne pas survivre à une confrontation avec la banquise. Dépité, Jérémie en vint à la conclusion qu'il lui faudrait également recourir à son autre pouvoir, ce cadeau empoisonné, cette malédiction.

Cheveux au vent, il plissa les yeux pour mieux distinguer l'horizon à travers le blizzard... Il crut que ceux-ci allaient sortir de leur orbite : à une cinquantaine de mètres, une armée de plaques glissait sur la surface bouillonnante de la mer. Ces blocs de tailles et de formes diverses s'avéreraient fatals si Jérémie n'évitait pas leur sillage.

- Très bien, je crois que ça va être le moment, se murmura-t-il à lui-même. Va falloir s'accrocher.

Le garçon fit volte-face et pointa successivement ses yeux, l'étendue d'eau puis la barre. Adressé au navigateur, ce geste parut à Jérémie un bon compromis : l'homme comprendrait tout de suite sans qu'il ait besoin de venir lui parler.

Son dialogue muet eut visiblement l'effet recherché : le barreur hocha la tête et sembla se préparer à dévier la trajectoire du bateau.

- Allez, va falloir s'accrocher ! répéta Jérémie pour se motiver, les mains jointes.

Comme pour lui répondre, des étincelles virevoltèrent autour de ses doigts.

Le garçon était loin d'être confiant. Son propre pouvoir lui causait déjà bien du tracas ; alors celui de Cyril... C'était une autre paire de manches. Le gérer serait sans conteste une épreuve difficile à surmonter. Par ailleurs Jérémie ne comprenait toujours pas ce qui s'était exactement passé : d'un simple contact, Cyril avait semblé lui transmettre sa force.

Comment était-ce possible ? Qu'il pût avoir deux capacités au lieu d'une le plongeait dans la plus grande perplexité. D'un autre côté ce serait indéniablement un atout lors des affrontements contre d'autres Pokéman : l'effet de surprise jouerait en sa faveur.

Aussi Jérémie supportait-il sans rechigner ce nouveau fardeau à double tranchant. En l'occurrence, il serait contraint de l'employer plus tôt que prévu.

Les premiers fragments de banquise passèrent très loin d'eux : sous les directives de Jérémie qui correspondait par mimiques, le navigateur n'eut aucun mal à louvoyer entre ces monstres de glace traîtres. Convaincu d'avoir évité le pire, Jérémie s'accorda un sourire. Un sourire rapidement arraché à ses lèvres, hélas.

L'embarcation trembla dans un crissement métallique insupportable. Stupéfait, le garçon se pencha et comprit qu'un bloc passé inaperçu avait frôlé la coque en la rayant. Ce n'était certes que superficiel, mais il se devrait d'être plus vigilant à l'avenir. Hochant la tête, il rassura son hôte et s'attela consciencieusement à la tâche.

Par la suite le voyage se déroula sans accrocs, bien que le vent fût toujours aussi tempétueux. Rassuré, Jérémie ne baissa pas sa garde pour autant. Au loin, des arbres à la cime saupoudrée de neige semblaient flotter dans la brume de glace. Cela lui étira un nouveau sourire, car ne pouvant signifier qu'une chose : il approchait de Frimapic, et donc de Sinnoh.

D'un énième va-et-vient de la main, Jérémie intima au navigateur l'ordre de ralentir. Dans un cliquetis suivi d'un chuintement, l'embarcation entama alors une décélération progressive. Le souffle de vent agitant ses cheveux parut s'amoindrir, si tant est qu'il pût le suggérer par une telle tempête. En tout cas, les remous lui parurent moins violents et leur avancée significativement plus précautionneuse.

La côte pouvait apparaître à tout moment derrière un voile de neige malmené par les rafales. Il devait donc rester aux aguets et ne baisser sa garde sous aucun prétexte. Tant qu'il n'aurait pas débarqué en sécurité, l'imprudence était exclue.

Quelques secondes plus tard, la terre était belle et bien en vue... mais aussi la banquise fragmentée qui la bordait !

Pris au dépourvu, Jérémie effectua des gestes saccadés pour braquer ses paumes en direction de la glace qui leur ferait inévitablement obstacle. Il ne se considérait pas prêt. Vraiment pas. Mais les circonstances exigeaient qu'il fasse usage de son pouvoir.

Essayant de relâcher tous ses muscles, Jérémie inspira puis expira.

- Ça passe ou ça casse ! se dit-il.

Suite à cela, il expulsa par ses doigts de minces faisceaux électriques et les condensa en un seul, précisément dirigé sur la banquise gênante. Ses membres secoués par la force du courant manquèrent de lâcher prise, mais Jérémie tint bon et raffermit sa prise.

La gerbe d'étincelles entra alors en contact avec la plaque au blanc immaculé. Il y eu un crépitement de glace fendue et disloquée, un écran de fumée rapidement dissipé par le vent, puis plus rien. Jérémie constata avec ravissement qu'il avait pratiqué un espacement suffisant pour que l'embarcation puisse naviguer en toute quiétude le reste du voyage.

Soulagé, il mit entre lui et l'électricité le plus de distance possible, mentalement tout du moins. Ce don l'aurait presque révulsé s'il n'était pas l'ultime cadeau de Cyril. En son cœur déchiré, il occupait une place sujette à controverse. Jérémie ne savait plus quoi en faire. Il aurait voulu le jeter et le garder en même temps, comme un vieux nounours dont il hésitait à se débarrasser.

Cependant il n'eut guère le loisir de se morfondre : le bateau avançait vite, plus vite que prévu. Visiblement le navigateur avait mal apprécié la distance. Oui, ce ne pouvait être que ça...

Jérémie hurla, agitant les bras en signe de détresse pour signifier à l'homme qu'il devait freiner de toute urgence. Et là, le garçon comprit : le flash de son attaque précédente l'avait aveuglé.

Le barreur se frottait encore les yeux et il n'aperçut les pantomimes de Jérémie que tardivement. Affolé, il s'affaira précipitamment pour manœuvrer l'appareil... trop tard.

Dans un concert de ronflements et de crissements, le bateau percuta la bordure de la côte. Le métal parut se ratatiner au contact de la roche, invisible mais bien réelle.

Catapulté en avant, le garçon chuta longuement et atterrit tête la première dans un manteau de neige fine. Il avala quelques flocons et fut pris d'une horrible quinte de toux. Peu après, il émergea et s'ébroua pour chasser l'écran blanc qui imprégnait ses cheveux et ses vêtements.

Dans son dos, le navire avait finalement cessé sa course folle, enfonçant le rivage plus profondément qu'on ne l'aurait cru. En témoignait le large sillon qu'il avait tracé. Un étrange chuintement semblait provenir de la cale et l'armature était dans un état lamentable. Tout paraissait encore bien confus à Jérémie...

Le garçon rampa à quatre pattes sur quelques bons mètres avant de recouvrer ses sens. Puis il leva le regard et sourit, l'air triomphal.

Face à lui, le continent étendait ses vastes plaines enneigées. Il venait d'arriver.