Chapitre 4 : Cauchemar
Chapitre 4 : Cauchemar
Non. C'est bien ce qu'il pensait. Rien que le fait d'imaginer devoir mentir à sa sœur le mettait dans un état proche du dégoût. Il se sentait mal, vraiment très mal même. Il ne pouvait pas lui mentir. Il ne le pouvait pas ! Il se relève dans son lit, haletant, une main sur la bouche.
« Elle dort surement déjà mais ... »
Il doit quand même aller la voir. Question de sûreté. Question de normalité. Non, c'est juste qu'il n'arrive pas à dormir s'il ne le fait pas. Il se met debout, quittant sa chambre avant de faire des pas très discrets pour s'approcher de celle de sa sœur.
« C'est ridicule, vraiment ridicule. J'ai quinze ans ... j'ai quinze ans. Je veux qu'elle m'accepte comme un adolescent et voilà ... voilà ce que je fais. »
Voilà ce qu'il fait ! Il approche son poing de la porte, prêt à toquer avant de s'arrêter. Pourquoi est-ce qu'il est aussi anxieux ? Il est un grand garçon mais pourtant, quand il voit Melgana, il redevient un enfant.
« Je ne peux pas l'embêter avec ça. Je vais chercher à dormir. Peut-être que ça viendra. »
« Soklar. Je te le répète sans cesse : si tu as quelque chose à dire ou à faire, tu n'hésites pas et tu l'accomplis. Tu veux rentrer dans la chambre ? »
« Je ne veux surtout ... pas te déranger, grande sœur. »
« Tu ne me déranges pas. Viens. »
Et dire qu'il y a quelques temps, elle lui refusait l'accès à la chambre. Il pose sa main sur la clenche avant d'ouvrir la porte. Avec lenteur, il pénètre dans la pièce. Il voit les rayons de la lune qui éclairent uniquement le lit de sa grande sœur. Celle-ci est assise, les draps recouvrant l'intégralité de son corps sauf sa nuque et son visage masqué. Même pendant qu'elle dort, elle a son masque. Il le sait parfaitement.
« Alors ? Que se passe-t-il ? Est-ce que je dois me lever ? »
« Ce n'est pas vraiment si important que ça. Je vais retourner me coucher et ... »
« Solkar ... tu sais pertinemment que je ne supporte pas ça. »
Il se statufie sur place. Il sait pertinemment ce que ça veut dire quand elle parle ainsi. Il cherche ses mots, tentant de les aligner à la suite pour former une phrase.
« Je je je je je vais bien, je te le promets. »
« Hum, je dois donc me lever. Mais il s'avère que si c'est le cas, tu ne sortiras pas la chambre indemne, Soklar. Est-ce que tu veux vraiment arriver à cette extrémité ? »
« Non, non. Je vais parler, grande sœur. C'est juste que j'ai peur de ta réaction. Je ne veux pas que tu t'énerves, c'est tout. »
Elle sait parfaitement de quoi il veut parler. Ce n'est pas la première fois qu'il vient dans la chambre mais ... ça sera la dernière. Elle le voit se recroqueville sur lui-même, attendant qu'il reprenne la parole, chose qui ne tarde pas.
« Grande sœur, j'ai le pouvoir de créer des pierres et de creuser le sol sans me faire mal. »
« Donc lié à la roche ou au sol. Ceci explique le pourquoi de tes mains aussi sales mais ceci explique aussi que tu m'as menti, n'est-ce pas ? »
Il tremble sur lui-même alors qu'elle pousse un petit soupir avant de rigoler. Un mouvement dans la couverture et voilà que celle-ci tombe de son épaule gauche nue. Sa main tapote doucement le lit avant qu'elle ne dise :
« Viens donc. Je sais exactement ce qui te conviendrait. »
Il hoche la tête avec fébrilité avant de faire quelques pas. A part le lit et sa sœur, il ne peut rien voir d'autre dans la chambre. Il se dit que ce n'est pas de chance mais en même temps, si cela avait été le cas, Melgana ne lui aurait jamais permis de rentrer.
Il arrive jusqu'au lit, regardant la main de sa sœur déposée dessus. Elle veut qu'il s'asseye, n'est-ce pas ? Pourquoi est-ce qu'il a cette impression que ce n'est pas la première fois que cela arrive ? Il vient s'asseoir sur le lit, à côté de Melgana mais sa sœur lui prend la main.
« Couches-toi au lieu, Soklar. »
« Grande sœur, tu es en colère au sujet de mon pouvoir ? »
« Juste sur le fait que tu m'aies menti à ce sujet. »
Le silence plane alors qu'il détourne la tête. Il n'ose pas regarder sa grande sœur dans les yeux. Du moins, plus facile à dire qu'à faire car elle a son masque. Et puis, elle veut qu'il se couche mais il se sent un peu gêné.
« Déjà enfant, tu venais dans mon lit quand tu avais un cauchemar. Visiblement, ce genre de choses ne changera jamais. »
« Un jour, je quitterai la maison, Melgana. Tu le sais bien. »
« On n'a encore le temps avant que ce jour n'arrive, Soklar. »
Il est maintenant correctement couché dans le lit, regardant le plafond avec anxiété. C'est quand même sa grande sœur mais il a honte de se dire qu'il ne trouvera le sommeil qu'en sa présence. C'est toujours ainsi. Dès qu'il a fait quelque chose de mal, il se sent obligé d'aller la voir, il ne peut rien faire d'autre.
« Reposes-toi donc, tu dois être exténué, n'est-ce pas ? »
« Grande sœur ... au sujet de mon pouvoir ... est-ce que je peux l'utiliser ? J'ai maintenant plus de quinze ans. Je veux vraiment pouvoir utiliser ce don offert par Arceus. »
« Est-ce que tu en es certain ? »
Hein ? Quoi ? Il se retourne vers sa sœur, la regardant avec appréhension. D'habitude, lorsqu'il commence à en parler, elle tente aussitôt de le calmer et de lui dire que ce n'est pas le moment. Enfin, c'est toujours comme ça qu'il envisage le dialogue avec elle. Il voit juste le visage masqué de sa sœur ainsi que ses cheveux auburn.
« Est-ce que tu es certain de ton choix, Soklar ? Tu sais, utiliser le pouvoir que t'a donné Arceus n'est pas forcément une bonne chose. Tu as pu très bien te débrouiller sans pendant toutes ces années. Pourquoi ne pas continuer ? »
« Car tout le monde l'utilise autour de moi. Ça me fait juste ... me sentir différent. »
« Mais tu es différent, vraiment différent. Tu es mon petit frère. Tu es unique. »
Elle a de bonnes paroles, il le sait bien. Et puis, il sent le mouvement de la main de Melgana qui vient lui caresser le bras avant de le tirer contre elle. Réfugié contre sa poitrine, il respire profondément, parlant avec difficulté :
« Toi aussi, grande sœur, toi aussi. Mais toi, tu as un pouvoir, moi non. Et puis, je suis sûr que tu pourrais avoir aussi un pokémon si tu le désires. »
« Peut-être ? Surement, je ne sais pas. Je ne me pose pas la question car j'ai des choses bien plus importantes en tête, comme te réconforter actuellement. »
« Je ... je ne vais pas si mal que ça non plus. »
Même si c'est un mensonge car il se sent toujours apaisé quand il est contre elle. Il ferme les yeux, respirant cette odeur qui le soulage. C'est celle de sa sœur, de sa grande sœur. Il a peut-être quinze ans mais il reste un enfant pour elle.
« Tu sais, Soklar, je pense qu'il va falloir que tu apprennes à utiliser ton pouvoir, comme tous les autres. Il est peut-être finalement temps de te laisser voler de tes propres ailes. »
Elle continue de lui caresser les cheveux, attendant la réponse de l'adolescent. Mais celle-ci n'arrive jamais. Elle sent le souffle chaud de Soklar contre le tissu rouge qui recouvre sa poitrine avant de passer une main dans ses cheveux.
« Déjà en train de dormir ? Tu as toujours rapidement trouvé le sommeil auprès de moi quand tu cauchemardais, oui. »
C'est bien pour cela qu'elle s'occupe de lui. Puisqu'il dort profondément, elle peut se permettre une petite fantaisie. Elle retire brièvement son masque, ses yeux fermés avant de déposer son front contre celui de son petit frère. Quelques secondes plus tard, elle dépose un baiser sonore dessus avant de remettre son masque sur son visage.
« Demain sera une longue journée, très longue journée. »
Elle finit par s'endormir à son tour, ses bras autour de l'adolescent aux cheveux blonds.
Le lendemain matin, lorsqu'il ouvre les yeux, il remarque qu'il est retourné dans sa chambre. Se frottant le visage pour bien se réveiller, il se demande encore ce qui s'est passé mais ... il s'en rappelle maintenant.
Il a dormi avec sa sœur et il a parlé de son pouvoir ! AH ! Son pouvoir ! Il s'en rappelle ! Il peut creuser le sol sans aucune difficulté ! C'est étrange, vraiment très étrange même ! Mais ... ça peut être utile non ?
« Aller, debout petit homme ! Le petit déjeuner est prêt ! »
Sa sœur ne semble pas être en colère. Et puis, contrairement à ce qu'il pensait, il n'avait pas fait de cauchemar. C'était une très bonne chose alors. Mais bon, peut-être qu'il rêvait ? Il crie à son tour à travers la porte.
« J'arrive ! J'arrive tout de suite, Melgana ! »
Le mieux est encore de vérifier par soi-même. Il parlera avec sa sœur de son pouvoir et si elle se met en colère, alors ... alors ... il ne fera rien. Il se lève de son lit, quittant sa chambre avant de se diriger vers sa sœur.
« Bonjour, Melgana. Tu as bien dormi ? » demande-t-il alors que le bas du masque de métal se retirait, la jeune femme aux cheveux auburn venant l'embrasser sur les joues.
« Je devrais plutôt te poser la question non ? Aucun cauchemar ? »
« Aucun cauchemar. J'ai bien dormi mais ... hier, j'ai dormi avec toi ? »
« C'est le cas, je t'ai ramené dans ton lit sans que tu ne le remarques dans la matinée. Juste après que je me sois levée. Ne t'en fait pas, tu n'as rien senti. »
« Ah euh ... d'accord. Sinon, je voudrai savoir. Est-ce qu'hier, je t'ai parlé de quelque chose d'important ? Enfin, si ce n'est pas le cas, ce n'est pas grave. »
« C'est important mais ce n'est pas grave ? Tu hésites encore, Soklar. »
« Melgana, est-ce que j'ai parlé de mon pouvoir ? »
« Oui, tu en as parlé. Même que c'est lié à la roche ou à la terre, on ne sait pas exactement. »
Gloups ! Il déglutit, ayant un petit tic nerveux. Comment est-ce que sa sœur va réagir ? Comment est-ce qu'elle va réagir ? Il a peur, plus que peur. Mais elle lui tapote la tête.
« Le petit-déjeuner ne va pas se manger tout seul, Soklar. »
« Ca ne t'embête pas que je t'en parle, Melgana ? »
« Pas le moins du monde puisque j'ai décidé que j'allais t'entraîner. Pourquoi est-ce que cela me dérangerait hein ? » répond t-elle en rigolant légèrement. « Et puis, j'ai décidé que j'allais t'entraîner puisqu'il en est ainsi. Mais ! Il faudra m'écouter et te fixer des limites ! »
Avant même qu'il ne s'asseoir pour déjeuner, il se jette sur sa sœur pour venir l'enlacer tendrement et longuement, s'écriant :
« Merci ! Merci et merci ! »
« Bon, visiblement, je vais devoir encore prendre une journée de repos. Je comptais t'entraîner ce soir mais en vue de ta motivation. »
Il la regarde avec des yeux brillants d'espoir. Un enfant, c'est tout ce qu'elle a en face d'elle. Un simple enfant âgé d'une quinzaine d'années quand même. Elle a juste un gros bébé dans ses bras. Elle rigole tout en lui caressant le dos.
« Allez, maintenant, tu vas manger, on digère pendant quelques minutes et on commence alors l'entraînement. »
« Ca ne sera pas trop dur hein ? Je débute hein ? »
« N'abandonne pas tout de suite ! On n'a même pas encore commencé ! »
C'est vrai, c'est vrai. Et puis hey ! Il est dans les bras de sa sœur ! Il se retire aussitôt, un peu gêné. Il doit se comporter en adolescent ! Zut ! Il commence à manger son petit-déjeuner avec rapidité, s'étouffant à moitié alors qu'elle soupire.
« Ah ... qu'est-ce que je viens de dire ? Ne te presse pas, nous avons toute la journée pour nous, non ? Alors, prends ton temps. »
« Mais ça ne va pas t'embêter de ne pas travailler encore aujourd'hui ? »
« Oh, tu sais, mon travail est plutôt permissif. »
Permissif ? C'était la première fois qu'il entend ce mot mais il doit comprendre qu'elle peut faire un peu ce qu'elle veut. Par contre, que cela soit difficile à croire ou non, il n'a jamais su ce qu'était le pouvoir de sa grande sœur.
« Dis, grande sœur, c'est quoi ton pouvoir à toi ? »
« Oh ? Mon pouvoir ? Tu le connais sauf que je ne l'utilise qu'en de rares fois quand tu es là. Voilà, c'est ça mon pouvoir. »
« Ca ne ... répond pas vraiment pas à ma question. » bredouille Soklar, un peu déçu par la réponse de sa sœur. Il finit son petit-déjeuner, cherchant à se rappeler du pouvoir de Melgana. Non, ça ne sert à rien, il ne voit pas ce que sa sœur peut utiliser comme pouvoir. Rien ne lui vient à l'esprit, c'est étrange, très étrange quand même.
Mais bon, il doit se préparer à son premier entraînement. Il se sent soulagé, il s'attendait à une autre réaction de sa sœur mais au final, tout se déroule pour le mieux. Ca reste quand même assez surprenant mais il ne va pas se plaindre. Sa sœur a accepté qu'il ait son propre pouvoir ! Dorénavant, les autres adolescents feront moins les fiers, héhéhé ! Il allait pouvoir se permettre quelques répliques rocailleuses la prochaine fois !