Chapitre 2 - L'école des Combattants : apprentissage
Quelques temps étaient passés. Devant l'école de combat, Teilaste attendait, adossé au mur, les yeux au ciel, dans le vague. Bientôt, il devra franchir l'arche de pierre qui le mènera jusqu'au bâtiment, attestant ainsi qu'il était sûr de sa décision. Mais celle-ci était déjà prise, et il ne changerait pas d'avis. Son espèce elle-même était spécialisée dans le combat, il ne pouvait renier ses origines. Il se demandait pourquoi il avait tant hésité à devenir Combattant. Son évolution trop récente, peut-être. Quoiqu'il en soit, il était maintenant habitué à son apparence et avait gagné en confiance. Il regardait le monde d'un autre œil, et percevait mieux les sons et les odeurs. Il était prêt à affronter son destin.
Son regard paraissait déterminé. Son allure était fière. Son pelage bleu éclatait, signe de son jeune âge, et contrastait élégamment avec les quelques bandes noires qui striaient son visage altier et ses poings d'acier, à l'image des sombres anneaux qui séparaient ses bras de son pâle torse bombé, d'où seule émergeait une fière pointe de fer qui semblait vouloir prouver son existence à travers la toison couleur de lumière. Tout paraissait vivre en lui, et il semblait totalement différents de lors de son départ de l'école.
Le Lucario releva doucement la tête et aperçu la Kirlia qui l'observait de loin, qui tressaillit alors. Il fit un léger signe de la main à Faivore, l'invitant à le rejoindre, et elle s'avança avec grâce et légèreté. Sa longue chevelure émeraude se soulevait et retombait sur ses frêles épaules, comme si une onde la traversait perpétuellement. Sa courte robe flottait et dessinait des cercles inégaux autour de sa maigre taille, et ses fines jambes s'élançaient avec élégance au-devant du jeune Pokémon, dont le déplacement évoquait une plume blanche et céladon emportée par un vent angélique et placide. Mais cette fragilité apparente n'était que pure impression. Son regard vermeille semblait sonder quiconque le croissait jusqu'au plus profond de l'âme et les deux cornes de rubis arrondies qui émergaient de sa tempête de cheveux se dressaient sans faiblir vers les cieux.
Elle arriva au niveau de Teilaste. Ils discutèrent un peu et entrèrent ensembles dans l'école où ils devraient rester trois générations. Peu de temps après, les lourdes portes de chêne se refermèrent dans un raclement sourd.
***
Tous les nouveaux venus furent rassemblés dans un grand hall, à l'entrée. Une visite des lieux fut faite, présentant les différentes pièces aux jeunes arrivants, au milieu desquels Faivore et Teilaste ne se séparaient pas, éblouis par la beauté de l'endroit et décontenancés par les inconnus. Il semblait qu'il s'agissait d'une ancienne abbaye à moitié en ruine, sans doute utilisée pour une religion oubliée. Les seules pièces isolées du vent froid des montagnes étaient les dortoirs. Le hall d'entrée, qui était en réalité la nef de l'établissement à l'époque de ses occupations religieuses, se scindait en deux couloirs, l'un se dirigeant vers les huit salles d'entraînement, l'autre vers les bains, le réfectoire et les chambrées.
Les lieux de combat étaient divisés en deux catégories le long de l'allée : ceux de gauche étaient consacrés aux techniques dites « énergiques », et étaient tapissés de tapis en paille de riz qui portaient d'innombrables traces de brûlures et autres désagréments dus aux attaques de certains membres incontrôlables ; celles de droites, conçues pour l'apprentissage des armes et autres capacités « physiques » avaient des murs d'acier et un sol de bois, striés des multiples griffure.
Déambulant dans les corridors, ils arrivèrent aux dortoirs, composés d'une vingtaine de chambres d'un style très spartiate, pour la plupart déjà occupées, et divisées entre les mâles et les femelles. Chacune comptait environ quatre lits de paille et une petite armoire à côté de chacun d'entre eux. Une fois arrivés aux bains, les nouveaux-venus eurent le soulagement de voir qu'il y aurait un léger confort dans ces sortes de grandes cuvettes de roches où tombait une eau chaude et fumante, mais la plupart ne dissimulèrent pas leur surprise en apprenant qu'elles étaient communes. Enfin, le réfectoire était composé de quelques longues et lourdes tables de bois, et il semblait flotter en permanence une odeur délicate qui en faisait déjà saliver plus d'un. Au fond du couloir, ils virent une porte d'acier sur laquelle il était écrit « Interdiction formelle d'entrer à quiconque, sauf particuliers ». Il en émergeait des bruits inquiétants et des raclements à faire hérisser le poil, tel du fer grattant sur de la pierre. Tout le monde fit immédiatement demi-tour sans chercher à comprendre de quoi il s'agissait.
Autour du cœur, le déambulatoire, qu'ils avaient déjà traversé une fois pour se rendre d'un couloir à l'autre, menait vers plusieurs salles telles que bibliothèque et autres endroits de l'élévation d'esprit, qui semblaient avoir été ajoutés à la bâtisse d'origine. « La force se fait d'abord par la tête et pas avec les muscles », était-il inscrit dans un style pourtant brutal et sans intense réflexion, sur une plaque de marbre près d'une des portes du lieu. Derrière le bâtiment se trouvait une grande cour où l'herbe, en cette fin de Saison Auréolée, était partiellement brûlée par la boule incandescente du ciel. D'ici, on voyait que l'école était placée sur un plateau en plein milieu des montagnes, qui formaient un champ infini de pics s'élançant vers le ciel. D'ailleurs, il n'était pas rare de trouver un terrain qui soit en hauteur dans la région, et ce paysage spirituel faisait déjà parti du décor de bon nombre des élèves. Ils apprirent qu'ils pourraient s'entraîner aux armes de jet ici, ayant aperçus quelques cibles constellées de trous.
Dans l'ensemble, le lieu était composé de granite et autres roches dures, et chaque salle était séparée d'une autre par une voûte de pierres habilement placées. Les fenêtres, pour la plupart brisées, étaient incrustées entre de fins barreaux de fer qui ondulaient afin de former des motifs du plus pur style baroque, à l'image des barres de métal qui maintenaient les planches des portes de bois massif entre elles.
Devant ce lieu à la fois hostile et confortable, repoussant et accueillant, Teilaste et Faivore ne surent quoi en penser. Ils s'y sentaient bien, tout simplement.
Après une journée d'explication du mode de vie, des horaires et autres habitudes, deux classes furent formées entre les 14 arrivants de toutes les écoles du territoire en fonction des aptitudes de chacun. Faivore fut déçue de se retrouver dans une autre que Teilaste pour aller dans celle plus centrée sur les techniques énergiques, mais son maître, un Cacturne aux épines qui commençaient à noircir à cause de son âge avancé, lui dit qu'il était mauvais de trop s'attacher à quelqu'un, celui-ci pouvant trépasser à n'importe quel moment et ainsi la déstabiliser moralement et physiquement. Un Cizayox, en réalité celui qui les avaient dénichés à l'école, et qui avait ensuite prit Teilaste sous sa tutelle, ne manqua pas de lui faire la même remarque. Le Lucario emmena la Kirlia à l'écart des autres :
- Ce n'est pas grave, on se reverra après les cours, nous avons un petit peu de temps de libre chaque soir avant d'aller manger.
- Oui... Un soupir. D'ailleurs, c'est l'heure d'y aller, reprit-elle en pointant les autres qui se dirigeaient vers la cantine.
Ils rattrapèrent ensemble le groupe, et ne se séparèrent qu'à l'heure du coucher.
Une nouvelle vie commençait.
***
Nous sommes à la Saison Déchue. Depuis la rentrée, Faivore et Teilaste se sont paisiblement habitué au dur rythme de vie de leur école de combat, malgré des premiers jours difficiles.
Après un réveil aux aurores, les classes avaient pour habitude de faire un peu d'étirements et d'échauffements dans les différentes salles de combat. Puis s'ensuivait un rapide petit-déjeuner composé d'un verre de jus de baie plutôt acide et d'un petit pain aux céréales ingurgités à toute vitesse, afin de ne pas se « refroidir ». Ensuite, les élèves tentaient d'accroître leurs capacités physiques, tel que l'agilité, la force ou l'endurance, par le biais de multiples exercices éprouvant : course, esquive de projectiles (des pierres au début, petit à petit remplacées par des objets plus dangereux, ce qui semblait plus motivant), lancer de poids... le tout en fonction des classes, et fonctionnant par roulement d'un jour à l'autre, durant toute la matinée.
Le déjeuner était rapide également, la plupart du temps composé de viande, à l'exception de certaines espèces qui ne supportaient pas d'en manger. Après le repas, les activités était principalement dédiées à l'entraînement sur la pratique des techniques « spéciales » et des armes... bien qu'ils n'en aient pas encore. Néanmoins, ils apprenaient les gestes de base, et principalement les différentes manières de se protéger contre tout type d'attaque. Suite de quoi ils avaient différents cours dans les matières de leur choix, ceux-ci ayant plus pour objectif de ne pas leur faire oublier tout ce qu'ils ont appris jusque là que de leur enseigner de nouvelles connaissances.
Le soir enfin, ils avaient quartiers libre jusqu'à l'heure du dîner, c'est-à-dire pendant environ deux heures dans notre monde. C'est principalement durant ce temps que Faivore et Teilaste se retrouvaient pour discuter de leur passé et probable avenir. Déjà, après si peu de temps, ils semblaient être de bons amis, ce qui n'était pas sans inquiéter leurs maîtres. Néanmoins, concernant les autres élèves de leur classe, ils suivirent les conseils prodigués par les « adultes », et même s'ils s'entendaient relativement bien avec tout le monde, ils ne se liaient particulièrement d'amitié avec personne.
Il y avait au total huit tuteurs pour une trentaine d'apprentis, soit autant que de salles de combat. Quatre étaient d'ailleurs spécialistes dans la pratique des armes, les autres préféraient utiliser leurs pouvoirs. Ceux du Kirlia et du Lucario étaient un Cacturne, Lighon, reconnu pour sa persévérance, même avec ceux qui avaient plus de difficulté, une Mangriff, Grofen, surnommé « L'intraitable », un Alakazam, Derale, un philosophe plutôt sympathique, sauf avec ceux qui baissaient les bras, et enfin le Cizayox, Mulgio, qui se faisait surtout connaître pour sa dureté involontaire, vu que les mots dépassaient souvent sa pensée, ce qui fait que, bien qu'il entraîne plutôt « les jeunes », comme il les appelle, au corps à corps, le fait de passer entre ses mains était perpétuellement un test de mental. Mais cela avait aussi pour conséquences que les élèves en ressortaient majoritairement plus grandis par rapport aux cours avec les autres maîtres.
Les apprentis n'étaient pas groupés en fonction de leur âge, mais de leur niveau : le but de l'école est de s'entraîner pour avoir des bases solides et éventuellement être prêt à combattre en cas de besoin, alors autant que cela soit dans un cadre équilibré. La plupart du temps, ils restaient trois ans environ, jamais moins, mais certains étaient là depuis plus de cinq ans. Néanmoins, ils n'étaient pas forcément mauvais pour autant, et aspiraient finalement à devenir professeur d'arme à leur tour. « Distribuer le savoir est plus difficile que de l'acquérir, mais la satisfaction en est d'autant grandie » disait souvent Derale, l'Alakazam, au Lucario, avec ce brin de philosophie qui lui était particulier. Ceux qui se décidaient à partir se rendaient ensuite dans une « université » de combat, qui ressemblait plus à une guilde qu'à un lieu de travail acharné. D'autres préféraient également arrêter les études et continuer leur chemin en solitaire, s'entraînant seuls, et vivant en tant que mercenaires, souvent comme gardes du corps. Mais aucun Monde n'est parfait, et la corruption et l'appât du gain existaient. Ainsi, certains acceptaient des travaux tels que vols ou assassinats pour de fortes sommes. Et des Combattants devaient donc combattre d'autres Combattants, dans ce cas.
Mais ni Teilaste, ni Faivore ne désiraient être des mercenaires. Ils désiraient se perfectionner autant que possible et assurer le travail pour lequel ils s'étaient engagés dans cette voie. Il ne leur manquait qu'une arme et le réel entraînement pourrait vraiment commencer.
***
La Saison Morte était déjà bien entamée. Après une matinée ordinaire, les classes comportant les élèves « nouveaux », terme qui leur collait à la peau depuis leur arrivée, bien qu'ils fussent là depuis presque une demi-génération, furent convoquées dans le grand hall. Ici les attendaient leurs maîtres, derrière une table sur laquelle brillaient quelques objets d'acier et de bois, que Teilaste n'eut pas bien le temps d'observer tout de suite. Une fois que tout le monde fut là, Grofen, la Mangriff, s'avança en frappant dans ses mains:
- Jeunes gens ! Silence, s'il vous plaît… Merci.
Elle reprit d'une voix plus douce.
- Si l'on vous a convoqué ici aujourd'hui, c'est parce qu'il est temps pour vous de faire un choix important…
Une clameur passa dans les rangs.
- Silence ! Vous allez donc faire un choix, disais-je. Après les quelques temps passés ici, vous allez devoir vous diriger vers quelque chose de plus concret…
Tout le monde retint son souffle tandis qu'elle prenait un air grave.
- Il est temps pour vous de choisir vos armes…
Elle ferma les yeux en attendant que passe le raffut qu'allaient faire les apprentis en apprenant cette nouvelle. Mais il n'en fut rien, et personne n'osait dire un mot. Elle demanda alors s'il y avait des questions. La première ne se fit pas attendre :
- Comment se fait-il que l'on doive choisir avec quoi combattre alors que l'on n'a jamais essayé d'arme ?
La Mangriff sourit. Elle s'attendait à cette question. La même que chaque année, en sorte…
- De nombreuses personnes n'auront qu'un choix limité dans les armes, compte tenu de leur espèce. Mais grâce à cette restriction, vous aurez une meilleure idée de ce que vous pourrez faire, et vous choisirez l'arme qui s'adapte le plus au style de combat que vous avez commencé à développer durant cette demi-génération. Je vous préviens au passage que votre choix est définitif, car l'arme sera taillée pour vous et vous seul, selon la morphologie de votre corps. D'ailleurs, si vous ne vous sentez pas encore prêts à prendre les armes, vous pouvez toujours continuer à vous entraîner quelques temps et ensuite venir voir l'un d'entre nous, afin de vous décider. D'autres questions ?
- Oui, fit une voix timide. Quand les aurons-nous ?
- Notre forgeron se chargera de modifier les armatures qu'il y a dans son atelier afin qu'elles correspondent bien à chaque personne. Elles seront toutes prêtes d'ici trois couchers et levers pour les plus complexes.
La foule la regardait avec scepticisme.
- Oui, nous avons un forgeron. Il est dans la salle à l'accès défendu.
Un « Mmmh » approbateur traversa la salle. Effectivement, c'était plausible. Une dernière question surgit alors, juste à côté de Teilaste :
- Mais si nous n'avons jamais essayé ces armes, n'est-ce pas trop dangereux de nous confier quelques chose que nous ne maîtrisons pas et avec laquelle nous pourrions blesser grièvement voire tuer quelqu'un involontairement ?
Faivore se tut alors, son problème étant posé.
- Ne vous inquiétez pas. Tant qu'il subsistera un risque, toutes les parties dangereuses, telles lames, piques et autres, seront en bois au lieu de l'acier. Quelques estafilades bénignes sont à craindre, mais vous devriez rapidement maîtriser ces armes, malgré les apparences. Je vous signale par ailleurs que ces armes n'ont pas pour but de tuer, mais plutôt de blesser et de rendre à l'impuissance un ennemi potentiel. Ne l'oubliez jamais ! Ne tuez que si vous n'avez pas d'autre choix !
Tout le monde acquiesça. La discussion était terminée.
Ils avancèrent pas à pas vers la table. Une douzaine de modèles différents les attendaient. Teilaste avait une palette relativement large, principalement basée sur les attaques silencieuses et rapides, telles qu'une sarbacane et des produit anesthésiants, un arc complexe aux bords tranchants, ou alors totalement l'opposé, comme par exemple une épée fine avec une poignée lançant un petit projectile. Il jeta un rapide coup d'œil à ce qu'il ne pourrait pas manier, à l'exemple une espèce de canon qui lançait à une vitesse foudroyante une bille énergétique sensée paralyser l'ennemi. Mais ses pattes n'avaient pas la forme pour appuyer sur la détente, et il n'était de toute façon pas emballé par ce type de moyen.
Son regard se reporta vers ses choix, et sous le conseil d'un de ses maîtres, il choisit des gants de cuir prolongés de deux griffes chacun, qui ne couvrait que le dos de sa patte et encerclaient ses poignets. Celui de gauche était astucieusement combiné à un lanceur de petites lames plates dont la forme évoquait un typhon, mais celles-ci pouvait être remplacées par une sorte de grappin, et projetait donc un embout griffu auquel l'utilisateur était relié par une corde. Malheureusement, le système de ré-enroulage n'était pas assez puissant pour hisser l'usager à cause de la miniaturisation, et l'on devait donc grimper le long de la corde. Le lanceur remontait jusqu'au coude, sans pour autant gêner l'articulation, et avait donc une recharge de cinq projectiles de la taille de deux doigts de créature humanoïde. Une barre de fer bloquait l'organe avec le haut du gant, et lorsque que l'on tournait l'anneau au niveau du poignet, les griffes se rétractaient. Il y avait deux crans dans celui de gauche, le premier sortant les griffes, le deuxième modifiait le mécanisme, afin que la poignée, par une simple traction, permette de tirer, et le troisième était la « position passive », c'est-à-dire celle où toutes les armes étaient rangés.
Teilaste se demandait juste comment cela fonctionnerait quand il faudrait faire un trou pour les pics de ses poignets.
Pendant ce temps, Mulgio, le Cizayox, prenait note des vœux des élèves. Le Lucario le prévint qu'il avait choisi. Il prit les mesures nécessaires pour qu'elles soient à sa taille, et les inscrivit sur son carnet. Puis il annonça fièrement :
- Et une paire de Tornade Occulte pour Teilaste. Suivant ?
Tornade Occulte… beau nom. Un nom qui allait désormais le suivre jusqu'à la fin de sa vie de Combattant. La plus grosse partie de l'entraînement venait seulement de débuter…