Révélations. [Luminéros&Fantasia]
Il considéra un instant le dortoir Raikou. Tout ceci lui plaisait, mais, il fallait le comprendre, ce changement de vie brusque le déstabilisait, et pas qu'un peu ! Mais il savait que ce serait le seul endroit où il pourrait vivre avec ses changements en tant que gijinka. Quoique... peut-être existait-il d'autres camps de gens comme lui, dans toute la région. Il nota cette question dans sa tête avant de sortir du dortoir. Aujourd'hui, il allait explorer !
Sa chambre pour dormir donnait directement sur l'immense plaine accueillant ses multiples confrères. Arthur s'avança en prenant une bonne bouffée d'air. A partir de ce jour, il devrait s'y faire : ici, c'était chez lui, point barre. Il fit un pas... avant de tomber par terre.
Son nez percuta violemment le sol, où une trainée de sang se mit à éclairer l'herbe sèche. Mince ! Il avait oublié qu'il ne possédait pas encore les pouvoirs de Lamia. Ces défauts réapparaîtraient sûrement de nouveau, plus tard.
La froideur de sa Momartik lui avait engourdie les jambes, de sorte qu'Arthur ne pouvait plus marcher. Oh ! Elle n'allait pas s'en tirer comme ça !
Il vint lui parler mentalement :
« Lamia, tu aurais pu me prévenir que mon corps ne s'adapterait pas au tien ! »
« Je pensais que tu étais au courant. » ricana le Pokémon Glace.
« Ce n'est pas drôle, aide-moi au lieu de rire ! » s'énerva-t-il.
« Je le ferai bien, mais sois plus poli... s'il te plaît. » répliqua-t-elle en gardant un calme parfait.
« ... Désolé... »
« C'est mieux comme cela. » déclara Lamia.
« Tu peux m'aider, maintenant ? »
« Que si tu me laisses te posséder. »
« D'accord, fais-donc. » lâcha Arthur.
Les barrières mentales empêchant la Momartik de prendre contrôle de lui cédèrent, et l'esprit de la créature repoussa celui de son ancien dresseur pour s'emparer des commandes du corps. Le jeune homme vit ses membres bouger naturellement. Il se releva, se plaçant sur la pointe des pieds pour mieux scruter le camp qui se dressait devant eux.
« J'aimerais aller par la gauche. » indiqua la conscience d'Arthur.
« Et moi ? Si je veux aller de l'autre côté ? » dit Lamia.
« Eh ! C'est mon corps ! C'est moi qui décide ! »
Le Pokémon marqua une pause avant de gronder :
« Allons Arthur, je ne te le répèterai pas 100 fois : ce corps est également le mien. Et tu dois t'adapter à ce fait, et pour toujours. »
Cette fois-ci, ce fut à Arthur de marquer une pause. Ensuite, que devait-il dire ?
« ... Dans ce cas, autant aller à droite. » termina timidement le jeune homme.
Lamia acquiesça puis ils partirent du côté désigné. Ils durent passer par un bois, où se trouvait bon nombre d'insectes, mais aucun gijinka. Malgré le fait qu'Arthur n'était pas vraiment rassuré, l'esprit de la Momartik conduisait le corps avec sérénité, n'hésitant pas à faire peur à certains Pokémon curieux barrant son passage.
A la fin du sentier traversant la minuscule forêt, ils débouchèrent sur une nouvelle plaine, mais différente de celles explorées jusqu'à présent.
Plusieurs Pocket Monster et gijinkas s'affairaient à des tâches diverses et banales. Un mi-homme mi-Avaltout, à ses moustaches jaunes et à sa coupe de cheveux violets, faisait la cuisine tandis qu'un Granipiot avait perché sur sa tête un sceau et un balai, pour aller faire le ménage dans les dortoirs. Une femme corpulente, coiffée d'un chignon strict, et habillée essentiellement de rose et blanc, se dirigeait vers eux. Elle avait mauvaise mine, ses rides formant un visage sérieux et respectueux.
- Que fais-tu chez les Serveurs ? Tu viens travailler ? Si c'est ça, il y a des chaussures à cirer derrière moi, occupe-t-en donc.
Bien qu'elle fasse peur, Lamia ne se laissa pas démonter et lui répondit gentiment mais sûrement :
- Désolée de vous déranger, nous visitions seulement le Camp. Nous venons to...
- Des nouveaux ? Bah voyons ! Altéa est prête à tout pour sa vengeance...
- Que voulez-vous dire ? demanda la créature de glace.
- Tu comprendras bien plus tard, t'en fais pas. Par contre, si t'es pas là pour bosser, j'te conseille de vite déguerpir parce qu'ici, c'est pas pour les flemmards !
Lamia fixa droit dans les yeux la gijinka Ecremeuh qui fit de même. Le mot le plus approprié à la scène serait, pour Arthur, fatal. Pourquoi ? Parce qu'il sentait que la Momartik ne mettrait pas longtemps avant de sauter sur la rondouillarde. Préférant privilégier le pacifisme aux combats mortels, le jeune homme dissuada son Pokémon de sauter sur la dame en rose.
- Quel est ton nom ? demanda l'Ecremeuh.
- Je m'appelle Lamia, et mon humain se nomme Arthur. Et moi ? A qui ai-je l'honneur de parler ?
Elle marqua une pause puis dit :
- Maria, acheva-t-elle.
Le gijinka Normal se retourna aussitôt et se rangea auprès de ses compagnons, se remettant à sa tâche principale : finir de laver les quelques assiettes trônant dans une grande bassine rose. Lamia se remit en marche, reprenant le chemin conduisant aux dortoirs. Elle le traversa rapidement avant de reparaître devant celui de Raïkou. Les deux êtres, dans le même corps, remarquèrent qu'Ester avait l'air de les attendre.
Quand ils arrivèrent, la fille s'exclama :
- Eh bien ! Je vois que vous profitez de votre nouveau chez-vous. Tant mieux. Maintenant, comme il commence à se faire tard, mieux vaudrait que nous partions manger. Suivez donc.
Lamia obéit et partit donc avec Ester vers le réfectoire. Ils passèrent devant la tente d'Altéa, longèrent un grand bâtiment en brique et, finalement, ils pénétrèrent à l'intérieur. Là-dedans, il y avait énormément de monde : Arthur reconnut un gijinka Arcko, un gijinka Kaiminus, et un gijinka Tarsal mais il avait du mal à déterminer les autres.
Ester l'incita à s'asseoir à une petite table circulaire, pouvant contenir cinq personnes tout au plus.
De ce moment, une femme maigrichonne arriva avec un plateau de nourritures différentes, et convia aux deux gijinkas de prendre les plats.
Alors ceci fait, et pendant qu'ils mangeaient tranquillement, Lamia s'immisça dans sa conscience, laissant Arthur prendre le contrôle du corps. Il sentit, alors qu'il se restaurait, un coup de coude.
Il se retourna et vit un adolescent, aux cheveux rouges flamboyants et à la grise mine lui faire la grimace.
- Hé morveux, tu ne serais pas le p'tit nouveau du coin ?
- Je vois que les nouvelles circulent vite, répondit-il.
- Dans ce cas, donne-moi ton dessert.
- C'est quoi cette façon de voler la bouffe des gens ? Je croyais que tu n'en n'avais plus l'âge, Spencer, répliqua Ester, le poing serré.
- Tiens, tu t'es fais une petite amie, le nouveau ? Tu vas vite, dis-moi...
- Spencer ! Arrête de les embêter ! cria une voix féminine.
Arthur se retourna pour apercevoir une jeune femme aux cheveux blancs-argentés et au regard pénétrant. Il préféra terminer dès lors son repas.
Le dénommé Spencer les laissa et rejoignit Alicia qui eut l'air de lui faire la morale. Arthur, qui n'avait pas perdu son calme, eut un sourire. Il se sentait au collège, où les troisièmes faisaient leur loi. Lui qui s'était senti en territoire étranger malgré la similarité qu'il partageait avec les Fusionnés retrouvait ses repères. Mais... Spencer n'était pas le Dracaufeu du dortoir Arceus ? Et cette gijinka Absol ? Mais si, Ester lui avait parlé d'eux ! Mais il s'était fait une image de deux gijinka matures, sages et amicaux. Spencer était tout le contraire, Alicia sauvait néanmoins l'honneur des gijinka du dortoir Arceus... La Fusionnée Absol se dirigea vers la table d'Arthur, donnant un violent coup de coude à Spencer, révélant ses bras couverts de poils blancs :
-Franchement, tu me fais honte Spencer. Bonjour... Arthur, c'est ça ? Je m'appelle Alicia, du dortoir d'Arceus, mais tu dois déjà le savoir.
Déclara Alicia avec un clin d'œil. Arthur demeura bouche bée, cherchant les mots qu'il ne trouvait pas. Il n'arrivait plus à parler, sortir la moindre phrase lui semblait impossible. Ester haussa les sourcils et les lèvres de Spencer s'étirèrent en un sourire moqueur :
-Euh... Bah... Euh... Euh...
-Vraiment Alicia, on aurait pu être en train de manger son dessert... Et on est là, à l'écouter bégayer ! J'te comprendrai jamais.
S'exclama Spencer. Alicia, nullement gênée, lui donna un second coup de coude. Spencer grimaça de douleur, chose étrange. Arthur ne réagissait toujours pas et Lamia décida de prendre le contrôle. De sa voix glacée, elle répondit :
-Je suis Lamia, Momartik d'Arthur. Excuse-le Alicia, depuis tout-petit mon humain a un problème, et ces moments de bégaiements sont fréquents chez lui.
Ester se montra intelligente et ne laissa transparaître aucun étonnement sur son visage. Alicia hocha la tête, souriante, avant de lancer :
-Enchantée, Lamia. Dans ce cas, je reviendrai lui parler plus tard. Allez Spencer, on s'en va ! Tu es trop gros pour ces sucreries.
Se moqua-t-elle ironiquement. Spencer eut un sourire sarcastique et tous deux, main dans la main, s'éloignèrent. Lamia laissa le contrôle à Arthur qui s'était enfin ressaisi :
-Tu craques pour Alicia ou quoi ?
Demanda Ester avec malice. L'adolescent s'empourpra et secoua vivement la tête :
-Mais non, ce sont mes problèmes de bégaiement...
Riposta-t-il sans grande conviction. Lamia avait trouvé une excuse, autant s'en resservir. Mais Ester n'était pas dupe. Elle lui sourit de toutes ses dents et les deux Fusionnés se levèrent, laissant à un gijinka Capidextre leurs plateaux. Ils sortirent du bâtiment en brique. Le soleil s'était déjà couché, et les étoiles étincelaient à côté de la lune ronde et mystérieuse. Sur un banc, deux gijinka Crikzik s'entraînaient avec un Fusionné Mélokrik : Très doués, ils charmaient les oreilles de leurs frères d'armes. Arthur éprouva un sentiment de bien-être et se sentit apaisé. Le malaise qui l'avait accompagné toute l'après-midi s'était enfin dissipé. Il s'assit, sur l'herbe, adossé au mur du réfectoire. Ester s'assit près de lui, silencieuse. Lamia intervint dans le corps du garçon :
"Tu t'es enfin détendu. Mais n'oublie jamais, tu m'entends, jamais, que tu n'es pas seul. Nous partageons le même corps, et je serai toujours là pour toi. Je peux enfin te parler, et malgré les circonstances j'en suis très heureuse. Tu comptes beaucoup pour moi Arthur, et je te soutiendrai, les épreuves que tu traverses sont aussi celles que je surmonte. Nous sommes ensemble, liés plus que jamais. "
Conclut la Momartik d'un ton affectueux. Arthur se sentit plein de gratitude envers Lamia. Enfin, il ne se sentait pas seul. Lamia serait là pour l'aider à affronter les aléas de la vie. Il pourrait compter sur elle. Il ne s'en rendait compte que maintenant, après tous les tourments qu'il avait enduré durant cette journée. Ils étaient toujours le duo formidable, s'entraideraient toujours.
"Je... Merci Lamia. Savoir que tu seras toujours là pour m'aider, que je ne serait jamais seul... Ça me soulage infiniment. On sera toujours ensemble ! "
Le garçon sentit une vague d'amour l'envahir. Il sourit, et resta quelques minutes contempler les étoiles. Puis il se leva, suivi d'Ester. Il devait être neuf heures du soir.
Soudain, des rubans blancs brillèrent dans la nuit. La magnifique Altéa était là, postée devant les deux adolescents. Elle tendit son étrange main à Arthur :
-Arthur... Viens avec moi, j'ai des choses à te dire.
Surpris par l'apparition d'Altéa, Arthur hocha la tête et lui donna docilement sa main. Ester était ahurie mais se dirigea vers les dortoirs sans aucun commentaire. Arthur suivit la gijinka Suicune et ils se dirigèrent dans sa tente écarlate. Là, Altéa lui désigna une chaise de la main, et Arthur s'y assit. La meneuse des Fusionnés s'assit à son tour, et Arthur crut voir des larmes briller dans ses yeux splendides :
-Arthur... Tu n'es pas obligé de croire tout ce que je vais te dire. Mais je peux te faire le serment que je ne dirai que la vérité et rien que la vérité. Alors... Par où commencer ? Je vais te raconter mon histoire, Arthur.
Mon père est un scientifique, et dirigeait auparavant un mouvement qui travaillait pour la science. Beaucoup de gens travaillaient pour lui. Je venais souvent le voir à son travail, et il était toujours fier de me montrer ses toutes dernières découvertes. Un jour, il m'a montré ce qu'il considérait comme sa plus grande réussite : La machine G ! Mais il a refusé de m'en dire plus, prétextant que je ne comprendrais pas. J'étais tout de même fière de lui, et je suis partie virevolter dans les couloirs de son entreprise, guillerette. Tout le monde me connaissait. Mais soudain, un homme que je n'avais jamais vu a surgi. Il m'a bâillonnée et a fait tout un détour pour revenir à la pièce abritant la machine G. Mon père n'y était plus et avait oublié de la fermer, ayant sûrement l'esprit occupé par sa découverte. Mon kidnappeur, portant un costume violet et une cape blanche retenue par un nœud rouge, a sorti d'une de ses Poké Ball le Pokémon Légendaire Suicune. Puis il l'a fait rentrer dans sa Poké Ball, l'a fait roulée sous la machine G et m'a jetée dessous également. Il l'a activée... Et j'ai fusionné avec Suicune. Ça été si difficile... Et j'ai alors aperçu mon père, qui était horrifié. Je me suis rendue compte qu'il avait assisté à toute la scène. Sans faire le moindre geste pour me protéger, moi, son premier enfant. Je me suis enfuie, et j'ai trouvé des gens comme moi. Nous avons fondé ce camp, et mes amis sont ensuite partis pour repérer les autres gijinka et les amener ici. J'ai une nouvelle vie, une nouvelle famille, mais jamais je n'oublierai mon père, ce lâche... Jack Earta. Qui n'a rien fait pour protéger sa fille aînée et unique à l'époque, moi, Altéa Earta... "
Altéa se tut, la voix tremblante.
Arthur dut se tenir à sa chaise pour ne pas tomber.
Altéa. Altéa Earta. Fille de Jack Earta.
Earta.
Sa... Sa sœur ?! Une sœur dont il n'avait jamais entendu parler, une sœur dont il ignorait l'existence ?! Altéa, sa sœur ?!
Cela semblait si... Si irréel... C'était impossible.
Tout simplement impossible.
L'adolescent fixa la Fusionnée Suicune, cherchant toute trace d'espièglerie sur son beau visage. Mais non, Altéa était émue et bouleversée... Altéa , sa sœur... Disait-elle la vérité ?
"Arthur, c'est bouleversant mais... Elle dit la vérité. Je le sens, et le Suicune qui est en elle me parle. Elle est ta sœur Arthur, ta sœur... "
L'adolescent lâcha un sanglot étranglé. Il sortit brusquement de la tente, bouleversé. S'effondrant sur l'herbe, il se replia sur lui-même, pleurant toutes les larmes, toutes les larmes qu'un jour il avait pu retenir, tous ces chagrins qu'il avait étouffé et qui déferlaient dans tout son être à présent, plus puissants que jamais.
Ses parents qui lui avaient paru brisés à tant de moments, sans qu'il puisse comprendre pourquoi, sans qu'il ait le droit de savoir... Son père qui n'en avait pas été un. Sa mère dont il entendait les pleurs désespérés, parfois, la nuit. Le mal-être qui avait toujours été omniprésent dans sa famille, ce mal-être qui l'avait étouffé.
Il comprenait enfin toutes ces années de souffrance...
Le caractère de son père qui se confirmait.
Ces révélations bouleversantes.
Arthur... Ne serait plus jamais le même.
Marqué par cette souffrance qui était tabou chez lui, marqué par ces vérités trop dures à assimiler.
Ce ballet furieux et ardent de sentiments qui se déchiraient en lui. Haine contre indulgence, désespoir contre une faible lueur d'espoir, et ses émotions qui grondaient en lui...
"Arthur. Garde la tête froide, soit un homme. Garde ton père dans ton cœur, laisse-le occuper une place, si minuscule soit-elle. "
-Non. Non ! Je le déteste, je les déteste tous ! Je ne veux plus rien entendre, je ne veux pas ! Je ne veux pas de la vérité, je veux la paix ! JE NE PEUX PAS ! Je ne suis pas un homme, je ne suis qu'une feuille fragile qui s'est détachée d'un arbre et que le vent malmène ! Je ne veux pas de ce fardeau à porter, je le refuse ! JE NE VEUX PLUS DE CETTE VIE !