En Direction du Firmament de Lady Luxali

Personnage narrateur : Estelle

Je me réveille en sursaut. Une sueur froide coule le long de mon cou. Je me redresse subitement dans le grand lit de Lance et lutte pour reprendre mon souffle. Il s'est passé quelque chose, je l'ai senti au plus profond de moi. J'ignore de quoi il s'agit, mais cela m'inquiète. Une intuition, peut-être.

Je me serre un peu plus contre mon Commandant favori, qui grogne dans son sommeil. Non, il ouvre les yeux. Je l'ai réveillé. Oh, non !

-Que se passe-t-il ?
-Je ne sais pas... je balbutie, me sentant soudain idiote. Je crois qu'il s'est passé quelque chose.

Je cherche en moi-même à la recherche des sentiments que j'ai éprouvés. Une peine et une douleur infinie, des odeurs de sapin... Pourquoi ce rêve si flou et empli de sensations ? Je veux me blottir contre Lance, mais il me repousse sans aucune gêne. Je dois m'y réhabituer. Lance n'est pas Ivy, il n'est pas là pour me consoler à la moindre de mes peurs. C'est mon Commandant !

-Tu es complètement parano, étoile. Il ne s'est rien passé du tout.
-Si tu le dis...

Je me penche pour l'embrasser. Cela, au moins, il ne le refusera pas, il aime bien trop m'embrasser pour cela. C'est pour cette raison que je suis sa maîtresse. Ou plutôt, que je suis "maîtrisée" par lui, si je peux m'exprimer ainsi. Je n'ai aucun droit sur lui, mais ce n'est pas réciproque. En vertu de nos grades respectifs, je lui appartiens. Mais si, il a l'audace d'écarter le visage ! Cette fois, je ne vais pas renoncer si facilement. Je ne suis pas une Sbire qu'il peut manipuler à sa guise comme les autres !

-Tu as ouvert la fenêtre ?!

La question me prend au dépourvu.

-Non, pourquoi ? Elle est ouverte ?!

Pour toute réponse, il enfile rapidement un peignoir et va la refermer. Peut-être était-ce le vent frais qui m'a réveillée ? Oui, c'est fort probable. Mais alors, qui...

Je remarque la Pokéball d'Ivy, posée sur le bureau. Ouverte. Béante.

-Il s'est échappé ! je crie à l'attention de Lance.
-Qui ça ?
-Ivy... Ton futur Noctali ! J'avais bien dit qu'il était intelligent et qu'il comprenait nos paroles !

Mon Commandant s'est retourné vers moi. Dans son visage, dans sa voix, nulle trace de la tendresse dont il a pu faire preuve avec moi il y a à peine quelques heures. Je sens s'éveiller en lui la vague de colère qui l'habite et fait de lui l'homme le plus cruel que je connaisse. Il s'approche lentement. D'instinct, je recule dans les draps, mais je ne peux pas faire plus. Il lève le bras d'un geste vif et me frappe au visage avec violence. Ma tête heurte le mur, et le goût du sang se répand dans ma bouche.

-Incapable ! crache-t-il. Mon Noctali, mon Pokémon maléfique, envolé ?! Et tu me dis que tu n'as rien fait, rien ? Petite garce !

Il me frappe à nouveau. La douleur monte dans ma joue, se répand dans tout mon corps.

-J'ai été sympa avec toi parce que tu m'as promis mon Noctali, surenchérit-il, visiblement incapable de résister plus longtemps à sa rage. Mais je suis allé trop loin. C'est le moment de remettre les choses au clair.
-Lance, arrête ! je le supplie alors qu'il lève à nouveau le bras pour me mettre une troisième claque. Je t'aime !
-Il y aura de nombreuses Sbires plus méritantes qui pourront te remplacer.

Ma tête heurte à nouveau le mur. Nouvelle vague de souffrance dans mon crâne.

-Lance ! Je te jure que je n'ai rien fait... Sinon, je ne t'aurais pas réveillé ! Je t'en prie, crois-moi ! Je suis fidèle à la Team Rocket !

Il s'arrête enfin. La douleur pulse dans mon crâne et m'empêche de penser. Il n'y est pas allé de main morte ! Quand je pense que cette même main a caressé avec une douceur infinie la joue qu'elle vient de frapper...

-Bien. Je voulais juste m'assurer que tu ne mentais pas.

Je le dévisage. Il dit cela avec un naturel désarmant, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps. Je devrais y être habituée, mais je ne m'y fais pas. Lance est impitoyable. Pour l'heure, je me réjouis simplement qu'il n'ait plus de raison de me faire du mal. Je veux l'attirer à nouveau contre moi, mais il s'est déjà dérobé. Il enfile rapidement l'une de ses tenues de Commandant, dans lesquelles il a une prestance formidable.

-Habille-toi en vitesse. Cette affaire doit être réglée rapidement. Cet Evoli peut représenter une menace pour nous, et nous devons le retrouver au plus vite.
-Il ne peut pas être loin, dis-je en obéissant docilement. Nous n'aurons peut-être pas besoin de mobiliser des moyens trop... coûteux.

Il éclate de rire en tirant sur ses gants blancs. J'espérais pouvoir le calmer un peu, pour épargner une traque difficile à Ivy. Au fond, je suis plutôt heureuse qu'il ne soit plus là. Je voudrais que sa vie soit à nouveau agréable, et qu'il reste loin de nous. Sachant cela, j'aurais pu me consacrer à nouveau totalement à mes missions. Mais Lance semble en avoir décidé autrement.

-Je te signale que tu parles de MON Noctali, dit-il d'une voix aussi dure que sa main et que le mur, quelques secondes plus tôt. Et je ne vais pas renoncer au Pokémon que j'attends depuis si longtemps aussi facilement. Je vais mobiliser les anciens agents du Puits Ramoloss et la plupart de ceux des Souterrains. Crois-moi, il ne m'échappera pas.
-Mais est-ce vraiment nécessaire ? L'assaut contre la Tour Radio est prévu pour dans quelques jours à peine !!
-Oh oui, c'est nécessaire. Et tu viens avec moi. Retrouve-moi au grand hall. C'est un ordre !

Le temps d'ajuster mon haut d'uniforme –désormais barré du traditionnel R de la Team Rocket-, il est parti, ne laissant pour toute trace de son passage qu'un drap froissé et une tempête dans mon crâne.

Je repense à ses paroles avec une pointe d'amertume. Qu'a-t-il dit, déjà ? "J'ai été sympa avec toi parce que tu m'as promis mon Noctali" et puis "Il y aura de nombreuses Sbires plus méritantes qui pourront te remplacer"... Que voulait-il dire par là ? Est-ce que je compte si peu à ses yeux ? Une fille interchangeable avec n'importe quelle autre ? Je reconnais qu'il est très séduisant, et toutes les femmes de la Team Rocket sont folles de lui. Pour moi, c'est un peu différent : je ne suis jamais tombée dans l'excès. Mais est-il vraiment imbu de lui-même et sûr de lui au point de croire que toutes les femmes vont lui tomber dans les bras après un claquement de doigts ?

Je soupire de tristesse. Pourquoi donc rien n'est-il jamais facile ?