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Informations

» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 29/04/2012 à 23:59
» Dernière mise à jour le 29/04/2012 à 23:59

» Mots-clés :   Humour   One-shot

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Kogoeru Sekai (Concours amateur Simple)
Ce village ne payait pas de mine, et c'était bien tout ce qu'on pouvait en dire sans mentir ou exagérer. Sa construction rappelait celle d'un nœud, et nul doute que les gens avaient l'esprit taillé à l'identique. Ces esprits obtus, comme la plupart du temps, semblaient s'être réunis au même endroit afin de rester entre gens capables de se supporter afin de ne pas incommoder les autres, dans une sorte de réflexe inconscient de survie.

Dans cet enchevêtrement de maisons, il y avait une fillette qui n'avait pas de famille. Elle vivotait entre le Centre Pokémon où on la laissait manger, en tant qu'orpheline, et une petite maisonnette ressemblant plus à une grande cabane qu'autre chose. Cette petite enfant, prénommée Michelle, portait toujours des habits blancs. Certains villageois savaient d'où elle venait, ce qui occasionnait des regards blessants pour une si jeune enfant. Quelque chose de particulier avec cette enfant : Elle ne courrait jamais, elle ne se pressait jamais, elle parlait avec modération aux adultes et avait continuellement la tête un peu basse, ses longs cheveux raides, bruns et gras pendant autour de ses yeux, comme pour ne surtout pas importuner les cieux avec la candeur de son visage sali par le dénuement.

Elle approchait souvent d'une grotte non loin du village. Les gens ne l'en empêchaient pas, bien qu'ils pensaient tous cette grotte dangereuse. La rumeur expliquait que cette antre servait de refuge à un monstre. Disons que si cette petite fille sans parents ni attache disparaissait dans cette grotte, cela n'avait pas d'importance. Disons même que cela arrangerait bien certaines personnes.

Le danger était virtuel et de l'ordre de la légende urbaine, mais les superstitions avaient la vie dure, et ainsi chaque nuit, toutes les portes du village étaient closes, et chacun des habitants se calfeutrait dans sa maison. Michelle faisait généralement de même, mais un jour elle prit une sorte de résolution ferme, une résolution d'enfant. Celle d'aller jusqu'au fond de la grotte, afin de voir ce qui s'y trouvait. C'était un simple challenge, une simple façon de tuer le temps. Elle avait exploré maintes fois cette grotte, chaque fois elle s'arrêtait à un certain point, pas certaine de ce qu'elle pourrait réveiller. Elle avait fait des Pokémon qui l'habitaient ses seuls amis, les nourrissant ou leur accordant des caresses amicales qu'ils n'avaient pas souvent. La grotte était très étrange, inhabituelle. Elle avait un début, une forme de spirale, et au bout de ce chemin en colimaçon, une sortie. Quand Michelle atteignait cette sortie, elle débouchait sur une gigantesque réserve naturelle, une petite forêt dans ce volcan éteint – c'est ce qu'on lui avait raconté du moins – qu'elle avait pris beaucoup de plaisir à visiter la première fois qu'elle y était allée.

Cependant.

Cependant il y avait un petit lac duquel elle n'osait s'approcher. Un courant d'air frais, d'une froideur extrême, quelque chose qui l'empêchait intimement de marcher vers cette petite étendue d'eau pourtant anodine. Elle sentait qu'elle approchait le nombril de quelque chose de trop lourd pour elle, qu'elle n'en sortirait, pour ainsi dire, pas vraiment morte, mais pas vraiment vivante non plus. Toutefois, au fur et à mesure de ses escapades, elle avait gagné une certaine assurance qui lui disait peu à peu que s'aventurer près d'une mare, après tout, ne ferait pas s'effondrer les fondations du monde. Cette sensation qui lui disait de ne pas s'approcher, elle la mettait sur le compte d'une peur éventuelle de se noyer. Et peut-être aussi du fait que les Pokémon sauvages eux-mêmes ne s'en approchaient pas.

Michelle décida donc que cette fois elle irait jusqu'au bout. Elle s'introduit dans la grotte en début d'après-midi, résolue à aller au bout. Elle franchit le chemin sinueux à l'intérieur de la grotte, elle arriva dans la grande cavité du cratère, elle passa entre les arbres et les dunes, et peu à peu elle arriva au lac. Le peu de Pokémon qui la suivait s'arrêta net au moment où elle franchit une certaine ligne. Elle ne leur en tint pas rigueur et le leur fit savoir en un sourire. C'est donc avec la joie des jours sans haine qu'elle approcha du lac. L'air devint tout à coup glacé, et Michelle regretta de ne pas avoir ses habits d'hiver. Le lac laissa échapper une étrange émanation blanche duveteuse. Michelle eut à peine le temps de voir l'émanation se répandre que le cratère entier était recouvert de neige. C'était un océan de néant, une mer de neige. Il n'y avait plus rien d'autre qu'un enfer blanc. Même les Pokémon qui étaient avec elle jusqu'alors avaient tout bonnement disparu.

D'abord paniquée par cette évidente démonstration de sorcellerie, Michelle découvrit une cavité rocheuse par laquelle elle n'était jamais passée, qu'elle n'avait même jamais vu ou remarqué. Elle traversa le désert floconneux qui semblait immense, ses ballerines usées s'enfonçaient peu à peu dans la neige à mesure qu'elle avançait vers la grotte mystérieuse.

Au dehors, la grotte dégageait une étrange température, presque ambiante. Michelle entra rassérénée dans l'alcôve qui était largement plus vivable que le reste du cratère. Mille questions naissaient dans sa tête, mais aucune ne trouverait de réponse.

Dans la grotte où elle venait de pénétrer, une étrange créature géante lui tournait le dos. Michelle observa, médusée, l'étrange chose, un Pokémon difforme, sans la moindre harmonie, un débris de cauchemar au milieu d'un paysage surréaliste constitué de pierre et de glace. La créature tourna la tête pour observer l'intruse, puis se retourna dans son entièreté pour mieux observer ce qui venait d'entrer. Michelle n'avait jamais rien vu de tel. Un monstre vouté, semblable à un oiseau déplumé, gigantesque et effrayant mais semblant également d'une faiblesse poignante. La naïveté d'enfant de Michelle lui permit d'avancer sans crainte vers cette chose inconnue, gigantesque et probablement dangereuse. Mais le dragon n'attaqua point la fillette. Elle caressa son museau oblique et irrégulier. La créature fixa l'enfant avec ses yeux lumineux et fins pendant un long moment alors que la fillette examinait la créature comme si elle était une grande et majestueuse statue. Mais c'était bien un être vivant à la respiration sifflante mais audible dans la résonnance de cette grotte.

Après un long moment, Michelle s'éloigna, salua la créature et repartit. Le dragon des glaces observa cette étrange petite chose sans vraiment comprendre ce qui s'était passé, pourtant quelque chose s'était bel et bien passé. Un être humain était entré en contact avec une chose exilée, séparée de l'humanité. Un lien famélique, quasi invisible, s'était créé entre deux univers.

De retour au village, Michelle avait une impression étrange. L'impression qu'il y faisait plus froid encore que dans la grotte avec le dragon géant. Les gens du village étaient toujours aussi glaçants avec elle, toujours aussi méprisants, comme si le poids d'un passé inconnu pesait encore dans leur regard sur elle.

Michelle retourna voir son étrange nouvel ami géant avec de la nourriture, cette fois. Il l'accepta avec ce qui sembla être une certaine joie. Michelle était heureuse d'apprendre à connaître cette créature inconnue, au départ si fermée mais peu à peu ouverte au monde. L'enfant avait même pris pour habitude de faire boire à la créature l'eau salée du lac qui cernait la grotte à l'exception de l'entrée avec l'aide d'un plateau légèrement incurvé. Le seigneur des lieux se pliait à cet exercice sans broncher, et la petite souriait là où n'importe qui aurait frissonné face à un tel animal.

Chaque fois, la petite Michelle partait de bon matin pour revenir le soir. Et avec les autres habitants, elle s'enfermait chez elle, dans son petit débarras. Ce rythme immuable allait être brisé par un incident d'une importance gravissime.

Michelle, celle qui ne se pressait jamais, avait un jour passé un peu trop de temps avec le monstre du fond du cratère, et lorsque le crépuscule montra ses premières pénombres, elle s'inquiéta de ne pouvoir revenir à temps. Elle se mit alors à courir, mais ses jambes maladroites qui n'avaient jamais pris l'habitude de ne serait-ce que trotter, la firent glisser sur une flaque de verglas qu'habituellement elle évitait sans peine avec son pas lent et prudent. Cette fois, elle ne put éviter la glissade, et manque de chance, elle tomba dans le lac glacé faisant le tour de la grotte.

Immédiatement, le dragon des glaces plus connu sous le nom de Kyurem s'ébranla. Il se précipita au secours de la fillette, plongea sa tête dans l'eau pour la recueillir en la prenant par le col avec sa bouche. Il la reposa ensuite sur la terre ferme. La voyant inerte, il tenta de lui presser le ventre avec le bout de son museau, ce qui fit recracher un peu d'eau à l'enfant qui retrouva le souffle, mais pas la conscience. Afin de la réchauffer, Kyurem couvrit son corps d'une couche de neige épaisse mais poreuse qui la tint au chaud à la manière d'un igloo. L'imparfaite et incomplète créature sortit ensuite de la grotte qui perdit sa température semi-ambiante pour redevenir chaude et accueillante. De la vapeur s'échappa du lac, et même la couverture de neige de Michelle commençait à fondre doucement.

Il passa une nuit, un jour, et une autre nuit avant que Michelle se réveille enfin. Kyurem était en dehors de la grotte, et lorsqu'il la vit s'asseoir, hébétée mais vivante, il rentra en l'évitant soigneusement pour ne pas l'écraser. La grotte retrouva vite sa température initiale. Michelle se leva et racla sa gorge, assoiffée. Kyurem arriva vers elle et leva sa tête au-dessus de la sienne. Lorsque Michelle leva la tête, le Pokémon distilla sa propre glace pour la faire boire à l'enfant sous forme liquide. Michelle but ce qu'elle put, songeant qu'il avait pris soin d'elle pendant tout ce temps. Lorsque Kyurem recula pour observer plus encore l'enfant, celle-ci sembla tiraillée entre sa compagnie et le monde extérieur. Kyurem, semblant comprendre sa peine, se retira dans le fond de sa grotte, laissant l'enfant libre de son choix. Michelle partit, ne serait-ce que pour rassurer les habitants d'Entrelasque.

Lorsqu'elle revint, c'était le chaos absolu. Certains priaient pour que le monstre de la nuit ne les mange pas. D'autres étaient outragés de voir l'enfant déambuler naturellement dans les rues. D'autres encore étaient en pleine crise de nerfs, incapable de retrouver la raison, pris par la folie et la peur. Lorsque la fillette daigna demander ce qui se passait à quelqu'un, c'est une autre personne qui lui répondit. Une femme d'âge mûr sale, méchante, qui avait l'air bête et qui parlait comme un animal. On l'appelait Clarence. Elle railla la gamine pour son irresponsabilité, elle lui signala que pendant deux nuits et un jour, la ville avait été recouverte par un brouillard opaque et glacé, et qu'ils avaient beau chercher, la seule qui était absente du village, c'était elle. Elle l'accusa d'avoir apporté le malheur sur la ville et d'avoir condamné tous ses habitants à une mort prochaine, lente et inéluctable. Elle appela à ce que la ville entière punisse l'enfant pour sa désinvolture et son manque d'intérêt envers son prochain.

Et c'est ainsi qu'un déchainement inouï et inexplicable de violence s'abattit sur la petite Michelle. Comme pour faire la catharsis de leurs peurs respectives, les habitants, un par un, giflaient ou griffaient la petite fille, lui crachaient dessus pour expurger leur peur et leur superstition. Michelle eut beau crier, pleurer, geindre, se cacher, elle fut retrouvée et chaque fois, traînée hors de sa cachette sur le bitume, plus battue et plus violentée qu'avant. Les enfants de la ville lui jetaient des pierres, les femmes l'insultaient et la pinçaient, certains vieillards en profitaient même un peu trop pour expier des vices qui ne pouvaient être mis sur le compte d'aucune frayeur.

Vers la fin de la journée, Michelle avait été laissée à l'abandon, dehors, à terre, couverte de bleus, d'ecchymoses et de griffures, plus sale et plus débraillée que jamais. Sa robe blanche était à présent une guenille, un vulgaire bout de tissu qui la couvrait à peine.

Elle se releva.

D'un coup, tout devint simple.

Michelle marcha vers la grotte.

De son pas lent et simple, dodelinant, grinçant des dents sous les douleurs qui lui avaient été infligées, Michelle parcourut la grotte, sortit sur le cratère, ressentit cet air vivifiant et pur.

Une question lui vint : Pourquoi être partie ? Elle n'en savait rien elle-même, par soumission envers l'autorité.

Mais quelle autorité recevoir de gens qui vous rejetaient ?

Elle arriva dans l'antre de Kyurem, épuisée, endolorie, maltraitée. Kyurem l'observa un court moment. Michelle tendit la main vers lui, dans l'espoir qu'il l'aide. Mais Kyurem savait déjà ce qu'il allait faire. Fou de rage, il sortit de la grotte et alla se placer dans le centre du cratère de la grotte Cyclopéenne. Le monstre de glace émit un cri sourd. La neige devint encore plus blanche. La pierre devint de plus en plus sombre, presque noire. Le contraste entre le noir et le blanc se fit de moins en moins strict quand les frontières de la pierre fusionnèrent avec les frontières de la neige pour ne former plus qu'une lave informe nourrissant une colère insondable, sans limites.

La terre trembla. Il y avait des gens à punir, des gens qui méritaient vraiment de ne plus voir le soleil, de rester emprisonnés à tout jamais dans le silence.

Kyurem leva la tête vers le ciel et poussa un rugissement infâme. Entrelasque se retrouva violemment gelée. Les femmes, les enfants, les vieillards, les hommes, tout le monde se retrouva littéralement frigorifié sur place, couverts de givre. Probablement morts sur le coup. L'ère glaciaire avait une telle puissance que personne n'en avait réchappé.

Ce n'était pas fini. Kyurem ressentait à présent une telle haine pour l'humanité que sa rage avait atteint un pinacle insoupçonnable. L'ère glaciaire s'étendit donc, encore et encore, et encore…




Lorsque Michelle se réveilla, elle était sur un coussin de neige poudreuse. Elle regarda en l'air. Le ciel était bleu, mais aucun oiseau ne gazouillait.

Autour d'elle, la glace infinie. Mais il ne faisait pas froid. Il faisait même très bon. Michelle s'étonna également d'avoir retrouvé sa robe dans son état initial, et de n'être plus blessée nulle part. La situation était étrange.

Un Sorbébé arriva à ses côtés. Michelle le regarda, le caressa, même. Le petit Pokémon, joyeux et sympathique, guida l'enfant. Michelle le suivit. Ses pieds nus adhéraient bien à la glace qui ne glissait pas, à priori, qui était très polie, presque chaude, une glace étrange, uniforme, claire…

Michelle regarda en bas. Elle ne voyait rien d'autre que le néant de la transparence de la glace. Le noir infini, le fond du glacier. L'abysse du zéro absolu.

Elle marcha longuement sous le soleil d'Unys, toujours guidée par Sorbébé qui arriva à un endroit et s'y arrêta. Michelle s'arrêta aussi. La glace s'arrêtait enfin, au-dessus des nuages, c'était une falaise d'où s'écoulait une très fine rosée de gouttelettes cristallines brillant au soleil. Michelle regarda Sorbébé qui bougea dans un mouvement semblable à un haussement d'épaule.

Michelle regarda en bas, et finalement elle se laissa glisser. Sorbébé la regarda glisser du toboggan de cristal. Le Pokémon sembla fondre et se mélanger à nouveau à cette énorme bloc de glace.

Michelle glissa longuement avant d'atterrir dans une ville à l'apparence ancienne : Janusia. Les habitants étaient tous étonnés de voir l'immense glacier, mais plus encore de voir une enfant en descendre. Un journaliste qui se trouvait là accourut pour interroger l'enfant.

- Petite ? Petite ? Tu étais au cœur du drame ? Tu as quelque chose à en dire ? Petite ? La moitié d'Unys a été gelée, tu sais quelque chose ?

N'ayant pas de réponse, il se remit à parler à la caméra alors que Michelle partait, mue par un but imperceptible. Elle marcherait probablement pour tout le reste de sa vie.

- Mesdames et messieurs, la nouvelle continue de stupéfier les habitants d'Unys. Quelques heures après, nous ne savons toujours pas pourquoi ni comment la moitié de la région s'est retrouvée plongée sous ce qui ressemble à un énorme glacier compact d'où RIEN ne peut sortir. Je… Je rends l'antenne jusqu'à ce que j'aie plus de détails… Petite ! Petite, n'as-tu donc rien à dire ? Petite ?

Tout ce que remarquaient les gens, c'était ce visage absolument neutre de l'enfant. Neutre, sans aspérité. Comme si plus rien, à présent, ne pouvait l'atteindre ou la toucher.