Chapitre 3 : Génocide inexpliqué
Kelifa était capitaine et agent de terrain de la Team Rocket. Elle n'avait que vingt-quatre ans, mais pourtant, elle avait déjà pas mal vu de choses assez horribles dans son métier. Elle était responsable de certaines d'entre elles d'ailleurs. Mais rien dans son passé au sein de l'organisation ne l'avait préparée à ça ! Hier encore, Cancrania, située au nord-ouest de Naya, était une ville conséquente d'environ vingt-mille habitants. Elle était entourée de forêts, mais son essor technologique et urbain n'en avait pas été retardé pour autant. Elle possédait l'un des trois aéroports de la région, ainsi qu'un petit transit maritime qui assurait la liaison entre elle et les îles désertiques d'Esbroff.
Cancrania avait aussi son arène Pokemon, ce qui faisait d'elle un passage obligatoire pour tous les dresseurs visant la Ligue de Naya. Mais tout cela, c'était du passé. La ville en elle-même était restée intacte. Il n'y avait eu aucune destruction, aucun signe de bataille. Si ce n'était que tous les habitants et les gens de passage étaient morts. Les rues, désertes de toute vie, étaient souillées par les cadavres des passants et des quelques Pokemon présents. Kelifa était rentrée à l'intérieur des maisons, pour également y trouver des corps sans vie.
Passant outre sa répugnance et n'écoutant que son entraînement, Kelifa en avait examiné plusieurs. Leur mort était récente. Pas plus d'une journée. Et le plus étrange, c'était que pas un ne souffrait d'une seule blessure visible. Pas d'impact de balles, de couteau, de strangulation, ou d'attaques Pokemon mortelles. Inquiète, Kelifa avait alors pensé à du gaz, mais les relevés de l'air n'en montraient aucun. Que quelque chose ou quelqu'un en ce monde puisse tuer vingt mille personnes simultanément sans laisser aucune trace dépassait la compréhension de Kelifa. Cela devrait même étonner le quartier général. Et tout ce qui étonnait ou dérangeait la Team Rocket devait trouver une réponse, et vite.
Kelifa était la seule Rocket en place dans tout Naya. Enfin, elle et ses quelques hommes. Ils avaient fait de la ville d'Ultan, située sur une île au centre de Naya, leur point de rassemblement. Le Triumvirat connaissait l'existence de la Team Rocket, bien sûr, et la tolérait. Ils avaient fermé les yeux quand Kelifa et ses hommes avaient pratiquement conquit Ultan grâce à la corruption des fonctionnaires locaux. Bien entendu, ils ne le faisaient pas sans raison. Le Triumvirat voyait en la Team Rocket un moyen de faire barrage à la Team Malware. Les idéaux du Triumvirat étaient plus proches de ceux de la Team Rocket que des Malwares, pour dire la vérité. Aucun de ses aristocrates ne crachait sur quelques pots de vins, et ils se fichaient pas mal de ce que la Team Rocket pouvait faire à quelques Pokemon. En revanche, ils voyaient d'un mauvais œil qu'une Team souhaite les destituer pour mettre à la place des robots juridiques.
Alors, le gouvernement de Naya les laissait tranquille, tant qu'ils ne faisaient pas trop de vagues. De toute façon, même si Kelifa avait eu la soudaine envie d'en faire, ce n'était pas avec une petite compagnie de trente hommes qu'elle allait se faire remarquer. Certains, dans la Team Rocket, auraient pu considérer cette affectation dans la région de Naya comme une place bien peinarde. Kelifa, elle, s'en agaçait. Il n'y avait rien à faire dans cette foutue région, si ce n'était corrompre quelques vieux flics et préfets, et à l'occasion, voler deux trois Pokemon ci et là. En fait, la région de Naya ne recelait pas grand-chose pour la Team Rocket, mais le Boss tenait à avoir des agents un peu partout dans le monde.
Manque de bol, c'était tombé sur Kelifa. Enfin, ce n'était sûrement pas par hasard, étant donné qu'elle était native de cette région, et surtout qu'elle était la fille et héritière de la noble famille Akenvas, l'une des trois puissantes de Naya. Deux ans qu'elle se roulait les pouces dans cette région pourrie. Mais heureusement, il y aurait peut-être un peu d'action après un truc pareil ! Kelifa était allée à Cancrania pour y rencontrer un contact, qui lui livrait occasionnellement diverses informations sur le Triumvirat ou la Team Malware. Il devait être mort lui aussi. Dommage, il faisait du bon boulot.
Kelifa ne savait plus trop quoi faire, seule dans cette ville morte. Elle songea à appeler ses hommes pour qu'ils pillent rapidement la ville avant que le Triumvirat ne sache ce qui s'était passé ici, mais elle abandonna vite cette idée. Si on les prenait en train de voler aux morts, on pourrait penser que la Team Rocket était responsable de ce carnage. Elle aurait pu aussi prévenir le Triumvirat, pour renforcer la position de la Team Rocket auprès du gouvernement de Naya. Mais là encore, elle aurait semblé suspecte. Non, Kelifa devait prévenir son patron. Elle n'était pas habilitée à prendre de décision dans pareille situation. Mais elle ne pouvait pas le faire d'ici. Quand ils arriveraient, les agents du Triumvirat pourraient remonter son signal et découvrir qu'il y a eu une communication vers Kanto. Elle devait rentrer à Ultan et contacter l'Agent 007 de là-bas.
Alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la ville pour revenir à sa voiture, elle vit quelque chose au sol qui la fit s'arrêter immédiatement. Une plume noire. Kelifa la prit avec précaution. De tous les Pokemon connus pouvant posséder des plumes noires, il n'y avait que Cornèbre et son évolution Corboss. Or cette plume là ne venait sûrement pas de l'un d'eux. Elle était trop grande. Kelifa la mit dans une partie de son uniforme. Elle songerait à la faire analyser. Ça expliquerait peut-être ce qui s'est passé ici, du moins qui en était le responsable. Quand elle releva la tête, elle vit autre chose : un homme qui titubait entre les rues emplies de cadavres. Un survivant !
- Eh ! appela Kelifa.
L'homme sursauta. Il avait un habit de croupier passé sur une veste verte, et il portait un béret. Il avait une petite barbiche au menton, et était proprement horrifié. Peut-être revenait-il de quelque part. Il remarqua la Rocket devant lui.
- Qui... qui êtes-vous ? C'est... c'est quoi tout ça ? C'est vous qui... Pourquoi ? POURQUOI ?
Avant que Kelifa n'ait pu expliquer quoi que ce soit, l'homme sorti une Pokeball de sa ceinture et la lança vers Kelifa. Cette dernière recula d'un bond alors que le Pokemon était libéré. C'était un Noadkoko, un Pokemon Plante et Psy à trois têtes.
- Ecoutez-moi, s'exclama Kelifa. Je n'y suis pour rien dans ce carnage. Je veux seulement vous aider ! Calmez-vous !
Mais l'homme avait tout sauf l'envie de se calmer. N'ayant pas écouté un seul mot de Kelifa, il passa à l'attaque :
- Noadkoko, attaque Bomb'Œuf !
Kelifa dû faire une roulade arrière pour éviter l'œuf explosif que lui avait envoyé le Noadkoko.
- Crétin ! Arrêtez ça, sinon je vais me défendre !
Comme sa menace n'eut aucun effet sur le croupier qui continua à beugler des ordres à son Pokemon, Kelifa empoigna l'une de ses Pokeball à sa ceinture et la lança. Son plus puissant Pokemon, un Brutapode, en sorti dans un flash de lumière. Brutapode était un Pokemon à la fois Insecte et Poison, à la puissante carapace rouge et avec deux grandes cornes venimeuses sur sa tête. Brutapode esquiva l'attaque Tranch'herbe lancée par Noadkoko - qui de toute façon ne lui aurait pas fait grand-chose - puis répliqua avec une rapide attaque Plaie-Croix. Noadkoko craignait par deux fois les attaques insectes, et celle-ci le soulagea de plusieurs feuilles au sommet de ses trois têtes en même temps que de sa conscience. Le dresseur rappela son Pokemon, mais avant qu'il n'ait eu le temps d'en appeler un autre, Kelifa s'élança sur lui et le propulsa à terre.
- Maintenant, vous allez vous calmer, ordonna la jeune Rocket. Je ne suis pour rien dans ce qui s'est passé ici, et je suis tout aussi surprise que vous. Alors calmez-vous et racontez-moi !
Il fallu un bon moment pour que l'homme ne cesse de se débattre pour enfin que les paroles de Kelifa atteignent son cerveau. Puis, désorienté, il battit des paupières.
- Je... désolé... j'étais désemparé, et quand j'ai vu l'uniforme, j'ai pensé...
Kelifa n'avait pas besoin de savoir ce qu'il avait pensé. Il était certain que porter un R rouge sur ses vêtements n'attirait généralement pas la confiance des gens. Kelifa le libéra et rappela son Brutapode.
- Je suis Kelifa Akenvas, de la Team Rocket, se présenta-t-elle. Je venais à Cancrania pour affaire.
- Et moi... je suis Murios, le champion de l'arène...
Champion d'arène ? Bon, il allait pouvoir l'aider un peu alors.
- Vous étiez là quand... ça c'est passé ? demanda-t-elle.
- Oui, mais je n'ai rien vu... ça c'est passé en quelques secondes. Tous morts... en quelques secondes...
- Calmez-vous. Comment avez-vous survécu ?
Murios gémit et des larmes apparurent dans ses yeux fantômes.
- J'étais en plein combat contre un challenger. Et d'un coup, nos Pokemon se sont agités bizarrement, comme si ils avaient senti quelque chose. Alors, mon Torterra, il a utilisé ses pouvoirs pour me recouvrir d'épaisses racines. J'ai entendu comme un coup de vent, puis d'un coup, toutes les racines qui me protégeaient ont été transformées en cendres. Sur le terrain... tout le monde était mort ! Le challenger, son Pokemon, et... mon Torterra ! Quand je suis sorti, j'ai vu tout le monde dans le même état ! C'est l'apocalypse !
- Mais vous n'avez rien vu de ce que c'était ? Quel genre d'arme pourrait décimer toute une ville en une seconde, sans dégât et sans bruit ?!
- C'est l'œuvre du Diable, il n'y a pas de doute ! gémit Murios en s'enfonçant la tête dans ses bras comme pour se soustraire à son regard. Il a lancé sa malédiction sur nous pour se venger des hommes ! Oh, Arceus ! Protège-nous !
Kelifa leva les yeux au ciel. Un autre point agaçant de cette région c'était que beaucoup de ses habitants étaient très croyants. Il n'était pas rare que pour eux, un cyclone ou une inondation soit l'œuvre de quelques dieux maléfiques, comme Wrathan, Asmoth, Bahageddon, et d'autres du même genre. Elle sut qu'elle n'arriverait pas à raisonner avec Murios, surtout dans l'état où il se trouvait. Elle devait immédiatement rentrer à Ultan et contacter l'Agent 007.
Elle se demandait ce qu'elle allait bien pouvoir faire de Murios. Elle aurait pu le laisser là, mais alors il raconterait aux autorités du Triumvirat qu'une Rocket vivante se trouvait dans la ville, ce qui ne manquerait pas d'attirer les soupçons. La solution la plus efficace aurait été de le tuer, mais elle n'aimait pas trop ôter la vie des innocents si elle n'y était pas totalement obligée. De plus, elle ne pourrait pas le tuer comme tous les autres étaient morts, sans blessure, et ça se verrait à l'autopsie. Elle décida donc de l'amener avec elle à la base. Elle verrait ce qu'elle allait faire de lui ensuite.
- Venez avec moi, lui dit-elle. Il se peut que ce qui a tué tout ces gens revienne.
À l'entente de ces mots, Murios ne se fit pas prier, et la suivi docilement. N'étant venue qu'en voiture, le trajet prit bien quatre heures. Heureusement, Murios s'était rapidement endormi, lui épargnant d'avoir à faire la conversation avec un rescapé hystérique. Ils arrivèrent alors à Port Oligo, une petite ville portuaire au sud de la capitale, Odipolis. Port Oligo était le seul accès vers l'île d'Ultan. Ils n'eurent pas à attendre longtemps pour trouver un ferry qui veuille bien les amener sur l'île avec leur véhicule. Peu de gens osaient se montrer désagréable avec la Team Rocket ici. Mais la difficulté vint quand Murios retrouva peu à peu ses esprits, et exigea que Kelifa le laisse partir.
- C'est un kidnapping ! Vous n'avez pas le droit !
- Appelez ça comme vous voulez, mais vous vous trompez. Dans cette partie de la région, la Team Rocket a tous les droits.
- Je suis champion d'arène de la région ! clama haut et fort Murios. Je sers Maître Narek, le plus puissant des dresseurs de Naya, un homme respecté même du Triumvirat ! Sachez que vous vous exposez à beaucoup d'ennuis, Rocket, en me gardant captif ! Si je...
Le peu de patience qu'il restait à Kelifa disparut soudainement. Elle préférait ce type quand il pleurait en priant Arceus. Elle l'attrapa par le col de sa veste, le poussa jusqu'à la rambarde du bateau et lui colla son pistolet entre les deux yeux.
- Ouvre attentivement tes oreilles, mon gars, dit-elle lentement. Tu vas venir avec moi jusque dans mon quartier général, sans faire d'histoires. Tu y resteras jusqu'à que je décide que tu puisses partir, et si jamais tu sors un jour, parler à qui que ce soit de la Team Rocket signifiera ton arrêt de mort. Si tu fais tout ça, tu vivras. Sinon, je peux appuyer sur la détente, te jeter à la flotte, et personne ne récupèrera ton corps avant qu'il soit bouffé par les Carvanha. Qu'en dis-tu ?
Murios déglutit difficilement et dit d'une voix tremblante :
- Je... je vais vous accompagner... sans faire d'histoires...
- Je suis heureuse de l'entendre, fit Kelifa en le lâchant.
Ultan était la seule ville de l'île, qui pour le reste n'était que de vastes plaines montagneuses et forestières. De beaux paysages, mais rien de plus. Quant à la ville elle-même, elle était assez riche, mais uniquement car elle était sous contrôle de la Team Rocket depuis deux ans. Avant cela, et en raison de son cadre isolé, elle ne resplendissait pas par sa grandeur. Le quartier général de la Team Rocket dominait tous les autres bâtiments, son grand R rouge à son sommet éclairant toute la ville de la grandeur de la Team Rocket. Certaines bases dans d'autres régions étaient cachées ou se faisaient discrètes ; il aurait été malvenu d'exposer une base avec un grand R rouge en plein milieu d'une ville urbaine. Mais à Naya, il était inutile pour la Team Rocket de se cacher.
Tous les habitants s'écartaient prestement du chemin de Kelifa. Ils savaient qui elle était. La dirigeante de la Team Rocket à Naya. La patronne de cette île. Pour autant, Kelifa n'abusait pas de ce titre. Certains commandants de la Team auraient pu s'amuser avec les citoyens qu'ils administraient, mais Kelifa n'était pas ce genre là. Tant que ces gens ne faisaient rien pour contrarier la Team Rocket, elle les laissait tranquilles. D'ailleurs, la présence de la Team Rocket pour les Ultiens était un avantage : personne de mal intentionné envers eux n'osait prendre pied sur cette île, et le crime et la délinquance y étaient bien plus bas qu'ailleurs.
Arrivée dans sa base, elle ne s'arrêta pour saluer personne. Elle se contenta de remettre Murios à un soldat en lui ordonnant de l'enfermer, puis se rendit au centre de communication, alors occupé par trois techniciens. Elle les fit sortir immédiatement, et entra le code personnel de l'Agent 007. Elle dut cependant attendre bien cinq minutes avant de recevoir un signal. 007 avait naturellement des choses plus importantes à faire que de s'occuper des problèmes d'une petite commandante dans une région à l'importance des plus limitées. Finalement, le visage de l'Agent apparut sur le grand écran. C'était un homme dans la trentaine avec des cheveux blancs, et des yeux dorés. Il était très beau, mais avait toujours ce léger sourire goguenard aux lèvres qui donnait l'impression qu'il se moquait de tout le monde.
Kelifa ignorait le véritable nom de son supérieur. Connaître le nom d'un des Agents Spéciaux du Boss était passible de mort. Servir directement sous les ordres d'un Agent était un bon moyen de promotion rapide, mais hélas, c'était aussi très risqué. Ces gars là n'avaient aucune règle à respecter, si ce n'était la leur. Il était courant qu'ils exécutent leurs propres hommes pour incompétence, ou simplement parce qu'ils n'aimaient pas leur tronche. Et personne n'allait rien dire. Kelifa n'avait pas peur de 007, mais elle restait prudente. Elle devait faire ses preuves à ses yeux, pour qu'elle puisse enfin se tirer de cette région déprimante et obtenir un poste important à Johkan, là où il se passait vraiment des choses.
- Capitaine Kelifa Akenvas au rapport à vos ordres, monsieur, dit-elle d'un ton parfait en saluant avec une rigueur toute militaire.
- Tiens, c'est rare quand tu m'appelles, ma chère, susurra l'Agent d'un ton mielleux. T'ennuies-tu de moi, ou se passe-t-il quelque chose de palpitant dans ton charmant petit coin de paradis ?
007 parlait comme si ils étaient des amants secrets, mais Kelifa ne s'en formalisait pas. Qu'aurait-elle pu dire, d'ailleurs ?
- Eh bien en fait, monsieur, il se passe vraiment quelque chose...
Elle lui raconta en détail ce qu'elle avait vu et ce qu'elle avait tiré de Murios. L'Agent 007 resta pensif un moment.
- Intéressant, avoua-t-il. Aucune idée de ce qui aurait pu provoquer ça ?
- Non monsieur.
- Vraiment ? Peut-être la Team Malware a-t-elle mise au point une arme de destruction massive ?
Kelifa n'y avait même pas songé. Que ces abrutis de la Malware fussent les responsables lui semblait absurde.
- Je doute que ce soit un coup de la Team Malware. Le meurtre des civils n'est pas dans leurs habitudes, surtout pas à cette échelle là.
- Pourtant, il ne faut négliger aucune option, très chère. Surtout pas si cette option comprend le fait qu'une Team rivale possède un nouveau joujou dangereux. Peut-être envisagent-ils de prendre le contrôle de la région. Ça serait embêtant pour nos objectifs à long terme. Pour le moment, que le Triumvirat garde le contrôle nous est profitable. Je veux donc que tu enquêtes de leur côté.
- Que j'enquête, monsieur ?
- Fais semblant de vouloir négocier avec eux. Propose-leur une alliance avec la Team Rocket pour faire tomber le Triumvirat et prendre le contrôle de la région. Ça devrait les faire réfléchir. Rencontre-les, et tâche de savoir ce qu'ils ont ou ce qu'ils savent. Tu as l'autorisation d'intervenir par la force si nécessaire. Ce n'est pas le Triumvirat qui nous en empêchera, surtout s'ils ont fort à faire avec un génocide.
- C'est entendu, monsieur, dit Kelifa.
- Bien. Recontacte-moi quand tu auras du nouveau.
- Monsieur ? Si vous me permettez... comment évolue la situation, à Johkan ?
Kelifa faisait référence aux récents troubles dans la direction centrale de la Team Rocket. Selon les rumeurs, le Boss aurait fait les frais d'une dissension de la part de certains de ses propres Agents Spéciaux. 007 fit la moue, signe que la question l'ennuyait.
- Aux dernières nouvelles, nous avons notre propre triumvirat, désormais, répondit-il. Giovanni a été mis en retraite forcée, mais on ne sait plus trop qui commande ici. L'Agent 002 gouverne conjointement avec les Agents 003 et 004. Mais il y aurait des problèmes avec certains loyalistes de Giovanni...
Kelifa ouvrit grand les yeux. Trois Boss ?! Comment cela était-il possible ? Et surtout, combien de temps cela durerait-il ? Car le trône de la Team Rocket n'était fait que pour une seule personne. Encore une idée lumineuse de cette Agent 002, dont la réputation sulfureuse s'étendait jusqu'à Naya même ?
- Enfin, ce n'est pas notre problème, reprit 007. Que ce soit Giovanni ou 002 le patron, nous, nos ordres sont inchangés, ma chère petite Kelifa. On se doit de promouvoir la mainmise de la Team Rocket partout dans le monde, et ça concerne aussi ta région de Naya. Garde cela en tête.
- À vos ordres, monsieur, fit Kelifa avant de couper la transmission.
***
Nathan Dialine attendit que ses deux collègues du Triumvirat, Charlus Akenvas et Eléonore Sochenfort, s'assoient pour s'installer sur sa chaise. Sa mère lui avait toujours dit que ceux qui, en tant de crise, s'asseyaient les derniers donnaient l'impression de contrôler les choses. Bien entendu, ce n'était qu'illusion. Même Nathan ne pouvait pas contrôler la mort de tous les habitants d'une ville, sans aucune explication. Mais il pouvait toujours manœuvrer pour minimiser la chose le temps qu'ils découvrent les responsables. C'était ça la politique : des manœuvres, des dissimulations, des intrigues... Nathan y avait été initié par sa mère tout jeune, et aujourd'hui il y excellait. Il servit un sourire artificiel aux deux autres triumvirs et prit la parole, comme tout le monde s'y attendait. De façon officieuse, Nathan Dialine était le porte-parole du Triumvirat.
- Estimés confrères, le sujet de cette réunion extraordinaire sera exclusivement centré sur cette catastrophe épouvantable qui s'est déroulée à Cancrania, il y a une journée de cela. Comme vous le savez, j'ai pris la liberté d'envoyer nos autorités quand il m'est apparu que la ville ne répondait plus. Elles n'y ont découvert que des cadavres. Sans aucune blessure, sans destruction de biens ou d'infrastructures.
- Près de vingt-mille âmes décimées en un instant, soupira le vieux Charlus Akenvas. Terrible, terrible...
- Quelle pourrait être la cause de ce désastre ? demanda Eléonore Sochenfort, d'un ton presque indifférent, en manipulant l'un de ses nombreux bracelets.
Nathan retint une grimace. Comme il les méprisait, ces deux là... Un vieux bourgeois pervers qui ne se souciait que de ce qu'il allait manger au dîner et des prostituées qu'il allait payer ce soir, et cette nunuche d'Eléanore, qui vivait dans un luxe incroyable et qui était indifférente à tout, sauf au placement de ses multiples bijoux. Nathan les méprisait, mais se félicitait qu'ils soient si bêtes et passifs. Ces deux là attendaient toujours que Nathan fasse tout le travail du Triumvirat, et pour cela acquiesçaient à toutes ses décisions. Pour ainsi dire, bien que Naya était officiellement dirigée à trois, Nathan en était le maître absolu. Et ça lui plaisait. Il avait ses propres objectifs à atteindre, des objectifs autrement plus ambitieux que la direction de cette région passive et oubliée du monde. Mais pour le moment, il devait s'y résoudre. Il devait sourire à ses deux idiots de collègues, il devait prendre des décisions pour le peuple de Naya, et devait paraître rassurant et populaire devant les caméras.
- Nos plus brillants experts examinent la ville et les corps, répondit-il, mais n'ont encore rien trouvé. Aussi, je pense qu'il faille se tourner vers... certaines organisations de notre région, pour trouver des réponses.
Sochenfort haussa ses sourcils hautement maquillés et dessinés.
- Vous suggérez que la Team Malware ou la Team Rocket y soient pour quelque chose ?
- Je ne suggère rien, Lady Sochenfort, j'envisage les diverses possibilités.
- C'est sans doute la Team Malware, approuva Akenvas. Depuis le temps qu'ils rêvent de s'emparer de la région pour leurs inepties robotiques ! Je suis sûr que la Team Rocket n'a rien à voir avec cette horreur ! Ils s'en prennent aux Pokemon, jamais aux humains, du moins pas sans raison.
Nathan savait très bien pourquoi Akenvas était le premier à défendre la Team Rocket en toute occasion. Sa fille unique était la commandante de la garnison Rocket à Naya. Bien entendu, ça ne faisait pas une bonne publicité pour la famille Akenvas, mais le vieux Charlus y avait trouvé des avantages. Il avait renié sa fille, bien sûr, pour la forme, mais d'un autre côté, il profitait pas mal des intérêts que la Team Rocket pouvait lui rapporter. Nathan avait pas mal de preuves le concernant. Preuves de corruption, d'enrichissement personnel, et autres. Il aurait pu le faire tomber depuis longtemps, mais quel intérêt ? Nathan profitait plutôt du fait de faire marcher Akenvas, et avec lui, la Team Rocket. Il avait besoin d'elle pour ses ambitions.
Pourtant, il était plus probable que la Team Rocket soit la responsable de ce génocide que la Team Malware. Cette dernière n'aurait eu aucun intérêt à exterminer la population de Naya, alors qu'elle voulait la gagner à sa cause, et qu'elle était assez populaire parmi elle après la construction de New Naya et d'autres technologies qui rendaient la vie facile aux gens. Ceci dit, Nathan ne voyait pas non plus ce que la Team Rocket aurait à gagner en faisant ça. Ou bien la cause ne venait pas de ces Teams...
- Quoi qu'il en soit, dit Nathan aux deux autres, celui qui a fait ça ne nous veut pas du bien, et cette horreur démontre sa puissance et sa détermination. Il va falloir lui faire comprendre, chers confrères, que nous le sommes encore plus.
Enfin, moi du moins, ajouta-t-il mentalement.