Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra

Vassili hésita quelques secondes, échangea un regard avec Naïma. Il n'avait rien à donner à ce gendarme... Il pouvait essayer de raconter un énorme mensonge, c'était d'ailleurs ce qu'il s'apprêtait à faire. Il savait qu'il serait soutenu par ses deux accompagnatrices. Cependant, Eclair-de-Liberté perçut son embarras, le sentit agressé et classa donc ces messieurs dans la catégorie des « méchants ». Aussitôt, il s'entoura d'électricité. Si les forces de l'ordre se sentaient déjà menacées, cela n'aiderait pas le bobard à passer. Quand une attaque Eclair frappa l'un d'eux alors que le dresseur tentait de faire redescendre en pression son Pokémon, il ne restait plus qu'une solution. Sans demander son reste, Vassili se faufila à travers la foule, à toute allure, talonné par ses compagnons.

Le gendarme touché tremblait, allongé sur le sol, secoué par la décharge électrique. Immédiatement, il fut pris en compte par son collègue, qui vérifia par la même occasion les papiers de Naïma et Isabelle. Le dernier sortit un Caninos de sa Pokéball, pour s'élancer à la poursuite du fuyard. Ce dernier et ses Pokémon sortaient du gymnase. Comme ils auraient pu s'y attendre, ils ne furent vite rattrapés par le reste de la sécurité, la compétition étant particulièrement surveillée, car fréquentée par de nombreuses personnes. Vaillant-Rescapé se plaça en position d'attaque devant les cinq Caninos qui les entouraient.

...............- Rappelez vos Pokémon ! Les mains en l'air ! cria un gendarme qui menaçait le groupe d'un pistolet.

L'homme avait parlé fort, d'un ton agressif. Il avait mal supporté l'attaque Eclair qu'avait subie son collègue. Vassili savait qu'il ne pourrait rien faire. Il sortit donc ses Noigrumes, pour y rentrer ses compagnons.

...............- Aleph-Zéro n'est pas capturé, s'excusa-t-il.

Sans attendre, pour leur sécurité, les gendarmes le paralysèrent avec une décharge électrique, une attaque Cage-Eclair. Un Pikachu les accompagnait. Vaillant-Rescapé, secoué de spasmes, resta sur place, alors qu'ils passèrent les menottes à Vassili. Ils poussèrent leur prisonnier dans une voiture, le tenant fermement par l'épaule comme un dangereux criminel, sous les yeux des deux femmes impuissantes. Celles-ci coururent à l'intérieur, pour ramener un œuf de Leveinard et soulager les souffrances du pauvre Insécateur. Elles mirent du temps à se rendre compte de ce qui venait d'arriver.

...............- C'est de ma faute, dit Naïma, la voix nouée, au bord des larmes. Si j'avais pas voulu venir à cette compétition de merde, au milieu de tous ces gens de merde, ils l'auraient pas arrêté. Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ? Ils vont l'renvoyer à Vogra, ces connards.
...............- On va aller à la gendarmerie... On va essayer de s'arranger, tempéra Isabelle.
...............- Super ! Ils vont nous coffrer aussi. Ce sont des salauds, ils nous aiment pas. Tu te rends compte, il vont le foutre dans un avion, Maman ! En plus, délit de fuite, détention illégale de Pokémon pour Aleph, et tout le merdier, on est mal barré. Saloperie !

Naïma ne résista pas plus longtemps à la pression. Elle éclata en sanglots. Elle se sentait terriblement coupable d'avoir voulu sortir de chez elle, alors qu'elle avait oublié de prendre en compte le fait que Vassili n'avait pas de papiers. Neïko lui tapota le genou, elle aussi horriblement affectée. Elle avait l'impression d'avoir elle aussi sa part de responsabilité dans cet événement.

...............- Si je n'avais pas sorti Vassili de l'eau, on aurait pas gagné. Si on avait pas gagné, je suis sûre qu'ils ne nous auraient même pas remarqués... C'est de ma faute tout autant !
...............- Non, ce n'est pas de ta faute, râla Vaillant-Rescapé. Tu ne peux pas t'en vouloir d'avoir gagné, c'était aux humains de régler ce genre de détails !

La dresseuse comprit plus ou moins ce que voulait dire son Pokémon. Elle lui caressa la tête, cherchant une solution et des explications.

...............- Je suis sûr que ce sont les salauds qui veulent qu'il parte qui ont appelé les flics. Comme ça, il sera bien obligé de se casser. Si je les croise, je leur explose la gueule. Je les déteste, tous !

Elle essaya de reprendre son souffle, sans grand succès. Elle cherchait désespérément un moyen de sauver Vassili.

...............- On pourrait essayer de demander au Maître de la Ligue, on l'a vu hier. Il a dit qu'il voulait aider Vassili à trouver du boulot.

Ses sanglots reprirent, quand elle se rappela qu'ils n'avaient pas les moyens de le contacter et que de toute façon, il ne pourrait pas faire grand-chose contre la loi. Ils devaient donc s'en tenir au plan d'Isabelle. Leur seule chance était de parlementer à la gendarmerie pour tenter d'obtenir gain de cause.

Les deux femmes prirent le temps de se calmer un peu, en passant par chez elles. Naïma avait à peine arrêté de pleurer, quand ses yeux tombèrent sur le Bandeau Choix, posé sur la table. A la vue de cet objet, les larmes se remirent à couler de plus belle. La jeune fille le ramassa délicatement. Elle le serra dans sa main comme s'il c'était agi d'une relique sacrée. Elle le plaça ensuite dans la poche intérieure de sa veste, espérant qu'il lui porterait chance dans sa quête. Vaillant-Rescapé posa sa lame sur l'épaule de Neïko, pour tenter de la rassurer. Celle-ci était tout autant bouleversée par l'état de sa dresseuse que par la perte de Vassili. Les deux Pokémon restèrent un moment devant la caravane, sans parler ni bouger, en attendant le retour des humaines.

La fille et sa mère se rendirent à la gendarmerie. Vaillant-Rescapé marchait a côté d'eux, sans vraiment comprendre tout le sens de ce qui arrivait à Vassili. Le groupe fut bien accueilli dans l'établissement, ou elles demandèrent des nouvelles du clandestin.

...............- Il va partir demain pour un camp de réfugiés, reçurent-elles en réponse. De là, il pourra prendre un avion pour rentrer chez lui. Il a parlé de vous, apparemment vous seriez les volontaires pour récupérer ses Pokémon...
...............- Les récupérer ? Mais ils ne veulent pas partir avec lui ? s'étonna Isabelle.
...............- C'est interdit d'avoir des Pokémon à Vogra. Il doit donc les laisser ici...
...............- Interdit ? Mais on s'en fout, s'exclama Naima.
...............- Non, il m'a dit la même chose mais c'est la loi, mon enfant... Vous allez les adopter ?
...............- Evidemment, on va pas vous les laisser, répondit Isabelle exaspérée. Mais vous savez, cet homme sera bientôt papa et...
...............- Mes félicitations à lui... Je suis désolé, mais je ne peux malheureusement rien faire pour lui. C'est triste, mais ça aussi, c'est la loi. Fallait réfléchir avant ! Si on accueillait tous les futurs papas, il y aurait des milliers de femmes enceintes dans le pays ! Il faut nous comprendre, même si c'est horrible ! Je vous amène les Pokéball...


Le gendarme disparut quelques instants, avant de revenir avec les précieux Pokémon. Il souhaita ensuite une bonne journée aux deux femmes, avec un sourire qui frôlait l'indécence.

...............- Mais attendez ! On ne peut même pas le voir ? réclama Isabelle.
...............- Si, mais pas ce soir. Pour cela il vous faudra revenir demain parce que maintenant, les visites sont terminées. Passez avant seize heures, sinon, il risque d'être déjà parti.
...............- C'est ça, à demain, répondit Naima qui, même si à bout de nerfs, savait qu'il ne servait à rien de discuter.

Eclair-de-Liberté ne comprenait pas du tout, malgré les tentatives de Neïko pour lui expliquer, pourquoi son dresseur devait repartir à Vogra. En réalité, ce qui lui posait de réels problèmes dans le raisonnement, c'était son impossibilité de prendre avec lui ses Pokémon.

...............- Mais... On est avec lui. Enfin, je veux dire, c'est un peu comme s'ils m'enlevaient un peu de moi !
...............- Oui, bien sûr, répondit Terreur-des-Hommes du ton le plus doux possible. Mais nous sommes des êtres vivants à part entière. Aussi, ils peuvent nous séparer. Vassili n'a pas le droit de vivre ici, mais nous, en tant que Pokémon, nous le pouvons.
...............- En effet, les lois humaines qui s'appliquent ne sont pas les mêmes pour eux et pour nous, confirma Neïko.
...............- C'est horrible, ce qu'ils nous font ! Je vais aller le chercher. Ils ne nous sépareront pas !
...............- Attends au moins demain. Les humains vont essayer de faire quelque chose...

Neïko était loin d'être convaincue que les tentatives des humaines pourraient être fructueuses. Elle savait cependant qu'il était impossible de se retourner contre les gendarmes. Ils gagnaient toujours, c'était un fait. Elle voulait donc préserver Eclair-de-Liberté. Déjà, s'il n'avait pas eu de problèmes à cause de son attaque, cela représentait une chance inouïe pour lui. Cependant, pour la suite, elle se demandait ce qu'elle pourrait faire pour que le Pokémon rejoignît son dresseur. Jamais il ne pourrait supporter de vivre sans lui... Elle savait que cela lui ferait trop de mal et avait même peur qu'il pût ne pas y survivre. Elle avait en effet déjà entendu parler de suicides de certains à la mort de leurs humains.

Eclair-de-Liberté ne ferma naturellement pas l'œil de la nuit. Ou plutôt, peu avant le matin, il allait s'assoupir mais un cauchemar l'en empêcha. Il vit Vassili s'éloigner de lui, entouré de deux de ces méchants gendarmes qui narguaient le pauvre Pokémon, hurlant à la mort. Ce fut son cri qui le réveilla... Alors, il ne s'arrêta pas de se plaindre. Il poussa lentement la porte, pour aller s'asseoir dans le froid, devant la caravane, comme si sa propre souffrance aiderait son dresseur à s'en sortir. Il pensait qu'il ne pouvait pas rester au chaud, que son propre malheur n'était pas suffisant. Le vent porta au loin son hurlement déchirant. Il étirait le cou vers l'avant, oreilles baissées. Il resta ainsi durant plusieurs longues minutes, sa douleur communiquée par son cri.

Alors, Naïma sortit. Elle s'assit à côté de lui et enserra son garrot de son bras nu. Elle enfouit sa tête dans les poils bleus. Le Pokémon fit de même, se taisant enfin. La jeune fille, secouée par ses sanglots, le caressait d'une main tremblante. Le chagrin se communiqua bientôt à Eclair-de-Liberté. Il allait perdre son dresseur, après avoir perdu son père... La vie avait-elle décidé de le rendre le plus malheureux possible ? Ne pouvait-il s'attacher à personne ? Il ne comprenait pas pourquoi on ne le laissait pas enfin tranquille ! On lui promettait toujours qu'il serait en paix après telle ou telle épreuve. A chaque fois, on lui mentait... Naïma, elle, murmura, entre deux reniflements :

...............- Mon petit frère n'a déjà pas de père. C'est le deuxième homme que ma mère perd. Pourquoi nous ? Heureusement que tu es là, Eclair-de-Liberté. N'abandonne pas espoir... Il reviendra, j'en suis sûre. Il ne nous laissera pas seuls.