011 - Rien à signaler
« Une fois rien, c'est rien ;
Deux fois rien, ce n'est pas beaucoup,
Mais pour trois fois rien, on peut déjà s'acheter quelque chose, et pour pas cher. »
(Raymond Devos)
« 'Je fais fi de tes 'je t'aime', ils sont des cris qui m'enchaînent...'
C'est ça l'amour ? C'est quoi l'amour ?»
(Mylène Farmer, Optimistique-moi)
Wallace se réveilla avec un grand sourire sur le visage.
- Une excellente journée s'annonce !
Il se prépara avec son soin habituel, mettant une bonne demi-heure à choisir sa chemise, puis il enfourna ses affaires de sport dans un sac.
- Wallace va courir, ta-tadadada, il va remuer son cul sur la piste, dadadadam…
Une fois les sacs prêts, Wallace sortit de sa chambre et se dirigea vers la table du petit déjeuner. Sa mère s'attelait aux fourneaux, Lindsay lisait un magazine, son père savourait son café. Wallace prit son courage à deux mains et formula à voix haute :
- Maman, ce matin je suis au terrain de sport, il faudra me déposer au même endroit que Lindsay…
La mère de Wallace hocha la tête sans se retourner vers son fils. Wallace soupira. « Ce serait marrant que tu te remettes à me parler un de ces quatre, sans faire attention… »
Lindsay regarda son frère.
- Toi, tu vas faire du sport ?
- La course, c'est fastoche, nan ?
- Nan ça l'est pas ! souffla Lindsay. Le sport c'est super dur.
- Oh je t'en prie, vos trucs de pom-pom girl c'est complètement naze, à la portée du premier venu !
- J'aimerais bien t'y voir !
- Moi pareil mais avec ton cerveau. Es-tu capable de réfléchir et de penser en même temps ?
- Wallace, arrête de prendre ta sœur de haut… souffla le père de Wallace.
Wallace leva les yeux au ciel.
- J'ai pas de mal à me donner…
- Wallace, ne me réponds pas comme ça.
- Oui p'pa…
Wallace soupira et finit son petit déjeuner.
***
- Hey ! Bienvenue chez ton oncle, Wallace !
Wallace serra son oncle Jeffrey dans ses bras. Ses parents et sa sœur repartirent en voiture. Jeffrey haussa les sourcils.
- Wow… Ils avaient l'air pressés de te déposer… Ça va ?
- Mouais…
- Ca… n'a pas l'air !
- J'ai avoué à mes parents que j'étais gay.
Jeffrey haussa les sourcils, surpris.
- Ah ouais, quand même…
- J'peux quand même rester deux semaines chez toi ou tu vas… me dire de rester dans ma chambre comme papa, ou alors tu vas plus me parler comme maman ?
Jeffrey hocha la tête.
- Ca m'étonne pas que Maggie réagisse comme ça… J'm'en fous, bonhomme, tu fais ce que tu veux…
- Merci oncle Jeffrey… au moins je vais passer de bonnes vacances…
Jeffrey regarda le jeune homme se diriger vers la maison en bois d'un pas nonchalant.
- … ouais, bah t'as intérêt à être de meilleure humeur que ça… sinon moi je vais passer de mauvaises vacances !
***
- J'savais pas que t'allais prendre l'option course, mec ! s'étonna Mike.
- En fait je pense que ça ne peut que me détendre, alors autant faire quelque chose qui me détende ! admit Wallace.
- Mouais. Rien à voir avec le foot ! ricana Steven.
Tristan laçait calmement ses baskets. Léon Grimes se trouvait là aussi. Les autres élèves dans le vestiaire s'agitaient et papotaient.
- Dis voir, Wallace, Naomi, elle aime quoi ? Elle a des passions, des trucs comme ça ?
- Je crois qu'elle aime la littérature… elle s'intéresse au Pokéfoot aussi, je crois l'avoir entendue en discuter avec Walter.
Steven acquiesça.
- Hey, ta future poule aime le foot ! Si elle aime aussi la bière, c'est la pouffe idéale !
Wallace haussa les sourcils.
- Eeeeh parle pas de Naomi comme ça, mec, putain !!! grogna Mike en frappant l'épaule de Steven.
« Euh… ouais, je sais pas pourquoi, ça me gêne aussi… »
- Quoi, c'est bien ça, les meufs, tu ramènes la bière et tu fermes ta gueule ! Mon père est comme ça avec ma mère !
« Y'a pas de secrets, y'a pas de mystères… » songea Wallace.
- Heeeeeeeey ! Y'a tête de pine qu'est là !
Wallace regarda à droite et à gauche. Steven approcha de Tristan et lui frappa l'arrière de la tête.
- Hey, tête de pine !
- Aïe…
- Qu'est-ce que tu branles ici ? C'est à côté le vestiaire des meufs !
- Arrête, Steven, tu vois bien que c'est super mal indiqué ! ricana Mike.
Wallace grimaça alors que les deux mecs firent tope-là et ricanèrent. Tristan baissa la tête et encaissa. Il ajusta une dernière fois ses chaussures et se leva, prêt à rejoindre le terrain.
- Eh, la tenue c'est censé être un short, pas une jupette ! ricana Steven.
- Grave, on dirait une pom-pom girl ! ricana Mike.
Wallace grimaça. « Sois le moins gay possible, Wallace… »
***
Une fois dehors, Wallace approcha de Tristan. Wallace portait un haut moulant noir et blanc sans manches tandis que Tristan avait opté pour le simple t-shirt.
- Ça va ?
Tristan inspira.
- On vient pratiquement de me traiter de fiotte dans les vestiaires mais à part ça tout baigne.
- Vieux, quelle idée aussi de venir en sport ! Tout ça pour me mater en plus !
- C… C'était pas pour ça ! Je courrais pas mal dans ma précédente école !
- Ah bon ?
- Oui…
- En tout cas, t'échapperas pas aux vestiaires au retour. Fais-toi discret.
- … merci pour ces conseils d'une incroyable pertinence. M'enfin, vu comment tu les laisses parler de ta copine Naomi, je devrais pas m'attendre à ce que tu sois le genre à défendre les autres…
Tristan s'éloigna. Wallace soupira.
- Pourquoi chaque fois que je lui parle, j'ai l'impression d'être un connard ?!!
Wallace repéra Lucy, mais également Holly, Gina et Violette. « Tiens, Violette peut vivre sans Rebecca et Amélia. Bon à savoir… Reste que Gina et Holly semblent former un seul et même organisme… »
- Oh mon Dieu, toi, ici ?! s'étonna Lucy en approchant Wallace.
- On s'connait ?! répondit Wallace du tac au tac.
- J'ai compris…
Wallace soupira en secouant la tête. « Les gens ils croient ça y est t'es dans la même classe, forcément t'es pote… »
- Bien… Les élèves pour l'option Course !
Wallace plissa les yeux. « Han non, c'est Tremblay, le prof de sport !! »
Les garçons et les filles se réunirent.
- Bien ! Je sais qu'une part infime d'entre vous prendra l'option, mais j'espère que vous allez faire preuve d'un bon esprit !
« Je déteste vraiment le sport. Heureusement qu'il y a du beau gosse, sinon ça aurait vraiment été inutile… »
- On va commencer par une course d'endurance. Vous courrez autant que vous pouvez, quand vous ne pouvez plus courir, vous vous arrêtez sur le côté, que je jauge votre limite !
« Putain, comme au goulag ! »
Les élèves allèrent se placer à la ligne d'arrivée. Wallace remarqua un grand blond pas trop mal qui le regardait. Wallace se mit à lui faire de l'œil. Le blond sourit. Wallace afficha un grand sourire victorieux. « Yyyyyyeeeeeeeeeeesssssss !!! »
Les élèves s'entassèrent à la ligne d'arrivée. « Deuxième étage, bétail, boucherie et autres abats savoureux… »
- Rappelez-vous, ça n'est pas une course, c'est juste courir !
« 404 Erreur, Wallace, ton cerveau imagine beaucoup trop de vannes pour cette seule phrase, surcharge serveur, surcharge serveur ! »
- A vos marques, prêts… Go !
Les élèves se mirent à courir sur la piste dans la fraîcheur matinale de l'automne. Wallace y mettait du sien, surtout pour se mettre au niveau de sa proie. Tristan diminua ses foulées pour rester derrière Wallace. « Tant qu'à être dans ce cours débile, autant joindre l'inutile à l'agréable !… »
- Moi c'est Wallace !
- … Ryan.
- T'es en quelle classe ?
- Première année trois.
- Ah ouais ? Cool.
- Hm. Toi ?
- Première année un.
- Bien. T'es vraiment là pour la course ?
- Nan je suis là pour regarder ! sourit Wallace.
- Ah, comme moi !
Wallace sourit. « Victoire pour le peuple ! »
Holly se mordilla les lèvres.
- Regarde les fesses de Steven !
Gina leva les yeux au ciel.
- Nan mais je rêve, Holly !
- Il est trop craquant !
- Tu lui as parlé au moins ?
- Tu crois que je devrais ? Je préfèrerais qu'il me remarque !
- Ma pauvre Holly, parfois ta logique me dépasse…
- Tu veux pas lui dire de venir me parler ?!
- Attends, même moi je trouve ça cliché !
Lucy se contentait de courir. Mike et Steven…
- Tu sais à quoi je pense, là ?
- Nan ?!
- Une grosse paire de nibards ! sourit Steven.
- Mec, putain !! On court, là !
- J'comprends pas c'que tu trouves à Naomi, elle est tellement fadasse ! Pis même, si tu sors avec elle, tu devras te coltiner la grosse et le truc à roulettes !
- Ca va, c'est cool, je suis sûr que Naomi acceptera de traîner avec nous ! Au pire y'a Wallace.
- Vieux, j'le sens pas, ce mec, t'as vu ce qu'il porte, des fois ?!
- C'est un mec classe, c'est tout !
- Si tu le dis…
Violette avait la tête complètement vide. Elle était complètement relax. « Je crois que ça va être course, je me sens vraiment trop bien quand je cours… »
- J'adore courir, c'est vraiment…
- Ouais, je vois ce que tu veux dire…
- Pis ça fait du bien partout, ça dérouille complètement !
- Ouais, exactement… acquiesça Wallace.
Tristan leva les yeux au ciel. « J'ai des conversations plus intéressantes avec ma carte graphique ! »
- J'ai des fourmis dans les cuisses ! geignit Wallace.
- C'est pas grave, continue, ça va passer… marmonna Ryan.
- T'as l'air de t'y connaître !
- Ouais j'ai pas mal d'expérience… dans le domaine de la course !
Tristan roula des yeux tellement fort que sa boîte crânienne s'en trouva secouée.
Gregory Tremblay observait la course. Quelques élèves n'avaient aucune endurance. Gina et Holly s'arrêtèrent rapidement.
- Hanlala c'est nul !
- Comment on peut trouver du plaisir à courir ?!
Steven avait la réponse à cette question cruciale.
- Le cul de la meuf devant moi ballotte, ça me rend dingue !
- J'préfère quand c'est ferme… commenta Mike.
- Ah nan y'a rien de mieux que les gros culs !
Violette était bien au-delà de ces considérations et courait sans vraiment penser à quoi que ce soit. Malgré tous leurs efforts, Wallace et Ryan s'étaient arrêtés.
- J'ai mal aux jambes… geignit Wallace.
- Attends, j'vais t'aider.
Ryan leva les jambes de Wallace une par une.
- T'as des jambes magnifiques… et très douces !
- Merci !
- Et un paquet respectable !
- T'es pas mal non plus…
Tristan s'écroula à leurs côtés.
- OUAH ! HAAAAH… HAAAAAH… C'est… c'est épuisant, hein les mecs ! Hanlala ! Hah !
Wallace grimaça. « Connard………. »
Mike et Steven, malgré leur entrainement, s'arrêtèrent au bout de dix bonnes minutes.
- Au foot au moins on court pour quelque chose ! souffla Mike.
- Oh, j'ai pas le sentiment d'avoir perdu mon temps… marmonna Steven en regardant les filles qui couraient encore.
Lucy s'avérait étonnamment bonne. « Eh bah voilà, je sais quelle option je vais prendre ! L'option Jogging ! »
Le prof cessa l'exercice quand un quart d'heure fut passé. Tous les élèves étaient épuisés. Violette et Lucy, qui étaient arrivées au bout, se firent un tope-là fair-play. Léon, qui avait aussi été jusqu'au bout des quinze minutes, était tout bonnement essoufflé mais heureux.
- Bieeeeeeeen… Je crois avoir déjà repéré un bon groupe, on va s'arrêter là, allez vous rhabiller, je verrais ce qu'il en sera avec ceux qui choisiront de garder l'option. Bonne journée !
***
Wallace passa les trois premiers jours à s'ennuyer copieusement. Son oncle, qui comme chaque année se faisait un plaisir de l'accueillir chez lui, était quelque peu dépité mais en profitait pour aller à la pêche.
- … j'aurais vraiment cru que ce serait plus drôle !
Wallace haussa les épaules.
- Tu veux pas qu'on s'entraine un peu ? Couverdure a évolué ?
- Oui…
- Bien joué !
- Hm.
Jeffrey leva les yeux au ciel.
- Très bien, je vois… Bon bah je vais bosser puisque monsieur tient à bouder pendant toutes ses vacances !
Jeffrey s'éloigna dans une autre pièce et il tendit la tête pour voir si Wallace allait se bouger en son absence… mais non, même pas.
- … l'est chiant ce gosse !!
***
Les élèves retournèrent aux vestiaires. Violette était particulièrement satisfaite. « Je sens que c'est l'option que je vais choisir ! Cette séance m'a aéré la tête comme jamais ! »
Le vestiaire des hommes fut l'occasion de scènes de camaraderie toute masculine… sous la douche.
- Eh, qui veut voir celle de Mike ? Elle est énorme, c'est du bon boudin noir !
- Ta gueule, putain, Steven, merde !!! L'autre il bande comme un porc !
- J'ai vu trop de culs et de nanas en sueur toute la journée, mec !
- Hahaha !!
Wallace se contenta de sourire en secouant la tête, se préparant pour y aller dès que Ryan fera un geste. Tristan se rhabillait soigneusement.
Quelques mecs revinrent des douches dont Steven et Mike.
- Aaaaaah rien de tel qu'une bonne douche après la course !
- Ouais mais comme j'ai dit, au foot au moins tu cours pour quelque chose !
Alors qu'un débat d'ordre planétaire s'engageait entre les sportifs du vestiaire, et alors que Tristan faisait tout pour se faire oublier, Ryan esquissa un mouvement vers les douches. Wallace se fit un devoir de l'y suivre. Tristan observait ça, médusé.
« … zut, j'vais quand même pas aller me doucher alors qu'ils y seront… là ça va faire carrément pervers… »
Il vit que d'autres mecs s'y pressaient, prit son courage à deux mains et se leva pour s'y rendre.
- Tiens, y'a Tête de pine qui va se décrasser !
Tristan ignora le langage fleuri de Steven et se rendit aux douches. « Même si honnêtement, laisser mon sac sans surveillance avec ce connard dans le vestiaire ne me rassure pas DU TOUT ! »
Tristan entra dans les douches. La plupart des types se savonnaient. Wallace et Ryan s'étaient placés dans un coin.
« Oh mon Dieu, son dos… Oh mon dieu ses fesses… oh mon dieu ses mollets… oh mon dieu on est dans la même pièce en petite tenue… »
Tristan ferma les yeux et souffla pour relâcher la pression. Il essaya de se mettre assez près d'eux, mais à part des entrejambes proéminents et des jeux de regards, il ne vit pas grand-chose.
Sous l'eau bouillante, il avait des frissons.
***
Wallace rentrait à pied vers l'établissement scolaire. Tristan le rejoignit. Wallace soupira.
- Tu t'es bien rincé l'œil ?
- … je… ne vois pas de quoi tu parles.
- Nan, bien sûr, un fana d'ordis qui fait la course, c'est la nature qui fait son œuvre. Je suis persuadé qu'Amélia nous prépare un dictionnaire pour la fin de l'année.
Tristan soupira.
- J'ai… rien fait de mal.
- J'ai pas dit ça.
- Je voulais juste…
Wallace regarda Tristan.
- Mater mes fesses ?
- Nan !
- Voir si j'en avais une grosse ?
- Tu peux arrêter de parler aussi mal ?!
- Tu peux arrêter d'être hypocrite ?
Tristan écarquilla les yeux en regardant Wallace qui le regardait.
- T'es amoureux de moi si j'ai bien compris ?
- … j… euh… bah…
- Si tu ne peux pas me le dire, c'est que c'est le cas. Tu es amoureux de moi. Très bien. Sur quels critères tu te bases pour être amoureux de moi ?
Tristan grimaça.
- Mon caractère facile ? Mon doux sourire ? A quel point je suis une source infinie de réconfort et de bons conseils ?
Tristan sembla décontenancé.
- Vieux, si c'est ce que tu cherches, va tout de suite culbuter Robbie !
- Wallace…
- Je suis chiant, je souris quand je sais que je vais passer une très bonne soirée…
Wallace regarda Tristan avec un grand sourire de Joker.
- Et je suis NUL pour conseiller les gens. Je sais déjà pas me conseiller moi-même alors… Bref tout ça pour dire que tu es un garçon superficiel, tu as juste flashé sur mon attitude, ma confiance en moi et mes putains de fesses. Dont je suis super fier, soit dit en passant.
Tristan soupira.
- Je te trouve juste très mignon, et donc…
- Et donc tu veux que je te viole dans les toilettes !
- Nan ! Et donc tu es à… mon goût et… donc je me sens… naturellement attiré par toi !
- Oui mais l'amour, c'est pas que ça. Sinon je serais tombé amoureux des centaines de fois ! Le nombre de mecs que je trouve mignons…
- Pourquoi tu m'as pas défendu dans les vestiaires ?!
Wallace haussa les sourcils.
- V'la autre chose ! J'suis ton garde du corps ! T'as autre chose à me dire, je suis ta secrétaire aussi ?!
- Steven et Mike m'ont traité de fillette !
- Et alors, c'est à toi de te défendre, je serais pas toujours derrière ton cul à te défendre. Pis ils sont sympas !
Tristan sembla consterné.
- « Sympas » ?! Steven m'appelle « Tête de pine » !!
- T'es un geek, tout le monde t'appelle « tête de pine » !
- T… Tu cautionnes ça ?!
- Ne détourne pas la conversation. Tu es jaloux de Ryan ?
- Espèce de connard…
Tristan partit devant, offusqué. Wallace sourit.
- Tu vois ? J'suis pas ton genre du tout !
***
Jeffrey Houston avait un trait familial qu'il partageait avec sa sœur Margaret, la mère de Wallace. Il n'était pas doué. Il ne savait pas appréhender les autres. Il avait comme une gêne face aux gens malheureux ou perturbés qui l'empêchait naturellement d'aller vers eux.
Wallace était habituellement jovial et actif. Le voir apathique et démotivé n'était pas du goût de l'oncle habituellement gâteau.
- Hey, Wal'… Tu veux pas aller te promener ?
Wallace secoua la tête.
- Tu peux pas rester prostré comme ça…
Wallace souffla par le nez.
- Allez, ça fait une semaine que tu glandes, bouge un peu !
Wallace se leva et sortit mais apparemment sans vouloir que son oncle le suive. Jeffrey soupira. « Bien joué, Jeff, une fois de plus tu es sensass… »
***
Wallace traîna près du lac bordant la maison de son oncle.
« Marre, marre, marre, marre… »
Il était dans une crise typiquement adolescente et il n'arrivait pas à mettre des mots dessus autres que le fait qu'il en ait marre.
Wallace regarda dans le lac, quand il vit une créature à quelques dix mètres de la jetée. Elle se débattait dans l'eau.
- … c'est quoi ce…
Il se dirigea vers elle. C'était un Chartor piégé dans l'eau. Wallace s'étonna et le regarda, neutre.
- Mais quel con… T'es vraiment con, tu sais ça ?!
Le Chartor regarda Wallace. Lequel était maussade et noir comme du café.
- Comment t'es arrivé là ?! Hein ?!
Le Chartor avait des algues dans la bouche.
- La faim ? Mais quel abruti tu fais…
Chartor cria. Wallace gardait le même regard dur.
- C'est ta faute. Tu t'es mis dans la merde tout seul, restes-y !
Chartor chercha à se débattre pour sortir de l'eau mais visiblement la vase y mettait du sien.
- Regarde-toi, grosse merde… Piégé dans l'eau, tu vas bientôt crever, tu vaux plus rien, y'a personne pour t'en sortir, t'es pathétique !
Jeffrey observait de loin, intrigué.
Wallace prit un caillou et il fit des ricochets jusqu'à heurter le reptilien volcanique. La tortue poussa des grognements.
- ALLEZ ! POUSSE ! ESSAIE DE T'EN SORTIR TOUT SEUL ! GROS NAZE ! T'ES LE SEUL CHARTOR ASSEZ CON POUR TE FOURRER LA-DEDANS !!!
Jeffrey préféra s'éloigner. « Au moins il n'est plus sur le canapé… »
***
- Je te jure ! C'était monstrueux ! Je voyais bien qu'elle faisait comme si de rien n'était mais ma cousine devait se rendre à l'évidence, elle avait pris cinq kilos !
- Waow, Rebecca… c'est terrible… marmonna Amélia.
Violette arriva vers ses copines.
- Coucou les filles ! Je me suis bien éclatée ce matin !
Rebecca sembla sévère à l'égard de Violette.
- Où étais-tu ce matin ? On était bloquées avec Santana – ou selon mon surnom officiel : « Satagnasse », à la médiathèque à faire des recherches !!
- … j'étais à l'option Course, Rebecca, je te l'ai dit hier au téléphone ?
- T'as été faire les courses sans nous ?! s'offusqua Amélia.
Rebecca soupira, outragée.
- Amélia, tais-toi.
- D'accord, Rebecca.
- Violette, je croyais qu'on s'était mises d'accord, on fait l'option gymnastique comme ça on reste ensemble !
- … euh… oui mais j'avais pensé…
- Violette, pas de discussion ! Gymnastique un point c'est tout ! Course, n'importe quoi… C'est un sport de brutes, la course ! T'es une brute, Violette ?
- N… nan !
- Alors ne fais pas option Course ! C'est simple la vie, non ?
Violette plissa les yeux. Rebecca rangea son casier.
- Je trouve qu'on a trop de cours !
- Oui tu as raison… marmonna Amélia.
- Hm… admit Violette.
Wallace avait retrouvé Walter.
- Après ça, il vient me retrouver sur le chemin et je lui balance la grande nouvelle : Son attirance pour moi est purement physique donc il est hypocrite. Blam, il a plus rien trouvé à redire. Victoire de Wallace !
Walter haussa les sourcils.
- J'pensais pas que Tristan était gay…
- Va dire ça au fantasme permanent dans sa tête dans lequel on dîne aux chandelles dans un fast-food…
- Tu as des sentiments pour lui ?!
- Les quatre premiers mots de ta phrase sont incohérents avec ma seule existence.
- … Wallace, tu as forcément des sentiments de manière générale. Regarde, tu as des sentiments pour moi !
- Oui, tu es mon ami.
- Pour Perrine…
- C'est mon complément féminin et quand je vais chez elle j'ai du porno mental gratos avec ses pères !
- Tu es… génial de vulgarité et de crasse, Wallace…
- Merci d'avoir dit que j'étais génial.
- Et Naomi…
- C'est une fantastique lutteuse, j'adore me chamailler avec elle, elle a du répondant, j'aime ça !
- Elle te renvoie souvent dans les cordes quand même !
- Hm… T'as raison, je devrais essayer de lutter plus fort. Qu'est-ce que t'en penses de son coup de cœur pour Mike ?
Walter souffla.
- J'en sais rien. Elle m'avait paru adorable quand j'avais déjeuné tout seul avec elle, tu sais, le jour de la conférence de David…
- Hm.
- Et pis après quand elle a eu son souci avec la gym… Je sais pas si elle est lunatique ou si elle ne supporte pas la contradiction…
- Nan, je pense juste qu'elle est plus simple qu'elle n'y paraît. Elle fait sa fille compliquée mais elle est comme toutes les autres. Quand on lui dit ce qu'elle veut entendre, elle est contente, voilà tout.
Walter hocha la tête.
- Reste que depuis ce moment-là, j'hésite un peu à aller vers elle.
- Toi le problème c'est que tu te prends trop la tête avec les sentiments. Les sentiments ça sert à rien ! Regarde, moi j'en n'ai pas, je me porte super bien comme ça !
- Dit celui qui était à moitié dépressif à l'idée d'avoir pu coucher avec moi !
- C'était différent. J'ai des liens avec toi, je n'en ai pas avec Tristan !
- Je croyais que vous étiez en bons termes depuis les évènements de la salle info ?
Wallace sourit.
- Ca m'empêche pas de jouer un peu !
- Wallace, à côté de toi, le Joker de Batman passe pour sain d'esprit…
Walter et Wallace repérèrent le grand blond qui s'approchait d'eux.
- Wallace, je… peux te parler ?
- Ouais Ryan, bien sûr. J'reviens, Walt.
- Vas-y, c'est pas comme si j'avais besoin d'aide pour mon casier…
Wallace s'éloigna. Walter plissa les yeux en regardant Wallace glousser comme une pintade sous les paroles de l'autre en face. « Mouais, pas de sentiments, à part ça on se laisse flatter par le premier venu… rhalala… »
- Besoin d'aide ?
Walter se tourna vers Naomi.
- Tiens, quand on parle du loup !
- Tu parlais de moi dans ta tête ?
Walter désigna Wallace et son copain. Naomi plissa les yeux.
- Je vois que certains ne perdent pas de temps…
- Ouais… J'ai besoin du fascicule pour le combat direct.
- Ok.
- Tout va bien, Naomi ?
Elle regarda Walter, étonnée.
- Oui… pourquoi…
- Bah, tu t'étais un peu énervée la dernière fois, et ensuite tu m'as dit que tu ne m'en voulais pas…
- Et c'est le cas, Mike m'a très bien remise sur les rails.
Walter grimaça.
- Mike ?! Naomi, Mike est un abruti !
- … Au moins, Mike ne se sent pas obligé de penser qu'il me connait mieux que je ne me connais moi-même…
- Il ne se sent pas obligé de penser du tout, tu te rappelles la façon dont il m'a parlé pendant notre combat ?
Naomi plissa les yeux.
- Tu es puéril à ce point ?!
- Tu es naïve à ce point ? C'est un sportif ! Tu t'en réfères à celui qui représente ce que tu détestes le plus !!
Naomi leva les yeux au ciel.
- Je vais rejoindre Perrine, elle au moins n'essaie pas ses nouvelles techniques de trépanation sur moi !
- N… M…
Naomi partit d'un pas décidé. Walter soupira. « C'est pas vrai, c'que j'peux être débile… »
Wallace revint vers Walter.
- Je vais passer une excellente soirée…
- Moi je sens que je vais passer un déjeuner atroce…
Wallace s'étonna. Tristan arriva vers les deux.
- Han non… grogna Wallace dans sa barbe.
- Wallace, je… venais juste me tenir au courant de vos recherches sur Roland Smirnoff et Direct…
- Oh on a juste découvert que Roland Smirnoff avait fait du porno gay quand il avait 18 ans pour payer ses études. On a même trouvé des vidéos très chaudes !
Tristan grimaça.
- Oh, excuse-moi, je déteste qu'on trouve des excuses foireuses pour me parler, ça me donne des gaz !
- Est-ce que c'est juste moi ou est-ce que je suis complètement à l'ouest sur tous les plans aujourd'hui… soupira Walter.
- J… Je me préoccupais juste de…
- Oui, Ryan va me défoncer le cul ce soir ! T'es content ? Tu voudras des photos ?
Tristan s'éloigna, agacé. Walter regarda Wallace.
- C'est quand le mariage ?
- Avec Ryan ? Jamais !
- Avec Tristan ! rétorqua Walter.
- Il est stupide, je veux qu'il le réalise. Il veut de la romance mais monsieur me vénère parce que je suis aussi beau qu'un joueur de foot latino.
Walter regarda les chevilles de Wallace.
- … non, ça n'enfle pas…
- Tu vois, si tout le monde était comme moi, on se prendrait moins la tête !
Walter fixa Wallace qui leva les yeux au ciel.
- Je n'ai pas la grosse tête ! Je sais ce que je vaux.
- Tu es plein d'énergie, Wallace…
- Ah non, me drague pas, toi non plus !
- Ce serait bien que tu utilises cette énergie pour quelque chose de productif au lieu de l'utiliser à brasser de l'air et à séduire pour rien.
Wallace leva les yeux en soupirant. Walter s'apprêtait à rectifier.
- Je sais… c'est pas faute d'avoir envie de faire quelque chose de ma vie… On y va, la mère Barnes a besoin de son engueulade quotidienne !
Wallace partit devant. Walter serra le poing et replia le coude vers lui. « YES ! Je suis pas débile !! »
***
Wallace restait devant Chartor, à fumer. Il avait volé les cigarettes à son oncle, ce dont ce dernier ne lui avait pas tenu rigueur. Wallace avait eu envie de fumer…
- Fffff ! Tu vois ? Moi je fais de la fumée ! Tu vois ! Toi t'es à peine capable de crachouiller
Jeffrey se trouvait plus en hauteur sur la berge. Il observait son neveu, lui faisant dos, qui narguait un Chartor piégé dans la vase.
- T'es vraiment le roi des cons. T'es censé marcher sur la terre ferme, ducon. Et toi, nan ! Nan ! Monsieur, au lieu de marcher normalement sur l'herbe, il marche dans l'eau ! Monsieur fait son original ! Monsieur fait son intéressant ! Hop, j'vais dans l'eau !
Jeffrey hocha la tête, comprenant le message.
- Une… grosse bataille s'est déroulé non loin d'ici il y a quelques temps… et elle a complètement perturbé l'environnement. Les Pokémon sauvages de la zone agissent différemment… les Chartor se sont mis à vivre en forêt et non plus en grotte… marmonna l'oncle.
Wallace hocha la tête.
- … apparemment celui-ci s'est égaré.
- Ouais bah faut vraiment être débile pour aller dans l'eau quand on est un Pokémon Feu.
- Il va mourir s'il continue à manger des algues. La concentration en eau est trop forte pour son organisme… J'ai un livre de médecine sur les Pokémon Feu, écrit par un certain… Tools Seviper je crois, je vais aller le chercher.
Jeffrey se releva et retourna chez lui. Wallace se releva et alla chercher du foin, plus sec. Il revint à l'endroit où Chartor était posté et marcha dans l'eau pour nourrir le Pokémon.
Chartor grogna en regardant Wallace. Le jeune homme avait trop titillé le Pokémon qui n'avait plus aucune confiance.
- Ta gueule et mange, lâcha sèchement Wallace.
Le jeune homme tendit la nourriture au Pokémon qui mangea à contrecœur.
***
- Tu… vas passer tes vacances ici ?
Wallace soupira en écrasant une clope sur une pierre.
- Ça t'embête ?
Jeffrey haussa les épaules.
- Les autres étés, on s'entraine tous les deux, on va en ville, on achète des fringues, je t'offre des fringues…
- Ouais bah j'ai changé.
- Tu n'as pas changé, Wallace.
- J'ai grandi, putain, j'ai plus l'âge pour ces conneries !
- L'an dernier, on a été voir un dessin animé au cinéma !
- … c'était de l'humour pour grands.
- Tu n'as pas grandi, Wallace ! Tu es simplement perdu, désorienté…
- J… J'suis juste homo, oncle Jeff !!
- Nan, je dis pas que tu es perdu parce que tu es homosexuel, je dis juste que tu penses ne plus en être au même point !
Wallace se mordilla les lèvres.
- … Maman me parle plus, oncle Jeff !
- Je sais, tu me l'as dit, bonhomme.
- Pourquoi elle fait ça ?!
- Elle a ses raisons, tu ne dois pas lui en vouloir.
- JE SAIS !
Jeffrey s'étonna. « Il sait…?! »
- Je sais que je dois pas lui en vouloir, que c'est pas sa faute… Et pis merde c'est ma mère ! Faut vraiment être inhumain pour détester sa mère !
Jeffrey ne put qu'approuver, soulagée.
- Mais si au moins ils pouvaient, je sais pas, arrêter de me faire sentir encore plus différent !
- Tu n'es pas différent.
- Va dire ça à mes parents… pis au reste du monde. Faut bien que j'envoie tout le monde se faire foutre, nan ? Sinon on va me marcher dessus…
Jeffrey plissa les yeux.
- La violence ça ne mène à rien, Wallace. Tu dois te calmer. En plus tu m'as volé des cigarettes ! Tu vas devenir dépendant ! grommela l'oncle avec peu de sérieux, ne voulant pas sermonner le gamin.
- Pas plus mal, ça fera au moins un truc dont je dépendrais. Tu sais que j'ai pensé m'automutiler rien que pour que maman soit obligée de me parler ?
Jeffrey serra les dents.
- Je parlerai à ta mère, promis.
- Ca servira à rien.
- Peut-être.
Wallace soupira. Il se releva.
- Merde. MERDE !
Des Carvanha entouraient Chartor. Wallace fonça dans l'eau.
- WALLACE !!!
Le jeune homme saisit la Pokéball à sa ceinture.
- STRING, GO !
« S… S-String ?!! » s'étonna Jeffrey.
Le gracieux Manternel se posa sur la carapace de Chartor, toujours bloqué.
- TRANCH'HERBE !
Le Pokémon plante agita ses bras et visa habilement les ennemis et leur planta à chacun une feuille dans la tête. Les poissons s'enfuirent, gravement touchés.
- Wallace, c'est dangereux, descends !!!
- Nan !
Deux Carvanha sautèrent sur Wallace.
- SECRETION !
Manternel colla les deux Carvanha l'un contre l'autre, ce qui les fit se cogner et les assomma.
- Wallace, fais attention bon sang !
Wallace descendit de Chartor. Manternel emmaillotait le Pokémon. Chartor grognait de cet état de fait.
- TA GUEULE ! J'ESSAIE DE TE SAUVER ALORS TA GUEULE !!!
Jeffrey serra les dents. Manternel planta à nouveau des Carvanha trop pressants. Wallace dégagea les pattes de Chartor une par une alors que Manternel partit devant pour tirer le Pokémon.
- BOUGE TON CUL ! BOUGE GROSSE MERDE ! ALLEZ !!
L'aileron d'un Sharpedo acheva d'inquiéter Jeffrey.
- Putain, foutu ado plein d'hormones !!! A toi de jouer, Mémère !!
Jeffrey balança la Pokéball dans le lac. Wallace tentait de porter Chartor pour l'aider à sortir, le chélonien étant toujours tiré par Manternel.
Un Relicanth sortit de l'eau et se précipita vers Sharpedo. Wallace vit filer la torpille qui heurta Sharpedo de plein fouet. Le Pokémon Requin fut littéralement balancé hors de l'eau et projeté à un bon kilomètre dans le lac.
- … j'y suis peut-être allé un peu fort…
Jeffrey descendit vers le lac pour récupérer son neveu et son Pokémon.
- T'es impossible, Wallace, vraiment…
Jeffrey prit une des pattes du Pokémon sur son épaule. Il regarda son neveu.
- T'aurais pu être blessé !
- Mais nan…
- Si ! T'as pas à être aussi inconscient, y'a des gens qui tiennent à toi !
- A part toi…
- Tes parents, ta sœur ! Manternel !
Wallace hocha la tête.
- Sûrement…
- Arrête d'avoir des idées comme ça, ça ne t'amènera rien. Avance dans la vie, un jour ça ira mieux.
- T'as rien de plus con à me dire ?
- Nan j'ai rien de plus con. En tout cas, tu as magnifiquement dressé Manternel, je n'avais jamais vu un Pokémon aussi rapide et puissant !
- Tu parles… Dit celui qui balance Mémère, la Relicanth supersonique !
Jeffrey éclata de rire. Wallace rit avec lui.
- Tu vois ! Tu es normal. Et tu peux vivre parmi nous sans problème. Tu n'es pas différent, tu es un brave garçon, Wallace.
Wallace acquiesça, peu sûr de lui mais un peu rassuré.
- Capture ce Chartor, ça te fera du bien. Tu t'es investi pour lui, ça te fera du bien de l'entrainer, de développer plus de relations avec des Pokémon.
Wallace hocha la tête.
***
- Avant de commencer… Je suis désolée pour les incidents qui ont rythmé les cours précédents. Perrine, je suis désolée pour les propos que j'ai tenus, Ana, je suis désolée de la façon dont je vous ai parlé. Voilà.
- Ok… marmonna Perrine.
- D'accord, ce n'est pas grave… marmonna Ana.
Quinn roula des yeux vers le ciel.
- Bon, combat de départ… J'appelle Tristan Edison.
Tristan soupira. « C'est ma journée… »
- Pas Morphéo, hein, t'as pas le droit aux climats… marmonna Tino.
- Ouais.
- Contre… Amélia Levy !
Mines embarrassées dans la classe. La prof se permit même un :
- Il… faut bien que je note tout le monde !
… des plus condescendants.
Amélia descendit, l'air d'être forcée. Tristan semblait avoir une corvée ignoble sur les bras.
Les deux élèves se placèrent l'un face à l'autre.
- Commencez.
- … Balignon !
Amélia envoya son Pokémon. Dans la salle, Rebecca protesta.
- Idiote ! Ce Pokémon est nul !
- Mais nan, Rebecca, tu vas voir…
Pourtant Tristan avait un vrai dilemme psychologique dans sa tête. A cause d'Amélia. Et même pas à cause de quelque chose qu'elle aurait dit en plus !
« Je peux pas appeler Morphéo…
Krabby va se faire éclater…
Skitty… »
Tristan regarda les rangs, plein d'appréhension. « Merde, tout le monde va se foutre de ma gueule si je balance Skitty… »
Blandine regarda Tristan qui sourit, gêné.
- O… Ok, bah… Nova !
Le Skitty apparut. Et quelques rires dans la salle également. Tristan rentra la tête entre ses épaules. Amélia sembla émerveillée.
- Iiiiil est miiiignooooon !!!
- Un Pokémon de gamine, trop fort !!
Tristan releva la tête vers Steven qui, visiblement, se foutait de la gueule de Tristan. Gina et Holly se regardaient en ricanant. Rebecca rigolait toute seule, Violette n'ayant pas compris la « blague ». Les autres dans la salle étaient au pire étonnés, au mieux s'en foutaient.
Wallace se contentait d'observer. Tristan reprit son courage à deux mains.
- Allez, Nova, attaque…
- Nan moi d'abord. Soucigraine !
La graine fut balancée à la face de Skitty et le maintint éveillé.
Tristan plissa les yeux et regarda Amélia qui hocha la tête et montra Tristan du doigt.
- Ton Pokémon peut plus dormir. Il va avoir des cernes !
Tristan pencha la tête sur le côté, stupéfait. Amélia semblait fière d'elle.
- O… Ok, très bien… euh… « Ne te laisse pas déconcentrer, elle est normale, c'est une adversaire comme une autre, elle pourrait te battre si tu ne fais pas attention… et se faire battre par Amélia, c'est pire que d'avoir un Skitty devant toute la classe ! »
Tristan se ressaisit.
- Dis, Amélia, c'est quoi la capacité spéciale de ton Balignon ?
- Hein ?!
- … C'est Pose Spore, je suppose ?
- Pose… hein ?!
- Nan, rien… « Je peux pas le vérifier moi-même, trop risqué… autant dissiper tout doute. » Photocopie, Nova !
Le Skitty se roula par terre et se releva en miaulant. Il agita ensuite la queue pour balancer la même Soucigraine qu'il avait reçu.
- Eeeeeeeeh ! Mon pauvre Balignon !!
- Torgnoles !
Skitty s'avança et gifla à répétition Balignon. Amélia ricana.
- Haha, tu vas être paralysé !
Le reste de la classe avait l'impression de regarder un SDF qui leur faisait la quête : Ils hésitaient entre rire et pleurer. Tristan hocha la tête. « Elle avait Pose Spore et elle ignore que je l'ai annulée de facto. »
- Allez mon Balignon, Coup d'boule !
Balignon chargea Skitty.
- Nova, attaque Attraction !
Le Skitty de Tristan balança une flopée de cœurs d'un mouvement fluide de la queue vers son adversaire. Balignon tomba éperdument amoureux.
- Ooooh tous ces cœurs, c'est joli ! C'est quoi cette attaque ?!
- …
- Il faut que je l'apprenne à Balignon !! Balignon, attaque Attraction !
Balignon, tout fou d'amour, se roulait par terre. « Si ça pouvait être aussi simple avec Wallace… »
- Nova, Damoclès !
Skitty fit demi-tour, prit son virage autour de son maître et fonça sur Balignon qu'il frappa de toutes ses forces. Balignon ne résista absolument pas et fut mis KO sur le coup.
- … eh, c'est pas du jeu, j'étais pas prête…
- Tu devrais rappeler ton Pokémon… signifia Tristan.
Amélia acquiesça et rappela Balignon.
- Victoire de Tristan ! déclara la prof.
Lequel sourit et reçut Skitty dans ses bras.
- Bien joué ma belle !
Il rappela son Pokémon sans honte sous le regard presque bienveillant de Wallace.
***
- Non, Wallace, Amélia n'a pas de tumeur au cerveau ! soupira Perrine.
- Je pense quand même que la question mérite d'être soulevée…
Le quatuor s'assit à la table de la cantine.
- C'est juste une fille un peu nunuche, je suis sûre qu'elle a un fond d'intelligence ! assura Naomi.
- Tu sais que j'ai déjà fait un cauchemar où j'étais coincé dans un ascenseur avec elle et pour seul livre le mode d'emploi d'une machine à laver !
Naomi et Perrine regardèrent Wallace.
- Tu… rêves des gens de la classe ? s'étonna Naomi.
- Tu rêves d'Amélia et toi dans un ascenseur ?! J'appelle mes parents ou l'allusion freudienne est assez bizarre comme ça ?! souligna Perrine.
Wallace regarda Walter.
- Dis quelque chose !
- … Omelette au fromage ?
- … Amélia a contaminé Walter !!
- Je… pense juste qu'Amélia n'est pas un sujet de conversation… marmonna Walter, interloqué.
- Ok, parlons de Tristan. Il a un Skitty, c'est naze quand même !
Perrine plissa les yeux.
- Euh, laisse-moi réfléchir… Non !
- Tu as deux Pokémon qui te désobéissent, je doute que tu sois en mesure de juger les Pokémon des autres… marmonna Walter.
- Personne ne choisit vraiment ses Pokémon, de toute façon… rappela Naomi.
Wallace recevait des SMS qui le faisaient bien sourire.
- J'ai trouvé son combat honorable, pour un combat contre Amélia… admit Perrine.
- Il ne s'est pas laissé intimider par sa stupidité, c'est une très bonne chose. Et puis il est gentil ce garçon, on a envie de le soutenir ! admit Naomi.
- Il est surtout en pâmoison devant moi… Je suis son Dieu en quelque sorte ! sourit Wallace.
Naomi et Perrine s'étonnèrent. Walter soupira.
- Wallace, c'est extrêmement malsain ce que tu dis.
- En quoi ?
- Tu te prends pour son Dieu alors que lui a des sentiments pour toi et qu'il en souffre !
- Mais nan il en souffre pas ! Au pire il a qu'à arrêter d'être amoureux de moi !
Walter ne sut pas quoi répondre. Naomi plissa les yeux.
- Tristan est gay ?
- En tout cas il a pris l'option course exprès pour me voir. Je vais porter plainte pour harcèlement sexuel avec violence.
- Mais oui, c'est pour ça qu'il a quitté la salle info quand on l'y a laissé seul avec Wallace ! Wallace a tenté de le violer ! rappela Perrine.
Naomi regarda Wallace qui leva les mains.
- J'ai pas tenté de le violer, je lui ai demandé s'il voulait pas – par le plus grand des hasards – coucher avec moi ! C'est différent !!
- … Hm, ça semble honnête comme proposition… ironisa Naomi.
- Il a refusé, il a refusé, c'est tout… Il vient souvent me parler et j'aime à lui rappeler que je suis ouvert et disponible, ça lui permet de comprendre, tout comme je l'ai compris, que la vie est un fastfood où les hamburgers sont en stock illimités !
Walter sembla déboussolé. Perrine continua à manger, habituée de ce genre de conversations. Naomi plissa les yeux.
- Oh mon Dieu… je viens de te comprendre !
- Débouchez le champagne ! sourit Wallace. Notre petite noire de service est devenue une femme de couleur forte et déterminée !
Naomi plissa les yeux.
- Je te tuerais pour cette remarque !
- Ouais, ouais.
- Tu ne supportes pas que Tristan te résiste !
Perrine haussa les sourcils. Walter sembla franchement étonné lui aussi.
- Tu es dans un schéma où tout le monde tombe à tes pieds. Donc quand quelqu'un coince dans tes rouages et t'oppose une résistance, tu ne le supportes pas !
- Et alors ?
- Et alors quoi, enfin, ça se voit comme le nez au milieu de la figure que ça t'obsède !
- N'importe quoi, il me fait chier, surtout !
- Quand quelque chose t'énerve, tu ne veux même pas parler à cette personne, tu la fuis comme la peste. Mais là, c'est juste sa résistance qui t'énerve, tu profites de chaque moment qu'il passe avec toi pour faire céder sa résistance !
- Je nie tout en bloc !
- Nier c'est avouer… marmonna Walter.
Wallace regarda Walter.
- Bah oui. C'est la vérité qu'on nie, Wallace. Nier c'est dire qu'une chose n'est pas vraie, en l'occurrence la plupart du temps, on nie des faits.
- Je ne suis pas obsédé par Tristan !
- Je pense en effet que ça te pose un souci qu'il te résiste, tu n'avais jamais été dans cette situation avant, le fait que quelqu'un que tu as essayé de séduire reste dans ton orbite.
Wallace soupira.
- Je déteste quand Monsieur et Madame Psychologie se mettent sur moi… au secours, Perrine !
- Tu as mérité tout ce qui t'arrive, marmonna Perrine comme si c'était une phrase immuable.
Wallace plissa les yeux, lâché par tous les siens dans la jungle de l'incertitude.
- Ravi de voir que je ne peux pas t'analyser mais que tu adores analyser les autres !
- Walter, je crois t'avoir dit que je me passais de ton avis !
Walter regarda Naomi qui le regarda aussi. Les deux cessèrent leur argument et se remirent à manger.
- … Ce soir, je vois un mec, ça intéresse quelqu'un ?!
- Personne… marmonna Perrine.
- Vous êtes super marrants, ce midi ! grommela Wallace.
***
L'après-midi fut l'occasion de revenir aux options. Wallace trainait en philosophie.
- Parce que ce que nous apprennent les Pokémon, fondamentalement, en tant qu'êtres humains, c'est qu'en ce bas monde, la solitude n'existe pas. Chaque être humain peut se lier d'amitié avec un Pokémon tout comme chaque Pokémon peut se lier d'amitié avec un humain. On retiendra le cas listé par Etienne Smirnoff comme le cas « Gaucher ».
Wallace haussa un sourcil.
- La personne qu'Etienne Smirnoff nomme sous le pseudonyme Gaucher est une personne avec laquelle il avait voyagé dans le cadre d'un voyage itinérant. Le dresseur en question, il l'apprit plus tard, avait été reconnu coupable d'un grand nombre de meurtres de Pokémon. Il expliqua à quel point le jeune homme était froid avec ses Pokémon, mais que même avec une considération aussi tranchante des Pokémon, le jeune homme avait toujours des sentiments, des signes d'amour à l'égard de ces créatures. Qui le lui rendaient de toute façon, si faible soit cet amour. Etienne Smirnoff parlera en ces termes… « Lorsqu'après coup j'appris le passé macabre de Gaucher, il m'apparut que j'étais passé à côté de quelque chose d'absolument unique et de terriblement intéressant. Malheureusement pour moi, la situation fit que je pris peu de notes en ce temps-là, mais je me suis vraiment retrouvé aux côtés d'un cas exceptionnel que j'aurais aimé observer plus. Un enfant dénué de toute envie de devenir dresseur mais qui, pour les besoins d'un but empirique, devait composer avec eux. Evidemment du fait de ses crimes, l'enfant devint la cible du gouvernement irrationnel et démesuré de l'époque, mais il était toujours bon pour moi de savoir qu'en ce monde, même la haine la plus insondable peut se transformer en amour, aussi fin et subtil puisse-t-il être. Et inversement, d'ailleurs, je l'ai constaté toute ma vie. »
Wallace plissa les yeux, intrigué.
- Tu vas avoir des rides, à force…
Wallace regarda Santana à ses côtés, furieux.
- J'essaie d'écouter !
- Ils disent tous la même chose… marmonna l'asiatique.
***
- Madame Marx…
- Oui ? Oh, vous…
- Wallace Gribble, première année une. Je voulais vous demander… euh, Etienne Smirnoff, c'est bien le père de Roland Smirnoff ?
- Oui en effet.
- J'ai… Je me suis intéressé à Roland Smirnoff en tant que personnage politique… comment se fait-il que le père soit aussi différent du fils ?!
Vivienne Marx réfléchit.
- Eh bien voyez-vous, le père Smirnoff a été publié, ses écrits sont respectés dans le monde, son influence dans le monde du dressage est internationalement reconnue, c'est un stratège éminent. Le fils à l'inverse n'a jamais vu aucun de ses écrits publiés, diffusés ou même repris dans la presse scientifique. Parfois il ne faut pas chercher plus loin d'où nait le culte excessif de la personnalité… Enfin, je ne vous ai rien dit…
Wallace acquiesça.
- D'accord… Oh, et aussi, j'adore votre cours ! J'ai deux Pokémon qui me désobéissent et je me demande si vous avez vraiment raison quand vous dites que les Pokémon et les humains sont faits pour s'entendre…
- La philosophie n'a jamais raison ou tort, c'est juste une manière d'aiguiser sa façon de penser. Je ne prétends pas que c'est la vérité, je donne une piste, c'est à vous de transformer cette piste en opinion ou en complément de votre opinion.
Wallace hocha la tête.
- Ce sera vous mon option pour ces trois ans, votre cours m'intéresse beaucoup trop !
- … vaut mieux entendre ça que le contraire… marmonna la prof d'un air blasé.
***
Wallace s'éloigna de Chartor qui allait le brûler. Jeffrey le somma de rappeler son Pokémon.
- Tout va bien ?!
- Oui… Je pense qu'il va avoir du mal à m'écouter… ça va m'occuper un peu…
- Laisse-moi te dire que tu t'y es très mal pris avec ce Pokémon. Quand les états d'âme prennent le pas sur la raison, pas étonnant que tout foute le camp…
Wallace hocha la tête, penaud.
- Ca n'est pas parce que ta vie ne te convient plus que tu dois t'autodétruire et détruire tout ce qu'il y a autour. Tu es un ado, c'est forcément très difficile pour toi, j'en suis conscient, mais Wallace, bon sang, comment espères-tu t'en sortir en étant aussi furieux ? Il n'arrive jamais rien de bon aux gens qui comme toi s'emportent aussi facilement. Tu dois apprendre à faire la part des choses. Aujourd'hui ça va mal, demain, ça ira peut-être mieux.
Wallace soupira.
- Oui, peut-être.
- C'est à toi de saisir ta chance. Un jour tu trouveras un équilibre, ça ne tient qu'à toi.
Wallace hocha la tête.
- Ca ne tient aussi qu'aux années que je vais attendre avant que ça n'arrive…
- Tant que tu as la patience d'attendre.
Wallace soupira.
- Je sais même pas si je crois à ce que tu me dis, mais… on va dire que je vais choisir d'y croire !
- Ca ne tient qu'à toi. Vaut mieux avancer, souffrir et s'en sortir ensuite, tu crois pas ?
Wallace hocha la tête.
- Quand tu seras heureux dans dix ans, on en reparlera !
- On dirait que tu parles à un gamin qui veut grandir !
- C'est… grosso modo ce que je fais ! admit Jeffrey.
Wallace sourit.
- Entrainement ?
- T'as que des Pokémon Eau, ça vaut pas le coup…
- Eh ! J'habite près de ce lac depuis toujours, qu'est-ce que tu veux que je capture d'autre !
- J'sais pas, des Pokémon intéressants !
- … tu vas voir ! Shoot, Go !
Jeffrey envoya un Hypocéan dans l'eau. Wallace regarda son oncle.
- Je hais ce Pokémon !
- Tu as quasiment été élevé par ce Pokémon !
- Hmph… String !!
Manternel apparut.
- Pourquoi tu as changé Ficelle ?!
- C'était trop subtil ! admit Wallace. String, Lame Feuille !
Manternel sauta sur l'eau et fonça sur Hypocéan pour lui asséner un grand coup. Le Manternel se retrouva empoisonné.
- GNAAAAAH !!!
- Oups… Laser Glace !
Hypocéan, bien qu'affaibli, réussit à repousser fortement le Pokémon de Wallace. Qui regarda son oncle.
- J'te hais !!
- Je sais… En attendant t'as perdu !
- Même pas ! Reviens, String…
***
Wallace rangea rapidement son casier, pressé de retrouver Ryan. Walter, à ses côtés, soupira.
- Naomi m'a à peine parlé en littérature…
- En même temps c'est un cours, c'est pas fait pour parler… Pourquoi c'est aussi tendu entre vous ?!
- Je crois qu'elle n'aime pas ma mauvaise habitude de tout décortiquer... ou de jouer les voix de la sagesse…
- Elle est folle ! C'est pour ça que je t'aime autant !
Walter regarda Wallace, perplexe.
- … t'apprécie ! Désolé, la perspective de me taper un beau mec me remplit d'hormones douteuses !
- Ça te ravage la tête, même…
- Tu me rappelles mon oncle, Walter. Et un peu mon grand-père mais pour d'autres raisons.
- S'il était en fauteuil roulant, je te casse la gueule !
- Comment tu feras, t'es monté sur roues !
- Regarde vers les geeks !
Wallace se tourna dans la direction de Tristan qui se retourna rapidement.
- Il est pas possible…
- Tu pourrais lui laisser une petite chance…
- Walter, si une fille te courrait après… genre Christina.
- Impossible pour de multiples raisons. Et d'une, Christina a peur de toi donc elle risque fort de ne pas m'approcher. Et de deux, je suis en fauteuil roulant donc la romance c'est pas vraiment… un truc auquel je pense.
Wallace leva les yeux au ciel.
- N'importe quoi. Les gonzesses adorent les fauteuils roulants !
- Je crois que mes roues sont trop petites, ma virilité globale en pâtit…
- Revenons à ta romance imaginaire avec Christina.
- Pauvre petite…
- Elle te court après, elle te harcèle, elle refuse que ça se passe comme toi tu veux, non, elle t'impose son trip ! Toi, forcément… ça te déplait !
Walter hocha la tête.
- Hm. Imaginons un autre scénario. Wallace sort avec Tristan.
- Rhan…
- Ils mènent une relation saine, ils sont heureux, ils se soutiennent et s'aiment profondément…
- C'est de la connerie, Walter ! On voit ça que dans les bouquins ou dans les films !!
- Mes parents sont comme ça !
- Je suis pas comme ça, je veux pas de ça !
- Wallace, tout le monde veut de l'affection, de la tendresse…
- Pffff… Ok, reprenons ton scénario : Tristan s'aperçoit en cours de route qu'il n'aimait pas Wallace autant que ça, alors il le quitte. Wallace ne peut pas rester fidèle alors il trompe Tristan avec tout le bahut…
Walter regarda Wallace qui semblait totalement désabusé.
- … Ils arrivent pas à construire un futur ensemble parce que Wallace vit dans le présent, Tristan dans le futur. Aucun des deux ne vit au même moment, ça peut pas marcher.
- … tu as peur d'être heureux à ce point ?
- On va dire que j'y crois absolument pas. A demain !
Wallace s'en alla avec son sac. Walter semblait quelque peu déstabilisé. Il vit alors son ami balancer un sourire provocateur à Tristan qui se retourna promptement vers son casier. Walter secoua la tête, pas très enjoué par ce comportement.
***
- J'espère qu'on va passer une bonne soirée ! sourit Ryan.
- Ouais, ça risque… marmonna Wallace.
- Tu veux qu'on aille dans un bar avant, histoire de… faire un peu connaissance ?
- On peut très bien faire connaissance chez moi, j'ai un mini-bar dans ma chambre.
- Wow. Sympa.
Ryan regardait Wallace qui le regarda.
- Un souci ?
- Nan, juste que j'ai hâte qu'on passe au dessert.
- T'en fais pas, j'ai hâte aussi…
- T'as l'air un peu ailleurs… T'as mangé au moins, rassure-moi…
- Oui, oui, c'est pas la question…
- Bah alors ?
Wallace soupira.
- Rien. J'suis toujours comme ça, t'es le premier à te poser des questions !
- Ok, ok, excuse-moi…
Wallace regarda par terre.
***
Jeffrey accompagnait Wallace jusqu'à la voiture de ses parents.
- Bon retour mon grand !
- Hm…
- Et si ton père déménage, vous serez peut-être plus près de chez moi !
- J'espère…
Jeffrey aida Wallace à charger son bagage, puis il s'abaissa à la vitre de sa sœur et son beau-frère.
- Maggie, je peux te parler ?
- Oui…
- En privé !
- Pourquoi ça ? s'étonna Carl.
- J'ai demandé à Maggie !
Carl leva les yeux au ciel. Margaret Houston épouse Gribble sortit de la voiture tandis que Wallace y entra aux côtés de Lindsay qui se faisait des nattes.
- T'es affreuse… soupira Wallace.
- T'as passé tes vacances tout seul ! rétorqua Lindsay.
Jeffrey et Margaret s'éloignèrent.
- Es-tu… stupide ou est-ce que tu le fais exprès ?
- Pardon ?!
- Maggie, ton fils ! Tu ne parles plus à ton fils depuis quelques mois parce qu'il est gay !
- Ah non, je ne veux pas avoir ce genre de conversation avec toi !
- Je sais POURQUOI tu fais ça, mais arrête tout de suite ! C'est ton fils, tu n'as pas à lui faire subir un traitement pareil !
- Je préfère me taire parce que si je dis quelque chose…
- Maggie, le fait que notre père ait quitté notre mère pour aller avec un homme ne t'autorise pas à faire avec Wallace ce que tu as fait avec notre père !
Margaret se mordilla les lèvres.
- Je peux pas m'empêcher de penser que c'est ma faute ! Je l'ai trop couvé, j'ai voulu le protéger à cause de Lindsay…
- Non, non, non ! Wallace est comme ça parce que c'est comme ça, pas parce que tu as provoqué les choses, incidemment ou pas ! Et ne mets pas Lindsay dans le sac !
- Je ne sais pas comment aborder ça avec lui, je ne veux pas non plus affronter ça, Jeff, comprends-moi !
- En ne lui parlant plus, tu le rejettes de la pire des façons ! Tu te rends compte qu'il a pensé à s'automutiler ?!
- Je ne veux pas parler de ça avec toi !
Jeffrey soupira.
- T'es bien aussi butée que maman !
- Et toi au contraire tu me fais penser à papa. Il n'y a que ce que tu veux qui compte.
- Je suis en train de te dire que ton fils souffre, Maggie !
- Je suis en train de te dire que je n'y peux rien et que c'est trop pour moi ! Fin de la conversation !
Margaret s'éloigna vers la voiture. Jeffrey fronça les sourcils.
- Sale garce !
Margaret ne se retourna pas. Jeffrey secoua la tête et agita un bras, dépité. Margaret retourna dans la voiture.
- Qu'est-ce qu'il te voulait ?
- Oh, c'est mon frère, Carl, tu le connais… Il a besoin d'argent comme toujours.
- Pfff…
Wallace plissa les yeux. Il savait pertinemment que son oncle ne manquait de rien. Il en déduit que Jeffrey avait parlé à sa mère mais qu'elle avait préféré garder ce qu'il lui avait dit pour elle.
***
Le lendemain, Wallace se réveilla avec Ryan à ses côtés. « Ca a encore été une bonne nuit… »
Wallace secoua le jeune homme.
- Hm… Hein ?!
- Dégage. Mes parents vont se lever.
- Oh, ok…
Ryan se leva et se rhabilla. Wallace s'alluma une clope en toute simplicité.
- On se reverra ?
- Ca va pas la tête ?!
Ryan grimaça.
- Ah… Dommage…
- Je sais, je suis un super bon coup.
- C'est pas ça… Ca… m'aurait plu d'avoir un petit copain comme toi… t'as l'air cool !
Wallace plissa les yeux. Ryan se rhabillait.
- J'veux pas d'un petit copain.
- Ta chambre est super sympa, t'as été très accueillant, t'es gentil, affectueux…
- Ca, c'était pour les qualités…
- Oh allez, on peut pas se revoir ? Même… juste pour coucher ?
Wallace soupira.
- Nan. Même juste pour coucher.
- C'est vraiment bête… J'crois que j'me suis attaché à toi…
Ryan approcha de Wallace qui recula.
- C'est quoi que tu comprends pas dans « Dégage » ?!
- … Je… J…
- Fous le camp, putain ! J'ai pas envie de discuter avec toi. De quoi que ce soit !
Ryan partit en soupirant.
- T'es vraiment un sale con…
Ryan allait prendre la porte. Wallace leva les yeux au ciel.
- Par la baie vitrée, putain ! Tu veux croiser ma mère ou quoi ?
- Pourquoi pas ? T'as peur de quoi ?!
- Merde, t'es le premier à être aussi chiant !
- Pourquoi t'es aussi désagréable ?!
- On est chez moi, merde ! Alors tu dégages !
Ryan siffla.
- Ca va, ça va, calme ta joie…
Ryan ouvrit la baie vitrée.
- J'te souhaite de jamais être heureux, tu le mérites pas ! T'es qu'un…
- Ouais, ouais, j'connais l'refrain, ta gueule, dégage !
Ryan secoua la tête en levant les yeux au ciel et partit. Wallace acheva sa clope en soupirant.
***
- Ensuite elle me sort quoi ? Lucca est le meilleur personnage de Chrono Trigger ! soupira Benjamin.
Orson haussa les sourcils.
- Quoi ? Mais… Benjamin, sans Lucca, on ne peut pas réaliser les meilleures combo du jeu !
- Niveau offensif c'est zéro ! Pareil, Marle !
- Benjamin Ratsone, je vous accuse de mauvaise foi ! Sans Marle, personne pour se soigner !!
Tino soupira, se maudissant de s'être levé ce matin.
- Orson, ton avis ne compte pas, tu es fan de Robo ! grommela Benjamin.
- Robo est cool !
- Robo craint ! Et il n'a aucune personnalité !
- J'avoue, à côté de Glenn… marmonna Tino.
Benjamin et Orson regardèrent Tino. Tristan soupira. « Ah oui c'est vrai qu'il est fan de ce jeu… »
- FROG !! grommelèrent Benjamin et Orson.
- Ouais… Il est génial, surtout quand on récupère l'épée Grandleon…
- QUOI ?
- TINO KETTS, WHAT THE FUCK ! hurla Benjamin.
- MASAMUNE ! MASAMUNE !! Pardon !!!
- J'ai failli me jeter sur toi et te massacrer avec un stylo ! cracha Benjamin.
- Il l'aurait fait ! assura Orson.
- On peut parler de rien avec vous, c'est toujours pareil, faut toujours utiliser les bons mots, les bonnes tournures…
- Y'a des limites, Tino, on peut pas parler de n'importe quoi avec n'importe quels mots ! signifia Orson.
- Exactement. Orson, parfois, tu dis des trucs intelligents !
- Parfois ? Benjamin, t'es vraiment un enfoiré !
Robbie se pencha vers Tristan.
- T'es sûr qu'ils sont amis ?!
- Ah oui, oui…
Wallace passa devant le groupe. Tristan le regarda passer et quand il fut assez loin, il le rejoignit.
- Wallace, euh…
- Han non sérieusement…
- Ecoute, je veux m'excuser pour… avoir pris l'option course juste pour t'épier. C'était pas cool.
- Hm…
- Quant à tes autres commentaires… Bah… quelque part je crois que j'ai eu comme un coup de foudre pour toi et… Je sais pas, y'a un truc chez toi qui me charme, j'arrive pas à mettre un mot dessus. C'est vrai que je ne te connais pas beaucoup à part ça, mais… On est dans la même classe, on va forcément finir par… mieux se connaître !
Wallace regarda Tristan, hésitant entre l'apitoiement et la lassitude.
- Mouais. J'm'en tape. Si tu veux pas qu'on couche, tu m'intéresses pas.
- … M… Mais qu'est-ce qui va pas chez toi ?
- C'est plutôt chez toi que ça va pas ! Je veux la fève, pas la part de galette ! Tout le monde s'en fout de la part de galette ! On la mange mais au fond, on la savoure pas, on fait que la manger, frustré de pas avoir la fève parce que dans notre société d'abrutis, y'a des conventions qui disent : « Faut pas gaspiller la nourriture » !
Tristan regardait Wallace, sidéré. Wallace soupira.
- Je n'ai aucun sentiment pour toi ! Tu as conscience de ça ?
- … Si, tu as des sentiments ! Tu veux coucher avec moi !
- J'veux coucher avec tout le monde ! J'ai même cru que j'avais couché avec Walter ! Penser que j'ai des sentiments c'est comme… penser que je suis enceinte ! Ce serait possible, oui, seulement si j'étais une fille !
Tristan plissa les yeux.
- Je… je sais que je suis idiot d'avoir… une attirance envers toi…
Wallace leva les yeux au ciel.
- Voyons, on est des mecs, on est homos, on est dans la même classe… c'est pas étonnant que l'un des deux… se sente… attiré, le souci c'est que la seule chose que je veux de ta part c'est une nuit comme ça pour me soulager.
- Oui mais… pense aux conséquences, on couche ensemble et tu dois me revoir chaque jour dans la classe !
Wallace agita la tête. « Il sait par quel bout me prendre ce con… »
- Ouais… C'est… c'est pas faux.
- Et tu ne veux pas de relation, donc… je suppose que c'est au point mort… on est aussi têtus l'un que l'autre !
- Voilà.
- Bon bah… encore désolé de t'avoir embêté et… à tout à l'heure en fondamentaux !
- Hm…
Tristan repartit. Wallace plissa les yeux. « Je t'aurai un jour !! »
Wallace se dirigea vers Perrine.
- Qu'est-ce qu'il te voulait, Tristan ?
- Rien.
- Vous avez l'air d'avoir beaucoup parlé…
- Eh bah on n'a parlé de rien. De rien de significatif du moins.
- Il a des sentiments pour toi mais toi non, je vois le genre.
- Tu as déjà eu un petit copain, Truman ?
- Non.
- Moi non plus. T'en as envie ?
Perrine haussa les épaules.
- Je m'en sais incapable, donc non.
- Eh bah on est pareils, réalistes. Je sais que je peux pas avoir de petit ami. Je suis trop con pour ça.
- Moi c'est parce que je suis trop laide. Et grosse.
- Tu m'as bien embrassé, t'avais forcément un truc pour moi !
Perrine hocha la tête.
- Je pourrais te dire la même chose ! Tu n'étais pas inactif pendant ce baiser.
Wallace soupira.
- Donc pour résumer : J'ai des sentiments mais uniquement pour mes amis et pas pour les gens extérieurs que je considère comme des kleenex. Vivement que je prenne la virginité de Naomi.
- Tu es juste un peu paumé, je pense, sous tes grands airs, tu te cherches encore. Même, ta fâcheuse habitude de coucher, c'est juste un moyen de donner le change, de prendre ta dose comme un drogué. Tu as besoin d'amour, c'est juste que tu n'oses pas en prendre à plein régime. En fait le plus timide des deux entre toi et Tristan, c'est toi, parce que Tristan, lui, il ose formuler ses désirs, toi tu te contentes de les exprimer maladroitement.
Wallace regarda Perrine.
- Truman, t'as d'autres conneries à me dire ?!
- Je suis une artiste, j'ai l'œil, très cher. Libre à toi de ne pas me croire, mais je t'ai embrassé, je sais que tu es juste un grand bébé qui n'attend qu'une grande histoire d'amour.
Perrine ferma son casier et s'éloigna. Wallace resta là, quelque peu dubitatif quant au sens de toute cette conversation.