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Éterna de Tyriak



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Informations

» Auteur : Tyriak - Voir le profil
» Créé le 13/02/2012 à 12:16
» Dernière mise à jour le 13/02/2012 à 12:16

» Mots-clés :   Aventure   Johto   Région inventée

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Des étoiles dans les Yeux
Rayon de soleil. Lyséa s'éveille.
La proximité de la mer avait quelque peu délavé les façades des maisons les moins récentes, qui semblaient presque délabrées à côté des bâtisses neuves qui bourgeonnaient un peu en retrait. Seul le centre Pokémon, rougeoyant fièrement depuis quinze ans, sauvait encore l'honneur de la partie rurale de la bourgade, maintenant envahis par les murs de verre et d'acier qui caractérisaient le centre de recherches géologiques et ses « miniatures », comme on désignait ici les habitations des scientifiques qui composaient maintenant un bon tiers de la population lysienne.
Timides par natures, les campagnards évitèrent tout d'abord les nouveaux bâtiments, mais ce sans animosité. Lorsque les chercheurs et leurs familles s'installèrent, les besoins élémentaires de ces nouveaux villageois permirent très rapidement un rapprochement des deux communautés, et ce commerce de proximité se mua tout aussi vite en des relations plus amicales.
Les échanges avec l'extérieur se sont multipliés, et ce qui constituait un petit village s'était métamorphosé en bourgade dynamique, tout en conservant ses principaux attraits : convivialité et tranquillité. Il faut bien plus de sept ans pour devenir une ville ! M. Dyran avait alors profité de cet essor pour se débarrasser de sa fonction de maire et se consacrer entièrement à sa ferme, où les Ecremeuh se multipliant lui donnaient de plus en plus de travail.

En pensant à tout ce travail qui l'attendait, Aléa quitta sa fenêtre et ses pensées pour finir de s'habiller. Après avoir enfilé un pantalon en toile et un vieux t-shirt, propices à une longue balade dans les ruelles du village, elle fit un bref arrêt devant le miroir qui siégeait dans un coin de sa chambre pour passer un rapide coup de brosse dans la tignasse brune qui cascadait dans son dos. La surface argentée lui renvoya l'image d'une jeune fille plutôt grande, svelte, que la Nature et la puberté avaient dépourvue de ses allures innocentes pour lui fournir de solides preuves de sa féminité. On lui donnait seize ans ; elle en avait douze. Parfois, elle se disait que ces confusions sur son âge étaient dues à ses deux grands yeux, qui reflétaient une maturité vite acquise. Deux grands yeux rouges. Rouge... La couleur de la détermination qui l'habitait depuis sept ans.
Ses cheveux soigneusement attachés, en un nœud compliqué que seule une mère peut transmettre à sa fille, Aléa balaya sa chambre du regard. Le lit, dont les grosses couvertures avaient été remplacées par de simples draps à l'arrivée du printemps, était soigneusement refait. Sur le bureau, un livre trônait, ouvert, et des cahiers s'entassaient dans un coin. Son sac pendait mollement à la chaise. L'armoire était fermée ; la jeune fille tâta machinalement sa poche, pour y sentir la lourde clé qui verrouillait ses secrets. Lorsqu'elle ouvrit la porte, un courant d'air bienfaisant gonfla les rideaux de sa fenêtre ouverte. Elle traversa le couloir sans faire de bruit ; sa mère dormait encore. La grande horloge lui indiqua six heures tandis qu'elle descendait l'escalier. Daéglar, le Caninos qui l'aidait dans ses tâches quotidiennes, la suivit lorsqu'elle franchit la grande porte qui la séparait de l'extérieur.
Comme d'habitude, la fraicheur du matin ne la frappa pas. Tout d'abord parce que l'arrivée du printemps avait aussi bien adouci l'aube que la nuit, mais aussi parce que son compagnon diffusait tout autour de lui d'agréables vagues de chaleur. Sa mère, en bonne infirmière, lui avait rapidement expliqué que c'était ainsi que la plupart des Pokémon de type Feu éliminaient les déchets de leurs corps : en les brûlant de manière à conserver une température corporelle très élevée. De simples vagues de chaleur constituaient ainsi le résultat de milliers d'années de mécanismes évolutifs qui avaient fini par converger vers un même point : l'Utile.
Ainsi plongée dans ses pensées vagabondes, Aléa avançait sur la route qui conduisait à la ferme. À cette heure, il n'y avait personne sur la route, pavée depuis quelques années jusqu'au croisement qui séparait symboliquement les laboratoires des verts pâturages parsemés d'Ecremeuh. En atteignant celui-ci, Aléa tourna à gauche et commença l'ascension de la route cahoteuse tracée par le passage des hommes, des troupeaux et des charettes.

* * *
Blottie dans le panier qu'elle défendait belliqueusement depuis qu'elle était capable d'utiliser Charge, Éterna souleva une paupière encore lourde de sommeil, découvrant un œil violet. Violet... La couleur de la résignation qui l'habitait depuis tant d'années. Elle s'étira, puis marcha doucement jusqu'au jardin où Derlïo nourrissait les Pokémon. Plus grande que tous ces bébés, l'Évoli inspirait un profond respect, et n'eut donc aucun mal à se faufiler parmi ses colocataires.
Rassasiée, elle se dirigea vers les bordures de la propriété, posa ses pattes avant sur une barrière et admira le lever du soleil. À cette heure, le soleil flamboyait, de la même façon que les yeux d'une fillette de cinq ans étincelaient dans sa mémoire. Les humains grandissent eux aussi... À quoi ressemblait-elle aujourd'hui ? Avait-elle conservé son odeux ? Sa voix ? Son regard ? Quand viendrait-elle la chercher ? Car oui, elle devait venir. Éterna avait senti le sens des mots qu'elle avait prononcés, avant de s'évanouir comme un rêve.
« La prochaine fois que je viendrai, tu repartiras avec moi ! ».
La petite Évoli avait alors gravé ses mots dans sa mémoire. Non, pas des mots. Une promesse. Un serment. Un pacte. Elle se sentait capable de le prononcer, ayant aussi inscrit en elle la force avec laquelle la fillette avait proféré cette incantation qui les sauverait toutes les deux. Enfin, il restait à ajouter à cette rémanence l'image de deux grands yeux rouges et larmoyants, qu'un sourire, si beau, si innocent pourtant, n'avait pas pu adoucir.

* * *
« Bonjour Madame ! C'est pour le lait ! Trois bouteilles, comme d'habitude ? »

La voix chantonnante d'Aléa achevait le réveil des villageois aussi sûrement qu'une paire de claques d'un Mackogneur. En beaucoup plus agréable, bien évidemment. Elle gambadait dans les rues, aux côtés du chariot que tirait Daéglar, contenant son empilage serré de bouteilles de Lait Meumeu bien frais. Grâce à l'exceptionnelle endurance dont elle faisait preuve depuis son plus jeune âge, elle avait pu aider son père dans ses tournées quotidiennes. Son sourire ravageait les portes-monnaies de leurs concitoyens aussi sûrement que le liquide remplissait leurs estomacs.
Elle n'avait que de vagues souvenirs de l'époque où elle avançait aux côtés de son père, sur la grande charrette alors tirée par un Ponyta. Le Caninos avait envahi la maison à ses sept ans, recueilli par un voyageur qui l'avait confié à l'infirmière Dyran, et avait décidé d'accompagner Aléa et son père dans leurs excursions matinales. À huit ans, la présence de ce compagnon enjoué permit à la fillette de prendre toute seule en charge la distribution du lait, récoltant ainsi les faveurs des habitants et les nombreux pourboires qui allaient avec.
Lorsqu'elle atteignit ses neuf ans, l'installation du Centre de Recherches doubla la population et rallongea d'autant sa tournée. Ne rechignant pas devant la tâche, elle trouva même plaisant le rapprochement que son sourire précipitait entre les fermiers et les scientifiques. Un plaisir qui pouvait aussi passer par des petites invitations, à se désaltérer en été ou se réchauffer en hiver. À cette saison, Daéglar câlinait volontiers les habitants – surtout les enfants – frigorifiés par l'humidité qu'apportait la mer. Ainsi, la paire de laitiers était devenue célèbre dans tout le village.

S'arrêtant devant la bijouterie du village, elle en contempla la vitrine où quelques rayons venaient jouer au milieu des pierres précieuses. L'un de ces farceurs rentrait ainsi par la droite de la vitre, d'où il fonçait vers un joli rubis suspendu au bout d'une chaine d'or. De là, il donnait naissance à une multitude de petite taches rouges, qui partaient elles aussi jouer avec les autres pierreries. L'une d'elle trouva commode d'aller faire étinceler une améthyste, projetant à nouveau une infinité de bébés lumineux.
« La prochaine fois que je viendrai, tu repartiras avec moi ! »
C'est ce qu'elle avait promis il y a sept ans, quand son père, malade, avait eu besoin d'elle. Et elle tiendrait cette promesse.
Qu'était devenue Éterna durant tout ce temps ?

* * *
Le vent frais apportait le doux parfum des fleurs avec lui. Les yeux fermés, l'Evoli emplissait ses narines du parfum fort des roses qui bordaient le terrain. Depuis le départ de Gameray, le Korillon chef d'orchestre, elle avait pris l'habitude de passer ses journées au calme, tout du moins dans un silence relatif qui consistait à se trouver loin des autres Korillon. Ponctuellement, elle se jetait dans la petite mare pour jouer avec les Azurill et les Togepi. Ces derniers s'accrochaient à sa queue, qu'elle agitait alors doucement pour les lancer un peu plus loin. Ce jeu l'épuisait, et surtout l'empêchait de laisser divaguer ses pensées.

* * *
Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'Aléa et Daéglar rentrèrent chez eux. Jetant un coup d'œil à la pendule -10h20, il était encore tôt- elle grimpa quatre à quatre les marches qui menaient à l'étage et se rua dans sa chambre. Rapidement, elle fit les comptes, et ajouta les 210 pokédollars de pourboire à la cagnotte qui reposait dans son tiroir. Elle savait parfaitement la somme qu'elle possédait à l'intérieur, si bien qu'elle avait déjà réalisé que le total dépassait déjà le nombre inscrit dans le coin : trente mille, alors griffonné par une enfant, recopié à partir d'un souvenir. Sa mère lui avait dit qu'elle lui donnerait le quart de la somme, mais elle ne connaissait alors pas la signification de quart, et s'était résolue à tout rassembler.
Il lui fallut regarder dans le miroir pour se rendre compte qu'elle pleurait.