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En Direction du Firmament de Lady Luxali



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» Auteur : Lady Luxali - Voir le profil
» Créé le 03/04/2012 à 09:18
» Dernière mise à jour le 04/02/2014 à 11:50

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Chapitre 1 : Un terrible secret
Personnage narrateur : Ivy

Le soleil se couche lentement sur Doublonville, et la cité commerciale orangée se teinte de reflets roses du plus bel effet. Je trottine derrière ma dresseuse à petits pas réguliers, mes longues oreilles dressées au vent pour écouter les murmures des locaux. Un rayon de soleil rouge percute ma fourrure brune et la fait flamboyer comme celle d'un Pyroli. Un instant ébloui par la lumière, je m'arrête par réflexe; mon corps se réchauffe tandis que, sans que je ne comprenne pourquoi, mes souvenirs reviennent en cascade.

Je m'appelle Ivy. Je suis Evoli. Evee en anglais, c'est de là que vient mon surnom. Mais je n'espère pas rester Evoli très longtemps.

D'après ce que je sais, je suis né à la Pension Pokémon, non loin d'ici. Dès que j'ai ouvert les yeux, j'ai croisé ceux de ma dresseuse. Bleu nuit, avec de petits scintillements comme des étoiles. Je l'ai aimée dès le premier regard, et j'ai compris que je ne pourrais jamais la quitter. J'avais raison. Cela fait désormais trois mois que je la suis, compagnon sans faille, entièrement dévoué... Son entraînement m'a rendu bien plus fort qu'un Pokémon ordinaire. Je suis au niveau trente, je crois. Ou aux environs. Mais ce n'est pas le plus important.

Ma vie actuelle me comble de bonheur. Je n'ai qu'une hâte : évoluer enfin, pour faire plaisir à ma dresseuse. Mais je ne souhaite pas utiliser une banale pierre comme ces élémentaires de Pyroli, Aquali et Voltali. Inutile également de faire ce voyage que beaucoup réussissent pour se transformer en Phyllali ou Givrali. Sans parler de Noctali, trop sombre à mon goût, ce sont les pires ! Non, je veux devenir un Mentali. Porter en moi cette lumière qu'elle m'a transmise et la faire voir au monde; pour qu'il sache à quel point nous sommes liés.

Ma dresseuse se retourne vers moi et pose un genou à terre pour se mettre presque à ma hauteur. Son front se plisse d'inquiétude alors que ses longs cheveux blonds, légèrement ondulés, frôlent le sol pavé. Un moment qui suffit pour que la foule s'amasse autour de nous, trop timide toutefois pour s'approcher.

-Ivy, tout va bien ?


Je penche la tête de côté et pousse un petit cri de joie qu'elle connaît bien. Aussitôt, son sourire merveilleux réapparaît. Je donnerais ma vie pour qu'elle sourie à jamais ainsi.

Elle, c'est mon Estelle. Ma dresseuse pour l'éternité. Je l'aime d'un amour exclusif et total. Jamais aucun Pokémon ne fera battre mon cœur autant qu'elle. Elle est ma joie et ma raison d'exister. Estelle.

Elle se redresse et reprend sa route sans se préoccuper des passants. Je la suis à nouveau avec le même entrain, la tête bien droite pour prouver ma noble éducation. Mais toutes mes pensées sont à nouveau focalisées sur elle.

Estelle.

Oui, je l'adore. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle a tout pour elle. Elle est belle. Une véritable étoile tombée du ciel, une déesse échouée parmi les mortels, si les étoiles et les déesses portaient du cuir noir avec leur initiale brodée de rouge. Elle est intelligente et rusée, fine tacticienne aussi. Elle n'a jamais perdu un seul match de toute sa carrière. Elle m'entraîne avec douceur et sévérité à la fois, durement mais aussi en toute confiance. J'ai vite progressé grâce à son talent et à son génie. Je ne l'en remercierai jamais assez.

Sur notre passage, on se retourne, on l'observe, on m'observe moi aussi. Les commentaires de la part des Pokémon de seconde zone ne tardent pas : "Mais pourquoi la grande Estelle s'embarrasse-t-elle d'un Evoli ?!". Mais ils savent que, si nous nous retrouvions face à face, il suffirait d'un Retour pour qu'ils rentrent auprès de leurs maîtres, la queue entre les pattes. Je ne peux pas m'empêcher de garder les yeux rivés sur elle. Je l'aime, je l'aime ! Je voudrais parler sa langue pour le lui dire sans cesse. Je t'aime Estelle !!

"C'est qui ?" "Tu ne la connais pas ?! C'est pas possible, tu débarques ?!" "C'est Estelle ! La GRANDE Estelle ! Celle qui remporte tous les badges et tous les concours depuis plus de trois ans !" "Quoi ? LA Estelle ?!" Voilà le genre de commentaires que j'entends voler autour de moi en permanence. Mon Estelle est exceptionnelle. Je le sais depuis toujours. Ils ne font que le confirmer.

Mais j'ai entendu autre chose... Vite, mes oreilles se pointent fermement dans la direction des voix. Quelqu'un voudrait-il en découdre avec moi ?

-...et aussi l'arène de Rivamar, il y a juste un mois, dit un Machoc surexcité.

Quelle déception ! Seulement un autre des éloges amplement mérités qui recouvrent mon Estelle, d'une banalité alarmante. Je m'apprête à les ignorer à nouveau, mais...?

-Et a-t-elle vaincu le Maître de la Ligue ?

Étrange. Je ne connais pas cette voix. Probablement celle d'un Pokémon inconnu. Ce qui est strictement impossible, puisque j'ai parcouru toutes les terres aux côtés de mon Estelle ! Mon étoile, ma lumière ! Oh, Estelle !!

-Non, répond le Machoc avec ferveur comme tous les adorateurs de mon Estelle qui n'ont pas le privilège de la servir. Mais elle en a largement le niveau !

Je me gonfle de fierté par pur réflexe. Je suis absolument d'accord avec lui. Je n'ai jamais travaillé avec les autres Pokémon d'Estelle, mais j'en suis sûr, elle et moi ne pouvons perdre, même contre le Maître de la Ligue. Ce n'est pas pour rien qu'elle enchaîne les conquêtes de badges. Et bientôt, je serai moi aussi assez puissant pour l'y aider... Comme j'ai hâte que ce jour survienne !

La conversation va-t-elle se réorienter sur des banalités ? Dans le doute, j'écoute.

-Alors, pourquoi ne l'a-t-elle jamais tenté ?


Ce fut le début de toutes mes interrogations légitimes, je le crains. Mais jamais je ne me serais douté que cela me mènerait aussi loin. Aussi loin sur les échelons des niveaux, aussi loin de mes valeurs, aussi loin d'elle. Estelle.

Je ne m'arrête pas, mais un long frisson me secoue, me perturbe au point que je n'entends pas la réponse. Pourtant je la connais. Evidemment, ce Machoc ne sait rien des raisons de mon Estelle. Ses préoccupations ne sont pas du niveau d'un Pokémon de bas étage. En tout cas, il ne peut pas en savoir plus que moi !!

Sauf que je ne sais rien...

On dit qu'elle a le niveau pour battre le Maître de la Ligue en personne, et je n'en doute pas, c'est certainement vrai. Alors pourquoi ne l'a-t-elle pas déjà fait ?! Une seconde question étrange, qui vient se rajouter à celle qui me taraude depuis fort longtemps, et qui me ferait presque douter de son affection pour moi...

Pourquoi mon Estelle ne veut-elle pas que j'évolue ? Pourquoi me refuse-t-elle le bonheur de devenir plus puissant pour mieux servir son honneur et sa gloire ? Jusqu'à présent, je la suivais aveuglément. Elle me l'avait dit, elle désirait que je n'évolue pas ! Comment aurais-je pu aller contre sa volonté ? Aller contre le souhait de mon Estelle, quel cauchemar ! Non, il doit forcément y avoir une raison. Une raison qui m'échappe, bien évidemment; je n'ai pas l'ambition démesurée de comprendre ses ordres. Je n'en ai pas besoin. Je la suivrai. Toujours !

Mais il est vrai que par rapport aux discours tenus par les Pokémon d'autres dresseurs...

Qu'est-ce que je m'embarrasse avec ces pensées indignes d'intérêt ! Seule compte mon Estelle. Ma chère et tendre Estelle, la lumière de ma vie !! Quelles que soient ses raisons, elles sont forcément bonnes. Elle est incapable de faire le mal. Il suffit de sentir l'amour qu'elle met en chacune de ses actions, sa tendresse lorsqu'elle serre mon petit corps contre le sien, pour comprendre qu'elle n'a jamais été marquée de tous ces vices qui affublent les humains !

Avec tout ça, je n'ai plus rien suivi. J'ai marché dans ses pas comme toujours, mais sans savoir où j'allais. Je regarde autour de moi. Nous nous trouvons dans une ruelle sombre et délabrée, dans laquelle je ne suis jamais passé. Ça sent le poisson pourri. Je fronce le museau de dégoût en voyant des Miaouss d'égout nous regarder passer de leurs yeux fendus. Quelle honte pour un être comme moi de devoir cheminer au milieu de ces moins que rien !

Nous arrivons devant un bâtiment presque en ruines. Il est si ancien que la porte ne coulisse même pas. Bonne âme, ma dresseuse tant aimée l'ouvre et me la tient pour que je n'aie pas à la pousser, ni à me presser. Mais après quelques pas, je m'aperçois avec terreur que le sol est jonché de petits débris de verre ! Les fenêtres ont été brisées et sont répandues sur le carrelage blanc, gris à force de poussière. Mes coussinets sont fragiles... Et je ne peux pas prendre le risque de tacher les vêtements de mon Estelle ! Heureusement, comme toujours, je n'ai pas besoin de lever les yeux vers elle. D'un geste doux, elle me prend dans ses bras, me caresse le menton et se remet alors en route. Je ronronne de bonheur.

Je suis dans ses bras, et plus rien n'existe, que son parfum divin (Ricci Ricci, je le connais par cœur) et la douceur de sa peau contre ma fourrure. J'oublie tout. La vie est un fleuve sucré avec elle. Estelle, oh Estelle ! Je dois à tout prix contenir cette affection sans bornes, ou je risque fort d'évoluer en Mentali avant même qu'elle ne m'en ait donné l'autorisation. Ce serait la pire trahison que je puisse lui faire... Lui désobéir, quelle horreur, oui, inimaginable ! Je me contrôlerai jusqu'à la fin, pour elle. Pour mon Estelle !

Dans les bras de mon étoile, de ma déesse, je descends les escaliers. Nous arrivons dans une galerie souterraine... Ça y est, je reconnais l'endroit ! Nous sommes dans les fameux Souterrains. Estelle et moi nous y rendons souvent pour voir le toiletteur. Elle adore me retrouver resplendissant jusqu'au bout des poils et parfois me masser elle-même. Elle s'assure toujours que je suis traité au mieux. Cette dresseuse est une perle !

Mais quelque chose ne va pas. Nous passons devant le stand du toiletteur sans nous arrêter. Je me redresse le temps d'apercevoir un panneau contre la porte, indiquant "FERME" (car Estelle m'a appris à lire sa langue, même si je suis incapable de la parler). Les choses ne tournent pas tout à fait rond... Je lève les yeux vers Estelle, mais pour la première fois, elle ne me regarde pas. Elle garde les yeux rivés sur le couloir, comme si elle voulait m'éviter, et elle a une boule d'inquiétude dans la gorge.

Mais que se passe-t-il, enfin ? Que se passe-t-il ?! J'aimerais tant pouvoir le lui demander ! J'essaie de la rassurer en me frottant contre son cou, mais rien n'y fait. Elle n'a même pas une esquisse de sourire... J'ai un peu peur. Instinctivement, je révise mes techniques de combat en esprit : Griffe, Vive-Attaque, Jet de Sable et la meilleure de toutes : Retour. Pour la protéger de ce qui la terrifie, il ne me faudra rien de plus et rien de moins !

Elle... Elle tourne au coin du souterrain. Nous ne sommes jamais passés par là ! Pitié, Estelle, explique-moi ce qu'il se passe ! Je gémis faiblement pour attirer son attention. Peut-être s'est-elle simplement trompée de route ?

-Tiens-toi tranquille, me dit-elle abruptement.

J'obéis immédiatement, et couche les oreilles en arrière pour m'excuser, mais elle ne me regarde pas. Toujours pas... Je me serre contre elle; mon nœud dans l'estomac prend de l'ampleur.


À ce moment-là, je ne savais pas encore que ce serait la dernière fois. La dernière fois que je respirais son parfum avec tant de délectation. La dernière fois qu'une vague d'amour absolu pour elle me traversait le cœur.

Elle s'arrête. Je redresse la tête. Devant nous, dans l'ombre, deux personnes sont appuyées contre un mur.

-Tu en as mis du temps, Estelle, fait l'un d'eux.
-Vous aviez dit le niveau trente. Je n'ai fait qu'obéir aux ordres.

Ils sortent à la lumière. Ce sont un homme et une femme. Ils portent presque les mêmes vêtements que mon Estelle, assortis de casquettes noires. Il flotte autour d'eux une odeur étrange qui m'inspire la crainte, mais si ce sont des amis de mon Estelle, je n'ai rien à craindre.

Mais alors, s'ils portent un costume similaire au sien, est-ce qu'ils ont tous les deux un prénom commençant par R ?

-C'est bien, fait la femme. Tu as fait ce qu'il fallait.
-Ai-je le droit de savoir en quoi je dois le faire évoluer, à présent ?
-Le Commandant est en route, il te donnera la suite des instructions lorsqu'il arrivera.


Mon Estelle a un frisson. Ce "commandant" doit lui faire vraiment peur. Jamais encore je ne l'avais vue trembler...

Elle a parlé de mon évolution. C'est étrange. Quel droit auraient ces étrangers sur mon futur ? Cette décision ne concerne qu'Estelle. C'est à elle que j'obéis, pas à eux ! Ils sont laids, ils sentent plus mauvais que les Miaouss d'égout et ils ont des sourires narquois. Je ne veux pas rester là ! Je t'en prie, Estelle, fais vite, et sortons de cet endroit !! Mais elle ne fait pas mine de bouger...

La femme s'approche de moi; je recule la tête. Je ne veux pas qu'elle me touche, même avec des gants. Heureusement, elle ne le fait pas.

-Pouah, il est mignon en plus ! C'est pitoyable. J'espère qu'il est puissant et qu'il supporte la crasse, sinon nous n'en voudrons pas. Si c'est le cas, tu devras t'en débarrasser. Pas question de l'intégrer à la Team Rocket !

Quoi ?! La Team Rocket ?!
Non... Je ne peux pas y croire...
Mon Estelle, Sbire de la Team Rocket ?! C'est impossible ! Ma douce, ma belle Estelle n'a rien en commun avec ces gens ! A part le costume...

Non, non, Estelle, par pitié, dis-moi que ce n'est pas vrai. Dis que tu es venue les anéantir, avec moi à tes côtés ! Je t'en prie !
Non, Estelle !

-Taisez-vous ! Il comprend tout ce que vous dites ! Vous allez le terrifier !
-Et alors ?
fait l'homme avec dédain.

Estelle ! Je t'en supplie, ne...

Elle a baissé les yeux...

Les larmes montent, cascadent sur mes poils, coulent le long de mon museau.
Je ne peux pas y croire, ça ne peut pas être vrai. Mon Estelle, ma douce Estelle... Je ne veux pas croire que tu sois avec eux ! Je ne peux pas !

Pourquoi cet air sadique sur ton visage, soudain ?!

Non ! Mon ange, mon Estelle, mon étoile ! Non, tout mais pas ça !
Je t'aime pourtant, Estelle ! Tu ne peux pas me faire ça !
J'aimerais tant pouvoir parler... Mais les mots se transforment en cris de Pokémon dans ma bouche...

Je bondis de ses bras, je m'en extirpe pour la première fois. Agile, je m'élance en arrière, loin d'eux, loin de mon Estelle que je ne comprends plus. Je cours le plus rapidement possible. Vite, vite, avant que le doute ne soit plus permis, avant qu'une odieuse vérité ne me brise pour toujours. M'enfuir, tant que je suis lucide... Mais c'est trop tard. Déjà la familière lueur rouge m'emporte dans la Pokéball.

Avant de disparaître de son monde, j'échange enfin un regard avec celle qui m'a élevé, celle que j'aime plus que tout. Incompréhension et souffrance face à froideur et indifférence.

J'ai échoué à fuir. La réalité que je ne voulais jamais découvrir m'apparaît désormais, crue, blafarde, terrifiante.
Mon cœur est brisé.
Non... Estelle... Estelle...
ESTELLE !! NON !