Chapitre 4 - Bien plus qu'une victoire...
La nuit se passa sans autre incident. L'astre du jour pointait à l'horizon quand ils aperçurent l'orée de la forêt, et sentirent au même instant leurs « prisonniers » remuer sur leur dos. Ils les déposèrent doucement et attendirent qu'ils reprennent tous leurs esprits. Le Dardargnan et le Momarik se demandaient ce qui se passait, et après quelques explications, ils se proposèrent à leur tour d'escorter les deux vainqueurs. Ceux-ci refusèrent une fois encore, et Teilaste se permit même de leur rappeler que s'ils avaient tenté de gagner par la ruse lors de leur rencontre, la trahison, elle, était sévèrement réprimée, et il préférait ne prendre aucun risque. Ils laissèrent partir ces deux adversaires qui allaient devoir redevenir des camarades de classe le lendemain.
Teilaste et Faivore entrèrent fièrement dans l'école, se dirigeant immédiatement vers les salles où se trouvaient la plupart des maîtres, à qui ils rendirent la clé. Faivore ne put s'empêcher de leur dire « Vous aviez perdu ça, alors on vous l'a rapporté », ce pour quoi elle se fit gentiment sermonner par Grofen, la Mangriff et son maître d'arme, qui lui rappelait de ne pas oublier que la modestie est une des vertus du Combattant et qu'il faut la respecter, blablabla... Pendant ce temps, Derale félicitait Teilaste, et Mulgio, le Cizayox, balança un grand coup de pince sur son épaule. Mais l'Alakazam fut surpris d'apprendre qu'il avait manqué de mourir écrasé par un tronc. Il rappela immédiatement les élèves restants dans la forêt par le biais d'un rapide message mental, « au cas où... ». Enfin, Lighon, le Cacturne, les attira dans un coin, tenant la clé. Il la plaça dans la petite fente d'un coffret dissimulé là, et la fit tourner. Après un petit déclic, il l'ouvrit et en sorti deux anneaux bleu turquoise, qu'il leur tendit.
- Tenez, vous vous accrocherez cela quand vous pourrez !
- Euh... qu'est-ce que c'est ?, s'hasarda Teilaste.
- Rien, une simple boucle d'oreille... ou un anneau, au choix. Elles n'ont rien de particulier, mais elles vous rappelleront cette expérience. De toute façon, on en donne deux chaque année, de couleurs différentes, donc n'ayez pas peur de les prendre à cause de la valeur que vous pensez estimer. C'est un peu de la camelote, en fait (il ria), mais elles résistent assez bien au temps.
Faivore la fit tourner dans sa maigre main. La coloration était belle et elle semblait être une encre coulant dans le bijou. A ce moment, Lighon referma le coffre et leur demanda d'examiner la clé. Ils s'approchèrent et virent gravé dessus en caractères minuscules qu'ils eurent du mal à déchiffrer : « Unis pour l'éternité. » Ils remarquèrent alors que les mêmes mots étaient gravés sur les anneaux, mais étaient totalement illisibles tant ils étaient serrés, cela créant toutefois une belle arabesque.
- Félicitations, vous avez gagné sur tous les plans !
Tout le monde était enfin rentré pour le premier gros repas de la journée. Cependant, l'évènement resta plutôt discret. Il n'y eu aucune fête, cela pouvant s'expliquer par le fait que les tuteurs ne voulaient pas modifier le rythme de vie des autres élèves, et qu'ils reprendraient eux aussi l'entraînement le lendemain. Teilaste et Faivore, comme à leur habitude, passèrent la journée ensemble, évoquant rarement les faits des deux levers et couchers précédents. Cependant, la Kirlia semblait un peu triste et perdue dans ses pensées, et le Lucario fit semblant de ne pas le remarquer, car il savait qu'il ne fallait pas la brusquer quand elle était dans cet état. Puis ils décidèrent d'aller faire un dernier tour dehors, dans la cour de derrière, avant qu'il ne fasse totalement nuit. Ils s'adossèrent aux murs de pierre du bâtiment, les yeux dans le vague, regardant à peu près dans la direction des montagnes et de l'astre se couchant.
Les yeux de Teilaste se brouillèrent.
- Au fait, je ne t'ai pas encore remercié de m'avoir sauvé la vie... dit-il, presque honteux et bouleversé qu'une telle évidence ne lui ait pas encore traversé l'esprit.
Elle ne répondit pas. Il tourna son regard vers elle et vit qu'elle le fixait, avec un pâle sourire sur les lèvres. Et malgré cette impression de tristesse qu'elle dégageait depuis qu'ils étaient rentrés, elle paraissait irradier de lumière, nimbée d'une âme volatile, auréolée de mélancolie et encerclée d'un halo de pureté qui semblaient être mis en avant par le crépuscule qui se reflétait sur sa peau de la couleur de l'innocence. Elle était belle, tout simplement. Il ne l'avait jamais regardée de cette façon, et il fut le premier surpris. Elle continuait de sourire, posant doucement une main sur son épaule. Cette sensation lui fit celle d'une plume qui frôlait des flammes de glace. Puis elle remonta doucement vers son oreille droite, où elle accrocha délicatement sa boucle azur. Il leva alors sa patte, et fit glisser habilement les cheveux d'émeraude de son amie dans son propre anneau, qu'il scella lentement entre deux mèches. Puis sa main glissa lentement le long de la taille de Faivore, et s'arrêta sur ses anches. Elle ne bougea pas, lui non plus. Elle le fixait dans les yeux, lui aussi. Plus profond que l'on ne voyait dans les yeux de quiconque. Il lisait dans son âme comme dans un livre ouvert, et c'était sûrement le cas pour elle aussi. Puis il se pencha doucement vers elle, posant ses lèvres sur les siennes. Et ils plongèrent au fond du cœur de l'autre, ressentant chacun des battements, chacune des émotions, chacune des pensées qu'éprouvait leur ami, en rythme avec les siennes. Ils n'étaient qu'un. Il recommença à neiger. Un lac environnant les observait en silence. Les arbres et les pierres de l'ancienne abbaye restaient muets, ne voulant pas interrompre cette étreinte passionnée. Un oiseau glissa dans l'air sans un bruit, revenant de contrées plus chaudes. Autour d'eux, le vent et tous les autres éléments de la nature s'étaient tus, pourtant, ils étaient enveloppés dans un tourbillon de neige qui semblait les protéger du monde extérieur.
Lorsqu'ils s'isolèrent de l'esprit de l'autre, ils eurent juste le temps de voir les derniers rayons du jour disparaître entre les montagnes enneigées. Faivore reprit doucement la parole, tel un souffle de vent :
- Et toi, ne viens-tu pas de me sauver ? murmura-t-elle
Teilaste ne disait plus rien. Il ne voulait plus la quitter des yeux. Il repensait encore à cette sensation qui n'avait duré que très peu de temps, pourtant. Mais le tintement de la cloche les tira de leurs rêves et ils durent rentrer se coucher. Devant les portes des deux dortoirs, dans un couloir étrangement désert, Faivore embrassa rapidement Teilaste en lui disant au revoir. Elle fit quelques pas vers sa porte, se retourna, et murmura :
- Moi aussi, je t'aime.
Pendant ce temps, à l'endroit où ils s'embrassèrent pour la première fois, quelque chose émergea lentement de la neige. Elle était belle, timide, ne se différenciait presque pas sur le manteau blanc, restant discrète au milieu de cet environnement de cristal, ne voulant pas se faire remarquer. Ainsi, de cette fusion entre deux cœurs battants au même rythme naquit la première fleur de cette Saison Rejaillissante.