Château de sable (Version 1)
- Tu te souviens de notre première rencontre ? Tu étais un Salameche à l'époque. On faisait aussi un château, comme aujourd'hui.
Il faisait nuit. Seul restaient l'adolescent et le pokemon feu sur la plage déserte. Le garçon manipulait et entassait le sable tandis que les griffes de son compagnon sculptaient habilement le tas. Il se souvenait, en effet, du premier petit monticule qui avait permis leur rencontre. Une construction sommaire qui, pour lui, avait représenté un nouveau départ.
La lune dominait l'ensemble de la terre lorsque l'ouvrage fut terminé. Le duo sentait une puissance émaner de leur labeur. De ce château qui paraissait si fort, et qu'ils savaient pourtant si fragile à l'élément aqueux. L'humain rappela son Reptincel et, au son d'une larme, l'envoya aussitôt à l'extérieur dans un halo blanc. Le pokemon fut surpris de cette sensation qu'il n'avait jamais connu auparavant. Comme le tranchant d'une lame.
- Je ne peux plus te garder, Reptincel. C'était la dernière fois que tu sortais de cette PokeBall. Désolé.
A cette parole, le dresseur que le pokemon lézard avait toujours connu pivota, sans prêter un dernier regard à celui qui l'avait toujours accompagné. Pas à pas d'abord, et foulée par foulée ensuite, il s'éloignait. Le Reptincel ne savait que penser. Était-il sérieux dans ses paroles ? Peut être se retournerait-il pour venir le récupérer ? Dans l'espoir d'une réponse positive à cette question, il s'assit à côte du château.
Le temps s'écoulait. La lune baissait à l'horizon. Les étoiles s'éteignaient une à une. Le soleil pointait le bout de ses rayons. Les Krabbys écumaient à l'aurore. La mer menaçait de plus en plus la création et son créateur. Mais il ne revenait pas. Il ne reviendrait jamais. Maintenant, il en était certain. Il resterait seul. Une petite perle salée se formant au coin de son œil, il s'allongea sur son flanc et ferma les yeux. Pour la dernière fois, pensait-il. Car déjà, il entendait le sable s'effondrer sur lui-même et sentait l'eau venir lui chatouiller le bout de sa flamme.
La chaleur l'envahissait petit à petit. Lentement, doucement, mais surement. Il inspira profondément et, inconsciemment, planta ses griffes dans une matière tendre… qui se déroba sous la pression. Le postérieur dans le sable, il se réveilla en sursaut, croisant un regard. Il s'imagina immédiatement que son dresseur était revenu mais revint vite à la réalité. Devant lui se tenait en effet un humain, mais bien plus âgé que tout ce qu'il a vu auparavant. Et derrière lui, un petit enfant le regardait, vide et curieuse à la fois. La même curiosité qui hantait ses propres yeux. Comment cela se faisait-il que cette fillette ai un regard à la sonorité creuse ? Il tenta de se redresser sur ses pattes afin de l'approcher, mais celles-ci se dérobèrent sous lui.
- A part sa fatigue et son exposition à l'eau, il n'est pas malade. Vous m'avez bien dit qu'il était sauvage ?
- Oui, en effet.
- Il ne m'a pourtant pas l'air d'être dérangé par les machines et manipulations. Je pense qu'il a été relâché très récemment.
Allonge sur une civière, il n'écoutait que peu la conversation entre l'infirmière et le vieil homme. Son attention se concentrait sur l'un des coins de la pièce ou la fillette avait trouve refuge. Elle n'avait toujours pas sorti un son de sa bouche. Ses yeux fixés sur lui, elle balançait son buste d'avant en arrière de manière inlassable. Toujours cette sonorité creuse au fond de son regard.
Loge hors d'une PokeBall, il avait trouve refuge auprès de ses sauveurs. Il mit un certain temps à se remettre de cette nuit, aussi bien physiquement que mentalement. Mais la plaie se pansait. Peut être était-ce dû aux soins que lui prodiguait le grand père ? Ou peut être à cette présence, ce regard qui occupait son esprit ? Le regard dont il occupait l'esprit ? La petite avait eu un peu de mal à se faire à sa présence. Mais il savait, elle savait. Tout deux savaient qu'une relation unique s'était tissée, qu'un jardin secret les abritait de tous regards.
Jusque là, il n'eut pas le courage d'accompagner le duo dans leur ballade matinale, au bord de la mer. Et ce jour arriva finalement. Il pensait désormais que ses plaies ne représentaient plus une barrière infranchissable. D'un regard, il le fit comprendre à son alter ego. Elle lui répondit d'un regard souriant qui aurait pu paraitre sans résonnance à celui ou celle qui ne savait pas la déchiffrer. Mais lui lisait en elle désormais.
Seul le clapotis des vagues rompait le silence. D'un geste sur la manche, l'enfant arrêta son grand père et s'accroupit sur le sable. Se balançant d'avant en arrière, elle dévisagea le pokemon. Il comprenait. C'était à cet endroit exact qu'il avait été abandonné. A cet endroit exact que sa nouvelle famille l'avait retrouvé et sauvé d'une mort certaine. De ses deux mains, la fillette prit un tas de sable, le plaqua au sol. Un autre suivit. Et un autre. Et encore un autre. Le Reptincel finit par comprendre et la rejoignit. De ses habiles griffes, il sculptait le sable, lui donnant la forme d'un château approximatif.
- Rep'.
Le lézard sursauta. C'était la première fois qu'il entendait le son de sa voix.
Désormais, il en était certain. Une nouvelle vie commençait. Pour lui et pour elle.