Chapitre 3 : Pecheria en Flammes ! [VLCMédia]
Kanto était vraiment une région exceptionnelle, un formidable variété de paysages idylliques. Au Sud Est du pays, coincé entre montagne et océan, se dressait Pecheria. Ce bourg côtier était un lieu important, tant pour le commerce que pour la stratégie territoriale. En effet, la petite ville se trouvait toute proche de la frontière Johtoise, à quelques dizaines de kilomètres à peine des majestueuses chutes Tohjo. La grande ville la plus proche était Jadielle, d'où venaient régulièrement des soldats, pour patrouiller à la frontière. Pecheria n'avait rien d'une place fortifiée : une petite garnison, une palissade de bois, quelques tours de guet... De temps à autres, un détachement venu de Mauville était placé en garnison, quelques mois, avant de repartir.
Pecheria se divisait en deux quartiers. Celui des affaires, à l'est, véritable galerie marchande, où se côtoyaient artisans de toute sorte et vendeurs à l'étalage. Le samedi, les quais accueillaient le marché, mélangeant l'air salé de la mer et celui des fruits et des fleurs. Les villages avoisinants y vendaient leurs produits, principalement des céréales, des légumes et de la viande, tandis que les producteurs locaux vendaient le fruit de leur pêche, ainsi que quelques fruits de saison, comme des baies Pêcha ou Ceriz. Parfois, des festivités étaient organisées la nuit. Les marins observaient le spectacle depuis leurs bateaux, tandis que la foule se densifiait au rythme des flûtes et des tambours.
Le quartier résidentiel se tenait à l'ouest, légèrement surélevé. L'Église Sainte-Maine surplombait la ville, répandant son ombre bénie sur la ville. Un minuscule manoir servait de centre administratif. Une aile du bâtiment comptait trois familles, celle du gouverneur, ainsi que celles de ses deux conseillers. Non loin se trouvait un vaste jardin public, parsemé d'allées fleuries et de cours d'eau paisibles. Les gens y venaient surtout le soir, pour se promener ou écouter les discours des hérauts, qui ramenaient des nouvelles de l'extérieur.
L'écurie de la ville s'élevait entre les entrepôts du port et ces jardins. Construit sur ordre du gouverneur de Pecheria, il abritait les Pokémon des particuliers comme ceux de la garnison. Un vaste terrain occupait presque tout l'espace, cerné par les boxs des Pokémon. Un étage, au dessus de l'entrée, servait d'habitations aux employés, qui avaient sacrifié pas moins des trois tiers de leur maigre salaire pour pouvoir bénéficier d'un logement. C'est ainsi que Tristan Barnad, vivait ici avec sa sœur, Dahlia, à peine âgée de treize ans et leur Caninos, partageant leur espace avec six autres personnes.
Une douce lumière commençait à inonder l'étage, tandis que le contremaître agitait la cloche dans le but de réveiller le personnel. Les matinées étaient toujours douloureuses. Les travailleurs n'avaient droit qu'à peu de repos. Les pensionnaires de l'écurie demandaient beaucoup d'entretien, ne laissant aucun répit à ceux qui s'occupaient d'eux. Une fois que tout le monde fut levé, le contremaître, monsieur Victor, s'éclaircit la voix.
« Les soldats de Jadielle arriveront dans le courant de l'après-midi. Je veux que les boxs neuf à vingt-deux soient libérés, nettoyés et réapprovisionnés en nourriture et en eau. Les femmes balaieront la cour et une fois ceci fait, elles se mettront aux fourneaux. Lorsque la cloche retentira, je veux un rassemblement dans la cour, afin que vous preniez en charge les Pokémon de ces messieurs. M. Sarcey prévoit une sortie avec son Galopa ce matin, je veux qu'il soit paré à partir. Au travail ! »
Le contremaître frappa trois fois dans ses mains, la foule se dissipant presque aussitôt. Chacun savait ce qu'il avait à faire.
Tristan s'affairait à nettoyer le box treize, lorsque le son d'une cloche résonna dans l'enceinte. Midi n'était pas encore passé, les soldats ne pouvaient déjà être arrivés... On n'était pas dimanche non plus, alors pour quelle raison les cloches de l'église sonnaient ? Le jeune homme fut tellement absorbé par ces réflexions qu'il ne reconnut pas la mélodie, deux coups clairs suivis de la résonance d'une cloche plus massive, émettant un son plus grave. Dahlia s'empressa de lâcher son balai et accourut vers son frère.
« Allez, bouge-toi, idiot ! La ville est attaquée ! Il faut se réfugier dans la maison du Seigneur ! »
La mélodie se répéta, et cette fois-ci, Tristan la reconnut. C'était une alerte. Mais que pouvait-il bien se passer ? Le pays était en bon termes avec Johto ! Les hérauts n'avaient rapporté aucune nouvelle concernant une déclaration de guerre ou un incident diplomatique. Et dans ce cas, qu'était-il advenu des gardes frontaliers ?
« Arrête de rêvasser ! » cria-t-elle afin de couvrir le vacarme des cloches.
Les deux se mirent en route, Caninos les talonnant, visiblement inquiet.
C'était la panique générale. Les gens couraient comme ils le pouvaient, abandonnant leurs biens pour survivre. Des enfants, qui avaient perdus leur parents dans la foule criaient le nom de leur mère. Tristan tenait la main de sa sœur fermement. Une fois l'église atteinte, ils seraient en sécurité. Au loin, de grandes flammes s'élevaient. La palissade, faite à partir de troncs d'arbres, ne résisterait pas. Les bâtiments les plus proches prendraient feu eux aussi, puis l'incendie gagnerait la ville entière, ne laissant que des cendres derrière lui. L'église, un des rares édifices en pierre, était le seul moyen d'en réchapper.
Le feu progressait plus vite que prévu. Au-delà du crépitement des flammes, les bruits des combats prenaient une dimension angoissante. Ce n'était plus des combats de foire, pour amuser les habitants. Mais de vrais combats, à mort. L'idée que, non loin d'eux, des gens se sacrifiaient pour les sauver, glaça le sang du jeune homme. Il se devaient de survivre, de faire en sorte que ces sacrifices n'aient pas été vains.
La foule se densifiait. Il devenait extrêmement difficile de progresser. Afin de parvenir à l'église plus rapidement, Tristan avait emprunté un autre chemin, fait de petites ruelles étroites. Le terrain y était plus irrégulier que sur les grandes rues, mais au moins, ils étaient seuls. Ou presque... Un cri strident résonna, couvrant le vacarme ambiant. Une femme, modestement vêtue, tomba d'un petit balcon, s'écrasant sur le sol poussiéreux. Sa robe bleue azur était tâchée de sang, qui continuait de couler sur les pavés. Un Insécateur apparut alors devant Tristan et sa sœur. A l'instant même où il les remarqua, il exécuta une Vive-attaque, qui fut contrée par un Coup d'boule de Caninos. Le Pokémon adverse entama une nouvelle offensive, tandis que, confiant, le Pokémon Feu déversait sa rage. Il ne restait plus rien de l'Insécateur. Il avait été entièrement consumé.
« Vous allez le payer, salauds ! » s'écria une voix derrière eux.
Un mercenaire, sûrement le dresseur du Pokémon Insecte, venait de surgir d'une ruelle, le sang coulant encore de sa large épée. Dahlia enfouit sa tête dans le vêtement de son frère, qui ordonna à son Pokémon d'attaquer l'ennemi. Ce dernier se débarrassa du Caninos d'un puissant moulinet. Le Pokémon s'effondra au pied d'un mur en flammes.
« Cours Dahlia ! Fuis ! Réfugie-toi dans l'église ! »
L'adolescente tenta de sécher ses larmes et disparut dans les ruelles. Le soldat sauta sur le jeune homme, son épée en avant. Le tumulte s'intensifia. Un craquement sourd résonna. La dernière chose qu'il vit fut le blason bleu et or sur la poitrine de son assaillant.
Lorsqu'il reprit connaissance, il était allongé sur les pierres froides de l'église. Ses yeux papillonnèrent, puis il balaya l'endroit, à la recherche de sa sœur. Le curé, ayant remarqué sa gesticulation, s'agenouilla à coté de lui.
« Ne bouge pas, mon fils. Tu es encore faible, tu dois te reposer. »
« Dites-moi, mon père, auriez-vous recueilli une certaine adolescente du nom de Dahlia ? »
« Je ne crois pas avoir vu cette personne, mon fils... L'attaque a fait beaucoup de morts. Que son âme repose en paix, aux côtés du Seigneur pour l'éternité. »
Le jeune homme ferma les yeux. Une fine larme roula sur sa joue. Il commençait à pleurer doucement, à souffrir en silence. Le curé se retira, respectant le deuil de Tristan. Les deux êtres qui lui étaient cher, sa sœur, ainsi que leur Pokémon, étaient partis si subitement qu'il ne pouvait se résoudre à y croire. Il espérait être dans un mauvais rêve, comme il en faisait souvent. Malheureusement, tout ceci n'était que vérité. Il se redressa et enfouit son visage trempé dans ses mains. Il pleurait sans retenue, et ses voisins l'observait en silence, n'osant même pas bouger, de peur de le déranger dans son désespoir. Toutefois, une dame, qui se reposait sur un des bancs de bois clair, s'approcha d'un pas silencieux et prit le jeune homme entre ses bras, comme une mère enlace son enfant pour le rassurer.
« Quelqu'un a-t-il pu identifier le scélérat qui a commandité cet assaut barbare ? »
Un soldat venait de faire irruption dans l'église. Il s'excusa platement auprès du religieux pour la gêne qu'il occasionnait. Le curé semblait furieux.
« Moi, je les ai vus. C'étaient des Johtois. » répondit tristement la dame qui s'occupait de Tristan.
« Oui, des Johtois. » répéta Tristan, la voix tremblante.