La Proie des Lames de Auraman

Je n'étais pas sorti du commissariat depuis un petit moment, à présent. J'avais passé la journée d'hier et celle d'aujourd'hui à l'intérieur. Il était environ 22h30 et le bâtiment était presque vide. Il y avait toujours quelques policiers qui travaillaient de nuit pour résoudre de grosses affaires, mais ils n'étaient pas nombreux.
Il me fallait rejoindre Pikachu au Parc Naturel, en utilisant la boule morphing qu'il m'avait fait remettre. Je quittai mon bureau en faisant le moins de bruit possible. J'entrai dans les toilettes et tirai la boule morphing de ma poche.

Mon cousin m'avait expliqué que ces boules fabuleuses étaient des résidus de la graisse des Métamorphs, qui en relâchaient parfois. Cela permettait de se transformer en à peu près n'importe quel Pokémon, selon lui.
Mais lorsque je l'eus dans les mains, je m'aperçus que j'avais un problème capital...

-Comment marche ce truc ?! maugréai-je.

On m'en avait souvent parlé, mais personne ne m'avait jamais expliqué comment on s'en servait. Je cherchais une idée dans ma tête. Je pouvais retourner dans mon bureau et chercher la solution sur le net, mais j'avais déjà éteint mon ordinateur et le rallumer m'aurait pris trop de temps. Je me mis donc à chercher le fonctionnement de la petite boule rose tant bien que mal.

-Peut-être en la jetant par terre...me dis-je.

Ce n'est qu'après avoir effectué l'action que je me souvins que lorsque mon cousin m'avait expliqué à quoi servait les boules morphings, il était transformé en Libegon et qu'il lui avait suffi de la lâcher pour recouvrer sa forme d'origine.
Ce que je venais de faire n'avait donc servi à rien et je m'en voulus de l'avoir fait ; peut-être était-elle abîmée ?

Par chance, elle n'avait absolument rien, mais je me promis de ne pas recommencer ce genre de bêtises, à l'avenir.
Je perdis cinq précieuses minutes à essayer de trouver une solution avant de me rendre compte qu'une petite étiquette dépassait de la balle. Je lus ce qui était écrit dessus, en lettres minuscules.

Boule morphing ! Pensez à un Pokémon en disant « Morphing ! » et prenez instantanément son apparence !

Je poussai un soupir d'agacement et serrai la petite boule dans la paume de ma main droite. Je me mis à penser à un Pokémon banal, un Lainergie, et m'apprêtait à crier Morphing, lorsque la porte des toilettes s'ouvrit. Je ne pus m'empêcher de poser mon regard sur le Pokémon qui entra.

-Morphing !

En l'espace d'une seconde, mon corps se déforma et prit une toute petite taille. Une curieuse odeur envahit la pièce. Je regardai devant moi.
Un Miamiasme, celui qui s'occupait du nettoyage des toilettes (pour une raison qui m'échappait d'ailleurs), venait d'entrer. J'avais dès le départ un mauvais pressentiment et je compris vite pourquoi. En un éclair, j'avais pensé au Pokémon qui venait d'entrer et je m'étais transformé en Sac Poubelle...Génial.

Mais ce qui m'inquiétait le plus, c'était le regard que me jetait le Miamiasme. Il me regardait avec des yeux de Poissoroy frit...

-Eh bien...me dit-il. Que faites-vous dans les toilettes des hommes, ravissante créature ? Peut-être aviez-vous envie de rencontrer quelqu'un de vraiment...spécial !

Il avait murmuré le dernier mot en haussant les sourcils. Pour ma part, j'ouvrais moi-aussi des yeux ronds, mais pas pour la même raison, vous vous en doutez bien.

-Peut-être bien, mais je ne m'attendais pas à tomber sur un débile mental, rétorquai-je de ma voix grave.

Le Pokémon quitta aussitôt son attitude assurée et pâlit d'un seul coup. Je le bousculai et quittai les toilettes sans plus attendre. Je n'avais que trop perdu de temps et l'occasion d'un tel rendez-vous ne se reproduirait peut-être pas !

-Faudra que je pense à faire virer ce crétin, marmonnai-je en empruntant la porte de derrière qui donnait sur une petite rue.

Je me faufilai rapidement parmi les quelques Pokémon qui passaient et empruntait la rue principale. Le parc naturel n'était pas si loin que ça, je pouvais tenter la promenade. De toute façon, il me restait juste assez de temps pour le faire.
Je tentai de passer inaperçu dans les rues qui étaient presque désertes à cette heure-ci.
« Au moins, nous ne serons pas dérangés » songeai-je. Mais rien n'était moins sûr.

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Je savais dès le début que c'était une mauvaise idée.
J'arrivai au Parc naturel aux alentours de vingt-trois heures, comme l'avait spécifié Pikachu, lors de son coup de fil de la veille dans lequel il me promettait maintes et maintes révélations sur des sujets qui m'intriguaient depuis maintenant un moment.
Cependant, il n'avait pas vraiment précisé où je devais le retrouver dans le Parc et en arrivant devant l'entrée, je remarquai que la barrière qui interdisait l'accès était baissée. Après tout, il était tard, cela n'avait rien d'étonnant et nous serions d'autant plus tranquilles.

Je sautai par dessus la barrière et m'avançai dans le grand parc. Les herbes hautes et les arbres y étaient florissants et la promenade y était toujours très agréable, quelque soit l'époque de l'année où l'on s'y promenait. Je me mis à chercher des bancs publics, supposant qu'il m'attendrait sur l'un d'eux ; il n'allait tout de même pas se cacher dans les hautes herbes, comme le font les Pokémon sauvages dans les histoires de dresseurs.
N'allez pas croire que je lis ces bêtises, l'idée d'un monde peuplé d'humains est tout bonnement ridicule. Je n'aime que les bonnes vieilles histoires réalistes ou policières, moi. Et les films méritant un Arceus d'Or.

Vous êtes peut-être en train de vous dire que relater mes pensées ne sert à rien, mais je peux vous assurer qu'au moment où je marchai sous les étoiles, le simple fait de m'occuper l'esprit avec des bricoles me rassurait. La vue inquiétante à la fenêtre l'autre fois m'avait fait prendre conscience qu'il fallait que je me mette à avoir un peu peur.

-Ourgh !

Je m'arrêtai soudainement. Le Pokémon qui avait poussé ce cri n'était pas loin. On aurait dit que quelqu'un s'était fait mal. Mais cela signifiait surtout que je n'étais pas seul, contrairement à ce que le silence environnant semblait me dire.
Il y avait seulement deux possibilités. La première était que l'auteur de ce bruit sourd était Pikachu, auquel cas il avait dû tomber ou une bêtise comme ça. La seconde, je ne préférais pas y penser. Si ce n'était pas lui, ce n'était sans doute pas quelqu'un de fréquentable.

Tandis que la peur me tenaillait, je m'approchai lentement de l'endroit d'où était parti le cri, prêt à lancer une attaque. C'était là, derrière ces hautes-herbes, que le Pokémon avait fait ce bruit.
Le plus lentement possible, je contournai le bosquet d'herbes hautes qui me bouchaient entièrement la vue, inquiet à l'idée de ce que j'allais trouver.
Mon cœur battait à tout rompre, mais je tentai de l'ignorer. Il me fallait à tout prix arriver là-bas pour savoir. Je m'en serais voulu d'avoir raté mon rendez-vous par peur.

Je terminai le tour du bosquet et jetai un coup d'oeil rapide. Je poussai un soupir de soulagement. Un peu plus loin, Pikachu était posté debout et regardait dans ma direction. Je m'approchai de lui avec un sourire rassuré.
Pourtant, il y avait quelque chose de bizarre dans son attitude. Il ne bougeait pas d'un pouce, comme pétrifié. Son regard exprimait la terreur et il me jeta un regard rapide.

-Que se passe t-i...

Je ne pus terminer ma phrase : quelqu'un ou quelque chose m'a frappé dans le dos et mes muscles ne réagirent soudain plus ; mes yeux se convulsèrent et je m'écrasai au sol, impossible de faire le moindre geste. Mais que s'était-il passé ?! Je ne comprenais plus rien à la situation. Mon corps entier était bloqué et la dernière chose que je vis était une cape sombre qui flotta encore longtemps dans mes yeux après que j'eus perdu connaissance.

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J'ouvris brusquement les yeux. Je pouvais à nouveau bouger mais mes muscles étaient engourdis et j'eus du mal à me relever. Une fois debout, je regardai ma montre. Il était 23h25, peu de temps s'était écoulé depuis que je m'étais entièrement bloqué. Je remarquai que la boule morphing avait disparu et que j'avais retrouvé mon apparence habituelle. Je me trouvais toujours dans le parc naturel, mais pourtant, quelque chose avait changé.
Il y avait une odeur que je connaissais qui flottait dans l'atmosphère. Une odeur de sang.

Je n'avais pas l'impression d'être blessé, même si je n'étais pas dans mon assiette. Cependant, j'avais les mains pleines de sang...Mais si ce n'était pas mon sang alors...
Je tournai la tête rapidement en direction de l'endroit où j'avais aperçu Pikachu. Mon sang (le mien, pas celui de mes mains) se glaça instantanément. Le Pokémon qui m'avait donné rendez-vous gisait quelques mètres plus loin, sans bouger.

-N...Non, ce n'est...pas...possible ! Bégayai-je.

Je me mis à courir le plus rapidement possible en direction de Pikachu. Il était allongé sur le ventre, dans une mare de sang. Je pouvais voir une entaille profonde dans son dos. Inutile d'être un génie pour comprendre qui l'avait faite.

-Gnn...!

Mon cœur battait déjà fort, mais sa vitesse augmenta encore. Il était toujours vivant ! Mais pour combien de temps ?

-Calmez-vous, ça va aller, dis-je. On va vous sortir de là, n'ayez crainte.
-N'y comptez...pas...trop, me répondit-il difficilement. L'Ombre ne rate...jamais...sa...cible.
-Je vais appeler une ambulance, vous verrez, tout ira bien. On va vous soigner, je vous le promets.
-Trop...tard ! Vous devez savoir...Il...C'est...Il souriait ! Il souriait !

Il était en plein délire ! De quoi parlait-il ? Tout en composant le numéro, je le questionnais.

-Qui souriait ? Pourquoi ?
-Vous l'avez vu aussi...sourire ? Il souriait...Il...sou-

Sa tête tomba sur le côté, lentement. Je ne voulais pas croire ce m'arrivait. Et ce sang...Que faisait-il sur mes mains ? Etait-ce moi qui...? Non, c'était impossible, je n'aurais jamais pu le tuer !

-C...Commissaire ?

Je fis volte-face et me retrouvai nez-à-nez avec Négapi.

-Qu'est-ce que tu fais là ?! M'écriai-je.
-Vous l'avez...
-Non, je n'ai rien fait ! Il m'avait donné rendez-vous ici ! Je...

Je m'interrompis. Des sirènes de police retentissaient en dehors du parc naturel. Je compris alors quel avait été le plan ingénieux de l'Ombre.

-Suivez-moi, commissaire, me lança mon adjoint. Je n'ai pas d'autre choix que vous demander de venir au poste. Nous avons reçu un appel d'un témoin qui dit avoir assisté à un meurtre au Parc Naturel. Je...Je dois faire mon travail.
-Attends, tu ne comprends pas ! Je suis innocent !
-Je voudrais le croire...Venez avec moi, si vous êtes réellement innocent, ce que j'espère de tout cœur, nous trouverons des preuves.
-Vous n'en trouverez pas...Il a trop bien manigancé son coup ! Rageai-je. Je suis désolé...Mais comme disait Laggron, il faut se battre pour ce qui est juste. Et je suis innocent.
-Ne faites pas ça !
-Je reviendrai !

Et je tirai une attaque Balle Graine entre nous deux, afin de créer un nuage de fumée, avant de partir le plus vite possible dans la direction opposée.