Gardiens de l'Harmonie T.1 : La mélodie de vie de Malak

Dans l'abîme de ténèbres où Ad se trouvait, au-delà du temps, de l'espace et de la raison, une seule phrase résonnait dans sa tête : oncle Elias était mort. Si elle ne savait plus où elle était, ni depuis quand, ni même qui elle était, de ça elle en était certaine. C'était la seule vérité que ce monde pouvait lui offrir, celle qui la rendait prisonnière de son propre esprit, lui remplissant la tête de milliers d'échardes. Au milieu de ce néant noir dans lequel elle se trouvait, elle voyait toujours le corps de l'oncle Elias devant elle.

Peu à peu, il y avait une autre vérité qui faisait surface : son oncle était mort, et c'était de sa faute. Elle ne savait pas pourquoi, mais c'était le cas. Et plus le temps passait - quelques heures comme quelques années - Ad vit très visiblement le visage honni de l'homme qui avait tué son oncle. Son visage pâle d'albâtre, ses yeux de ce bleu si froid, ses longs cheveux noirs, et son sourire. Ce sourire qui rendait Ad folle, car elle ne pouvait que le contempler, impuissante, tandis que l'image de son oncle était entraînée loin de son esprit, loin d'elle, loin de la vie...

- Ad... Ad ! Je t'en prie, réveille-toi !

Ad se sentit revenir à elle. Elle ouvrit les yeux, pour voir le visage blême et inquiet de Kinan au-dessus d'elle, avec à côté Lopchu, tout aussi rongé par l'appréhension. Elle reconnut aussi, encore plus au-dessus, la roche sombre qui formait le toit d'une caverne. Son esprit perturbé mit longtemps avant de se rappeler qu'elle s'était déjà réveillée ici. La grotte de Balterik ! Elle s'étonna d'être encore en vie. Quand la réalité la frappa telle une brique au visage, elle en vint même à la regretter.

- Mon oncle... il est mort.

Ce n'était pas une question, mais une constatation. Le fait que Kinan ne répondit pas le lui confirma plus qu'autre chose. Son oncle Elias... son parrain... le seul membre de sa famille pour qui elle avait de l'affection. Sans s'en rendre compte, elle se mit à pleurer. Quand elle le remarqua, elle fut surprise, et se sécha les yeux. L'heure n'était pas aux pleurs. Si elle était en vie, elle avait quelque chose de bien précis à faire.

- Ne... Ne t'inquiète pas, Ad, balbutia maladroitement Kinan. Tout... Tout va bien se passer maintenant.

Non. Rien n'allait bien se passer. Car une seule idée obstruait l'esprit de la jeune fille. La seule chose qui la retenait dans le monde réel, qui l'empêchait de se perdre dans le chagrin, le désespoir et la folie. La vengeance. Elle voyait encore très bien le visage du meurtrier dans sa tête. Elle voyait son sourire satisfait. Et elle n'aurait plus la paix tant qu'elle ne l'aurait pas enlevé de son visage. Ad se remit sur ses pieds, une sombre détermination dans son regard. Elle remarqua au passage que la femme Team Rocket, cette Akenvas, était là elle aussi, et assistait à tout ça d'un air détaché et curieux.

- Ad, tu ne devrais pas... commença Kinan.

- Vous vous sentez bien ? Avez-vous froid ?

Ad ne connaissait pas l'homme qui venait de parler. C'était une voix chaude, agréable. La présence que ce jeune homme aux cheveux blancs dégageait réchauffait le corps entier d'Ad, sans qu'elle ne se l'explique.

- Vous êtes qui, vous ?

- C'est lui qui t'as soigné, expliqua Kinan. Il s'appelle Geran. Il sait plein de choses...

- Vraiment ? Alors vous savez peut-être qui est le gars qui a tué mon oncle et réduit New Naya en cendre ?

- Oui, je le connais.

- Dîtes-moi tout ce que vous savez de lui, exigea Ad. Je vais lui faire la peau.

- Je le ferai, mais vous feriez mieux de vous asseoir. Ça sera peut-être long, et difficile à accepter.

- Je ne peux pas attendre ! Dîtes-moi juste où il se trouve, et je me chargerai de...

Le dénommé Geran fut sur elle en un instant, posant son index sur son front. Aussitôt, Ad se sentit lasse, sa colère et sa rage retombant.

- Il vous faut vous calmer, demoiselle. Vous ne viendrez pas à bout d'Odion dans votre état, encore moins sans informations précises. Si vous voulez venger votre oncle, prenez le temps de m'écouter.

Ad s'assit, plus surprise par le fait que ce type l'ait appelé demoiselle que par ce qu'il lui avait fait. Ad le regarda de plus près. Il était pas mal de visage, avec ses yeux qui avaient la couleur de l'horizon lors d'un coucher de soleil sur la mer, et un petit air qui le rendait plus vieux et plus mûr qu'il ne l'était. En revanche, sa tenue était d'une ringardise affligeante, de même que sa façon de parler. Avant que Geran ne commence, Ad s'adressa à Kinan.

- Tu ferais mieux de rentrer chez toi. Tu as déjà été assez impliqué dans mes affaires.

Elle ne tenait pas à ce que Kinan finisse comme son oncle, ou comme elle si sa tentative de vengeance n'aboutissait qu'à la mort, mais Kinan secoua la tête.

- Je respectais énormément monsieur Elias. Je lui suis redevable d'être venu me sauver. Je veux t'aider, quoi que tu fasses.

- N'oublie pas que ta dette va d'abord à moi, gamin, intervint Kelifa.

Kinan eut un pauvre sourire.

- Euh... oui. Cette dame m'a aidé à sortir de chez les Malware, expliqua-t-il à Ad. Je lui dois beaucoup, et elle s'intéresse à cet Odion aussi. Donc je dois rester avec elle pour la dédommager.

- En effet, approuva Kelifa. Et puisque Geran nous a dit qu'Odion allait s'intéresser particulièrement à toi, je compte rester avec toi pour avoir le plus de chance de le rencontrer.

Ad ne précisa pas qu'il était hors de question qu'elle fasse quoi que ce soit avec une Rocket, de plus fille d'une des trois grandes familles. De toute façon, Kinan, borné comme il l'était, ne l'écouterait pas. Elle se promit de leur fausser compagnie à la première occasion. Elle se tourna ensuite vers Geran.

- Pourquoi cet Odion s'intéresse à moi ?

L'étrange jeune homme s'assit.

- Il serait sage de commencer par le commencement. Avez-vous déjà entendu parler des Gardiens de l'Harmonie ?

Ad haussa les épaules, mais Kinan répondit :

- Dans les contes que me racontait ma mère quand j'étais petit. Tout le monde les connait, pourtant...

- Ma mère n'était pas vraiment du genre à me lire des histoires, rétorqua Ad. Alors, qui sont-ils ?

Ce fut Kelifa qui répondit.

- Des espèces de justiciers du moyen-âge, dont la mission était de préserver la paix, secourir la veuve et l'orphelin, ce genre de chose typique d'histoires de preux chevaliers. Rien n'atteste vraiment qu'ils aient un jour existé.

- Oh, ils existaient, répondit Geran. Bien qu'ils aient totalement disparu depuis cinq cent ans. Je suis heureux de constater que leur nom n'est pas tombé dans l'oubli même aujourd'hui. Pour être précis, c'était une caste d'humains, choisis et triés sur le volet en raison de leur force, physique et morale, et de leur empathie pour toutes sortes d'êtres vivants. Au terme d'un rude entraînement, Archangeos, le Pokemon qui a fondé les Gardiens de l'Harmonie, leur offrait ce qu'on appelle le Don. Ce pouvoir spécial permettait aux Gardiens d'inspirer la confiance partout où ils allaient, de se faire aider de n'importe quel Pokemon, et celui de résister aux forces maléfiques qui vénéraient le chaos. Car tels étaient les grands ennemis des Gardiens de l'Harmonie : les Agents du Chaos. Alors que les Gardiens vénéraient la vie et la paix, les Agents du Chaos ne juraient par la mort, la souffrance et le désordre. Ils servaient un autre Pokemon légendaire, l'ennemi de toujours d'Archangeos : Diavil. Ces deux ordres se livrèrent des duels sans merci au fil des âges, qui aujourd'hui résonnent comme des légendes.

Ad fit un effort pour rester concentrer.

- C'est très instructif, comme récit, avoua-t-elle. Mais je ne vois pas vraiment le rapport avec cet Odion.

- Pourtant, rapport il y a, Adélie Dialine. Odion est un Agent du Chaos, et l'un des plus dangereux.

Ad grimaça, plus par l'entente de son vrai nom de la bouche de cet inconnu que par sa révélation. Elle fusilla Kinan du regard, furieux qu'il est révélé son nom à cet étranger. Celui-ci eut la bonne idée de rester concentré sur le récit de Geran.

- Un Agent du Chaos ? Mais ils n'ont pas disparu ? Comme les Gardiens ?

- Je l'ignore, avoua Geran. Mais s'il en existe toujours aujourd'hui, Odion n'est pas l'un d'eux. À vrai dire... il vient du passé.

Kinan en resta sans voix. Kelifa haussa les sourcils. Quant à Ad, elle renifla méprisamment.

- Si c'est pour écouter des délires pareils que je reste ici...

- Je comprends que ça puisse être difficile à admettre, mais...

- Difficile ? Mais non, au contraire, c'est parfaitement limpide, ironisa Ad. Mon oncle a été tué par un démon du passé qui sert une caste de psychopathes adeptes du noir et de la mort. Et moi, je suis sans doute un Gardien de l'Harmonie pour avoir survécu à son attaque, hein ?

Geran lui fit un sourire, apparemment ravi qu'elle ait tout comprit, sans avoir perçu l'ironie de sa phrase.

- À vrai dire, seuls ceux qui ont reçu le Don d'Archangeos peuvent prétendre au titre de Gardien de l'Harmonie. Mais vous, demoiselle, vous avez le Don, c'est indéniable. J'ignore pourquoi et comment, mais je le sens d'ici. J'en ai rarement senti d'aussi fort.

- C'est ça, c'est ça, fit Ad, ne souhaitant pas encourager ce type dans son délire. Et vous alors, vous êtes qui dans l'histoire ?

- Je suis un Gardien de l'Harmonie. Le dernier survivant. J'ai suivi Odion dans le futur pour l'empêcher de mener à bien ses plans.

- Bien évidement, suis-je bête ! Bon, j'ai assez entendu de conneries pour aujourd'hui !

Elle se leva pour sortir de la grotte, quand tout son corps fut saisi d'une chaleur intense. Elle constata avec effroi que de la lumière sortait de tous les pores de sa peau. Elle se retourna pour voir qu'il en était de même pour Geran. Le jeune homme avait aussi un air d'intense concentration sur son visage.

- Qu'est-ce que c'est ?! Qu'est-ce que vous faites ? s'exclama Ad.

Geran se décrispa, et aussitôt, les lumières de son corps et de celui d'Ad s'éteignirent.

- C'est comme ça que les Gardiens de l'Harmonie se présentent à un autre, expliqua-t-il. Nous faisons ressortir notre Don pour forcer celui des autres à se montrer. Et vous avez le Don, Adélie. Il n'y a que grâce à lui que vous avez pu survivre à la Déferlante de Mort d'Odion. C'est aussi certain que la Terre est ronde. Bien qu'à mon époque, on ne le sait que depuis peu...

- Admettons, concéda Ad en se rasseyant. J'ai votre fameux Don. Et vous aussi apparemment. Mais ça ne prouve en rien que vous et le type en noir viennent du passé !

- Non, c'est vrai, admit Geran. Mais si ce que je vous ai dit sur le Don est vrai, pourquoi vous mentirai-je à ce sujet ? Odion est autant mon ennemi que le vôtre. Il a tué votre oncle, mais à mon époque, il est responsable du meurtre de tous mes frères et mes sœurs Gardiens de l'Harmonie, ainsi que de millions d'autres gens.

- Ad, intervint Kinan. Moi je crois ce que ce type dit. Un gars qui lance des rayons noirs mortels, ce n'est pas naturel. Après ça, un voyage dans le temps parait presque plausible.

- Ce n'est pas la première fois que la Team Rocket est confronté au paranormal, ajouta Kelifa. Plus rien ne m'étonne, en ce monde.

Ad abdiqua.

- Très bien. Racontez-nous donc votre histoire.

Geran hocha la tête.

- Je me nomme Geran Glasbael, né en l'an 1494. Quand j'avais quatorze ans, et comme mon frère avant moi, j'ai participé au concours pour la sélection des Gardiens de l'Harmonie. Il s'agit du rassemblement des jeunes gens les plus prometteurs du pays en un immense tournoi, et de choisir le meilleur. Je l'ai gagné, et j'ai été formé pendant deux ans pour devenir un Gardien de l'Harmonie. Enfin, j'ai rencontré Archangeos, qui m'a remis le Don, et a fait de moi un véritable Gardien de l'Harmonie. Cela a rendu jaloux mon frère, qui avait avant moi gagné lui aussi le concours pour la sélection, mais qui, au terme de son entrainement avec les Gardiens de l'Harmonie, n'a pas été fait Gardien par Archangeos. Il avait trop de colère et trop de fierté en lui pour servir la justice et l'intérêt commun. Il a été renvoyé, et dès lors, il commença à vouer une haine sans pareille pour les Gardiens et Archangeos. Puis sa route croisa celle des Agents du Chaos, qui corrompirent son cœur plus qu'il ne l'était déjà.

Ad ne mit pas longtemps à comprendre.

- Odion est votre frère ?

Geran acquiesça, une grande tristesse voilant ses yeux aux reflets orangés.

- Il devint le pire ennemi des Gardiens de l'Harmonie. Il tuait, tuait, tuait, sans s'arrêter, grâce à ce pouvoir de mort que Diavil, le créateur des Agents du Chaos, lui remit. Finalement, il décima tellement de monde qu'il fut choisi par Proscuro.

- Proscuro ? répéta Kinan.

- Le Pokemon qu'il chevauche. Il représente la mort. À ce qu'on sait de lui, il est unique, et il s'agirait de l'évolution du Pokemon Absol, bien qu'on ignore comment un Absol ait pu évoluer. De tout âge, Proscuro est toujours au service des plus grands meurtriers de l'histoire. Odion fut celui de mon époque, et il attira Proscuro jusqu'à lui. Depuis, même les Agents du Chaos n'ont plus aucun contrôle sur lui. Il a été choisi par la mort en personne, et il a fini par croire l'idée folle que la mort est sa mère et l'a créé pour qu'il purifie entièrement ce monde en supprimant la vie une fois pour toute. Il est convaincu qu'il a conçu l'Univers lui-même et qu'il lui revient de droit. Il prit alors le titre de Prince des Ténèbres, et entend bien faire de la planète une terre stérile qu'il remodèlera ensuite selon ses désirs.

- Un fou, dit simplement Kelifa.

- Fou, oui, mais idiot, non. Il est très intelligent et très retord. La preuve en est que les Gardiens de l'Harmonie n'ont pas pu l'arrêter, et qu'il nous a décimés. Je suis le dernier, et celui que mon frère a le plus hâte de remettre à sa « mère ».

- Pourquoi vous n'avez pas pu le tuer, alors qu'il était seul et que vous étiez plusieurs ? voulut savoir Kinan.

- Parce que Odion ne peut pas mourir. Il est si lié à la mort qu'elle n'a aucune emprise sur lui. Épée, flèches, attaques de Pokemon.... rien ne peut en venir à bout. Et il est aussi exclu qu'il puisse un jour mourir de vieillesse. Seul Archangeos connait la façon de l'éliminer à tous jamais. Et c'est pour ça qu'Odion est venu dans cette époque. La vie étant presque éteinte d'où on venait, et les Gardiens pratiquement tous disparus, Archangeos n'avait plus assez de pouvoir pour se défendre contre Odion. Alors, il se scella de lui-même, d'un sommeil de cinq cent ans. Là, aucune force de la nature, pas même Odion, n'aurait pu le blesser. Archangeos espérait se réveiller à une époque où la vie serait plus forte, et donc où ses pouvoirs seraient rétablis, assez pour combattre Odion à égalité. Quand Odion a eu connaissance du plan, il déroba une Bénédiction du Temps au grand prêtre de Dialga. Il s'agit d'une prière qui ouvre les portes du temps. Sachant ce qu'il comptait faire, j'ai moi-même prit possession d'une bénédiction, en allant la demander à Dialga lui-même. J'ai donc suivi Odion jusqu'ici, dans le but de protéger Archangeos à son réveil.

- Et quand cet Archangeos doit-il se réveiller ? demanda Kelifa.

- Dans trois jours, très exactement. Cette date m'a été révélée par Maître Balterik. Il a apparemment fait des recherches sur les Gardiens de l'Harmonie. Il était tombé sur des écrits qui relataient notre voyage dans le temps, à moi et à Odion. Il savait donc quand j'arriverai, et où. Le Monastère du Temps, là d'où on est parti, et où les bénédictions fonctionnent. Il m'attendait là-bas, et m'a amené ici, en sécurité, où il me renseigna sur votre époque et vos coutumes.

- Le Monastère du Temps ? répéta Kinan. Jamais entendu parler. C'est à Naya ?

- Oui, mais il ne reste que des ruines aujourd'hui. Il se trouve dans un grand désert.

- Le désert de Sandalia, au Sud-ouest, fit Kelifa. En effet, il y a bien d'anciennes ruines touristiques, là-bas.

- Et on peut savoir ce que vous faites planqué dans cette grotte alors qu'Odion tue des innocents ? demanda férocement Ad. N'êtes-vous pas venue à cette époque pour essayer de l'arrêter ?

La jeune fille était consciente de frôler l'irrespect face à un homme qui était le représentant d'un ordre antique et légendaire, mais elle s'en fichait. Elle avait fini par croire ce que Geran racontait. Même si c'était assez farfelu, elle ne voyait pas bien quel intérêt il aurait à leur mentir. Mais savoir tout ça la rendait à peine indifférente. Geran ne semblait pas trop vexé de la remarque impertinente d'Ad.

- Dès qu'Odion tue, je le sens en moi. Tout mon corps brûle de l'envie de sortir et de le combattre, mais Maître Balterik m'a convaincu de rester ici en attendant le jour du réveil d'Archangeos.

- Vous suivez les conseils d'un lâche.

Ce ne fut pas Geran qui prit la défense du Maître, comme elle s'y attendait, mais Kinan.

- Le Maître n'est pas un lâche, Ad. Il est venu à New Naya pour m'aider et te protéger, il a risqué sa vie en faisant face à Odion pour te sauver, et il est parti seul pour espionner ce qui doit être l'homme le plus dangereux du monde à l'heure qu'il est. Ne laisse pas la souffrance te rendre injuste.

Ad dut reconnaître que son ami disait vrai. Elle avait été injuste. Elle cherchait sans doute quelqu'un à châtier pour la mort d'oncle Elias, mais la seule à châtier, c'était elle.

- Désolée, admit-elle de mauvaise grâce.

- Ce n'est pas grave.

- Bon, et le jour où votre Archangeos se réveillera ?

- J'irai là où il s'est scellé, reprit Geran. Il a révélé l'endroit à ses seuls Gardiens de l'Harmonie. Dans ce monde, je suis le seul à le savoir. C'est pour cela qu'il est sage que je m'y rende au dernier moment, pour ne pas avoir Odion sur les talons. Et quand Archangeos se réveillera, je lui obéirai en tout.

Geran se redressa et les regarda à tour de rôle.

- Vous trois, si vous voulez aussi combattre Odion, vous devriez faire comme moi. Quand Archangeos se réveillera, il pourrait faire de vous des Gardiens de l'Harmonie s'il vous en trouve digne. Et tenir tête à Odion est, à l'heure actuelle, la chose la plus digne qu'il puisse être.

Kinan et la Rocket furent surpris, mais Ad se leva.

- Pas pour moi. Je me fiche de devenir Gardien ou quoi que ce soit, et je n'attendrai sûrement pas ici le temps que votre chef se réveille. Je pars.

- C'est folie, gente demoiselle, protesta Geran. Odion sentira votre Don à mille lieues à la ronde.

- Tant mieux, comme ça, je n'aurai pas à le chercher.

- Cherchez-vous à mourir sans avoir rien accomplit ? Car c'est ce qui se passera ! Odion sait maintenant que je ne suis pas le seul à posséder le Don à cette époque. Nous, plus que quiconque, nous lui faisons horreur. Notre mort est dans ses priorités.

- Et la sienne est dans les miennes. Mais je vais vous rendre service, Geran Glasbael. En sortant, j'attirerai Odion jusqu'à moi, comme ça, vous, vous serez libre d'aller rejoindre votre Archangeos sans qu'il ne vous pourchasse immédiatement.

- À ceci près que si vous sortez, il vous tuera bien avant que je ne parte, rétorqua le Gardien de l'Harmonie. Je vous en prie. J'ignore comment vous avez pu acquérir le Don, mais si vous l'avez, ce n'est pas sans conséquence. C'est un signe. Un signe que vous avez un destin hors du commun. Ne le gâchez pas ainsi...

- J'ai toujours refusé que quelqu'un dirige ma vie à ma place. Ça ne commencera pas aujourd'hui. Il faut que je retourne à Villimote. Je dois... dire à Madison pour la mort de son père. Je ne l'aime pas, mais c'est le moins que je puisse faire. Quant à toi, ajouta-t-elle en se tournant vers Kinan, je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais tous tes Pokemon se trouvent au Centre de Villimote.

- Je viens avec toi.

- Très bien, mais dès que tu les auras récupéré, je veux que tu partes loin de moi. Et si tu refuses, je t'assomme moi-même avant de te laisser et partir très loin. J'ai apparemment un psychopathe qui me court après, et tous ceux qui seront avec moi seront en danger de mort. Mon oncle est mort à cause de ça...

- Vous vous inquiétez de la vie des autres, dit Geran, mais pas de la vôtre. Un tel désintéressement est admirable, mais...

- Pas de mais, coupa Ad. Vous avez votre quête, et j'ai la mienne. On a le même ennemi, mais on est loin d'être des amis. On a peut-être le même pouvoir, mais je n'ai jamais demandé à l'avoir !

- Qu'importe cela. Vous avez le Don, et il y a une raison à cela. Partez maintenant si vous voulez, mais si vous survivez, nos chemins se recroiseront forcément. Les possesseurs du Don s'appellent entre eux, et pour autant que je sache, nous sommes les deux qui restent en ce monde.

- C'est ça. J'ai été heureuse de vous connaître. Merci de m'avoir guérie, et à la revoyure, donc.

Et accompagné de Lopchu, elle quitta la grotte, soulagée d'échapper à cet homme qui avait une telle emprise sur son esprit par ses paroles. Il lui avait été difficile de le contredire ou de ne pas faire ce qu'il disait. Peut-être parce qu'il avait le Don. Mais si c'était aussi le cas pour elle, elle ne voyait pas bien en quoi il s'était manifesté auparavant. Quoi que, à bien y réfléchir... C'était vrai que sans être particulièrement éloquente ni d'un charisme incroyable, elle rangeait souvent les gens de son côté, où attirait à elle ceux qui voulaient qu'elle soit des leurs.

Toute l'aide que lui avait apporté son oncle sans qu'elle n'ait rien eu à lui demander. Le fait que les Denteks aient immédiatement accepté de commercialiser son involuteur, en dépit des risques monétaires. Clic, qui est devenu son Pokemon de son plein gré alors qu'il était sauvage depuis des années. Et Kinan, qui est devenu son meilleur ami, à elle, une fille guère intéressante, alors qu'il en avait plein d'autres auparavant, et beaucoup plus joyeux. Coïncidences, ou preuve de la présence du Don en elle ? Après tout, peu importe. Même avec le Don, elle doutait d'arriver à convaincre le Prince des Ténèbres de se tuer pour elle. Ni d'alléger la souffrance de sa cousine quand elle apprendrait la mort de son père, ni d'empêcher qu'elle ne la haïsse encore plus qu'elle ne le faisait déjà.






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Image de Proscuro :

( Je précise que j'ai crée Proscuro avant la sortie de la 6G, et donc avant qu'Absol ait une méga-évolution^^)