Songe d'une nuit d'été
La petite fille était au milieu de la clairière. Assise sur une souche d'arbre, elle jouait à la dînette avec un jeune garçon. Un feunard paressait dans l'herbe mais gardait un œil vigilant sur les deux enfants.
C'était étonnant de voir comme la petite fille me ressemblait ! Elle avait aussi les cheveux châtain clair et les yeux noirs comme l'encre d'un octillery. Était-ce moi petite ? je ne sais point et ne le saurais sans doute jamais. Mon attention fut retenue par le petit garçon, qui était-il ?
Les deux enfants semblaient ne pas me voir, je décidai donc de m'approcher, cela me permettrait au moins d'entendre la conversation.
- Voulez-vous du thé, mademoiselle Katia ? demande le garçonnet le plus sérieusement du monde. Surprise, je m'apprêtais à lui répondre mais la petite fut plus rapide :
- Non merci, monsieur Tenshi. Prenez plutôt de ces gâteaux, ils sont délicieux, dit-elle en lui tendant une assiette remplie d'herbes.
Le petit, d'un geste dédaigneux repoussa l'assiette et fit :
Me prenez vous pour un écremeuh ? Je ne manges pas d'herbes !
La fillette, vexée se tourna vers le feunard et dit :
- Et vous, Braise me feriez vous l'honneur de goûter à mes gâteaux ?
La petite avait dit Braise ? Et elle s'appelait Katia ? Cela nous faisait beaucoup trop de points communs pour une simple coïncidence... Mais si j'étais elle, qui était le petit garçon ?
Rachid, version petit ? Non c'était absurde. Et d'abord, où étions-nous ? Ce fut le petit qui me tira de mes pensées :
- Katia, ce jeu m'énerve ! Même Braise n'aime pas, et c'est pas parce que maman t'as dit que tu devais me surveiller que t'es obligé de me coller en permanence ! J'ai cinq ans quand même !
- Et moi, sept ! claironna la petite.
- C'est pas parce que t'es la plus grande qu'on doit toujours jouer à tes jeux ! rétorqua le garçon qui avait apparemment du caractère.
- Si, car mes jeux sont mieux que les tiens ! Si c'est comme ça, je t'abandonnes dans la forêt, na ! dis la petite en se levant.
- T'as pas le droit ! Sinon je vais me faire enlever par la déflaisanne étoilée et tu te feras gronder par papa et maman, pleurnicha le petit garçon qui était apparemment son petit frère.
Je ne pouvais donc être la petite car je n'avais pas de frère ! Soulagée par cette découverte, j'observais la dispute.
- De toute façon, elle existe pas et t'as pas le choix tu rentres à la maison avec moi, fit la petite fille en l'attrapant violemment par le bras.
- Non, hurla le petit frère en se tenant à la souche d'arbre pour résister à sa sœur qui le tirait vers les arbres.
- Tant pis, Môsieur N, vous resterez là, Braise viens, elle le lâcha et disparut entre les arbres. La feunarde hésita quelques secondes et s'enfonça dans la forêt à sa suite.
- J'ai cinq ans, je fais ce que je veux et la déflaisanne étoilée elle existe d'abord c'est papa qui l'a dit, donc c'est vrai, grommela le garçonnet tout en envoyant un caillou valser avec son pied.
Il défoula sa rage sur les cailloux de la clairière puis s'assit sur la souche d'arbre où était assise sa sœur quelques minutes auparavant.
Soudain je reconnus la clairière, elle se trouvait au cœur de la forêt d'Empoigne près du Seigneur de la forêt, cet arbre géant multicentenaire que l'on disait aussi vieux que Viridum lui-même. Pourquoi ce détail me préoccupait tant ? Encore une de ces questions sans réponses...
Ce fut encore le garçon aux cheveux vert qui interrompit le cours de mes pensées :
- Katia, reviens s'il te plaît, j'ai peur Katia, fit-il.
Voyant que personne ne venait, les larmes commencèrent à couler des ses grands yeux limpides et il ne tarda pas à être secoué de sanglots. La crise de larmes se calma aussi brusquement qu'elle avait commencé. J'en cherchais la raison et observai mon frère.
"Frère" un mot qui sonnait bizarrement pour moi parce que je n'en avais pas ou plus...
Le ledit-frère fixait intensément un buisson agité de soubresauts. Il fixait intensément le buisson, il était pétrifié. Je suivis son regard et je sursautais ! Je venais d'apercevoir une paire d'yeux jaunes, de grands yeux d'un jaune semblable à la couleur du sable de la route 4.
J'entendis un murmure. Surprise, je me retournais avant de m'apercevoir que c'était le petit Tenshi qui murmurait, je tendis l'oreille :
- Braise, je t'en supplie, reviens, j'ai peur, reviens Braise, s'il te plaît, je suis sûr que c'est la Kenhorou étoilée dont nous a parlé Monsieur Sébastien, tout en chuchotant cela, il reculait près de la souche d'arbre.
Une longue patte blanche griffue sortit du buisson et fut bientôt suivi d'une déflaisanne tout entière. Elle émit un petit cri et darda sur Tenshi son regard curieux et interrogateur. Les cheveux verts du petit garçon semblaient l'intriguer au plus haut point. Elle pencha sa belle tête gris claire sur le côté et émit à nouveau un petit cri pour montrer sa perplexité. L'observé, terrifié, se recroquevilla contre la souche d'arbre et se couvrit les yeux avec ses mains. Il espérait sans doute que la déflaisanne se lasserait et partirait si elle ne pouvait plus l'observer mais ce geste n'eut pour effet que d'aiguiser la curiosité de la déflaisanne.
Elle se rapprocha du petit garçon de quelques mètres. Le garçonnet tremblait, il se serrait contre l'écorce. La déflaisanne jeta un coup d'œil aux alentours, sans doute pour vérifier que personne n'approchait et elle franchit les derniers mètres qui la séparaient de Tenshi.
Elle émit un petit pépiement interrogatif devant la chevelure verte du petit humain, avant de le le saisir par le col avec son bec et de partir sans demander son reste. La scène n'avait duré que quelques secondes, je n'eus donc pas le temps de réagir.
- Tenshi où es-tu ? hurla une fillette.
Je me retournai brusquement et je vis la petite Katia qui hurlait à son frère de revenir.
Mais c'était trop tard...