Ch. 09 Entre lui et moi (Khimeira)
Il était là. Devant mes yeux.
On avait déjà dû faire une centaine de kilomètres sur cette route, et ils m'avaient déjà retrouvé. C'est fou comme les Pokémon peuvent être intelligents, en fait.
Je sentis dans mon dos Ambre qui préparait une flèche. Je l'arrêtai vivement. Pas ce coup-ci, ma vieille, c'est le Pokémon que j'ai eu le plus envie de tuer ces derniers mois, et pour une fois qu'il se trouvait devant moi, je n'allais pas laisser passer l'occasion.
Puis je vis ses sbires, juste derrière lui. Deux Gallame, deux Machopeur ainsi que trois Roucarnage. Ce qui portait le total à huit contre quatre. C'était parfaitement gérable. Sauf que là, c'était seulement après moi qu'ils en avaient. Pas après eux. C'était donc une affaire purement personnelle.
Je me levai, et les trois autres me regardèrent. Ils ne fallait pas qu'ils participent à l'affaire. Sauf en cas d'extrême urgence.
-Restez là. Attendez que je fasse un signe.
Je fis un pas, et le Lucario commença à sourire. Un deuxième pas, puis un troisième.
Et le Lucario éclata de rire. Un rire sombre et rauque, qui fit trembler tout le monde. Je restai stoïque. Il ne fallait pas que je panique, ma vie était en jeu.
-Alors? On cherche à s'exiler? La branlée que je t'ai mise ne t'a pas suffi, apparemment.
Ses sbires commencèrent à rire, et je réprimai un sourire. Il en fut d'ailleurs extrêmement surpris.
-C'est vrai, tu m'as appris quelque chose. Qu'on doit toujours avoir une revanche, un jour ou l'autre. Tu viens de le prouver, quand même. Te retrouver devant moi, un simple humain, insignifiant, alors qu'il peut y en avoir des centaines, voire des milliers, dans les villes alentour... Avoue-le, tu as pitié de moi, c'est ça?
-Ah ah, bien sûr que j'ai pitié de toi! lança le Lucario.
-Ou alors tu as envie que je te tue.
J'avais lancé cette phrase avec tellement de sérieux que les trois autres derrière paniquèrent légèrement.
-Toi? Me tuer? hurla le Lucario.
Il partit ensuite dans un rire presque sadique. Linda, Démétrios et Ambre frémirent.
-Toi, un humain, serait capable de me tuer, moi qui suis d'une race supérieure? Laisse-moi rire.
-En seul à seul, je peux te battre. Tu n'envoies pas tes sbires, sinon y'en a deux qui se feront un plaisir de te les massacrer un par un.
Je parlai bien entendu de Démétrios et Ambre, puisque considérant que Linda ne veut pas combattre, ce n'est même pas la peine que j'en parle dans un moment aussi critique.
-Un combat singulier, hein? s'exclama le Pokémon Aura.
Un nouveau sourire se dessina sur son visage. J'en profitai pour le regarder clairement, puisque la dernière fois, je n'avais pas eu le temps de clairement le regarder.
Par rapport à la moyenne des Lucario, il était beaucoup plus grand, sans doute 1 mètre 75. Une de ses oreilles était en partie déchirée, sans doute à cause de batailles qu'il a livrés pour devenir chef d'un clan, voire plus. Ses yeux rouges étaient comme injectés de sang. Il voulait tuer, ça se voyait. Il voulait me tuer.
-Quoiqu'il en soit...
Il se frappa les poings.
-TU MOURRAS MAINTENANT, TENNESSEE NIXON!
Et il commença à courir vers moi. Extrêmement vite. Puis il donna le premier coup, que j'évitai.
A partir de là, tout se passa très vite: il enchaîna les coups, que j'eus de plus en plus de difficulté à éviter. Puis il donna un coup de poing au niveau du visage que je ne réussis pas à éviter. Puis un deuxième. Je réussis alors à lui asséner un coup de poing dans le ventre, ce qui le fit reculer légèrement. J'en profitai alors pour toucher mes joues; elles étaient pleines de sang. Il avait mis les griffes, cela se voyait.
Puis ce fut à moi d'enchaîner.
Je courus sur lui, le temps qu'il récupère, puis enchaînai un, deux, puis trois coups, toujours au niveau de la poitrine. Voyant qu'il préparait une attaque, je parvins à le plaquer au sol. Ce n'était pourtant pas suffisant, puisque quelques secondes plus tard, une attaque Forte-Paume me fit voltiger en arrivant dans ma poitrine.
Je me sentis propulsé en l'air. Un rapide coup d'œil me fit comprendre que j'étais à cinq mètres au-dessus du sol, grand minimum. Je vis le Lucario arriver à ma hauteur. Il allait faire une deuxième attaque. Celle-ci serait mortelle. Je parvins à l'éviter de justesse puis m'écrasai sur le sol, à quelques mètres du groupe. Ambre s'approcha de moi et lança:
-Ten, s'il te plaît, arrête...
-Non, lui répondis-je sèchement.
-Mais tu vas te faire tuer!
Je la regardai. J'étais énervé, je voulais en finir.
-Ne te mêle pas de ça.
Elle se recula vivement, puis je me relevai. Avant de me faire plaquer, et me retrouver sous une des griffes du Pokémon que je combattais.
-Tu vois, commença-t-il, la dernière fois que nous nous sommes vus, c'était à Chicago. J'avais eu une sale journée, j'avais besoin de passer mes nerfs sur quelqu'un. Manque de bol, c'est tombé sur toi. L'attaque aurait dû te tuer, Tennessee, c'est ça que tu dois comprendre.
Il resserra un peu plus son emprise.
-Le fait de te voir là m'a fait comprendre que quelque chose ne tournait pas rond chez toi. Et le truc qui ne tourne pas rond s'est confirmé quand j'ai entendu les rumeurs qui couraient à ton sujet. Dix-sept victimes sur Chicago, toutes tuées à mains nues. Toutes tuées par toi.
Je ne sais pas pourquoi j'ai éclaté de rire à ce moment-là. Peut-être parce que c'était absurde. Peut-être parce que les rumeurs étaient vraies. Mais surtout pour une chose:
-Tu en oublies, mon coco. Tu peux d'ores et déjà en rajouter au moins dix sur mon tableau de chasse. Et tu seras ma prochaine VICTIME!
Je lui assénai à ce moment-là un double coup de pied qui le fit partir à quelques mètres, et qui me laissa donc le temps de me relever. C'est là que je sentis une poussée d'adrénaline m'envahir. Cette sensation étrange, quand tu combats, qui te permet d'aller jusqu'au bout.
Je courus vers lui, avec la ferme intention de l'envoyer ad patres. Je n'avais envie que d'une seule chose: en finir avec lui. Je le plaquai au sol puis commençai à enchaîner les coups de poing. Je sentis qu'il avait de moins en moins de forces, et heureusement pour moi. J'allais pouvoir le tuer. Enfin, j'allais pouvoir tuer mon bourreau. Au bout d'une quinzaine, ou d'une vingtaine de coups de poing, je sentis qu'il était à bout de forces. L'occasion parfaite pour le tuer.
Je sortis l'appareil photo. Le Pokémon était à l'agonie. Je lui fis un sourire presque sadique et lançai:
-Et maintenant? Qui ressent la souffrance? Hein? QUI?
Je gueulai ces derniers mots. Je sentis Ambre derrière moi, bandant son arc.
-Tennessee... commença-t-elle. Si tu tues ce Lucario, je serais dans l'obligation de te tuer. Pose tout de suite cet appareil photo, je ne le répèterai pas.
... Pardon? Parce qu'elle est de son côté, maintenant? Elle cherche à les défendre?
-Et puis-je savoir pourquoi?
-Ce Pokémon aurait pu te tuer, d'accord, mais il ne l'a pas fait! hurla Ambre.
-Il en a tué des centaines d'autres!
-Si tu crois résoudre la violence par la violence, tu...
-Attention, Ten, derrière toi!
Démétrios venait de beugler la dernière phrase. Quand je me retournai, je vis effectivement un des Machopeur courir vers moi. Et merde.
-Je vais avoir besoin d'aide, lançai-je aux trois autres derrière.
Dém et Ambre s'activèrent, Linda ne fit pas grand-chose. Comme d'habitude.
Le combat fut relativement court: en effet, sans leur chef, à l'article de la mort, c'était un peu l'anarchie, et donc c'était plus facile de se débarrasser d'eux.
Tandis que Dém et Ambre se débarrassaient des Roucarnage qui fonçaient sur eux toutes serres dehors, j'eus finalement le droit au désavantage le plus complet: deux Machopeur et deux Gallame contre moi. Suffisait d'éviter au bon moment, et ça pouvait passer, le temps de pouvoir en finir.
Le problème était que la bataille contre le Lucario m'avait extrêmement affaibli, et mes mouvements se faisaient de plus en plus lents. De quoi facilement s'en faire encocher une dizaine. Mais je voulus puiser dans les dernières forces qui me restaient, et j'attaquai les Gallame en essayant d'éviter les coups des Machopeur.
Je souffrais, techniquement. Parce que je n'avais presque plus de forces, que le combat était à quatre contre un. Alors que je pensais me faire tuer, je vis une flèche atterrir dans le crâne d'un des Machopeur, et le deuxième se faire emmener vers l'arrière par un vigoureux coup de bras. C'était eux, pas de doute.
-Merci du renfort, lançai-je avant de m'occuper des deux Gallame et que les deux autres achevaient les Machopeur derrière moi.
Quoiqu'on en dise, le combat fut extrêmement long. A deux contre un, surtout quand c'est des Pokémon comme ça, c'en était presque inhumain. Mais je n'étais pas normal. J'étais une machine à tuer, avait dit mon père. Un être fait par le sang et pour le sang. C'était mon devoir de tuer.
J'enchaînai quand je sentis une flèche arriver dans le cœur d'un des Gallame, qui s'effondra. Nouvelle flèche d'Ambre. Merci, mais je pouvais très bien me débrouiller tout seul.
Soudain, dans une prise de judo, je mis le Pokémon restant à terre, et le bastonnai jusqu'à la mort. Alors qu'il était à l'article de la mort, je sortis mon appareil photo, mis genou à terre, pris la photo.
Puis je le tuai, sans aucun commentaire.
Je me retournai vers les deux autres, ne daignant même pas adresser un regard à Linda. Démétrios me fit un regard presque apeuré, Ambre avait quant à elle un regard vide. Puis je m'aperçus d'une chose: le Lucario était encore vivant.
Je me dirigeai vers lui. Je sentis Ambre bander son arc. Qu'elle tire, si elle veut.
Je me mis au-dessus de lui, le regardai. Il était salement amoché: il avait des blessures partout, sa fourrure bleue était tâchée de sang. Le soleil tapait très fort: il devait être midi. Mais ce n'était pas normal qu'il fasse si chaud en janvier. Je me souviens d'avant la guerre, où il y avait de la neige partout. Cette étendue blanche qui te fait voir que tu es à un moment où le pire qu'il puisse t'arriver est de te prendre une boule de neige dans la tête.
Sauf que là, on était en temps de guerre.
Je le regardai, et lui lançai d'un ton neutre:
-T'as de la chance que je te laisse vivant. Parce que crois-moi, la prochaine fois, ce sera pas dans les mêmes conditions.
Puis je le laissai, et me dirigeai vers les trois autres membres du groupe. Je fis signe à Ambre de baisser son arc, ce qu'elle fit. Puis je regardai les deux dans les yeux et balançai, le plus naturellement du monde:
-On s'casse, on a plus rien à faire ici.
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Cela faisait plus de trois heures que nous marchions. Personne n'avait osé parler pendant ce temps. L'ambiance était pesante.
En effet, depuis que j'avais laissé le Lucario à l'article de la mort, il n'y avait eu aucun commentaire. Même Démétrios, d'habitude extrêmement bavard, s'était tout simplement tu, et jetait de temps en temps des regards à Ambre (que je pus vérifier en me retournant moi-même de temps en temps). Soudain, quelqu'un arriva à ma hauteur et se plaça devant moi.
C'était Linda. Je m'arrêtai.
-Qu'est-ce que tu me veux? lui lançai-je d'un ton froid.
-Je voudrais savoir ce que tu nous caches, me répondit-elle sur le même ton.
Ca y est, on est partis.
-Pas plus que toi. Pourquoi tu te défiles? lançai-je en haussant légèrement le ton.
-Je préfère être vivante que morte.
-Peut-être, mais si tu continues comme ça, on va finir TOUS LES QUATRE en charpie! hurlai-je.
-Parce que tu crois que j'ai envie de combattre, moi? dit-elle en haussant également la voix.
-PARCE QUE TU CROIS QUE J'AI LE CHOIX??
J'avais beuglé la dernière phrase, et un écho se fit entendre. Ambre bandait son arc, prête à tirer; Démétrios ne faisait rien. Linda me regardait toujours dans les yeux. Elle m'énerve.
-On est à QUATRE sur cette route, l'objectif est de se serrer les coudes pour ARRIVER à quatre dans ce foutu camp de résistants, commençai-je en la regardant dans les yeux. On a encore trois mille huit cents putain de kilomètres à faire, alors si tu as envie de te casser et te faire le chemin seule, libre à toi! Mais ne compte pas sur moi pour te sauver.
Puis, sur cette dernière phrase, j'avançai et la poussai, mettant fin à la conversation. Ambre baissa son arc et commença à avancer, suivie de près par Dem'. Linda, elle, attendit quelques secondes avant de se mettre en queue de groupe et continuer à avancer.
Cette fille m'énervait au plus haut point. Elle se défilait dès qu'il y avait un combat, et après elle OSAIT la ramener. Le truc est qu'il fallait de la solidarité entre nous QUATRE, et pas qu'il y en ait trois qui bossent et une qui se tourne les pouces. La prochaine fois, je serais même déterminé à la tuer si elle ne bosse pas un tantinet.
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Nous arrivâmes dans la ville de Normal. (Non, il n'y a aucun jeu de mot dans le nom de la ville, elle s'appelle bien comme ça, allez chercher sur Google si vous pensez le contraire).
La ville était comme toutes les autres en ce foutu temps de guerre: déserte, et presque en ruines. Seuls quelques rares buildings et quelques maisons, de temps en temps, semblaient subsister et rester en place, tels des roseaux. Les voitures étaient détruites, certaines sentaient encore l'essence brûlée, preuve que certains ont voulu quitter la ville.
En parlant de ces "certains", d'ailleurs: nous aperçûmes beaucoup de cadavres sur le chemin. Sans doute ceux qui avaient trop fait les malins, et qui s'étaient aventurés dehors au mauvais moment.
Nous nous arrêtâmes devant un magasin qui semblait détruit. Les victuailles étaient éparpillées sur le sol du géant magasin. Un Wal-Mart, à ce qu'on en avait vu à l'entrée. D'ailleurs, c'était plus devenu un "Wa-Mr" à cause des lettres qui étaient tombées. A l'intérieur, le spectacle était encore plus apocalyptique: une odeur de mort et de putréfaction planait dans l'air, de quoi vous filer très facilement la gerbe. Y'avait des squelettes, aussi. Un peu partout dans les rayons. Certains baignaient dans le soda, d'autres dans des trucs comme ce qui semblait être de la pâte à tartiner ou de la confiture. Décidément, les Pokémon osent tout, de nos jours.
Pourtant, on était à quatre dans cet enfer, à nous chercher de quoi survivre dans un autre enfer: celui du désert et du silence. Et croyez-moi, c'était pas une mince affaire. C'était le premier grand magasin dans lequel on tombait, et déjà on avait l'impression de se retrouver dans une véritable boucherie.
On commença à chercher en se séparant, deux par deux: moi avec Ambre et Démétrios avec Linda. C'était un choix stratégique: si je me mettais avec Linda, y'avait de grandes chances pour qu'elle se barre en plein milieu de la recherche, et Démétrios passerait plus de temps à discuter avec Ambre qu'à chercher de quoi bouffer. Si je me mettais avec Démétrios, Linda et Ambre commenceraient à se foutre sur la gueule très rapidement, et donc du coup on n'aurait même pas le temps de chercher à bouffer. D'ailleurs, je ne porte pas spécialement Démétrios dans mon coeur, cela dit. Ce choix-ci (c'est-à-dire moi avec Ambre et Démétrios avec Linda) était donc plus judicieux. Même si, il fallait l'avouer, nous avions un peu peur de n'en sortir qu'à deux. Nous prîmes donc chacun un talkie-walkie (volé dans une des ailes du magasin, pas loin de la télévision, je crois), et nous nous séparâmes.
Nous fîmes le tour des rayons, dans l'espoir de voir quelque chose à se mettre dans le bide. Parce que, voyez-vous, nous n'avons pas mangé depuis notre départ, soit depuis exactement quatre jours. Je sais que ça nous aide à maigrir avec la chaleur, mais on va finir par n'avoir plus que la peau sur les os à la fin de ce voyage si ça continue comme ça.
Dans un des rayons, Ambre trouva quelques tubes de crème solaire (une dizaine, je pense). Nous en mîmes chacun deux dans notre sac. Qui sait, on en aura besoin, sans doute. Nous prévînmes alors les deux autres:
-Aigle royal appelle Maman Ours. Je répète: Aigle royal appelle Maman Ours.
Ambre se retint de rire.
-Pourquoi tu m'appelles Maman Ours? lança Dem au bout du fil.
-Aigle royal appelle Maman Ours.
Silence. Bah oui, que voulez-vous: je ne veux pas qu'il réponde à une question par une autre question.
-Maman Ours, reçu 5 sur 5. Résultats de la recherche?
Ambre se mordait les lèvres, pour se retenir d'exploser de rire.
-On a trouvé de la crème solaire, ça peut toujours servir, commençai-je. Mais pas de bouffe à l'horizon. Et vous?
-Pas mal de liquide, mais pas de solide non plus. Venez nous voir aile 84. Fin de la conversation.
J'éteignis le talkie-walkie, et regardai Ambre.
-Tu peux commencer à te marrer, maintenant.
-Non, c'est bon, je me suis retenue.
Puis nous repartîmes, avec chacun deux tubes de crème solaire dans les mains, pour les filer aux autres. En passant d'ailes en ailes (nous étions dans l'aile 29, je précise), nous arrivâmes devant l'aile des vêtements pour enfants, l'aile 77 pour être plus précis. Et là, au recoin de l'aile, on vit quelque chose d'extraordinaire.
-Aigle royal à Maman Ours. Je crois qu'on a trouvé notre dîner aile 77.
On entendit alors des bruits de pas se rapprocher, et moins de 30 secondes plus tard apparurent les deux autres, deux bouteilles d'un litre et demi d'eau dans les mains. Nous, avec juste nos deux tubes de crème solaire, on avait un peu l'air cons. On s'échangea rapidement les produits, puis on regarda le truc par terre.
C'était un paquet, d'une dizaine de kilos, rempli avec des biscuits reconnaissables que Dem ne mit pas longtemps à reconnaître, les yeux pleins d'étoiles:
-Des... Twinkies!
Je tirai une tronche de mec pas rassuré, Linda s'en foutait, Ambre était contente d'avoir quelque chose à bouffer. Je regardai la date de péremption: avril 2161. Ca passait juste. Mais bon, vu où on en était rendus, même des gâteaux nous feraient le plus grand bien. Nous en remplîmes nos sacs avant de partir.
Arrivés dehors, le soleil nous avait limite assommés. J'avais pointé mon appareil thermosensible vers l'horizon; et il avait méchamment bipé. Largement au-dessus de 102 Fahrenheit. La mesure indiquée sur l'écran confirma mes craintes. 108. Plus de 42 degrés Celsius. La route promettait d'être longue si on s'y lançait comme ça.
Je mis mes lunettes de soleil (essentiel lors de ce genre de voyages), suivi par les trois autres. Nous commençâmes alors à marcher, sous le soleil étouffant et les températures que Linda avait l'air d'apprécier, contrairement à nous qui crevions de chaud.
Puis nous vîmes une ouverture sous un bâtiment détruit dans sa quasi-totalité. Nous nous y dirigeâmes, voulant profiter de la fraîcheur du sous-sol. En y arrivant, nous nous aperçûmes qu'il s'agissait en réalité d'un parking. Et en y voyant de plus près... Les voitures semblaient intactes??
-Des... voitures? lança Ambre.
-Le destin nous a fait une faveur! Enfin, on va pouvoir sortir de cet enfer et y arriver rapidement, à cette connerie de camp de résistants! hurla Dem en entrant dans le parking.
Nous y entrâmes, et nous nous aperçûmes qu'au moins une dizaine de bagnoles devaient être restées comme ça, dans l'état, sans qu'une de ces foutues créatures ne les détruisent.
-Sweet mother of god, lançai-je, subjugué par le spectacle.
En effet, même si beaucoup de voitures avaient été détruites, il n'en restait pas moins une dizaine (bon, d'accord, sur la centaine de voitures présentes) debout et en état de marche.
Nous vîmes notamment une cinq places qui nous parut parfaite, car sinon on n'avait que des décapotables. Et dans le désert, je vous déconseille de rouler en décapotable. Et encore plus en temps de guerre, si vous tenez à votre tête.
Enfin bref: nous vîmes donc une cinq places, non décapotable, et le problème se posa rapidement: nous n'avions pas les clés. Pour rentrer dans la bagnole, c'était problématique.
Linda régla très vite ce problème en cassant la vitre de devant au niveau du volant, puis se servant de l'espace crée par ce trou pour y mettre son bras et pouvoir ouvrir la porte. Nous la regardâmes tous les trois, complètement surpris.
-Parce que vous croyiez que je sais pas ouvrir une bagnole de cette façon?
-On pensait pas que t'allais le faire, lança Ambre.
-Je prends le volant.
Et là, j'explosai de rire, puis fis le tour de la bagnole. Personne n'avait compris pourquoi, mais c'est en rentrant dans la voiture que je lançai à Linda:
-Au moins, pour une fois, tu sers à quelque chose.
Les deux derrière firent un sourire, et Linda fit la moue. Pour une fois que j'avais l'occasion de la remettre à sa place, je l'avais pas ratée.
Je la regardai, puis lui lançai:
-T'attends quoi pour démarrer cette bagnole? Qu'on ait un légendaire au cul ou quoi?
Elle leva les yeux au ciel puis démarra la bagnole sans même avoir besoin des clés. Cette fille m'impressionnait, tout compte fait. Et je le lui fis rapidement remarquer:
-Ce qui m'étonne, c'est que tu réussis à allumer une bagnole sans les clés, mais que tu ne te battes pas contre des Pokémon.
-Ce n'est pas la même chose, me répondit-elle.
-Certes, mais ça ne me dit pas pourquoi.
Elle hésita quelques secondes. Ah, non, je ne voulais pas de réponses toutes faites, ma grande, je voulais des vraies réponses. Structurées, avec un raisonnement qui tenait la route.
-Sans mes Pokémon, je ne suis rien. Je ne peux pas me défendre. Alors je ne combats pas, au risque de passer pour une lavette. J'ai peur pour ma survie, vous savez...
-Tu t'adressais à tout le monde, je suppose?
Elle me regarda et bougea sa tête de haut en bas. Ok, c'était déjà ça de fait.
-Ce que je voudrais te dire, c'est que là, on n'a pas de Pokémon. Aucun ne viendra nous aider, aucun ne daignera même nous aider quand on sera dans une mauvaise situation. Au contraire, ce seront plutôt eux qui jetteront les premières pierres pour nous lyncher. Ce que tu dois savoir, Linda, c'est que dans cette situation, nous sommes nos propres Pokémon. Nous devons nous défendre tous seuls. Et là, nous sommes une équipe. Et une équipe, d'accord ça reste soudé, mais il faut que tout le monde marche dans le même sens. Donc il faut que tu comprennes ta condition, à un moment où à un autre.
Pendant toute la tirade, les trois étaient restés muets. Seul le ronronnement du moteur donnait un bruit de fond.
-Vas-y, démarre.
Elle appuya sur la pédale, puis la voiture dans laquelle nous étions sortit du parking.