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Le Projet Wallace de Domino



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» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 18/07/2012 à 23:43
» Dernière mise à jour le 19/07/2012 à 08:34

» Mots-clés :   Action   Humour   Romance   Slice of life   Unys

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003 - Passé Composite
« Quelquefois, il y a des sympathies si réelles que, se rencontrant pour la première fois, on semble se retrouver. »
(Alfred de Musset)

« Et rien ne sera jamais plus pareil
J'ai vu plus d'horreurs que de merveilles
Les hommes sont devenus fous à lier
Je donnerais tout pour oublier »

(Johnny Hallyday, Marie)



Perrine ne se souvenait pas exactement de ce jour étrange. Elle n'en avait que des bribes, de minimes souvenirs flous. Avec le recul, il lui semblait de toute manière qu'elle voulait l'oublier. C'était très étrange. Elle était restée presque deux semaines chez cette femme, Judith, puis quelques mois chez sa tante Lily. Et la voilà dans la voiture de ses parents, à déménager. Un changement assez perturbant. Le silence dans la voiture était pensant. Perrine n'avait aucune idée de ce qui s'était passé entre ses parents, mais en tout cas Denis avait la jambe dans le plâtre, le siège de la voiture était reculé de sorte qu'il soit à moitié allongé, et David conduisait. Perrine était attachée à l'arrière. Denis, sous morphine, somnolait complètement.

Avec le recul, la scène était quasi-cauchemardesque, elle se serait crue dans une foire monstrueuse, son père qui conduisait dans un silence de marbre, avec une expression impassible sur le visage, son autre père dans un état second, elle au milieu de tout ça.

Comme s'ils revenaient d'un champ de bataille.

Un arrière-goût de déjà-vu.

***

- Tout va bien ?

David acquiesça en poussant Denis qui avait repris sa contenance sur son fauteuil roulant.

- C'est une chance qu'il y ait un ascenseur... souffla ce dernier.
- J'ai veillé à ce que vous ayez tout ce qu'il faut...

David regarda leur nouvel appartement, moins grand mais plus intimiste. Il regarda Rachid et hocha la tête.

- M... Merci.
- Tout va bien, vraiment ? Vous avez l'air... différent, blême...
- Un petit... impondérable à gérer...
- Bonne installation, quoi qu'il en soit.
- Merci encore, Rachid.
- Tout naturel, ma proposition du tournoi tenait évidemment toujours. Notre dette à moi et mes frères est envers vous éternelle.

David acquiesça, et Rachid prit congé. Perrine observait ce nouvel habitat, quelque peu décontenancée.

- Ça va, ma chérie ?

Perrine sonda son Moi Profond. A la surface, en prenant tout au premier degré, elle s'en fichait, ça ricochait comme sur de la baudruche. Au fond d'elle, c'était le dépaysement, la nouveauté, et ça lui rappelait bizarrement qu'elle avait eu trois familles depuis le début de sa vie...

- Oui ça va, papa.

Et que celle-là, aussi mouvementée soit-elle, était peut-être la moins délétère pour elle.


***

Perrine se réveilla dans son lit, comme chaque matin. Elle s'assied dans son lit. Derrière elle, une fresque représentant un Cacturne, un Kecleon, un Maskadra et un Queulorior dans une mise en scène quasi religieuse : Maskadra au milieu, Kecleon, Queulorior et Cacturne autour, en triangle, Kecleon à droite, Cacturne à gauche et Queulorior en haut, en Dieu de la peinture. Elle avait tout peint elle-même avec de la peinture qu'elle s'était achetée ou que ses parents lui avaient fourni.

- J'ai super mal dormi...

Elle se leva, dans sa robe de chambre rose, et mit ses chaussons bleus. Son Queulorior, Sandro, dormait dans un panier.

Premier réflexe, écouter à la porte de ses parents. Pas de bruit, elle se permit donc d'ouvrir après avoir toqué.

- Salut !
- Coucou ma chérie !
- Salut ma grande !

David et Denis, au lit, avec des plateaux repas, à regarder Bob l'Eponge.

- Je suis contente que vous vous soyez mis aux chouquettes...
- Et moi je suis super content que ta tante Aude nous ait offert ce congélateur à pâtisseries à notre mariage, il est par-fait ! sourit Denis.
- Tu veux bien aller t'occuper de ton frère ? sourit David.
- Je... n'attendais pas que tu me le demandes, papa !
- Tu es un amour, chérie !
- Ca fait du bien d'avoir une femme à la maison ! admit Denis.

Perrine ferma la porte, bienveillante. Une fois la porte fermée, elle poussa un immense soupir. « J'ai 16 ans. J'ai 16 ans et je m'occupe de deux adultes de presque trente ans et d'un enfant de cinq ans. Pourtant, non, je ne suis pas une jeune de banlieue défavorisée, je ne suis pas maltraitée, je ne suis pas Precious non plus... Bref, arrête de geindre, Perrine... »

Perrine alla dans la chambre du fond. Son petit frère était dans son lit, déjà réveillé. Au-dessus du lit, une autre fresque qu'elle avait peinte avec Flamoutan, Flotoutan et Feuiloutan en triangle.

Elle aimait bien ce genre de symboles, allez savoir pourquoi. D'ailleurs cette fresque plaisait beaucoup à David.

- Salut Perrine !
- Coucou Firmin ! Tu veux quelque chose ?
- Biberon lait fraise !
- Et pour manger ?
- Euuuuh beignets !
- Je t'amène ça...

Perrine se déplaça dans les couloirs de l'appartement jusqu'à rejoindre la cuisine. Elle était en contrebas de l'entrée qui se trouvait sur une sorte de piédestal. En gros, on entrait dans l'appartement et on se retrouvait sut une sorte de balcon donnant sur la cuisine et la salle à manger. Le salon télé, quant à lui, était dans une pièce plus ou moins séparée par de fines colonnes de bois.

Perrine prépara le déjeuner de Firmin. En repassant devant la chambre de ses parents, elle constata que la pause pâtisserie était finie et que ses parents étaient passés à autre chose, ce qui fit lever les yeux au ciel de la jeune fille.

- Firmin, tu as le droit de manger au lit, ce matin...
- OUAIIIIIIIS !!!

***

Le second tour du petit déjeuner eut lieu environ vingt minutes plus tard. Perrine se dépêchait d'avaler ce qu'elle pouvait, Denis et David se prenaient un thé, et Firmin conjurait une figurine de Bastiodon de démolir un tank en plastique.

- Tu peux pas me détruire ! Boum Boum Boum !!
- C'est la cohue permanente à la médiathèque, j'ai l'impression d'être un prof...
- C'est heureux que tu aies pu retrouver un travail aussi facilement... et dans ta branche... soupira David.
- C'est vrai que paradoxalement c'était moins évident pour moi que pour toi...
- En attendant, je crois que Firmin s'adapte bien à la garderie...
- Moi ça me fend le cœur de l'y laisser, si ça ne tenait qu'à moi, l'un de nous arrêterait de travailler pour s'occuper de lui !

David soupira.

- C'est... pour ainsi dire déjà fait, Denis, je te rappelle que je travaille à temps partiel et à un poste très haut placé. Donc gros salaire, peu de travail.
- Sur quoi exactement porte ton mémoire, Perrine ?

Perrine leva la tête de son déjeuner.

- Bah... L'histoire de l'association Pokémon, je te l'ai dit !

David écarquilla les yeux et regarda sa fille.

- Pardon ?!
- ... L'histoire ancienne, papa, je ne consacrerais même pas un paragraphe à... ces cinq dernières années !
- Je... J'espère bien.

Denis haussa les sourcils.

- Je n'avais même pas fait le lien... Tu as décidé de ça toute seule ou c'est ce... Wallace qui t'en a persuadé ?
- Euh... Wallace a eu une grande part de décision, en effet...

Valait mieux dire la presque vérité. C'était pas comme s'ils allaient mener une enquête sur elle aussi. C'est déjà à peine s'ils entraient dans sa chambre.
David acquiesça.

- Dans ce cas, ce... ce serait bien qu'on le rencontre, ce Wallace.

Perrine frissonna.

- Euh... Comment ça ?

David leva les mains.

- Ne te méprends pas, je n'ai aucune mauvaise intention, c'est juste que... Je préfère voir quel genre de garçon c'est, avant que toi et lui vous...
- Papaaa.......
- ... n'alliez trop loin dans ce devoir. Un peu dangereux, qui plus est.

Perrine hocha la tête.

- Ok... Il pourra venir quand, à la maison ?
- Ce soir, s'il peut ! sourit Denis.
- Hm, j'en profiterais pour faire des lasagnes. Demande-lui s'il aime ça ! approuva David.

Firmin sourit.

- Ouaiiiis, des lasagnes !!

Perrine serra les dents.

- En plus ça nous fera très plaisir de rencontrer ton nouvel ami, à part Naomi et... ton cousin Walter... J'espère au moins que c'est quelqu'un de sympathique !

***

- Les femmes sont imparfaites. Franchement, à quoi ça sert, les seins ? C'est gros, ça ballotte, c'est moche, c'est grassouillet, lors d'une partie de jambe en l'air ça doit être super chiant pour se coller l'un à l'autre !

Naomi regarda Perrine.

- C'est TA faute si je vais passer trois ans à devoir fréquenter ce malade !
- Je sais... geignit Perrine, lassée d'avance.
- Nan mais réfléchissez-y ! A part empêcher les hommes de vous regarder dans les yeux, à quoi vous servent ces trucs ?
- Wallace, je crois que premièrement tu fais preuve d'une mauvaise foi et d'une incohérence hallucinantes, et deuxièmement, tu embarrasses profondément les filles ! énonça Walter.

Naomi poussa un énorme soupir de soulagement.

- DIEU SOIT LOUE, l'un des deux garçons de ce groupe est mentalement équilibré !
- Autant que les roues de mon fauteuil, yep ! sourit Walter.
- Dieu soit loué ? Ah bah oui, comme tu es noire, tu es forcément une fervente religieuse ! admit Wallace.
- Oh bon sang, dites-lui de se taire sinon je l'éventre ! grogna Naomi.
- Tu peux pas, on a besoin de lui... sinon on aura un zéro ! soupira Walter.

Perrine observait toutes ces chamailleries sans vraiment s'y investir.
Non pas que ça l'intéressait pas, juste que ça ne l'intéressait pas du tout.

- Bonjour tout le monde !

Le groupe se tourna vers Christina.

- Salut Christina... marmonna Perrine.
- Hey, alors, ces options ? demanda Naomi.
- Eh bien, la plupart des élèves ont effectué leurs trois choix d'essais, on sera bientôt fixés. Le fait que ce soit sur trois ans avec travail noté à la fin, c'est tellement excitant !!
- Tu sais ce qui est excitant aussi ? marmonna Wallace.

Christina, effrayée par le jeune homme avec qui elle a déjà eu un contact glacial, se crispa. Les trois autres regardèrent Wallace, sur le qui-vive.

- Euh...
- Ne pas faire d'options. Avoir du temps libre. Vivre, quoi !
- ... mais c'est très important !
- Quand tu n'as rien d'autre dans la vie, probablement. Toutes mes condoléances !

Perrine, Naomi et Walter serrèrent les dents. Christina repartit, embarrassée.

- Tu... te rends compte que dans ces moments-là, tu me rappelles Rebecca ? marmonna Walter.
- Cette fille est affolante, sérieusement ! « Les options c'est tellement excitant » ! Il est grand temps qu'elle écoute du rock-and-roll, qu'elle fume des cigarettes en chocolat et qu'elle boive du Fanta, ça va changer sa vie !

Non-loin de là, Tristan, Benjamin, Tino et Orson rangeaient également leurs casiers.

- Honnêtement, Benjamin, si on doit travailler pendant trois ans avec un mec qui a fait une contre-critique de la saga Twilight en 226 pages de fichier PDF, on va y laisser notre santé mentale !
- Orson, Clive est un geek lui aussi, d'un autre genre, mais le seul fait qu'il ait lu tout Ann Rice et qu'il critique son œuvre également de façon pertinente en fait un être d'exception. Il est comme nous !
- Si tu le dis...
- Dis, Orson, Andréa, tu la trouves comment ? demanda Benjamin.
- Quelconque, elle ne sait même pas qui est Captain America ! grommela Orson, remonté.
- ... je voulais pas dire ça comme ça...

Tino regardait Tristan qui fixait la bande de Wallace, Perrine, Naomi et Walter. Tino regarda son ami et leva les yeux au ciel.

- Tu perds ton temps, mec...
- ...
- Nan, sérieux, tu perds ton temps, Tristan.
- Tu peux pas comprendre...
- T'es un mec, c'est naturel, je sais, mais, fais-toi une raison, vieux, Naomi s'intéressera jamais à toi !

Tristan se retourna vers Tino, tiré de ses pensées. Le jeune homme haussa les épaules.

- Désolé de te dire ça aussi crûment, mais regarde-là, et regarde-toi... T'es une crevette et elle... c'est une beauté.
- ... Ah, oui, tu... tu as raison...
- Désolé, mon pote. Faut être rationnel, parfois, tu comprends ? Se fixer des objectifs... atteignables !
- Hm !
- Tu pourrais essayer de sortir avec Perrine, elle a l'air cool ! Et... un peu plus à ta portée...

Tristan acquiesça et se remit à fixer la bande.

Juste en face, Mike et ses potes étaient également en observation.

- Sérieusement les gars. Vous la trouvez pas super bandante ?

Steven regarda le groupe de Wallace.

- Mec, je sais qu'on se fait plein de blagues dégueu, mais franchement rien que d'imaginer Perrine Truman à poil, j'ai la gerbe ! marmonna le blond.
- ... Vieux, je parlais de Naomi ! C'est une bombe !
- Naomi ? Ouais, nan... Vu avec quoi elle traîne... Pis elle a l'air d'avoir un manche à balai dans le derche.
- Eh, mec, parle pas de ma future meuf comme ça !
- Future meuf ? Nan mais Mike, tu vaux dix fois mieux que... ça, quoi ! Elle a l'air du genre à suivre en cours et à devenir amie avec les profs, tu vas pas trainer avec cette meuf quand même !!

Mike hocha la tête.

- J'peux toujours la changer. T'en penses quoi, James ?

James haussa les épaules.

- Essaie toujours, mec. Qui ne tente rien n'a rien.
- Ouaiiiiis c'est comme ça que je vais la jouer, t'inquiète...

La sonnerie retentit. Rebecca suivit le mouvement, une main dans les cheveux.

- Mon sèche-cheveux marchait mal ce matin, j'ai peur d'avoir raté ma coiffure !
- Elle est parfaite, Rebecca ! assura Violette.
- En plus tu as perdu du poids, c'est absolument merveilleux... marmonna Amélia.
- Merci les filles. Amélia, évite de parler trop fort de ma masse corporelle, veux-tu ?
- Pardon Rebecca, je voulais juste souligner tes efforts...
- C'est gentil mais pas à voix haute, contente-toi d'un regard fasciné sur ma personne.

C'est ainsi qu'Amélia passa trois heures de cours à fixer Rebecca, ce qui intrigua furieusement Santana, quelques rangs plus loin.

***

Perrine assistait à des scènes étranges dans ce nouvel appartement. Elle allait à l'académie d'Ogoesse qui était totalement différente de l'ancienne, et dans laquelle elle n'avait pas vraiment beaucoup d'amis, et à la maison, elle voyait son père David s'occuper de son père Denis, ce qui donnait lieu à des scènes plus ou moins compréhensibles.

- Voilà, c'est le troisième antibiotique.
- Tu as revu les dosages ?
- Oui.
- ... menteur.
- Tu sais bien que je ne t'écoute pas quand tu me dis de revoir les dosages. C'est la drogue qui parle.
- QUI TE PARLE DE DROGUE, C'EST UN PUTAIN D'ANTIBIOTIQUE ! cria Denis
- SI C'EST UN PUTAIN D'ANTIBIOTIQUE, COMME TU DIS, PRENDS-LE SANS DISCUTER ! grogna David.

Echange de regards en chien de faïence. Denis acquiesça.

- Excuse-moi mon chéri.
- C'est moi, je suis sur les nerfs.
- Je t'aime.
- Moi aussi, Denis, je comprends bien, c'est difficile...
- Ça l'est pour nous deux.
- Prends tes médicaments sans rechigner, je t'en prie.
- Ok, ok. Calmos.

Perrine, évidemment, assistait à ça sans rien comprendre.

***

« MAIS JE PEUX PLUS SUPPORTER CA, TU COMPRENDS ???
« MOI NON PLUS PUTAIN ! EN PLUS J'AI L'IMPRESSION QU'ON M'IMPOSE TOUTE CETTE SITUATION, MERDE ! JE SUIS PAS CENSE ETRE DANS TA FAMILLE A L'ORIGINE, MOI ! »
« QU'ON T'IMPOSE ??? MAIS MON PAUVRE VIEUX SI TU VEUX TE BARRER, BARRE-TOI ! AH NON C'EST VRAI, TU PEUX PAS MARCHER ! »
« C'EST BAS, CA, DAVID ! »
« ALORS ARRETE DE ME FAIRE DES REPROCHES, MERDE !!! TU CROIS QUE CA ME FAIT PLAISIR ? TU CROIS QUE JE SUIS HEUREUX DE CETTE SITUATION ??? D'ENTENDRE PARLER DE LUI COMME UN MESSIE APRES CE QU'IL A FAIT ?? DE VOIR SA TETE SUR DES AFFICHES ??? PUTAIN DENIS !!! »
« ALORS ME FAIS PAS RETOMBER CA SUR MOI, J'EN CHIE ASSEZ AVEC CETTE JAMBE DE MERDE ! ET AUSSI AVEC LE FAIT QUE CA FAIT PRESQUE SIX MOIS QU'ON N'A PAS... »
« AH PARCE QUE TU CROIS QU'EN PLUS J'AI LA TETE A CA ??? MERDE, DENIS, A QUOI TU PENSES, MERDE !!! »
« OU TU VAS ??? »
« DORMIR SUR LE CANAPE !!! COMME CA TU POURRAS ETALER TA JAMBE DANS LE LIT SANS ME POUSSER ! »
« OUAIS BAH VAS-Y, CE SOIR T'ES PAS VRAIMENT UNE COMPAGNIE AGREABLE ! »

Seule dans son lit, assise dans la pénombre, Perrine, 11 ans, put témoigner de l'insonorisation de l'appartement. Et plus encore quand son père se mit à pleurer dans le couloir. Et quand son autre père sanglota dans la chambre.

***

- Quoi ?!!... euh... o... Ok, oui...

Denis regarda David qui venait de raccrocher le téléphone. Perrine mangeait une barre de chocolat sur le canapé, à côté de lui, dans le salon télé.

- Denis, euh...
- Quoi ? On se reparle maintenant ?
- Sois sérieux quelques minutes, bon sang...
- Oui eh bah j'en ai assez d'être sérieux. C'est quoi encore, tes parents et ta tante s'ennuient à Prague ? Ta sœur est encore enceinte ? Ton frère va lever une armée et conquérir le monde ?

David soupira et s'en alla vers la cuisine.

- Non, c'est ton père, il a fait un malaise, il est à l'hôpital !
- Q... QUOI ???
- C'était Martial au téléphone, il était très inquiet.

Denis roula vers la cuisine.

- ... Et qu'est-ce que je peux faire ?!
- J'en sais rien, tu veux qu'on fasse des galipettes, ça soignera peut-être miraculeusement ta jambe...
- ... J'étais en colère hier !
- Pour quelle raison, je te prie ? Merde, Denis !
- Mais quoi, David ! Je suis sous médocs, tu te doutes que je pète les plombs !! En plus les doses sont trop petites...
- Nan, nan, nan, arrête avec ces putains de doses !!
- Il faut qu'on aille voir mon père, David ! Mon père quand même !
- JE SAIS, EVIDEMMENT QUE JE VAIS T'Y EMMENER !!
- C'EST PAS LA PEINE DE CRIER, MERDE !
- JE SAIS BIEN !
- Faut préparer les affaires... geignit Denis, affolé.
- Laisse les Pokémon s'en charger, faut que je demande à Colin s'il peut pas garder Perrine.
- Ouais, ouais... J'en ai ras le bol, David, si tu savais...
- Moi aussi, mais...

Denis regarda David qui pleurait lui aussi.

- ... faut tenir !
- Je sais bien... et j'suis... j'suis désolé d'être aussi insupportable !!

David vint serrer Denis dans ses bras.

- Pardon mon amour...
- Je sais, je sais que tu es désolé David...

Perrine ne savait plus quoi regarder, la télé ou la super sitcom dans la cuisine.


***

- Qu'est-ce que t'as, Truman ?

Perrine releva la tête, intriguée. Naomi et Walter regardèrent Wallace.

- Ouais, désolé, Perrine je trouve ça vraiment trop laid. A quoi tu penses ?
- à... rien...
- Oh. Je sais pas, t'es toute molle, tu parles pas beaucoup...
- Perrine n'a jamais été très bavarde, tu sais... marmonna Naomi.
- J'aime pas parler quand j'ai rien de spécial à dire... Ah, si, mes parents veulent t'inviter à manger ce soir.

Wallace en lâcha ses couverts.

- T'es sérieuse ?
- Oui, ils veulent te rencontrer. Je leur ai dit que le devoir portait sur l'histoire de l'Association Pokémon, tu t'en tiendras à cette version.
- Pourquoi ?
- Parce que je ne veux pas que mes parents sachent que je fais un devoir sur Roland Smirnoff et Direction Dresseurs.
- Pourquoi ? Oui je sais, je suis chiant...
- Parce que je te le demande.

Wallace regarda Perrine qui était sérieuse, elle le regardait sans sourciller.

- Super ! Une soirée avec deux homos !! Ça va être génial ! J'espère qu'ils vont m'apprendre des trucs !
- Tu es sûre qu'il doit rencontrer tes parents ?! souffla Naomi.

Perrine haussa les épaules. Wallace sembla songeur.

- Ah mais c'est vrai qu'en plus ton père est l'adorable responsable de la médiathèque !
- ... définis « Adorable » ? marmonna Walter.
- Rien, il est juste agréable à regarder !

Perrine plissa les yeux. Wallace leva les mains.

- Eh, ça va, Truman, tu vas pas me changer, hein ! Je suis libre de penser ce que je veux !
- Oui, évite simplement de penser à voix haute... surtout à propos de mon père !
- Et on mangera quoi ?
- Des... lasagnes.
- Trop-top ! J'vais venir tous les jours !
- Euh, non... non merci... marmonna Perrine.

Wallace sourit.

- C'est une décision parentale et non de ton cru, donc ça va être encore plus intéressant.

Perrine et Walter se regardèrent.

***

- On devrait lui dire.
- On ne peut pas...

Walter soupira.

- Perrine, il travaille là-dessus avec nous, on doit l'impliquer un maximum.
- On travaille là-dessus avec lui, nuance. Il a commencé, on s'est contentés de le rejoindre parce que sinon ce devoir aurait été hors de contrôle. Là, au moins, on a une prise sur quelque chose.
- Perrine, je...

Walter soupira.

- Je dois avouer que tes motivations pour ce devoir m'échappent.
- Pardon ?
- Perrine, excuse-moi de te dire ça aussi rudement mais tu es tout sauf une rebelle, je ne t'ai jamais entendue dire le moindre mot plus haut que l'autre, tu es la personne la plus calme et la plus indifférente que je connaisse, et là tu fais quelque chose de complètement...
- Walter, tu te rappelles quand on était chez Tante Judith ?

Walter acquiesça, quelque peu embarrassé.

- Tu te souviens de la tête de nos parents quand ils sont venus nous chercher ?

Walter hocha la tête, se souvenant encore.

- Et je suppose que ça allait super bien dans ta famille après ça.
- ...
- Eh bah moi c'est pareil. C'est pas vraiment une rébellion, c'est un besoin de me délester de... certaines scènes du passé que je voudrais vraiment, vraiment oublier ou à défaut, mettre de côté ou carrément laisser derrière moi.

Walter acquiesça, compréhensif.

- Là encore je ne t'avais jamais vue aussi déterminée...
- Faut croire que j'en ai marre de me laisser vivre, à un moment il faut intervenir. J'ai été trop bercée par le courant de la vie comme ça. Dis que c'est une crise d'adolescence si tu veux mais là, j'ai vraiment l'impression de prendre ma vie en main, d'avoir le contrôle.
- C'est impressionnant... Je ne t'avais jamais entendu dire autant de mots en même temps !
- Idiot ! sourit Perrine. Et toi, tu le sens comment ?

Walter regarda Perrine.

- Tu parles de Wallace ou du devoir ?
- ... du devoir, mais ton avis sur Wallace m'intéresse aussi.
- C'est un mec bien, et je pense qu'on peut lui dire qu'on a un lien de parenté avec Roland Smirnoff. Même indirect, vu que toi et moi avons été adoptés.
- Je pense aussi que c'est un type bien, mais je sais pas... Il est trop joueur, trop...
- Imprévisible ?
- Oui, voilà...

Naomi tenait Wallace à l'écart en lui parlant des options.

- Sport, hors de question, je suis pas un animal de foire !
- Ne m'en parle pas, je déteste le sport... soupira Naomi.
- Toi ?!
- Oui, pourquoi, ça t'étonne ? Moins violemment que toi, c'est clair, mais je trouve ça tellement... inutile !
- Moi aussi, mais surtout... à quoi ça va nous servir plus tard ? A avoir de bonnes cuisses ? Pitié !
- C'est bizarre, je pensais que les homosexuels aimaient le sport...
- Les vestiaires, Naomi, les gays aiment les vestiaires. Nuance.
- Ahon...

Perrine et Walter revinrent vers eux. Wallace regarda Naomi.

- Tu prends vraiment ces options au sérieux ?
- C'est un apport primordial, Wallace... Sans ça, notre scolarité serait plate et ennuyeuse.
- Je sais pas quelles options essayer... Dans lesquelles je rencontrerais plein de mecs ?
- Bah... en sport ! souffla Naomi.
- Plutôt manger un Venipatte cru... grommela Wallace.
- Moi c'est tout trouvé... marmonna Perrine. Option Arts.
- Arts ? Doit y avoir pas mal de mecs mignons là-bas !
- Si tu y vas pour draguer, je ne prends pas cette option ! grommela Perrine.
- Et toi, Walter ?
- Au risque de décevoir l'estime naissante que tu semblais avoir de moi... Informatique.
- QUOI ? Tu... Tu es...
- Ou Lecture, ou même échecs... J'ai le choix en fait.
- ... TU ES ENNUYEUX !!! geignit Wallace.
- Pas du tout... Tiens, et si pour rigoler, je prenais Danse contemporaine, Sport et Vélo urbain ?
- ... y'a une option vélo urbain ?! s'étonna Wallace.
- En effet, oui, ils proposent des balades en vélo ! sourit Naomi.

Wallace plissa les yeux.

- ... j'ai envie d'aller en cours, là !! Besoin de me vider la tête !

Ils se placèrent enfin à la queue avec le reste de la classe, se préparant pour le cours d'histoire.

***

Denis et David revinrent un jour de l'hôpital sans le fauteuil roulant mais avec des béquilles.

- Ca fait du bien de remarcher !
- Et l'os de ta jambe est presque reconstruit, c'est encourageant ! sourit David.
- Tu vas mieux, papa ? demanda Perrine.
- Oui ma grande, tout va très bien ! On lui dit ?

David regarda Denis et haussa les épaules.

Avec le recul, il sembla à Perrine que ce haussement d'épaules était sa description exacte et la réponse à toutes les questions à son sujet.

« Perrine va bien ? » - haussement d'épaules
« Perrine est contente ? » - haussement d'épaules
« Perrine s'amuse bien ? » - haussement d'épaules

Autant de « peu importe » qu'on lui adressait presque toujours. Plus rarement de la part de ses parents, mais quand même.

- Ma chérie, tu vas avoir un petit frère !
- Ou une petite sœur, on n'en sait encore rien !
- Ce sera un garçon, elle a dit que ce serait un garçon !

Pendant leurs multiples visites à l'hôpital, David et Denis en avaient profité pour se renseigner sur les adoptions, et justement étaient tombés sur la perle rare.

- Ça te fait plaisir ma chérie ?

Perrine haussa les épaules. Peu importe. Un de plus, un de moins...


***

- Les liens entre les Pokémon et l'espace sont de plus en plus évidents, même s'il est clair que nous n'avons à ce jour aucune preuve tangible et réelle. Sauf tous les Pokémon qui y sont liés... et ça fait beaucoup. Un simple Mélo est un Pokémon à la fois rare et très lié à l'espace, le fameux Culte de la Lune est tiré de là. D'autres Pokémon comme Neitram, Kaorine, Staross, Séléroc et Solaroc sont des preuves vivantes, Kaorine se nourrissant des rayons lunaires par exemple. L'énergie dégagée par Neitram est mystique et d'origine inconnue, proche du vide exercé par les trous noirs.

Les élèves notaient, plus ou moins.

- Certains scientifiques se sont intéressés aux éléments naturels de notre terre qui semblent évoquer une probable venue de l'espace. Le gemmologiste Pierre Rochard a déduit de ses recherches que la Pierre Lune, par exemple, était issue de la croûte lunaire. Ce qui après coup est évident, mais au départ on a simplement appelé la Pierre Lune ainsi parce qu'elle émettait une radiation similaire au rayonnement exercé par la Lune. On entre dans des tergiverses scientifiques, je m'en éloigne. Le lien entre Pokémon et Espace a été pour la première fois exposé par le professeur Cosmo. En fait la région Hoenn était très en avance dans ses recherches avant... la guerre dont vous vous rappelez peut-être tous. Bref... Partie 2 : Exploitation humaine des ressources présumées spatiales, je vous rappelle que ce « Présumé » est très important car on n'est sûrs à 100% de rien...

***

- Vous avez commencé à faire un plan ?

Perrine, Walter, Wallace et Naomi se regardèrent.

- On...
- ... n'a pas vraiment...
- ... commencé ! admirent successivement Naomi, Walter et Perrine.
- On est en plein dans les options, c'est super important, et tout ! soupira faussement Wallace.

Ses camarades le regardèrent, absolument ulcérés par une telle hypocrisie.

- Quoiiiiiiiiiii ? Ça me bouleverse, figurez-vous !
- Je... pense que je peux tout simplement comprendre que c'est le début de l'année. Si vous n'avez rien commencé du tout, ça m'arrange. Je voulais vous donner quelques conseils pour vos recherches. D'abord, n'utilisez que peu Internet chez vous. Roland Smirnoff et ses séides surveillent le réseau, je vous conseille de vous adresser au club informatique, si possible auprès de quelqu'un de la classe, ce serait plus facile. La médiathèque va vous servir, mais surtout comme lieu de réunion, la documentation est récente, bien mise à jour mais j'ignore pourquoi – ou plutôt je feins d'ignorer pourquoi – il y a peu de documentation sur Roland Smirnoff.

Wallace soupira.

- Comment un mec censé avoir révolutionné le monde de l'éducation est devenu un sujet tabou y compris sur des étagères de bibliothèque ?
- A vous de le découvrir, de porter un jugement impartial dessus et d'argumenter votre propos. Vous ne devez pas échouer sur ce devoir, vous avez bien vu les espoirs qui sont sur vous.
- Oui madame ! acquiesça Perrine.
- Bien, m'dame ! sourit Wallace.
- Reçu, marmonna Walter.
- D'accord ! sourit Naomi.

***

- Je vis dans cet immeuble, appartement 2, à l'étage.
- Wooow, dans ce quartier snob ?!... Tes parents sont milliardaires ?!
- Non, amis avec les champions de la ville.
- ... Les trois, là ? Tu sais comment je les surnomme ?
- ... « La Triplette » ?
- Comment t'as deviné ?
- C'était tellement évident... soupira Perrine. Tu viens maintenant ou tu as besoin de prévenir tes parents ?
- J'ai une tête à prévenir mes parents ?
- ... Hm.
- Mais si tu veux, viens avec moi chez moi pour que je pose mes affaires. Echange de bons procédés.
- ... C'est un piège ?
- Tu es une femme, Truman... Bien sûr que c'est un piège ! Pour moi !
- Ha-ha, très fin. Où habites-tu alors ?
- A quelques rues en fait, on est presque voisins.

Ils marchèrent dans les allées d'Ogoesse jusqu'à arriver à un grand pavillon.

- Cool.
- N'est-ce pas. Grande maison, grand standing... On entre par la palissade.
- Pourquoi ?
- Autant que possible j'aimerais que tu ne rencontres pas mes parents.
- Tu vas rencontrer les miens !
- ... C'est pas pareil !
- On entre par la porte, il est hors de question que j'entre comme une voleuse !
- C'est pas comme une voleuse, c'est comme les mecs avec qui je couche !

Perrine grimaça.

- Et... tu penses que cet argument va me convaincre d'entrer par la palissade ?
- Je savais que ça allait te dégoûter, Truman ! Et par là même, provoquer chez moi des frissons de bonheur sadique ! Muhahaha !

Perrine leva les yeux au ciel.

***

- Maman, papa, Lindsay, je vous présente... Perrine Truman, une camarade de classe.

Perrine était face à un gros bonhomme aux cheveux noirs grisonnants, une petite dame maigrichonne aux vieux cheveux blonds et une jeune fille qui allait à l'école aussi et qui portait un uniforme de pom-pom girl.

- ... Bonjour mademoiselle... marmonna le père, méfiant.
- Enchantée, assura froidement la mère.
- Hm... marmonna Lindsay en lisant People Gossip +
- Bonsoir... ravie...
- Je mange chez elle donc ne me préparez rien et... bene sapiat !

Wallace se dirigea vers sa chambre. Perrine leva une main timide.

- Ravie de vous avoir rencontrés...

Elle suivit Wallace jusqu'à sa chambre. Il la fit entrer. Elle se crut dans une garçonnière ou pire, un mini appartement.

- Bienvenue à toi, première femme à passer la porte !
- Wow...
- N'est-ce pas. Ce devait être le salon à la base mais j'ai lourdement insisté pour que ce soit ma chambre.
- Tu as fait un caprice ?
- J'ai soudoyé ma sœur pour qu'elle m'aide à convaincre mes parents.
- ... ma...lin... je présume...
- Décoration : Moi, Choix du papier peint : Moi, Vêtements : Moi. Apprécie, admire et n'hésite pas à complimenter avec force arguments.

Perrine regarda le lit, légèrement défait, le boudoir avec déodorant, petit lavabo de convenance, matériel de rasage, peignes, ciseaux de coiffeur, plus loin la télévision écran plasma, les porte-vêtement tenant des kimonos ou des chemises...

- Alors tu dors vraiment en kimono ?!
- Bah ouais. C'est super léger et confortable !
- ... hm... C'est spécial chez toi !
- Ma mère ne me parle plus depuis un an, mon père croit qu'en étant gay, je détruis la famille peu à peu, ma sœur est à moitié trisomique...

Perrine regarda Wallace, sérieusement désolée.

- Nan, je rigole. Elle est juste blonde...
- ... C'est vraiment affreux, ta famille...
- J'm'en fous.
- Je suis sûre que non.
- Truman, si je te dis que je m'en fous...
- Wallace, on ne peut pas vivre avec une famille qui ne nous aime pas, c'est pas possible, c'est presque à se demander comment tu as survécu jusqu'à ce jour !
- Petits boulots ! Quand tu n'as pas envie de passer les vacances avec la famille, tu cherches activement...

Perrine semblait choquée.

- Ouais, je sais, pauvre Wallace...
- Ah, non, loin de moi l'idée, c'est juste que... C'est triste. Je... Je vois bien que tu fais tout pour qu'on pense que ça va, mais...
- Ca m'a fait plaisir que vous m'ayez rejoint pour le devoir.

Perrine regarda Wallace, empreinte de pitié.

- ... vraiment. Si vous l'aviez pas fait, je pense que j'aurais super mal tourné. Merci, vraiment.
- Je doute que tu gardes tes remerciements longtemps, mais... j'accepte et... c'était sans contrainte.

Wallace acquiesça.

- J'espère au moins qu'on... pourra rester amis. Tous les quatre. Enfin, tu vois le genre...
- Oui, oui, je...
- Ca me fait du bien d'être avec vous trois.
- Ok, il y a de la drogue dans le climatiseur ?!
- Je t'ouvre mon cœur, merde ! Tain, les filles, vous êtes vraiment trop nases ! Je reste gay, pour la peine !

Perrine leva les yeux au ciel.

- Ça t'embête si je me change ?
- Non.
- Ça t'embête de me regarder, histoire que je me sente sexy ?
- Oui, incroyablement.
- T'es pas marrante, Truman !
- Dépêche-toi, j'ai pas envie de devoir m'asseoir où que ce soit !
- Alors ça c'est pas gentil pour mon mobilier !!

***

Les amis et la famille avaient été invités pour l'occasion. Il y avait Lily, Finn et leurs deux enfants, Charlie, Léopold, Yann, Amy et deux autres enfants inconnus au bataillon que Charlie et Léopold venaient d'adopter sans effusion, Colin, Aude, Kate, Bernice, Malcolm, Claire et leurs enfants, ainsi que Rachid, du trio d'Ogoesse. Perrine se tenait un peu à l'écart de tout et tout le monde, tout en restant dans la foule histoire de n'inquiéter personne. Elle n'entendait pas beaucoup les conversations, mais apparemment Firmin semblait être un beau bébé, et tout le monde insistait bien pour que ce soit une crémaillère agrémentée d'une baby shower post-naissance.

- Alors elle n'a pas pu venir ?
- En fait aussitôt qu'elle a accouché, elle s'est enfuie...

Perrine haussa les sourcils. De qui parlaient-ils ? David regarda Léopold.

- Et... et le bébé ?
- Elle l'a pris ! C'était une petite fille... qu'elle a appelé Noémie, sur notre conseil, et elle l'a pris. On a tout juste eu droit à un mot de remerciement pour l'avoir hébergée elle et Ethan... soupira Léopold, embarrassé.

Charlie arriva, accompagné d'un jeune garçon brun.

- Je me demande où elle est passée... soupira Charlie. Jack, n'hésite pas, va te servir au buffet !
- Oui monsieur Charlie.
- Tu peux m'appeler papa... marmonna Charlie.
- ... j'sais pas encore !
- Où est ta petite sœur ?
- Orianne est sur le canapé avec... Flora je crois et les deux petites... monsieur Charlie.
- Bon...

Charlie baissa la tête, dépité.

- A part ça, tout va bien ! sourit-il en la relevant, ce qui fit rire David.
- Oui, globalement, y'a pas à se plaindre... malgré le train de vie de ton frère !

David soupira.

- Vous croyez que c'est vrai, cette histoire de rachat de la zone de combat à New York ?!

Charlie et Léopold se regardèrent, perplexes.

- Tu veux vraiment parler de ça ?!
- C'est la soirée de ton fils, David ! Ton petit bébé ! sourit Léopold.
- Et aussi la soirée où on regrette que vous n'ayez pas un jacuzzi pour qu'on réitère ce qu'on avait fait sur l'île de N ! ricana Charlie.
- Oh mon Dieu j'ai l'impression que ça fait des millénaires ! ricana David.
- David !

Il vit s'avancer Rachid. Charlie et Léopold s'éloignèrent en jasant.

- David ! Je n'ai fait que parler avec Denis de toute la soirée ! Bonsoir !
- Hey, Rachid, content que vous ayez pu venir !
- Ca fait du bien de sortir un peu ! Je vous rendrais la pareille en vous invitant pour un thé quand Denis ira mieux !
- Oui...
- Pour ce qui est de votre frère...
- Je... Je préfèrerais ne pas en parler ce soir...
- Je comprends, je comprends, sachez seulement que si un jour vous voulez des informations, je pourrais me les procurer.
- Je sais bien... Vous êtes sûr de ne pas trop en faire avec cette dette que vous avez envers moi ?!
- Absolument pas, absolument pas !
- J'espère bien... Je vous ai invité en premier, au moins pour vous remercier...
- Il n'y a pas de quoi, David. Vous êtes un être précieux, vous méritez qu'il vous arrive de bonnes choses !

David acquiesça et retourna s'occuper des invités.

***

- Quoi qu'il en soit, on s'en tape ! Rien à branler de Roland !!
- Lily, tu es saoule, merde ! grommela Finn.
- Ferme ta gueule, rien ne m'empêchera d'ouvrir ma grande gueule !!
- Va donc l'ouvrir au-dessus de la cuvette des toilettes !
- Je t'aime mon Finnounet, tu es si meugnon avec moi à vouloir me protéger des tourments de la vie !
- T'es vraiment trop conne parfois !

La fête... battait son plein, les adultes discutaient, buvaient... buvaient pas mal d'ailleurs. Perrine somnolait dans un canapé, aux côtés d'un certain Walter.

- Le problème c'est pas tant d'avoir une grande bouche ! grommela Léopold, bien saoul.
- C'est quoi alors ? soupira Denis, bien plein également.
- C'est d'avoir de petites gencives. Pour bien rentrer les dents et bien utiliser ta langue. Et là, c'est satisfaction !
- Une démo, une démo, une démo ! cria l'assemblée.
- AH NAN, AH NAN, CA VA PAS !
- Flipette !! crièrent Bernice et Kate.
- Vous êtes tous dingues ! J'vous adore ! ricana Claire, bruyamment.

La plupart des enfants étaient couchés dans la future chambre de Firmin qui servait actuellement de chambre d'amis.

- David, ça te fait quoi d'avoir deux enfants ? demanda un Malcolm aviné.
- J'réalise pas vraiment... J'espère que je vais gérer... J'sais pas si déjà un, je gère...
- Tu fais ce que tu peux quoi.
- Voilà, maintenant est-ce que ça suffit...
- J'vais pisser... soupira Rachid.
- Y'a Lily aux chiottes ! signala Charlie.
- Han mince, j'vais où ?
- ... dans le jardin ? suggéra Léopold.

C'est ainsi que la porte du grand balcon derrière le salon fut le théâtre d'une scène rocambolesque lorsque Rachid se mit à uriner depuis le premier étage jusque dans la rue.

Perrine s'endormit lorsque tout le monde revint dans la pièce en criant « IIIIL EST DES NOOOOTRES ! »

***

Le lendemain, tout le monde aida au rangement du grand bazar. Et tout le monde avait très très mal à la tête et/ou avait des souvenirs très embarrassants de la nuit passée.

- J'ai une de ces gueules de bois... soupira Charlie.
- Et moi donc... geignit Claire.
- Tu t'es un peu endormie dans la cuisine, en plus !
- Je tiens plus l'alcool comme avant... geignit la rousse.
- Nan, c'est juste qu'on a trop bu, je crois... qu'on avait besoin de boire ! soupira Malcolm.

Tout le monde hocha la tête. Lily et Finn revinrent de la salle de bains où ils avaient passé la nuit.

- T'en fais pas, on a tout nettoyé ! rassura Finn.
- ... je nettoierais de nouveau ! geignit Denis.

Perrine regardait son père faire le ménage.

- Hey, ma chérie, ça va ? Tu vas bien ?

Perrine hocha la tête.

- Tu es contente d'avoir un petit frère ? Ne... Ne t'en fais pas, hein, il y aura toujours de la place pour toi, ma grande !

Perrine hocha rapidement la tête. David sourit.

- Des fois j'aimerais bien savoir ce qui se passe dans ta tête, je n'arrive jamais à lire en toi, c'est fou !

Perrine sourit.

- Ca va, papa. Je vais bien. Et j'aime bien mon nouveau petit frère !

David soupira, s'accroupit et caressa les cheveux de sa fille.

- Ce que j'aime et que je déteste avec toi, c'est que tout à l'air de couler comme une lettre à la poste... alors que je sais très bien que ce n'est pas le cas... et je sens que je vais le payer un jour...

Perrine pencha la tête sur le côté. David se frappa les genoux et se releva, actif.

- ... mais ça, c'est une manière de penser qui n'est pas censée être la mienne...

Perrine regardait les adultes travailler, insouciante.


***

Perrine ouvrit la porte, suivie par Wallace. Denis était en train de lire à la table de la cuisine.

- Papa...
- Ma chérie... Bonsoir !
- Bonsoir monsieur Truman...
- Appelle-moi Denis, va, on n'est pas à la médiathèque !
« Avec plaisir... » songea Wallace.
- Je vais chercher ton père, il joue avec Firmin !

Denis partit dans le couloir. Wallace regarda Perrine.

- Firmin ?
- Mon petit frère.
- ... Deux enfants ? Tes parents ont adopté deux enfants ?
- Et alors ?!
- ... Ils ont du temps pour eux ? Pour les câlins, quoi !
- Primo : Ils savent en trouver, deuxio : je ne veux pas imaginer ça !
- Reçu !

Wallace observa l'appartement alors que Perrine allait en cuisine.

- Tu veux un thé ?
- Euh... Ouais, ouais... Tu as du gingembre ?
- Mes parents sont de grands fans de thé, ils ont évidemment du gingembre.
- Je veux bien, merci.

David arriva avec Firmin dans les bras.

- Enchanté, jeune homme. David Truman.
- Monsieur...
- Appelle-moi David, je déteste les « monsieur »...
- David est médecin, Wallace, signala Perrine.
- Oh... Docteur, alors ! sourit Wallace.
- Non plus, merci... sourit David. Ma chérie, avec ton père, on va voir le souci du tuyau de la salle de bains, tu peux nous faire deux thés comme d'habitude ?
- Oui papa.
- Un biberon lait-miel pour ton frère aussi, et tu demanderas à Wall...
- Déjà fait.
- Parfait, parfait.

David repartit dans le couloir en laissant Firmin dans sa chaise de bébé.

- ... J'espère qu'ils te refilent un pourliche, au moins !
- Alors juste un truc, évite de parler devant Firmin, il répète tout.
- C'est pas vrai Perrine t'es qu'une menteuse ! grommela Firmin.
- Si, c'est vrai, Firmin.
- Comment tes parents peuvent être en couple et vouloir d'une telle vie ?
- C'est-à-dire ?
- Avoir des enfants, une maison, rester ensemble en couple monogame... J'veux dire, moi j'envisage vraiment pas ce genre de vie, ça m'intrigue beaucoup...
- Tu envisages de finir célibataire, obèse, une bière à la main à regarder la télé ? marmonna Perrine.
- Non, non, mais... sans gosses, déjà, quoi !
- Eh bien il faut croire que ça plait à mes parents, ça fait six ans qu'il en est ainsi...
- Six ans... Tu as été adoptée à quel âge ?
- ... C'est compliqué ! préféra expliquer Perrine.
- Et Firmin ?
- J'ai cinq ans moi ! signala le petit dernier.
- Cinq ans ? T'es vieux ! s'étonna exagérément Wallace.

Firmin acquiesça très sérieusement. David et Denis revinrent à la cuisine.

- J'aurais deux mots à dire à ce maudit plombier...
- Je t'avais dit que les plombiers beaux gosses ne valaient rien... souffla Denis. Merci chérie !
- Merci mon petit cœur.
- Papa, Wallace il a dit que j'étais vieux !

Perrine désigna Firmin à Wallace, lequel acquiesça. Denis hocha la tête.

- Eh oui mon bonhomme, cinq ans, c'est un âge de grand !
- Excuse-le, il adore rapporter ! sourit David. Firmin, qu'est-ce que je t'ai dit à propos de répéter ce que te disent les grands ?
- Rien du tout !
- Firmin !

Le gamin se contenta de boire son biberon, malicieux.

- Incorrigible... soupira David en s'asseyant. Prends place, Wallace, je t'en prie.
- Merci...

Perrine s'étonna d'autant de politesse de la part de son camarade. « S'il essaie de draguer mes parents, je lui éclate la tête à coups de chaussures !! »

- Alors, Wallace, parle-nous un peu de toi ! sourit Denis.

Le jeune homme sembla se retrouver pris au dépourvu, ce qui étonna Perrine. « Oh mon Dieu, on vient de poser une question simple à Wallace. Va-t-il savoir répondre ? »

- Je... euh, je suis un simple ado, quoi... je sors, je travaille de temps en temps, je...
- Ca, on s'en doute ! sourit David.
- Je parlais plutôt de tes passions, de ce qui t'intéresse... marmonna Denis.
« Vous m'intéressez, monsieur Truman... » répondit Wallace dans sa tête.
- Tiens, quel est ton Pokémon académique ? demanda Denis, malicieux.
- Papa, non... soupira Perrine.

David regarda Wallace pour qu'il réponde. Le jeune homme haussa les épaules.

- ... Larveyette !
- Larveyette... Personnalité simple, renfermée mais simple, naturelle...
- Mon père est fan d'astrologie Pokémon... soupira Perrine. Ne fais pas attention.
- Au contraire, ça en dit long. Un dresseur qui a pour Pokémon académique une chenille est voué à grandir et à réaliser de grandes choses.

Wallace sembla touché. C'étaient des mots semblables à ceux que son oncle avait pu prononcer.

Rassuré, mis en confiance, il se détendit et laissa tomber ses défenses.

- Vous... vous n'avez pas tort, monsieur Truman... au sujet de la personnalité, du moins !
- Denis, c'était pas sympa !
- Je sais, je sais.
- Disons que... j'aime pas trop parler de moi ! Je suis un ado de mon âge, j'aime m'habiller...
- J'ai vu ça, jolie chemise !
- Denis ! grommela David.
- Quoi ? S'il est aussi naturel ici, tu te doutes qu'il est...
- Là n'est pas le sujet, enfin, tu vas l'embarrasser !
- Pas du tout ! sourit Wallace, gêné.

Perrine sourit, satisfaite de voir Wallace en position de faiblesse.

- En ce qui me concerne, c'était un Mystherbe... ce qui fait de moi un être commun, à l'inverse pour David c'était un Corayon...
- Denis !!
- Ce qui fait de lui un être d'exception !
- Ne me flatte pas devant les amis de Perrine, enfin !
- Y'a pas de lézard, je comprends... marmonna Wallace, submergé par la guimauve.
- Tu as des frères, des sœurs ?
- Une grande sœur. Elle est... pom-pom girl !
- Ouh... acquiesça Denis.
- Ce doit être physique, ça... admit David.
« Pas du tout, elle se contente de remuer du popotin pour intéresser les mecs au match... »
- Et tes parents, ils font quoi dans la vie ?
- Denis, arrête de le bombarder de questions ! grommela David.
- Mon père est inspecteur de la sécurité dans une centrale et ma mère est correctrice, elle travaille à la maison, elle reçoit des textes et elle les corrige.

Denis acquiesça.

- Bien, bien... En fait, tu te doutes, on t'a surtout invité pour mieux te connaître, vu... le devoir que toi et Perrine entreprenez...
- Oui, tiens... C'est quoi ce devoir sur l'association Pokémon ? demanda David.

Perrine regarda Wallace, tendue. « Il va leur dire, je sais qu'il va leur dire ! »

- Un... simple devoir, monsieur Truman !
- Un devoir historique, c'est ça ?
- ... principalement.
- C'est toi qui en as eu l'idée ?

Wallace acquiesça en se mordillant les lèvres.

- Oui... J'ai eu l'idée de départ... Votre fille m'a rejoint ensuite avec Walter et Naomi.

David regarda sa fille, étonné.

- Tiens donc...
- C'était... justement pour avoir un droit de regard ! Pour faire attention ! Je n'avais pas d'idée, personnellement ! se défendit Perrine.

Wallace grimaça, ne comprenant pas pourquoi elle disait cela.

- J'aurais pensé que tu prendrais Arts et Pokémon ! Tu es capable de digresser pendant des heures sur la peinture ! s'étonna Denis.
- Oui, pourquoi prendre un sujet aussi... glissant ? s'étonna David.

Wallace haussa les sourcils.

- Vous dites ça à cause de Roland Smirnoff ?

David regarda Wallace, éberlué. Denis serra les dents. Perrine sortit un lance-roquette mental et explosa Wallace avec une ogive nucléaire.

- Je sais qu'il a dirigé l'Association ces cinq dernières années et qu'il a fini son mandat récemment, mais honnêtement, on se concentrera sur l'histoire ancienne. Y'a rien d'intéressant à faire un devoir sur un type dont on nous rabat les oreilles à longueur de journée. « Réforme Smirnoff » par ci, « Réforme Smirnoff » par là... Tout juste s'ils ne l'enregistrent pas sur dictaphone pour le ressortir en appuyant sur un bouton... C'est qui au juste, ce mec, un demi-dieu ou quoi ?

Wallace regarda Denis et David qui semblaient quelque peu décontenancés. Wallace regarda Perrine, un peu démuni.

- Y'a un problème ?!

David soupira.

- Roland Smirnoff n'est pas un demi-dieu... c'est mon frère.

Wallace haussa les sourcils. Perrine se mordilla les lèvres.

- Pardon ?!
- Mon vrai nom de famille est Smirnoff, David Smirnoff. Je suis un des trois enfants d'Etienne Smirnoff. Et Roland est mon frère aîné.

Wallace haussa les sourcils.

- Ce qui explique sans doute pourquoi ma fille t'a rejoint. Quand elle a entendu « Association Pokémon », je suppose que son sang n'a fait qu'un tour et qu'elle a voulu... protéger ses vieux papas, comme d'habitude...
- Je voulais juste surveiller Wallace, en fait...
- Oui, oui, ça se comprend... du coup, on voulait t'inviter à manger aussi, pour comprendre...

Wallace acquiesça. La détresse dans la voix de David et la difficulté que l'adulte avait à parler de la situation précipita Wallace à formuler une justification.

- J'ai choisi le sujet parce que... cela me paraissait être un sujet bateau, vous voyez le genre, un devoir sur une organisation politique, tout ça... Si ça peut vous rassurer, on ne fera qu'un court paragraphe sur les cinq années passées en conclusion... Notre prof principale est la prof d'histoire, vous vous douterez donc qu'elle attend des détails historiques !

C'était bien la première fois que Wallace éprouvait ce sentiment. Cette douleur intangible qu'on ressent quand on ment, cette sensation de faire du mal par anticipation. C'était terrible. Il venait à peine de les rencontrer mais ces gens lui paraissaient indignes de devoir souffrir de ses provocations, à l'inverse de ses parents.

- Loin de moi l'idée de vous causer quelque embarras...
« Oh, toi, toi, je vais te démolir la face quand on sera seuls, tu vas voir... » gronda intérieurement Perrine, fâchée que l'invité se permette un si gros mensonge.

Firmin observait la scène en buvant son biberon.

- Alors... Rien de dangereux, promis ?
- On l'évoquera à peine, promis ! Le proviseur nous a bien assez sermonnés là-dessus...
- Le QUOI ? s'étonna Denis.
- Hein ?!! s'étonna David.
« FUMIEEEEEEEEEER......... »

Wallace acquiesça en regardant Perrine ce qui donna des envies de meurtre à l'adolescente.

- Ouais, ils ont flippé en entendant « Association Pokémon » alors on a dû préciser les termes du devoir avec eux...
- Oh seigneur... geignit David.
- Tout va bien, chéri ?
- Tu as besoin de tes médicaments, papa ?!

Wallace regarda David qui reprit sa respiration en levant la main.

- Monsieur Truman ?! s'étonna Wallace.
- Tout va bien... Problèmes de tension...
- J'irais tirer les oreilles de ce vieux mollusque ! grommela Denis.
- Mais, euh, juste comme ça... Vous avez encore des contacts avec Roland Smirnoff ?

Perrine en rougit de honte, mais elle devait également avouer qu'elle éprouvait presque un plaisir transgressif à entendre ce sujet se développer à table.

- Non, plus aucun, plus depuis... sa fuite...
- Sa...
- David... marmonna posément Denis.
- Il a tout laissé derrière lui, ce... ce monstre...

Wallace haussa les sourcils face à un mot si violent.

- ... Il a laissé Rachel... Il a laissé son fils... Il m'a laissé, moi... Il a abandonné sa vie tout ça pour... tout ça pour un empire de pacotille... Tout ça pour être le centre du monde...
- Tu devrais commencer à préparer les lasagnes, chéri... somma Denis.
- Oui, oui, oui...

Wallace acquiesça, semblant comprendre plus de choses à présent. Intérieurement il rassemblait les détails.

- Désolé d'avoir... remué tout ça....

Il avait marmonné ça dans sa réflexion, afin de se dédouaner de toute curiosité malsaine. Il lui sembla n'avoir jamais été aussi sincère de toute sa vie tout en se roulant dans un pieux mensonge. Perrine elle-même était surprise que la conversation se soit aussi bien déroulée.

- Et sinon, comment vous vous êtes rencontrés ? demanda le jeune invité en souriant.
- Je peux raconter, David ?
- Oui bien sûr... sourit David en mettant les plats décongelés au four.
- Alors David était à l'époque médecin dans un cabinet, et je m'entrainais beaucoup à l'époque, donc...

***

Wallace semblait fasciné et peinait à finir ses lasagnes.

- Je suis sorti de chez mes parents en larmes, j'étais absolument dévasté... et là David m'a raccompagné chez moi et il m'a dit qu'il se moquait bien de mon passé, et... Voilà, neuf mois plus tard, Perrine était parmi nous !
- Huit en fait... marmonna David.
- Oui, c'est notre petite prématurée ! ricana Denis.

Wallace sourit.

- Dingue... C'est dingue aussi que vous soyez restés aussi longtemps ensemble !

David regarda Wallace.

- Pourquoi ça ?
- Je sais pas... Moi ça me saoule vite, tous ces trucs romantiques...
- Il ne s'agit pas que de ça, attention ! Avec Denis, notre entente se situe à plusieurs niveaux...
- Oh oui, David, détaille le plan immobilier de notre relation ! ricana Denis.
- Je veux dire que... Les gens ne sont pas de simples fleurs unidimensionnelles, Wallace... Un Apitrini vide une fleur de son pollen et passe à une autre... Les gens sont des fleurs dont on ne tire jamais assez de nectar, c'est un flot continu de choses à apprendre, à connaître sur l'autre, une relation c'est comme une fleur qui ne se tarirait jamais !

Wallace, Perrine et Denis regardèrent David qui s'était perdu en plein lyrisme. Firmin regardait son père, confus.

- Ca veut dire quoi, papa ?
- Tu comprendras plus tard, mon poussin ! Toujours est-il, Wallace, que j'espère pour toi que ton point de vue changera, parce qu'on ne peut pas vivre de relations courtes et creuses.
- Je sais pas trop, l'idée même de devoir reparler à quelqu'un avec qui j'ai couché me répugne.
- Tu es jeune, je suppose que ça évoluera avec le temps ! sourit Denis.
- Wallace aussi il veut des fleurs ?!

Tout le monde regarda Firmin qui venait d'en sortir une belle.

- Nan, Firmin, je suis plutôt du genre... à aller de fleur en fleur !
- Wallace c'est Maya l'abeille !! éructa Firmin.
- Il faudra tuer Claire, ses DVD ont ruiné le cerveau de notre fils ! grommela Denis.
- Maya l'abeille ? Mais elle est moche, Firmin ! Je suis pas moche !
- Nan t'es pas moche !
- Il a très bon goût, ce petit ! acquiesça Wallace.

Sourires à table.

- Ça te viendra... marmonna Denis.
- J'en doute et en toute honnêteté je prie pour que ça ne m'arrive jamais, j'aime trop... séduire. C'est plus fort que moi !
- Oui mais tu es jeune, à ton âge j'étais comme toi...
- Vraiment ? s'étonna Wallace.
- Vraiment ?! s'étonna David.
« Je suis la seule qui s'en fout... » songea Perrine qui mangeait ses lasagnes à un rythme soutenu.

Denis agita les mains devant lui.

- J'étais très porté sur la chose, on va dire !
- Papa, Firmin...
- Je sais, ma chérie. D'ailleurs tu vas devoir aller te coucher mon grand !
- Oh nan jveux rester avec Wallace !
- Je reviendrais peut-être, Firmin, t'en fais pas...
- Si on doit passer trois ans sur un devoir, c'est même certain... marmonna Perrine.
- Ok alors j'te donnerais des fleurs !

Rires à table. Perrine sourit, amusée.

- Et sinon, Wallace, comment tes parents ont pris... le fait que tu sois gay ?

Wallace regarda Denis qui n'avait pas dit ça pour être indiscret. Perrine observa son camarade qui hésita avant de répondre.

- ... Aussi bien qu'ils en étaient capables !

Denis grimaça un peu face à cette réponse évasive. David regarda le jeune homme, légèrement inquiet.

- Tu sais...

Denis et David se regardèrent et ricanèrent d'avoir parlé en même temps sous les yeux stupéfaits de Wallace et Perrine.

- Tu sais, si un jour ça ne va pas, la maison te sera toujours ouverte ! formula Denis.
- Exactement ! acquiesça David à sa suite.

Wallace regarda les deux hommes, très touché.

- M... Merci, c'est... sympa de votre part... même si c'est de la solidarité gay obligée...
- Un peu... marmonna David.
- On ne va pas s'en cacher ! admit Denis.

Perrine leva les yeux au ciel alors que les trois hommes riaient de bon cœur.

***

Wallace entra avec Perrine dans sa chambre.

- Wow, sympa...
- Sérieusement ? Tu ne dis pas ça pour me flatter ?
- Tu peins vraiment alors ?
- Bah oui.
- C'est joli... Tes Pokémon ?
- Ouaip.
- Sympa ! Tout comme ta famille, très sympa !
- Oui, d'ailleurs je ne te félicite pas...

Wallace hocha la tête en se mordillant les lèvres.

- Je suis désolé, ils m'ont un peu déstabilisé, j'ai été obligé de bidouiller un truc...
- Quand même, je n'apprécie vraiment pas que tu aies menti aussi effrontément à mes parents...

Wallace hocha la tête et prononça d'une voix douce et claire :

- Je suis sincèrement désolé...
- Ca va, j'te pardonne... J'peux pas vraiment faire autrement.
- Donc si j'ai bien compris, le devoir...
- On s'est mis avec toi principalement pour te surveiller, en premier lieu, et surtout...

Perrine s'assit sur son lit, face à Wallace.

- ... pour agir. Prendre un peu les choses en main.

Wallace s'assit à son côté.

- Agir ?
- Ouais. J'en ai marre d'être inactive, de me contenter de ce que j'ai, de rester silencieuse en arrière-plan... Et comme je sais pas exprimer ce que je ressens, bah...
- Attends, attends, Perrine... Tu as une super famille, un petit frère génial, des parents qui t'aiment, bon qui te traitent un peu comme une bonniche mais...
- T'as pas compris.

Wallace se ressaisit. Perrine continua.

- J'ai l'impression d'être un Ecremeuh. Mon père a un Ecremeuh d'ailleurs.
- Abrège, c'est déjà assez douteux comme métaphore, à croire que vous avez un don pour ça dans la famille...
- Oui... Je suis un Ecremeuh et je regarde les trains passer... et j'ai beau faire tout ce que je peux, impossible que je fasse quoi que ce soit pour faire partie des passagers. Quand tu as dit que tu voulais faire un devoir sur Roland et Direction Dresseurs...

Perrine resta silencieuse un temps. Wallace n'avait jamais paru aussi religieusement calme.

- ... j'ai été fâchée une minute, mais au bout du compte, je me suis dit... « C'est bon, vas-y, monte, le train s'est arrêté juste au bon moment... »

Perrine soupira.

- J'dois te paraître idiote, non, de me plaindre ?
- N... Non, c'est ton droit, c'est juste que... Pourquoi tu n'en parles pas à tes parents ?
- Ils sont beaucoup trop gentils, je les adore, vraiment. David est peut-être la personne à laquelle je suis la plus attachée, c'est mon père quoi qu'il en soit, sans lui... Je crois que je serais une grosse attardée élevée par des bonnes sœurs dans un couvent glacial...
- T'es grave quand même...
- Je plaisante même pas, en plus. Et Denis... c'est vraiment quelqu'un de solide, au fur et à mesure j'ai vraiment appris à comprendre pourquoi ils allaient si bien ensemble.

Wallace acquiesça.

- Et du coup, tu te demandes si toi aussi, un jour, tu seras aussi heureuse qu'eux malgré ton caractère solitaire qui te met en permanence à l'écart sans que tu le veuilles réellement, parce qu'au fond, tu aimerais bien être des leurs, mais tu ne sais juste pas comment prendre le train en marche.

Perrine acquiesça.

- Là, tu m'as comprise.
- T'en fais pas, c'est comme tout, ça s'apprend...
- Hm...

Perrine regarda Wallace qui la regarda aussi. De façon relativement inattendue, ils s'embrassèrent, d'abord légèrement puis de façon assez intense. Ils s'éloignèrent tous les deux en même temps.

- Wow, trop bizarre ! s'étonna Wallace.
- C'est toi qui m'as embrassée !!
- Pardon ? C'est TOI qui m'as sauté dessus !
- Sauté dessus ?!! MOI ?
- On voit que t'as jamais été intime avec qui que ce soit, Truman, c'est pas comme ça qu'il faut s'y prendre avec les mecs !
- Pourquoi t'as fait ça, c'est complètement débile !! grommela Perrine.
- Mais j'en sais rien, moi, m'demande pas comment la nature fonctionne !! Pis on était deux, j'te rappelle !
- Ok, ok, bon, on se met d'accord, ça n'est jamais arrivé !
- Voilà. Autant pour ta réputation que pour la mienne. J'aime les garçons !!
- Et moi... Je sais pas trop mais je n'aime pas les garçons qui aiment les garçons ! D'un point de vue amoureux, je veux dire ! Je ne suis pas intéressée, quoi !
- Tu réalises que ce que tu dis est débile, là... marmonna Wallace.
- Je suis intéressée par les garçons, point !
- Bizarre, je te croyais asexuelle !

Perrine plissa les yeux.

- Ca veut dire quoi exactement ?
- Pas intéressée quoi. Tu peux apprécier le contact et la présence d'un homme ou d'une femme sans pour autant avoir envie de rapports sexuels concrets, même si tu peux avoir envie de contact physique et même de sensualité auprès de quelqu'un.

Perrine haussa les épaules.

- Je sais pas trop. Je pense pas que tu sois la personne la plus adaptée pour que je puisse en parler...
- Un gay, c'est un peu comme un sexologue, tu sais !
- J'ai deux parents gays, Wallace, et ils me parlent très peu de sexualité, j'ai appris comment on faisait les bébés en regardant les documentaires à la télévision.
- ... Je vais y aller, tu es vraiment, vraiment trop bizarre.
- Merci de le reconnaître. C'est ma principale qualité. Je te raccompagne jusque chez toi ?
- Nan, ça ira. Merci encore.

Perrine acquiesça.

- Je crois que le plaisir était pour moi, au final.
- J'en étais sûr ! Petite diablesse !
- Je ne parlais pas de ce qui ne vient pas d'arriver entre nous deux !
- ... garce !
- Profiteur !
- Ouais c'est pas faux !

Perrine et Wallace sortirent de la chambre et se dirigèrent vers la porte.

- Au revoir messieurs !
- Bonne soirée, Wallace !
- Ce sera un plaisir de te revoir, Wallace ! sourit Denis.
- Ok, ok... on verra !

Perrine ouvrit à Wallace.

- A demain...

Wallace salua sa camarade et lui souffla un baiser.

- Ne fais pas l'andouille !!
- Oui maman ! geignit faussement Wallace.
- Allez du vent...

Perrine ferma la porte et se retourna vers ses parents qui la regardaient.

- Quoi ?
- Rien, rien du tout !
- Rien du tout ma chérie...

Perrine sourit, satisfaite de ce qui s'était passé.

- Alors, rassurés ?
- C'est un garçon très bien, très lucide !
- Oui, il est plutôt ouvert d'esprit... et enfantin à la fois... songea David.
- C'est un jeune, il doit encore grandir, mûrir...
- Il m'a fait une bonne impression, je suis content que tu fréquentes quelqu'un d'aussi vif, ma chérie ! sourit David en direction de sa fille.

Perrine acquiesça en regardant ses parents, enthousiastes.... plus enthousiastes qu'elle ne l'a jamais été envers aucun de ses amis.

- Contente que... mes amis... vous plaisent...

S'apercevant de l'absurdité de ce qu'elle venait de dire, Perrine retourna à sa chambre, l'air totalement blasée par le fait que quoi qu'elle fasse, son avis, finalement, n'était que secondaire.

Même dans sa tête à elle.