L'Exquise Vengeance de Clafoutis

Bon, sang ! Qu'est-ce qu'il lui arrive ? J'ai beau être coincé dans sa tête, je ne peux absolument pas la comprendre !

« Sae ! Reprends-toi ! »

-Non... arrêtez...

-Sae ? Qu.. qu'est-ce qu'il t'arrive ?

J'ai cru que la mémoire lui reviendrait lorsque ce flic est arrivé... j'ai eu tort apparemment. Sae... depuis que tu t'es réveillée dans le métro tu ne te souviens plus de rien... comme si tu avais complètement oublié ce qu'il c'était passé à l'hôpital ! Ça ne sent pas bon, pas bon du tout ça...

-Vite Sae nous devons fuir ! Reprend Darius, si les autres policiers nous trouvent...

-Laissez-moi ! Laissez-moi ! Je vous en prie... Implore Sae en larme avant de s'évanouir.

« Idiote ! Ce n'est pas le moment de tomber dans les pommes ! »

Mmh... je peux encore rester conscient... alors mon âme n'est pas totalement lié à Sae. Pourtant je sens quelque chose d'étrange, de nostalgique. Comme si tout ceci c'était déjà passé... un nom me revient en mémoire, un nom à la fois terrible et mélancolique, un nom interdit, un nom que je pensais avoir oublié à tout jamais, il y a dix ans.

« …Esa. »



***


Elle me pourchasse encore ! Pourquoi est-ce que cette fillette tient tellement à m'apprivoiser ? Certes je vie chez elle, mais c'est tout ! Ce n'est pas parce qu'on est née le même jour que je lui appartient, ah ça non ! Allez hop ! Direction l'arbre le plus proche, heureusement que je suis un petit Evoli agile.

-Evoliiiiii !

Quand abandonnera t-elle ? Je ne suis pas un jouet ! Et je ne voudrais jamais en être un vu ce qu'elle en fait...
Je la toise du regard, mais j'ai l'impression que ça a eu l'effet inverse puisqu'elle continu de rire encore plus fort.

-Hihihi ! Il est tellement mignon !

Si seulement je pouvais lui parler, pourquoi les humains ne peuvent-ils donc pas comprendre le ressenti des Pokémon ? Rhaa, comme ça m'énerve.

-Esa ! Cesse de jouer dans le jardin, il se fait tard.

Ma sauveuse ! Comme j'aime cette femme, c'est incroyable.

-Mais Maman, j'étais en train de jouer avec Evoli !

-C'est l'heure pour les petites filles d'aller dormir, et tu le sais très bien.

-Bouh... c'est pas sympa... dis, je peux emmener Evoli dormir dans ma chambre ? S'il te plaît !

-Euh... je ne sais pas si...

-S'il te plaîîîîîît !

-Bon, d'accord...

Traîtresse ! Si tu savais comme je te déteste ! C'était si dur de répondre non à une gamine de 8 ans ? Et pas la peine de me regarder de cet air abattu, ce n'est pas toi qui va passer une nuit infernale ce soir ! Argh, elle essaie de grimper à l'arbre. Pff, comme si une si petite fille serait capable de... hé ! Pourquoi elle y arrive ?! Lâche-moi espèce de...

-J'arrive Maman !

-Ah et n'oublie pas de prendre un bain avant d'aller dormir.

-Oui Maman !

J'ai un mauvais, mais alors un très mauvais présentement. Elle me « transporte » de force vers la salle de bain. Que Arceus me protège. Son bain est déjà près, je ne peux pas m'empêcher de scruter l'eau m'imaginant le pire.

-C'est partit Evoli ! Fait un beau plongeons !

Adieu, monde cruel. Je revois mon enfance au coté de cette petite diablesse, ah elle était vraiment plus aimable quand elle ne savait pas encore marcher... tout ses heures durant lesquelles elle à faillis me déchirer la peau à force de me caresser... quel vie pitoyable j'ai eu, mais tout va bientôt ce finir, dans quelque instant.

-Hihihihi ! Evoli a fait un beau plouf ! Hihihi ! Il est marrant avec ses poils tout bizarres !

Je te hais. Oh, comme je te hais. Qui sont ses parents irresponsables qui laissent une petite fille de 8 ans avec un Evoli dans un endroit si dangereux ? J'ai bien envie de pousser un « Evoo » de mécontentement, mais ça risque d'enthousiasmer Esa encore plus.

-Je vais te nettoyer et tu verras, tu sera tout beau !

Qu... c'est quoi ce délire ? C'est moi ou elle qui doit prendre un bain ? Et... ah non ! Pas le shampoing ! Pas le shampoing ! Rhaa ! Mes yeux... mes yeux... je ne vois plus rien...

-Hihihi ! Tu es tout blanc maintenant !

Rester calme, rester calme... comment le pourrai-je ? Si seulement je pouvais me venger, tout de suite, là.
Qu'est-ce qu'elle me fait là ? C'est... une serviette ? Mais qu'on laisse mes poils tranquilles ! C'est bon je sec désormais, plus la peine de me décoiffer encore plus, quand je pense que je me suis fais un super brushing ce matin.

-Voilà ! J'ai fini de te nettoyer, je peux aller dormir !

Et toi tu ne te lave pas ? Bah, inutile d'insister elle court déjà vers sa chambre...

-Esa ? S'étonne sa mère, tu as déjà fini ?

-Oui ! Je suis allée dans la salle de bain comme tu l'as dit, et j'ai même lavé Evoli.

-Tu y es... juste allée ?

-Tu m'as bien dis de prendre un bain non ? J'ai pris le bain d'Evoli !

-Euh, je sous-entendais que tu devais te baigner, toi.

-Oh ! Je ne l'avais pas compris...

-Ah... j'imagine qu'il est encore trop tôt pour que tu puisses prendre ton bain toute seule. Viens, je vais t'aider.

Esa m'enferme impitoyablement dans sa chambre avant de repartir vers la salle de torture. Au moins j'ai un peu de calme désormais. Cette pièce est vraiment représentative d'une chambre de fillette, du rose, du rose, et encore du rose.
Un petit lit rose, drapé de rose, à coté d'une table de nuit rose, le tout sur de la moquette rose. J'ai presque envie de vomir... Ah, Arceus, qu'avons-nous fait !
Instinctivement, j'évite toujours de regarder sous le lit, puisque je sais très bien ce qui s'y trouve... un autre petit défaut d'Esa.

-Evoliiiiii !

Quoi ? Ça ne va même pas faire cinq minutes qu'elle est partie ! Encore une qui ne c'est pas brossée les dents !

-On va jouer ensemble toute la nuit ! Hihihi ! … mais pas avec les méchants.

Mon sang ne fait qu'un tour, je ne sais pas si c'est le fait que je suis coincé ici pendant une nuit complète où la fin de sa phrase dîtes sur un ton grave qui m'inquiète le plus. Je regarde une étagère... il y avait de nombreuses poupées ici. Désormais, il n'en reste que quelques-unes.

-On va jouer avec ce Pikachu, d'accord ?

Pourquoi elle me pose la question alors que je ne peux pas répondre ? Sans compter que c'est repartie pour un tour... voilà la principale raison pour laquelle je n'aime pas rester seul avec Esa dans cette chambre. Au fond, c'est une petite fille qui veux juste s'amuser mais...

-Allez Pikachu ! Saute autour de moi !

C'est une poupée, elle ne peux pas bouger... malheureusement pour elle.

-Ben, tu ne bouges pas ? Pourquoi ? Tu ne veux pas jouer avec moi ? Mais réponds-moi Pokémon débile ! Pourquoi tu ne veux pas jouer ? … Ah ! tu la joues comme ça, hein ? Tu m'énerves, TU M'ÉNERVES !

De rage, Esa décapite sans pitié le pauvre jouet et l'abat au sol. Ses yeux sont vides, d'une noirceur infini. Sa voix est soudain devenue plus... inquiétante.

-Alors tu fais moi le malin, fichu Pikachu. Tu ne sers à rien. Tu es un méchant Pokémon qui ne veux pas jouer avec moi !

Elle se met à piétiner le malheureux jouet, de plus en plus fort, avant de finalement l'envoyer sous son lit.
Elle se retourne vers moi avec le même regard, un sourire angélique sur les lèvres.

-Mais toi tu joueras toujours avec moi, n'est-ce pas ? Tu ne me trahiras jamais ?

Je lui réponds avec mon plus beau sourire. N'allez pas croire que je suis hypocrite, je suis sincère. C'est qu'elle a souffert cette petite. Une naissance non-désirée, une enfance privée d'amour... pauvre petite.
Nous les Evoli mûrissons plus vite que les humains, dès 1 an j'ai commencé à prendre conscience de mon environnement.

Esa m'avait tout de suite touché, elle paraissait si triste et seule... oui, seule. Toujours seule.
Ses parents ne s'occupaient pas vraiment d'elle, elle était plus une corvée pour eux qu'autre chose. Ah... Esa. Tu faisais tout pour attirer leur attention et en retour tu ne recevais que des regards méprisants. Tu avais même appris à marcher toute seul, tu te donnais tellement d'effort... tu voulais qu'on te remarque, qu'on te sourie. Désespérée et innocente... Esa... tu ne méritais pas un tel destin.

Jusqu'à ce fameux jour, deux ans plus tard... par un malheureux – ou heureux, je ne saurais dire – hasard, tu as cassé un vase d'une grande valeur. Et là coup de théâtre, tes « parents » on enfin remarqué ton existence, ils t'ont hurlée dessus, punie même... mais ils t'avaient parlée. Enfin, enfin ils s'intéressaient à toi ! Tu étais si heureuse...
Et c'est là que tout a commencé, tu t'es mis à détruire chaque objet de cette maison effroyable. A chaque fois, tes parents te grondaient, à chaque fois il te punissait et à chaque fois... tu pleurais de joie.

Dans ta petite tête de fillette, tu étais enfin vivante. Alors tu recommençais, encore et encore... jusqu'à ce que cette malsaine violence s'empreigne en toi. Jusqu'à ce que cette violence devienne « naturelle ».
Quelque mois plus tard, un médecin humain est venu. Tu avais finalement réussi ton but, les deux adultes s'étaient inquiétés pour toi. Ils avaient pris conscience de ton existence! Je n'avais pas tout compris à ce que le médecin avait dit, mais juste ensuite, tes parents se sont mis à pleurer et le monde a commencé à être plus doux envers toi.

Chaque matin, ta mère venait te réveiller et elle te préparait un petit déjeuné. Puis ton père jouait avec toi avant d'aller travailler et ramenait souvent des poupées en rentrant. Ta mère te racontait des histoires avant de t'envoyer te coucher...
Cependant, c'était trop tard. Tout ton être était déjà corrompu par une logique sordide, tu t'es mis à détester d'être seule. Cette solitude oppressante, cette impression de vivre sans vivre... Instinctivement, tu exprimais toute la frustration que tu avais accumulée en trois ans et demie de vie.
Maintenant tu te défoules sur tes poupées qui « ne veulent pas jouer » avec toi. Enfin, tant que ça reste sur des jouets...

-Viens Evoli, je vais te faire essayer des petites robes, tu seras trop mignonne !

Mignon ! Pas mignonne ! Je suis un mâle à ce que je sache ! Ah... Elle a bien changé la petite Esa depuis l'époque.
Même si elle est devenue très agaçante par moment ! Rhaa, bas les pattes ! Je n'ai pas envie de me travestir pour ton bon plaisir !

-Ouaaaah ! Je suis fatiguée... je vais aller dormir...

C'est bien les gamins ça, ils débordent d'énergie et tout d'un coup ils ont un coup de pompe !
Honnêtement, moi aussi je commence à avoir les paupières lourdes alors je vais suivre son exemple sans me faire prier.
Quelle journée éreintante... j'espère que ça sera plus … calme... de..main...



-....saa !

Mmmh... Q'est-ce que...

-Esa ! C'est l'heure, réveille-toi.

Si tu voulais juste réveiller ta fille, évite de déranger les petits Pokémon qui dorment à coté ! Ah et puis zut, je vais faire semblant de dormir jusqu'à ce que Esa s'en aille, je suis encore fatigué moi.

-Esa, j'ai déjà préparé le petit déjeuné... je suis désolée, il n'y a pas grand chose... je ne me sens pas très bien aujourd'hui, je vais aller me reposer.

Mmh ? La « Maman » est malade ? J'espère que ce n'est pas trop grave. Ah, Esa descend à la cuisine... je suis un peu inquiet quand même, je vais les suivre discrètement.

-Papa ! Oh, tu ne manges pas ?

-Je suis désolé ma chérie, mais j'ai une affaire importante au boulot je dois partir maintenant ! Désolé !

-Mais...

-Bonne journée mon amour. Ah, je retourne dormir, j'ai un peu mal à la tête...

-Mais... bon je vais jouer avec Evoli alors.

Pff, ça va encore être à moi de la remonter le moral alors... Aller on respire un bon coup et on va la voir tout gaiement ! Profitons-en vite pendant que je suis de bonne humeur.

-Oh Evoli ! J'ai une idée, je vais aller te promener dehors !

Euh, je ne sais pas si c'est prudent d'aller toute seule à 8 ans dehors...

-Pas la peine de demander à Maman, elle est malade.

Raison de plus pour ne pas sortir ! Rha, la voilà partie cherché une laisse... pourquoi on m'attache toujours quand on me sort ? Je ne suis pas un Ponchien, mince. Et je déteste ce collier rose bonbon, il me fait gratter à un point incroyable ! Enfin, je me suis résigné depuis le temps.
Esa sort directement de la maison sans prévenir personne... Ah ces gamins... ils ne sont pas conscients des danger de ce monde, bon moi aussi je n'ai que 8 ans mais au moins je sais deux-trois trucs importants. Comme par exemple qu'une petite fille de 8 ans est une cible facile pour des personnes malintentionnées, j'espère que je pourrai la défendre si cela arriverait, mon attaque Morsure est vraiment pas mal dans son genre.
Cependant...


-Maman, c'est la fille bizarre !

-Chut ne dis rien, et passe derrière moi...

Je soupire. Je ne pense pas que quelqu'un dans ce village viendra l'accoster. La caractère lunatique d'Esa est connu dans le quartier... On arrive dans un parc.

-Aujourd'hui, Maman et Papa n'ont pas beaucoup joué avec moi. Papa préfère son travail et Maman veut s'occuper d'elle même.

Qu'est ce qu'elle me radote là ?

-Je pensais qu'on était une famille et qu'on devait être ensemble pour toujours. Ce n'est pas vrai.

Un ton triste et monotone, on est loin de la petite fille jovial de hier. Esa... pourquoi penses-tu comme cela ? Ta mère est malade et ton père travaille comme un dingue, pour toi, pour votre famille.

-Papa... Maman... ils ne s'inquiètent pas de moi... je... je ne veux pas être toute seule...

Je lui réponds avec un petit « Evoo » d'encouragement, après tout c'est mon devoir en tant que Pokémon de la réconfortée.

-Oui ! Heureusement que toi tu es là, hein mon petit Evoli !

Ouf, j'ai réussis à la sauver de la noyade ! Ah ? J'entends un drôle de bruit...

-Oh, regarde Evoli ! Un Roucool est tombé de son nid. Je me demande s'il veux jouer avec moi.

Effectivement, à droite se trouve un petit Pokémon Minoiseau piaillant au sol. Dans la seconde qui suit, un Roucoups accourt vers nous. Eh... qu'est-ce qu'elle... elle lance des cailloux sur le Roucoups ? Pourquoi ?

-Ne viens pas embêter mon nouvel ami toi ! Prends ça ! Et ça !

Idiote ! C'est sûrement sa mère ou son père ! Rhaa, et qu'est-ce que je suis sensé faire moi ? Voilà que le Roucoups pique sur Esa... mince, mince ! Si le Roucoups touche Esa, elle risque d'être gravement blessée... Et elle qui continue de le lapidé... Un bruit sourd et un cri étouffé.
Je n'arrive pas à y croire, Esa a réussit à assommer l'oiseau en lui fracassant le crâne à l'aide d'une pierre avant qu'il n'arrive à sa hauteur.

-Viens petit Roucool, le méchant gros oiseau n'est plus dangereux ! On peut jouer maintenant.

Mmh, désormais on passe au problème suivant... j'espère que le Roucoups n'est que assommé.

-Mais... arrête de bouger tes ailes ! Ça me fait mal ! On va jouer je te dis, arrête d'être aussi violent !

Pauvre petit Roucool, il est totalement terrifié. Il a vu son père – ou sa mère – sa faire vaincre aussi.

-On va jouer je te dit ! Arrête de bouger ! Tu ne me comprend pas ? Je t'ai sauver du gros oiseau, on est ami !
Ah puisque c'est comme ça...

Esa lacère impitoyablement les ailes du malheureux oiseau de ses petits ongles, des gouttes rouges colorent le sol... non.. Esa ! Ne fais pas ça !

-Voilà ! Maintenant tu ne peux plus bouger tes ailes. On va pouvoir jouer ! … Mais.. pourquoi tu ne veux pas jouer ?
Alors que je t'ai sauvé ! Tu es trop injuste, tu m'énerves ! TU M'ENERVES !

Non... ses yeux révulsés... cette colère enfouie... Esa... arrête-toi !

-Tu m'énerves, tu m'énerves, tu m'énerves ! Meurt espèce d'oiseau inutile !

Esa, non... elle... elle piétine l'oiseau... encore et encore... toujours plus fort... des éclaboussures écarlates s'abattent sur mon pelage. Je... je ne peux plus bouger, je l'avais déjà vu faire ça sur des poupées... mais c'étaient des jouets ! Et là... c'est en vrai... elle est vraiment en train de tuer un être vivant ! Sous mes yeux ! C'est trop pour moi... je ne peux pas m'empêcher de regarder le corps du Roucool complètement disloqué... ça aurait pu être n'importe qui... ça aurait pu être moi ! Esa... je... je ne peux plus... je suis désolé...

Je m'enfuis à toutes jambes à travers le parc, je ne me contrôle plus. Mon coeur est sur le point d'exploser. J'aime Esa, mais ce qu'elle a fait est... trop... je... Esa... pourquoi ? Pourquoi es-tu comme ça ? ESA ! Mes pattes me font mal, pourtant je continue ma route de plus belle, je l'entends derrière moi, qui me poursuit.
Maintenant que je l'ai désobéie, qu'est ce qu'elle va me faire ? Me piétiner, comme se Roucool ? Me torturer à mort, comme avec ses poupées ? J'ai peur... je me sens coupable... J'étais son seul soutiens dans ce monde, je m'étais juré de ne jamais la trahir et pourtant... pourtant... était-ce finalement de l'hypocrisie ? Voulais-je juste jouer le « chevalier blanc » ? Je ne sais plus... je suis perdu. Elle me rattrape, je sens la distance entre-nous se restreindre de plus en plus. Je... je vais mourir. Je le sens... je suis résigné et mes petites pattes n'arrive plus à me porter. Elle attrape ma laisse qui traîne sur le sol. C'est fini, désormais.
Esa a toujours la même expression, les yeux vides et un petit sourire innocent sur les lèvres. Elle pleure, des larmes de rage sûrement. Son tee-shirt est immaculé de sang.

-Evoli... tu disais que tu resterais tout le temps avec moi... pourquoi m'as-tu abandonnée ? Tu es un méchant Evoli ! Je te DETESTE !

Elle m'envoie valser d'un puissant coup de pied, je m'écrase contre un arbre. Bizarrement, je ne ressens pas la douleur, comme si j'étais déjà mort. Elle s'approche... que va t-elle me faire cette fois ?

-Pourquoi Evoli... tu es comme mes parents ! Tu ne m'aimes pas ! Tu fais juste semblant de t'intéresser à moi mais en réalité ce n'est pas vrai !

Elle me tient par la peau du coup, proche de son visage. Elle me sert très fort, je crache du sang. Après tout peut-être a t-elle raison... peut-être qu'au fond de moi je ne l'ai jamais aimée, comment pourrai-je le savoir ? Je ne me comprends plus moi même. Elle me projette au sol, une roche aiguisée transperce mon pelage, mon sang s'écoule lentement...

-Evoli... je te déteste !

… tiens ? Elle ne me frappe pas. De chaudes larmes coulent sur moi : elle pleure.
J'avais presque oublié qu'elle n'était qu'une petite fille de 8 ans. Une petite fille qui a vécu dans les ténèbres pendant toute sa petite vie. Cette innocence bafouée, c'est exactement ce qui m'avait touché sept ans plus tôt. Ses yeux larmoyants implorant l'affection qui recherche inlassablement un bienfaiteur, quelqu'un qui la sauvera de son triste destin.
J'avais croisé son regard, et c'est à ce moment là que je m'étais juré de tout faire afin de faire naître un sourire sur son innocent visage, je voulais qu'elle ne pleure plus jamais... ha, ha... il semblerait que j'ai échoué.
Ah... ma blessure est plus profonde que je ne le croyais, je perds de plus en plus de sang. Après tout, j'ai failli à ma mission, je ne mérite que la mort.

-Evoli... Réponds-moi !Ne me laisse pas !

Qu... elle ne venait pas de dire qu'elle me détestait ? Ha, ha, ha... peut-être suis-je finalement important pour elle... quel monstre je suis. J'étais près à accepter mon sort et à mourir, sans penser au répercussion sur Esa... Je l'aime malgré tout, c'est plus fort que moi. Elle a sauvagement assassiné un Roucool, mais je sais très bien pourquoi elle réagit comme ça.
Ces parents... ces indignes parents. Ils ont vécu trois ans sans se soucier de leur petite fille... se sont eux les véritables coupables. Esa...

-Evoli ! Evoli !

Des torrents de larmes souillent son fin visage... elle a l'air l'avoir mal, elle pose ses délicates mains sur sa tête. Elle souffre et je ne peux pas l'aider, quel pitoyable Pokémon je suis.
Qu.. ! Elle vient de s'évanouir ! Non ! Je ne pensais pas qu'elle allait réagir de cette manière ! Si seulement, si seulement je pouvais l'aider... si seulement... j'étais plus fort !






Où... suis-je ? Tout est blanc dans mon esprit...

-C'est un peu délicat mais... il y a quelque chose dont je dois absolument vous parlez.

-Nous vous écoutons Docteur.

On dirait que je suis dans une pièce... j'entends des petits bruits électroniques... cette voix, j'aurais juré entendre le père de la petite...

-Votre fille... souffre d'amnésie. Elle ne se souvient plus que de deux choses : Vous, ses parents, et de son Pokémon.
D'ailleurs vous pouvez le remercier, si son Mentali n'avait pas ramené votre fille à l'entrée parc... enfin vous comprenez.

Mentali ? Qui est-ce ?

-Docteur, son amnésie... elle ne se souvient vraiment de rien d'autre ?

-Oui, je suis désolé. Elle est allée jusqu'à oublier son propre nom.
Mais il y autre chose dont je voudrais parler. Il y a cinq ans, vous avez fait appelle notre établissement afin de venir examiner votre fille. Vous vous en souvenez ?

-Il y a cinq ans... lorsqu'elle brisait tout ce qui lui passait sous la main... comment pourrais-je oublié ? C'est à ce moment que, ma femme et moi, nous nous sommes enfin rendu compte que nous avions une petite fille... si seulement je pouvais revenir en arrière... elle n'aurait pas à subir tout ça...

-C'est justement là ou je voulais en venir. Et si vous revenez en arrière ?

-Qu... ! Que voulez-vous dire ?

-Ce n'est pas très conventionnelle, c'est vrai mais... comme vous le savez, votre fille, Esa, a un caractère très lunatique. Elle peut avoir de libre accès de violence furieuse. Tout cela est du à un traumatisme de son enfance. Elle ne s'en prend qu'au objet, pourtant... on a de bonne raison de croire que le Roucool retrouvé mort dans le parc soit son oeuvre. Vous comprenez ? Si on laisse le chose se passer comme ça, qui sait ce qu'elle pourra devenir ?

-... que suggérez-vous ?

-Je le répète : ce n'est pas très conventionnel. Je dirais même que que c'est assez malsain, cependant c'est une solution efficace à tout ses problèmes.

-Cessez de tournez autour du pot !

-Bien, détendez-vous un moment, inutile de s'énerver. Donc, Esa n'a plus aucun souvenir. Elle est donc parfaitement influençable, et vu qu'elle ne se souvient que de ses parents – et de son Mentali – , elle a une confiance total en vous.
Tout ce que vous lui dîtes, elle l'avalera sans se poser de question.

-Vous... vous nous demandez de lui mentir, c'est bien ça ?

-Exactement. Je vous demande d'effacer son triste passé et de le remplacer par un joyeux souvenir. Que tout ce qu'elle a vécu avant ses huit ans disparaissent dans les abîmes de l'oublie.

-Je... je ne sais pas quoi dire... mentir à notre pauvre fille ! Comment pourrons-nous encore la regarder en face après ça ? Et ce n'est pas qu'un simple mensonge, on va carrément lui réinventer sa vie ! C'est impossible...

-Ne me faîtes pas rire !

-Docteur ?

Le médecin se lève de sa chaise, le regard furieux.

-« Comment pourrons-nous encore la regarder en face après ça ? » Ah ! Moi je vous le demande : comment pouvez vous la regarder en face après TOUT ce que vous lui avait fait durant son enfance ? TOUTE sa souffrance, TOUTE sa haine, TOUTE sa violence... vous êtes le cause de TOUT !
Après toute ses années vous avez enfin l'occasion de tirer un trait sur le passé, pourquoi hésitez-vous ?
J'ai suivi cette petite depuis ses 3 ans... et je peux vous dire que jamais, jamais, je n'ai autant eu de compassion envers un de mes patients. Cette pauvre fillette ! Elle souffrait tellement ! Et même en grandissant, elle a toujours été seule ! Tout le monde la fuyait comme la peste ! Et vous osez encore l'empêcher d'atteindre le bonheur ? Vous avez une occasion en or de la sauver. C'est bien vous qui disiez cinq ans plus tôt que vous l'apporterez tout l'amour dont elle a manqué, non ? Alors c'est le moment ! Rebâtissez sa vie, rendez-lui son avenir ! Aimez-la comme vous devez l'aimer !
Vous pouvez et vous DEVEZ le faire !

Le véhément discours du docteur laisse un silence pesant dans la salle. Que dire après ça ? Les parents de Esa ont la tête baissée, ils se sont résignés.

-Et... que devons-nous faire ? Fini par dire la mère de Esa après un long silence.

-Effacez toute trace de son passé, toute ses poupée, son lit, ses souvenirs... et son nom.

-Son... nom...

-Tout ce qui risque de lui faire rappeler son triste sort. J'ai des relations, nous pourrons « officialiser » ce changement d'identité.

-Esa...

-Esa est morte. Ce nom porte la lourde charge de son passé, maintenant une nouvelle vie l'attend.

-Sae...

-Qu'avez-vous dit ?

-C'était le nom de ma tutrice, « Sae » , c'était une personne douce, joyeuse et un peu maladroite, ha, ha, ha... elle était vraiment jovial...

-J'ai compris. Esa n'existe plus, que ce soit bien clair. Maintenant, c'est « Sae » qui prend le relais.
Et encore une chose, surtout ne faîtes rien qui puisse la contrarier, le moindre choc émotionnel risque de faire resurgir sa mémoire et ça... je ne veux même pas en imaginer les conséquences.


Esa... n'existe plus. C'est bien ce qu'a dit ce docteur. Je ne suis pas sur d'avoir tout compris mais, il semblerait qu'au parc... un Mentali ait sauvé ma maîtresse, qui est-ce ? C'est drôle je ne pensais pas connaître personnellement d'autre Pokémon que moi à Renouet... enfin, du moment que tout fini bien, je n'ai pas à m'en faire.




***




« Esa... »

Sae rouvre les yeux, l'air hagard. Son regard se pose sur Darius, toujours aussi paniqué et pressé.

-Sae ! Mais bordel qu'est-ce qui t'arrives ! Les autres policiers approchent, vite partons !

-Où suis-je... ?

-A la Ville Noire ! Ce n'est pas le moment de poser des questions idiotes ! Suis-moi !

-Oh... qui... êtes vous ?

-Qu... quoi ?


Un sourire ce forme ce le visage de Sae, un sourire innocent. Après quelque seconde de silence, elle fini par pencher un peu sa tête vers la droite :

-Dis, tu veux jouer avec moi ?