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Le Phénix d'Argent de Yûn



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» Auteur : Yûn - Voir le profil
» Créé le 30/03/2012 à 13:16
» Dernière mise à jour le 21/03/2013 à 18:40

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Suspense

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Chapitre 5. Invitation Tourmaline
Sibylle s'était attendue à ce qu'il les mène jusqu'à une de ces riches villas de la périphérie sud de Mérouville. Elle craignit le pire : les journalistes allaient certainement vouloir l'interroger, comme à leur habitude depuis la fin du concours. Or, le fait qu'elle soit en compagnie d'un homme qu'elle ne connaissait pas ainsi que la présence du lion enflammé, qui les suivait d'un pas noble et aérien, et du cygne flamboyant, qui volait à une dizaine de mètres au-dessus d'eux, n'allait pas améliorer les choses. Il n'en fut rien. Orphée ne s'approcha même pas de la mégapole, mais suivit le chemin qui menait à la plage. Un zodiac les y attendait, alors qu'au loin mouillait un yacht d'une taille convenable.

- Je n'ai pas pu m'approcher davantage de la côte avec, s'excusa le jeune homme aux yeux d'améthyste tandis qu'il aidait Sibylle à monter à bord lorsqu'ils l'atteignirent. En vérité, je suis un piètre navigateur, mais je m'y connais suffisamment pour manier mon propre vaisseau. Je vous en prie, faites comme chez vous !

Quelques instants plus tard, le moteur ronronnait et ils se dirigeaient vers la frontière entre la mer et le ciel dégagé.
Au début, elle s'était inquiétée lorsqu'elle avait vu que le bateau pneumatique, qui leur avait servi de navette entre la plage et le navire de plaisance, n'était pas assez grand pour contenir le fauve manipulateur des flammes. Ses craintes s'étaient vite dissipées : par un phénomène inexplicable, le lion était capable d'évoluer sur l'eau, ses larges pattes semblant à peine en effleurer la surface agitée. Et la vitesse prise par le yacht n'avait pas non plus l'air de le déranger : il parvenait sans peine à demeurer au niveau de la proue, ses amples foulées se jouant des vagues qui auraient normalement dû le blesser. Dans le ciel, Takibi demeurait à bonne distance, mais suffisamment bas pour pouvoir intervenir si le jeune homme ou le félin venaient à faire quelque chose qui lui déplairait.


- Eurydice... Ce nom ne m'est pas étranger... Auriez-vous un quelconque lien avec Orlane Eurydice ?

Elle reporta ses yeux olive sur son étrange hôte. Le vent ramenait en arrière ses mèches blondes et agitait violemment sa chemise de flanelle lilas, maintenue à la ceinture par une large bande de tissu noir.

- Effectivement, c'était ma mère, répondit-elle. Mais, comment... ?
- Voyez-vous, je suis un grand passionné de musique, et j'ai toujours été touché par sa façon de jouer. Elle donnait littéralement vie aux notes et insufflait son allégresse à tous les êtres autour d'elle. Du moins, c'est l'impression que j'ai eu lorsque je fus à l'un de ses concerts. J'ai été surtout transporté par son interprétation du concerto pour violon de Tchaïkovski.
- Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Ca a toujours été mon morceau préféré. Je me souviens, quand j'étais petite, il n'y avait qu'avec ça qu'elle arrivait à arrêter mes caprices.
- C'est d'ailleurs avec cette partition que vous avez participé à ce concours, n'est-ce pas ?
- En effet... C'est la seule que j'ai conservée et que je sais jouer.
- Une femme formidable, je n'en doute pas. Je n'ai malheureusement pas eu le privilège de la connaître... J'ai été complètement bouleversé par l'annonce de sa mort. Quel malheur, alors qu'elle était au sommet de sa carrière et encore si jeune...

Sibylle ne répondit pas. Sa gorge s'était nouée. Elle n'avait jamais évoqué sa mère depuis qu'elle était à Mérouville. Certes, elle avait déjà reçu des messages de soutien de la part de ses anciens admirateurs, mais personne ne lui avait jamais parlé d'elle ainsi.
Une larme silencieuse tomba sur son poing fermé, malgré ses efforts pour se retenir. Une ombre chaleureuse grandit au-dessus d'elle. Réfrénant sa méfiance à l'égard d'Orphée, le cygne flamboyant s'était rapproché pour tenter de consoler son amie. Il n'osa tout de même pas aller jusqu'à se poser sur le pont et demeura en vol semi-stationnaire. Mais sa seule présence suffit à la calmer.



***
Le voyage dura plusieurs heures mais aucune des deux créatures maîtresses des flammes n'avait montré le moindre signe de fatigue, se maintenant aisément au niveau du yacht.

Enfin, alors que l'astre céleste avait déjà parcouru les trois quarts de sa course quotidienne, les contours d'une terre mirent fin à la régularité maladive de l'horizon. Une petite île, bordée de falaises abruptes. Elle semblait être leur destination. Cependant, comment allaient-ils y arrimer le navire ? La réponse à sa question silencieuse ne tarda pas.
Orphée réduisit la vitesse et avança sans crainte son vaisseau vers l'une des parois. Il l'engagea dans une crevasse presque invisible depuis le large. L'ouverture, juste assez grande pour permettre au yacht de passer, révéla une spacieuse caverne. Il y faisait plutôt frais, du fait de l'humidité ambiante. Des milliers de stalactites et de stalagmites s'y étaient formées, semblables à des cristaux éternels, et dispensaient un doux éclat en réfléchissant la lumière qui leur parvenait des quelques anfractuosités du plafond élevé. L'endroit était tout à la fois mystérieux et paisible. Lorsque la machine cessa son ronronnement, une fois l'arrimage achevé, elle laissa place à un silence apaisant.

Un sifflement brisa la sérénité du lieu. Takibi, qui les avait suivis, avait éprouvé quelques difficultés pour s'engager dans la crevasse et laissait exprimer son mécontentement.


- Je suis navré, Apollon, s'excusa Orphée avec un sourire désolé. Mais tu aurais très bien pu te poser directement là-haut.

Un claquement de bec lui fit comprendre qu'il ne lui accordait toujours pas sa confiance et qu'il ne laisserait en aucun cas son amie seule avec lui ou le lion. Le jeune homme poussa un petit soupir puis invita Sibylle à le suivre. Précédés de l'auguste félin, ils empruntèrent un escalier aux larges marches régulières, qui semblait mener tout en haut de la caverne.

- Il est vrai que ma demeure est difficile d'accès, admit-il en entendant la respiration essoufflée de son invitée. Mais comprenez-moi, je n'aime pas les visiteurs inattendus. Et il est hors de question que j'aille m'enfermer dans un de ces bunkers pour riches terrorisés. Ici, au moins, je suis libre de faire à ma convenance sans être dérangé.
- C'est... Tout à votre honneur...

Ils parvinrent enfin jusqu'à Némée, qui les attendait sagement devant une porte close. Pendant que son hôte était occupé à déverrouiller l'accès, la jeune fille regarda le yacht, arrimé en bas. Ca faisait haut, tout de même...
Ils quittèrent la cave pour gagner un couloir sobrement mais finement décoré. Takibi eut un peu de mal à passer l'ouverture mais les suivit. Le jeune homme au regard d'améthyste mena le petit groupe jusqu'à une grande double-porte. Les battants s'écartèrent sans un grincement sous la seule pression de ses mains.


- Après vous. Soyez la bienvenue chez moi.

Sibylle s'avança timidement... Avant de s'immobiliser de stupeur.
La pièce était immense. Elle devait être aussi étendue que le gymnase de son Ecole ! Elle était décorée avec goût, sans tous ces objets tape-à-l'œil qu'affectionnent les personnes aisées, mais suffisamment pour se sentir tout de suite à l'aise. Les murs avaient une teinte caramel qui réchauffait la salle. Un lustre était suspendu au plafond et s'ajustait parfaitement à l'atmosphère : les cristaux, pas si nombreux que cela, étaient disposés de telle sorte qu'ils donnaient une impression de légèreté, chose qui faisait souvent défaut à ce type d'illumination. Un tapis moelleux, aux motifs discrets mais enchanteurs, servait de support à une grande table en acajou qui trônait au milieu de la pièce. Mais, ce qui plut le plus à la jeune fille, ce fut la vaste baie vitrée, qui offrait une vue imprenable sur la mer.

Cependant, ce fut autre chose qui attira son regard et fit pousser un avertissement strident au cygne d'ocre, de sang et d'argent. Mis à part Némée et leur hôte, ils n'étaient pas seuls dans la salle.
D'autres créatures étaient également présentes. Elles étaient un peu moins d'une dizaine, mais toutes dégageaient une aura mystique et imposante. Les deux félins du groupe s'avancèrent jusqu'à Némée puis poussèrent de gais feulements en direction de Takibi. La jeune fille frissonna. Les deux étaient tout aussi intimidants que le fauve manipulateur des flammes.
L'un d'entre eux était une panthère dont la fourrure était aussi limpide que du cristal et, par endroit, aussi innocente que la neige. Une brise inexistante secouait précautionneusement sa cape pourpre et les bandes immaculées l'entourant. Malgré sa taille, l'imposante coiffe en diamant qu'il arborait ne paraissait pas le gêner.
Le second était un fabuleux tigre aux crocs et griffes démesurés. Sa fourrure isabelle était hérissée, mais ce n'était nullement un signe de méfiance : son corps était en effet parcouru de minuscules éclairs, qui prenaient leur source de sa traîne d'orage. Lui aussi avait sa tête blanche en partie dissimulée par un masque métallique.


- N'ayez pas peur ! Je sais qu'ils sont impressionnants, mais ils ne vous feront aucun mal. Ils sont juste heureux de revoir Apollon... Mais, je vais vous présenter. Vous connaissez déjà Némée. Voici Loga et Mèdès, dit-il en désignant successivement la panthère et le tigre, qui s'empressèrent de la saluer d'un grondement amical. Tout comme Némée, ils sont des messagers du Soleil, d'où leur joie de revoir votre Takibi.

Sibylle ne comprenait toujours pas. Certes, elle avait remarqué l'influence du souverain diurne sur son protégé à plumes, mais de là à le comparer ou de le prendre pour lui...
Orphée ne se rendit pas compte de sa perplexité. Il s'était avancé et lui montrait trois imposants oiseaux, qui s'étaient approchés de lui. Le jeune homme les lui nomma tour à tour : Belisama, dont les plumes avaient l'ardeur d'un brasier infernal ; le plumage de Taranis semblait n'être que foudre. Quant au dernier, Skaldi, plus discret que ses camarades, c'était presque si sa longue queue d'azur ne la rendait béate d'admiration.


- Eux ne sont pas les serviteurs du Soleil, mais ceux de la Lune.
- La... Lune ?
- Oui. Artémis.

Il lui désigna un autre oiseau, qui était demeuré au fond de la pièce.
Son plumage, beaucoup moins coloré que celui du cygne, avait la sérénité argentée de la dame nocturne. Son ventre d'un bleu royal n'était là que pour manifester la face cachée et mystérieuse qui faisait tout le charme discret de l'épouse du roi des cieux. Des plumes à la teinte de l'abysse ressortaient de son dos et contrastaient avec la quiétude de son corps. Son cou gracile et sa longue queue rappelaient sans peine la forme en croissant que la Lune adoptait parfois, lorsque son rayonnant amant lui faisait ombre.
A l'écoute de son nom, Artémis planta son regard ambré, délimité par le masque noir de ses cils, dans celui olive de la jeune fille. Elle la considéra un moment, puis releva la tête pour rencontrer l'or fin des iris de l'oiseau aux couleurs du couchant. Les deux êtres aériens demeurèrent figés ainsi, silencieusement, les yeux légèrement plissés. Ils semblaient tenir une conversation inaudible.

Occupée à les observer, Sibylle sursauta lorsque son hôte posa sa main sur son épaule.


- Elle est assez réservée. Mais venez plutôt par ici, nous serons plus à l'aise pour discuter tout en profitant de cette magnifique fin de journée.

Ils passèrent la baie vitrée pour arriver sur le spacieux balcon. Pour une raison inconnue, Orphée parut déçu en s'y rendant. Mais il balaya rapidement cette expression de son visage. Il l'invita à s'asseoir dans l'une des chaises confortables après lui avoir proposé à boire. Elle regretta son choix dès que le breuvage passa ses lèvres : un alcool sucré qui lui irrita la gorge.

- Au vu de votre réaction depuis notre rencontre, je crois pouvoir affirmer que vous ignorez tout de l'oiseau dont vous vous êtes occupée. N'est-ce pas, Mlle Eurydice ?
- Ben... J'ai quand même fait pas mal de recherches au début. Mais je n'ai rien trouvé qui aurait au moins pu m'indiquer le nom de son espèce.
- Cela ne m'étonne pas... Il est déjà rare de ne serait-ce que l'apercevoir. Alors, si en plus Apollon a recouvré un autre plumage...
- Qu'est-ce que vous racontez ?

Orphée ne répondit pas de suite. Il but une longue gorgée du breuvage rouge sombre et, appuyé contre le dossier de sa chaise, fixa le Soleil qui incendiait progressivement l'immensité de la mer.

- Connaissez-vous les légendes de Johto ?
- ... Je crois en avoir quelques souvenirs...
- La terre de toutes les légendes selon moi. Il y règne toujours un petit parfum de mystère très attrayant. Enfin, passons. Je suppose que vous avez déjà dû entendre parler de Rosalia et de ses célèbres tours. Il s'agit, en réalité, du berceau de la plupart de ces histoires fabuleuses.

Pendant l'heure qui suivit, Orphée s'appliqua à les lui expliquer en détail. Pourquoi les Humains avaient décidé de bâtir un sanctuaire pour que les Dieux puissent s'y reposer. Comment, par une nuit tragique, trois d'entre eux trouvèrent la mort, victimes de leur incontrôlable pouvoir. Comment le Soleil, qui avait eu pitié d'eux, les avait ramenés à la vie en échange de leur allégeance éternelle. La désertion de ces êtres divins, malgré les efforts des pauvres mortels pour ériger un nouveau temple.

- A... Attendez un instant ! Quand vous me racontez tout ça, j'ai l'impression que vous considérez Takibi comme le Soleil, mais...
- Non, vous vous trompez.
- Ah, je me disais bien, aussi...
- Celui que vous appelez Takibi n'est pas comme le Soleil –le jeune homme marqua une pause et posa ses iris d'améthyste sur l'oiseau flamboyant resté dans la salle. Il est le Soleil.

Le visage de Sibylle dut témoigner de sa grande incrédulité, doublé du fait qu'elle commençait à le trouver vraiment dérangé, car il afficha un sourire amusé avant de s'expliquer.

- N'avez-vous jamais eu l'impression que votre Takibi était plus ou moins réactif, selon que cet astre soit ou non visible ?
- Si, bien sûr... Mais certains pokémon, comme les Ceriflor et les Héliatronc, réagissent aussi de la même manière, non ? Et ce n'est pas pour autant qu'on les considère comme des dieux, ou je ne sais quoi d'autre...
- Hum, présenté comme cela, je comprends votre scepticisme... Je vais m'y prendre autrement : j'ai vu la vidéo de votre concours. Quelle fut votre impression lorsqu'il vous montra ce dont il était capable ?

La jeune fille se tut un instant. Comment décrire ce sentiment qu'elle avait éprouvé ? Finalement, elle s'entendit prononcer sa réponse.

- On aurait dit... Un spectacle interdit. Fascinant pour chacun des sens, d'une perfection et pureté impossibles à atteindre. Une atmosphère d'espoir et de paix. Pourtant... D'un autre côté, il y avait une violence rare. Ses plumes... Le feu qu'il a utilisé... On aurait dit qu'il venait d'un autre monde. Que quiconque le toucherait déchaînerait la colère du ciel, pour l'avoir profané. D'ailleurs, je suis certaine que c'est bien ce qui est arrivé à Seisui.

Elle s'interrompit. Il n'y avait qu'un seul mot pour résumer véritablement cette sensation qu'elle avait ressentie.

- J'ai cru... Etre en présence... D'un dieu.

L'éclat de satisfaction qu'elle lut dans le regard de son hôte lui laissa penser qu'elle était arrivée à la conclusion espérée. La tête appuyée sur ses mains croisées, il n'avait cessé de la fixer, son doux sourire s'étirant davantage à chacun de ses mots.

- C'est précisément ce qu'est Apollon. Un Dieu.
- Enfin, c'est ridicule ! D'accord, je veux bien croire à leur existence, mais pourquoi un dieu serait-il resté avec des Humains si, d'après ce que j'ai compris, ils ont préféré les fuir !
- Disons que ce n'était pas vraiment ce qu'il avait prévu...
- Que voulez-vous dire ?
- Rien, rien de bien important. Je ne peux vous en dire davantage actuellement. En tout cas, je puis vous garantir ceci : cet être que vous avez recueilli est une divinité. Plusieurs éléments me permettent de l'affirmer. Tout d'abord, son caractère unique. Vous avez été incapable de trouver son espèce, car les Dieux ne sont pas recensés dans les livres classiques de dressage. Il faut plutôt regarder dans les livres d'Histoire, et surtout de mythologie et de théologie, pour les rencontrer.
Ensuite, deux éléments en étroite relation : son lien flagrant avec le Soleil et les attaques qu'il a employées durant votre combat. Vous avez dû vous en rendre compte : le Zénith n'avait rien de comparable. Quant aux flammes mystiques, il s'agissait de l'une des armes les plus fabuleuses, tant en terme de puissance que de beauté, créées et manipulées par les Dieux : le Feu Sacré, l'usage des flammes originelles qui aidèrent au façonnement du monde, don unique du Créateur à son serviteur céleste.
C'est également sur cet ultime point que je m'appuie pour mon dernier argument. En effet, lorsque votre Takibi a employé cette attaque, Némée, Loga et Mèdès ont tous trois réagi, de même qu'Artémis. En se libérant, son pouvoir a résonné dans l'esprit de ses messagers et de son double opposé.
- Vous n'exagèreriez pas un peu ? D'accord, je comprends que vous considériez cette attaque comme exceptionnelle, parce qu'elle est belle, puissante, et tout ça... Mais ça n'en fait pas une attaque divine !
- Vous êtes décidément bien difficile à convaincre. Enfin, cela ne fait qu'ajouter du plaisir et de l'animation à cette discussion. Restez ici un moment, je vous prie.

Sibylle ne répondit pas, tandis que son hôte se levait et rentrait dans l'immense salon. Elle tourna la tête pour observer l'horizon. Pour la première fois, elle fit véritablement attention au somptueux paysage qui s'offrait à elle.
Il faisait bien plus sombre désormais. Le Soleil avait disparu dans son habit écarlate, comme avalé par les flots lointains. Il ne subsistait plus que quelques rais ambrés, mais ceux-ci battaient en retraite devant le rideau d'encre de la nuit. Quelques étoiles scintillantes avaient déjà commencé à envahir la voûte céleste. La Lune n'était pas visible, elle devait certainement se trouver de l'autre côté de l'île, accédant lentement au trône délaissé temporairement par son illustre compagnon. Une légère brise s'était levée, emportant quelques effluves d'iode avec elle, et caressait doucement le visage de la jeune fille. Elle frissonna, surprise par la fraîcheur laissée par le souffle.

Soudain, son regard s'immobilisa. Quelque chose avait attiré son attention, au loin. En se concentrant, elle parvint à distinguer deux points lumineux de la lumière de miel encore présente. L'un d'un rouge éclatant, le second d'un bleu un peu terne. Les deux filaient au-dessus de l'eau à une vitesse impressionnante, ne laissant qu'une mince traînée scintillante dans leur sillage. Sibylle pensa que ces curieux phénomènes, qu'elle ne pouvait comparer qu'à des feux follets égarés, poursuivraient leur route bien loin de l'île sur laquelle elle se trouvait. Mais non, les deux points lumineux, qui grossissaient au fur et à mesure qu'ils s'approchaient, semblaient avoir choisi la demeure comme destination !

Avant même qu'elle ait pu réagir, les luminescences distinctes avaient atteint le balcon dans un tourbillon de vent et des sifflements. La lumière qu'ils dégageaient se dissipa, révélant les êtres qui en étaient à l'origine. Des dragons, de taille respectable mais pas aussi démesurée que celle des créatures à l'intérieur de la demeure. Ils étaient tout à la fois semblables et distincts.
Le premier avait des écailles de la même blancheur que la neige immaculée et éternelle des hauts sommets, mais la plus grande partie de son corps était recouvert d'un manteau écarlate, d'où se détachait un délicat motif triangulaire bleuté sur son poitrail. Ses grands yeux d'ambre curieux étudiaient scrupuleusement la jeune fille, comme étonnés de la voir ici.
Le second, en revanche, se montrait plus méfiant. Plus grand, les petites plaques de son corps étaient plus sombres, ternissant leur blancheur originelle, de même que son habit cobalt, seulement rehaussé d'un discret triangle corail. Ses yeux vermeils faisaient clairement comprendre qu'elle paierait chèrement toute action néfaste envers la créature qui l'avait accompagné.


- Ah ! Enfin vous voilà ! J'espère que votre promenade vous a plu.

A l'écoute de la voix d'Orphée, le dragon bleu se décrispa tandis que le rouge se précipita vers lui, pour profiter d'une caresse sur sa tête.

- Voici Hermès et Iris, mes deux derniers compagnons. Vu qu'ils se plaisent à parcourir les cieux, je n'ai pas pu vous les présenter auparavant. Ah ! Pour votre information, c'est Hermès qui m'a permis de vous localiser, vous et Apollon.

Voilà donc qui expliquait cette flèche bleutée qu'elle avait aperçue la veille... Ses yeux se posèrent à nouveau sur le dragon d'azur. Même en voyant qu'elle était ici sur l'invitation de son maître, il ne paraissait pas lui faire davantage confiance concernant ses futurs agissements envers sa compagne extravertie.

Iris ayant eu son lot de caresses, le jeune homme put enfin s'avancer jusqu'à son invitée pour lui montrer ce qu'il était allé chercher. Un ouvrage épais à l'aspect ancien, au vu des pages jaunies. Il l'avait ouvert à une page en particulier. Une fresque trônait sur la double-page, dans un style vétuste mais raffiné. Il faisait trop sombre pour qu'elle puisse l'apprécier entièrement, mais la dragonne rouge régla ce problème en élaborant une sphère qui répandait une douce lumière limpide entre ses pattes.
Elle écarquilla les yeux et arracha presque le volume des mains de son hôte. Elle étudia la page avant de tourner les feuillets frénétiquement, mais en veillant à ne pas les abîmer.


- Ce... Ce n'est pas possible...

Et pourtant, elle devait se rendre à l'évidence. Tout ce que disait ce livre, ce qu'il décrivait, représentait... Désignait Takibi. De la fresque plusieurs fois centenaire du début à la description de son plumage, les attaques qu'on lui attribuait, ... Tout. Absolument tout. Seul un détail différait –la couleur de son plumage-, mais qui, en comparaison du reste, n'était rien.
Abasourdie, elle se laissa choir dans le fauteuil. Orphée lui reprit doucement l'ouvrage et le posa sur la petite table ronde.


- Je vous l'avais bien dit, commença-t-il d'une voix douce et rassurante. Votre Takibi est le Soleil. Il est le phénix flamboyant, Maître du Jour. Il est Ho-oh.