6 - Rencontres et Racines
- « CRETINS !!! ABRUTIS !!!! ET CA CE DIT DRESSEURS ?! VOUS SAVEZ CE QUE VOUS ETES ?! VOUS N'ETES QU'UNE BANDE D'HANDICAPES DE LA POKEBALL SANS CERVELLE ET SURTOUT SANS COU...
- Lily !
- QUOI ?!
- Euh... Je pense qu'ils ont compris le message, là... »
Les dresseurs sur lesquels Lily passait ses nerfs depuis déjà cinq bonnes minutes étaient alignés le long d'une barrière de sécurité installée un peu plus tôt par la police de Carmin-sur-Mer. Sur les cinq, un s'était déjà aplati par terre en sanglotant, deux autres se tenaient accroupis la tête entre leurs mains tremblantes et les deux derniers fixaient leurs pieds, avachis sur la barrière, incapables de soutenir le regard du petit bout de femme qui les traitaient de tous les noms d'oiseau qui lui passait par la tête. Et elle avait l'air de disposer d'une sacrée liste d'insultes en tout genre. L'un d'eux semblait même avoir une étrange tache humide sur son pantalon... Quand Yoru osa interrompre la diatribe de Lily, celle-ci lui jeta un regard noir puis posa ses yeux sur le petit groupe face à elle. Estimant qu'elle les avait suffisamment enfoncés au moins pour le reste de la journée, elle tourna simplement les talons et s'éloigna dignement, sans un regard en arrière. Yoru secoua la tête et leva les yeux au ciel, jeta un dernier coup d'œil aux cinq dresseurs qui n'avaient toujours pas relevés les yeux et couru rattraper Lily.
Celle-ci marchait d'un pas vif, le point droit serré sur la pokéball d'Etoile. C'était la première fois que Yoru voyait Lily sans la silhouette rassurante du Kangourex marchant à ses côtés et la jeune femme avait l'air beaucoup moins impressionnante ainsi. Néanmoins, il se garda bien d'ouvrir la bouche. Depuis qu'ils avaient trouvé Etoile entourée d'une bande de dresseurs persuadés de tenir le coupable de l'attentat du Centre Pokémon, Lily n'avait pas desserré les poings, surtout pas quand elle avait décroché un crochet du droit monumental à ce dresseur arrogant et son Migalos. Elle avait alors insulté tout le monde et les autres s'étaient rendus à l'évidence qu'il ne s'en prenait pas au bon pokémon. L'avantage, c'est que Yoru avait pu enrichir très largement son répertoire d'insultes...
L'adrénaline s'envolant peu à peu, la douleur de ses blessures remontaient à la surface et Lily se senti se crisper davantage. Il fallait qu'elle se repose. Etoile, en sécurité dans sa pokéball, s'agita doucement dans sa main droite. Elles devaient toutes les deux se reposer, maintenant qu'elles s'étaient retrouvées. Elle s'arrêta près d'une tente des secours, les yeux fermés, les jambes tremblant légèrement. Ses vêtements, encore marqués par l'attaque, puaient la poussière, le sang et la sueur. Elle tenta sans grand résultat de détendre ses doigts engourdis et de reprendre son souffle, de respirer calmement. Une douleur à l'abdomen la fit tressaillir et elle serra les dents. Quand Yoru la rattrapa, elle se contenta de lui jeter un coup d'œil avant de s'engouffrer dans la tente la plus proche.
A l'intérieur, l'agitation était telle que Lily se fit bousculer plusieurs fois avant d'atteindre un petit bureau surchargé de matériel médical, installé à la hâte près de l'entrée. La tente semblait consacrée à la supervision des secours, plusieurs personnes entraient et sortaient précipitamment en portant du matériel et de nombreux pokémons volants circulaient au dessus de leurs têtes en portant des messages ou de petits colis. Des tables étaient alignées sur plusieurs rangées et semblaient toutes recouvertes de documents ou de cartons de toutes les tailles tandis que plusieurs ordinateurs ronronnaient au fond de la grande tente. Derrière le petit bureau de l'entrée, une jeune femme à l'allure ébouriffée, portant ses lunettes serties d'écailles de travers, essayait de se faire entendre à travers le brouhaha ambiant en rapprochant au plus près de sa bouche un vieux combiné téléphonique usé. Lily s'approcha d'elle et après un échange de regards froids lui arracha le téléphone des mains.
- « Mais... ! Ou vous croyez-vous ? C'est un appel important !
- Pas aussi important que le mien. »
Lily raccrocha le téléphone et décrocha à nouveau pour composer un autre numéro. La jeune femme de l'autre côté du bureau ne la laissa cependant pas faire et s'agrippa elle aussi au téléphone. Mais avant que Yoru, le sourire jusqu'aux oreilles, n'assiste encore à une explosion de sa tutrice, un homme en tenue de police s'avança vers eux. Il les jaugea tout les trois du regard, arracha le combiné des mains des deux jeunes femmes et, sous leur regards médusés, débrancha le téléphone, le glissa sous son bras et reparti comme il était venu. Lily, courroucé, essaya de le suivre à travers l'agitation et le retrouva au fond de la tente, près des ordinateurs en marche, parlant à l'oreille d'un vieille homme si proche de l'écran que son nez le touchait presque. La jeune femme s'avança vers lui. Yoru, qui avait réussi à la suivre en s'accrochant à sa chemise déchirée, se cacha derrière elle au moment où le policier ce tournait vers eux. Dépassant Lily d'une bonne tête, il fronça les sourcils encore un peu plus en la détaillant de son regard bleu acier. Lily l'apostropha :
- « Dites donc, vous, j'avais l'intention de passer un appel au cas où vous ne l'auriez pas remarqué.
Lily ne semblait en aucun cas intimidée par le personnage se tenant devant elle, mais avait l'air plutôt agacée. Elle leva son regard vers lui en posant ses mains sur ses hanches. La douleur de ses blessures avait refluée, elle se sentait de nouveau prête à tenir tête à n'importe qui et ce n'était certainement pas un vieux flic prétentieux qui allait l'empêcher de téléphoner à son petit frère. Car c'était bien lui qu'elle avait l'intention d'appeler : pas pour lui dire quelle était saine et sauve, merci bien, mais pour lui rappeler qu'il avait intérêt à remettre le Centre Pokémon impeccable même si elle ne rentrerait pas ce soir comme prévu... Il était hors de question qu'il se relâche alors qu'elle avait seulement un contretemps sur son planning. Le policier se tourna alors vers elle et la fixa quelques secondes de ses yeux bleus, avant de prendre la parole d'une voix grave :
- Mademoiselle, cette section de la tente est réservée aux secours. Veuillez attendre à l'extérieur.
Il lui tourna ensuite le dos sans plus de cérémonie et se replongea dans sa conversation avec le vieil homme et son ordinateur.
- J'irais dehors une fois que j'aurais téléphoné.
Et Lily s'empara du combiné que l'homme avait eu le malheur de poser en évidence sur une petite table près d'eux. Elle tourna les talons et s'apprêtait à partir quand une main de la taille d'une assiette s'abattit sur son épaule. Lily chancela puis pivota rapidement, sa main tenant la pokéball d'Etoile prête à agir, mais elle n'eu pas le temps de faire quoi que ce soit. Le policier la maintenait d'une poigne de fer et lui jeta un regard noir quand une voix l'interpella :
- Voyons, lieutenant, mais que faites-vous donc ?
Un jeune homme s'approcha d'eux, le regard passant d'abord sur Lily, les vêtements tachés de saletés, de sueur et de sang et l'air féroce, le combiné téléphonique coincé sous un bras, puis sur l'homme qui la tenait fermement et soufflait comme un Tauros, les sourcils tellement froncés qu'ils se touchaient presque. Les deux lui jetèrent un regard interrogateur, puis le policier lâcha brusquement la jeune femme qui manqua de trébucher sur Yoru, toujours caché derrière elle. Il se dressa au garde à vous et parla d'une voix forte :
- Veuillez m'excuser, capitaine, mais cette fille semble vouloir à tout prix semer la pagaille ici. Elle à déjà manqué d'agresser notre secrétaire et...
- QUOI ? Nan mais ça va pas ?! Je veux téléphoner, TE-LE-PHO-NER ! C'est si compliqué à comprendre ?
Lily parlait maintenant en faisant de grands gestes autour d'elle et aurai continué sur sa lancée si le fameux capitaine n'avait pas saisi son poignet à ce moment. Elle s'interrompit et le regarda avec intensité. Il était plus vieux qu'elle, mais pas de beaucoup. Comment avait-il pu accéder au grade de capitaine aussi tôt, c'était un mystère. Son visage était fin, ses cheveux blonds retombaient par mèches devant ses yeux d'un bleu très clair. Il était un peu plus grand qu'elle et ne portait pas d'uniforme, contrairement aux autres policiers. Il semblait s'être vêtu à la va-vite d'un jean et d'une chemise blanche, une veste sombre négligemment jeté sur une épaule. Il la fixa un instant et leva les sourcils d'un air étonné, puis dirigea son regard vers l'autre policier.
- Je m'occupe d'elle, lieutenant. Venez me voir si vous avez du nouveau. »
Puis il fit demi-tour sans attendre de réponse et entraîna Lily dans son sillage malgré ses protestations. Il n'avait toujours pas lâché son poignet et la jeune femme dû faire un effort pour suivre son rythme tandis qu'ils retraversaient la tente bondée jusqu'à la sortie. Il poursuivit son chemin à l'extérieur jusqu'à une autre tente montée par la police, plus petite que les autres, où il s'y engouffra rapidement, Lily toujours bien malgré elle sur ses talons. Une fois à l'intérieur, il la fit asseoir sur un siège pliant près d'une table couverte de documents. Un autre policier se tenait là, et il sorti sans un mot après un geste du capitaine. Celui-ci fouilla quelques instant la grande malle derrière lui et en sorti une bouteille d'un liquide ambré ainsi que deux petits verres. Lily, qui n'avait toujours rien dit, se redressa sur son siège, tenta d'afficher un air décontracté et souffla calmement :
- « Vous savez, si vous vouliez juste m'inviter boire un verre, il suffisait de le demander... Elle affichait un sourire ironique sur ses lèvres et regardait l'homme devant elle du coin de l'œil. Celui-ci lui jeta un regard indéchiffrable et lui tendit un verre plein qu'elle saisi machinalement. Elle le regarda attentivement. Il semblait préoccupé, se mordant la lèvre en faisant tourner sa boisson dans son verre de façon mécanique, les sourcils froncés. Il prit la parole tout en marchant autour de son bureau :
- Au fait, désolé de vous décevoir mais presque toutes les lignes téléphoniques sont coupées. Il va falloir que vous attendiez au moins demain avant de pouvoir passer un coup de fil. La priorité est donnée à l'organisation des secours.
Lily resta silencieuse. Il aurait très bien pu lui dire ça quand ils étaient encore dans la tente tout à l'heure. Alors pourquoi l'avoir amené ici ? Elle s'apprêta à boire quand il s'immobilisa soudain et braqua son regard sur elle :
- J'aimerais savoir...Que faites-vous donc ici, mademoiselle Esrian ?
Lily le regarda avec des yeux ronds.
- Parce qu'on se connait ?
- ...disons que moi je vous connais. J'ai beaucoup entendu parler de vous depuis l'affaire de la tour cendrée, à Rosalia. Vous avez secoué pas mal de monde, là bas...
Lily haussa un sourcil mais garda le silence. Ce qu'il s'était passé à Rosalia 5 ans plus tôt avait en effet fait couler beaucoup d'encre. Cependant, officiellement elle ne se trouvait pas sur les lieux et ce petit capitaine ne devait avoir que dans les 20 ans à l'époque, impossible qu'il se soit trouvé mêlé à cette affaire. Alors soit il avait fait des recherches sur elle, ce qui semble étonnant puisque de nombreuses précautions avait été prises alors afin d'éviter que quelqu'un apprenne qu'une gamine de 14 ans se trouvait au cœur des événements, soit il avait simplement entendu son nom associé à ce dossier par hasard et l'avait balancé dans l'espoir de faire son petit effet... Mais qui aurais pu être suffisamment stupide pour parler de ça au détour d'un couloir ? Les personnes au courant de sa présence dans la tour à ce moment pouvaient se compter sur les doigts d'une main. Et aucun d'entre eux n'étaient à ce point insouciant...
- J'entends les rouages de votre cerveau tourner d'ici, ajouta-t-il dans un sourire.
Lily s'installa confortablement dans son siège et essaya de croiser les jambes, avant de se souvenir dans une grimace que son genou la faisait toujours souffrir. Elle leva les yeux vers lui. Sa gueule d'ange incitait peut être les gens à se confier, mais ça ne marchait pas avec elle, tout simplement parce qu'elle savait très bien jouer à ce jeu. Certes elle n'était pas forcément dans la tenue idéale pour ça, avec ses vêtements déchirés, poussiéreux et tâchés de sang. D'un air complice, elle lui lança cependant un sourire en coin et lui décrocha un clin d'œil.
- Je dois l'avouer, je me serais souvenu de quelqu'un dans votre genre. Mais vous avez un avantage sur moi : vous savez déjà qui je suis alors que je n'ai pas le plaisir de connaitre votre nom.
S'il l'avait fait venir dans sa tente pour l'interroger sur ce qu'il s'était passé là bas, il pouvait toujours courir. Le jeune homme passa une main dans ses cheveux d'un air gêné et sembla se reprendre.
- Pardonnez mon impolitesse. Je suis le capitaine Davis, je dirige les opérations de secours ici.
- Hum, je vois. Et donc vous vous êtes dit que vu l'ampleur des dégâts, vous aviez bien le temps de m'inviter papoter avec vous.
Et avant que le capitaine puisse relever ce que Lily venait de dire, Yoru déboula brusquement dans la tente, suivit de près par le secrétaire que Davis avait fait sortir quelques temps avant. Celui-ci avait un aspect un peu chiffonné et semblait confondu lorsqu'il expliqua d'un ton pitoyable que ce gamin voulait absolument retrouver sa tutrice et qu'il avait réussi à lui échapper pour rentrer. Le capitaine haussa un sourcil interrogateur. Lily prit la parole d'un air ennuyé :
- Il est avec moi. D'ailleurs tu tombes bien, ajouta-t-elle en se tournant vers Yoru, tu ne devais pas me trouver 10 kg de bai Oran ? Ne crois pas que j'ai oublié. On va immédiatement aller vérifier si tu as bien fait ce que je t'ai demandé. Et dans un mouvement bref elle se leva, vida son verre, attrapa Yoru par sa cape et quitta la tente en mimant un salut militaire peu crédible à l'adresse du capitaine. Celui-ci, toujours debout son verre plein à la main, ne pu que la voir tourner les talons et s'éloigner en boitant d'un pas rapide, le garçon brun s'agitant vainement derrière elle.
- Sacré petit bout de femme », conclut-il en vidant son verre d'un trait, son secrétaire à l'air ahuri le fixant toujours de ses yeux ronds.
Yoru hésitait à lui demander ce qu'elle fabriquait avec ce policier blond dans la tente tout à l'heure. Pour le moment il marchait au côté de Lily et son regard se posait un peu partout autour de lui. Ils traversèrent rapidement le camp des secours jusqu'à revenir vers la grande tente principale où les blessés étaient soignés. Une petite tente plus discrète y était accolée, et des infirmiers y amenaient justement un brancard recouvert d'un drap blanc. Yoru ne pu en détacher son regard, jusqu'à ce que le petit convoi s'engouffre à l'intérieur. Au même moment, Lily s'arrêta et prit la parole d'une voix douce :
- « Le soleil va bientôt se coucher.
Yoru leva les yeux vers le ciel. L'astre descendait lentement vers l'horizon, même si sa lumière était encore forte. Il n'avait pas imaginé que tant de temps s'était écoulé. Il était un peu plus de midi quand l'attaque du Centre Pokémon avait eu lieu et maintenant le soleil se couchait et les secours étaient encore en train de sortir des gens des décombres.
- On va chercher de quoi manger un morceau et se reposer. Il faut que je me pose, ajouta-t-elle dans un souffle, si bien que Yoru n'était pas certain d'avoir entendu. Il la regarda attentivement et s'aperçut qu'elle tremblait légèrement, les yeux fixés sur les décombres du Centre Pokémon, le visage fermé. Elle semblait perdue dans ses pensées.
- On pourrait aller là, dit Yoru d'une voix hésitante en montrant du doigt la grande tente de soins.
De nombreuses personnes y entraient maintenant, les bras chargés de ce qu'il semblait être des cartons remplis de rations de survie.
- Je te suis. »
Etonné, Yoru prit la tête et s'avança parmi les décombres jusqu'à l'espace dégagé à l'entrée de la tente. Lily le suivit de loin. Ils entrèrent à l'intérieur et une infirmière les conduisit vers de petites tables alignées ou des gens se restauraient déjà. Les visages étaient fermés, sombres. Lily et Yoru se laissèrent tomber sur un banc et avalèrent rapidement le plat tiède et insipide qu'on leur apporta, puis s'éloignèrent vers un coin de la tente ou des couchettes à même le sol étaient installées. Dans un soupir, la jeune femme s'allongea en faisant attention à ne pas cogner son genoux douloureux. Yoru la regardait discrètement et la vit poser avec soin la pokéball d'Etoile près de son visage, au creux de sa main. Puis elle lui tourna le dos et murmura un vague « repose-toi » en remontant la petite couverture sur ses épaules.
Yoru fixa encore quelques instants le dos de la jeune femme, puis fit sortir le plus discrètement possible son Nidoran mâle, Royal, de sa pokéball. Il s'emmitoufla sous sa propre couverture et le petit pokémon vint se blottir contre lui. Perdu dans ses pensées, il gratouillait mécaniquement les oreilles de son compagnon qui semblait apprécier. Puis, ses yeux se fermant tout seul, un bras autour du cou de son pokémon, il s'endormit.
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Trop émotif. Trop impliqué. Trop immature. Trop défaitiste. Pas assez de sang froid. En résumé : trop faible.
Stone regardait son maître d'un œil absent. Dans la petite pièce du commissariat de Via-city, il se tenait avachi sur un tas de journaux, derrière Will qui grignotait machinalement un biscuit rescapé du paquet que le Capumain avait englouti. Celui-ci, assis sur la table, le lorgnait avidement. Parmi les policiers, seuls deux étaient encore dans la pièce. L'agent Todd s'occupait de trier un tas de papier en équilibre instable sur un petit bureau surchargé, tandis que Baron, le grand brun peu bavard, zappait à la vitesse de l'éclair sur le petit poste de télévision. Les deux autres étaient partis « préparer l'expédition ». Stone ignorait de quoi il s'agissait, mais en tout cas ça avait sacrément retourné le gamin. Il avait même cru qu'à un moment, il allait se lever et partir au nez et à la barbe des autres. Mais non, il s'était rassis. Et comme à son habitude, il s'était découragé. Encore. Heureusement que le grand aux cheveux bonds et qui fumait comme un Chartor avait prit les choses en main. Et maintenant, ils attendaient que quelqu'un dise qu'il était temps d'y aller... Stone leva les yeux et croisa ceux du Capumain. L'air curieux, le singe sauta de la table et s'approcha doucement de lui. Il s'assit juste devant son nez, sa large queue en forme de main battant la mesure derrière lui. Le Mangriff lui jeta un regard noir et détourna dignement la tête. Ce Capumain affichait vraiment un air stupide. Celui-ci lui répondit avec un grand sourire. Soudain, il bondit sur sa queue, exécuta un salto dans les airs et retomba directement sur le dos de Stone qui émit un feulement de protestation. Le poil hérissé, il se jeta toutes griffes dehors sur le Capumain qui avait déjà rebondit et traversait la pièce en sautant de meuble en meuble sur sa queue, son grand sourire toujours accroché à ses lèvres. Stone se dressa sur ses pattes arrières et s'apprêtait à corriger cet insolent quand Will intervint :
- « Stone ! Du calme. Il a l'air d'être jeune, il veut certainement jouer. Pas la peine de t'énerver comme ça.
Mais le Mangriff n'avait pas dit son dernier mot. Il ignora les paroles de son maître et bondit sur le singe qui se réfugia dans les bras du policier roux qui venait d'entrer dans la pièce.
- Baz ! Mais que... ?
Et le policier reçu une boule de poils, de griffes et de crocs sur la tête alors que le singe bondissait encore.
- Argh ! Mais lâche-moi, bon sang ! Et gamin, rappel ton pokémon !
Will se précipita sur Stone et réussi à l'attraper dans ses bras tandis que celui-ci se débattait pour se jeter sur le singe, qui le narguait perché sur la tête de son dresseur. Toujours devant la télé, Baron affichait un sourire ironique tandis que Todd essayait de rassembler sa pile de documents que Stone, dans sa hâte d'attraper le macaque, avait fait tomber.
- Allons, allons, ça suffit !
Nest entra à son tour et jeta un œil circulaire sur la pièce avant de poser ses yeux sur Will, qui se débattait avec son pokémon dans ses bras.
- Tu n'as pas sa pokéball ?
Will fit non de la tête. Stone, retrouvant peu à peu son calme, jeta un regard noir à Nest et croisa les pattes avant en boudant, l'air rageur. Will le posa doucement à terre pendant que Nest reprenait la parole :
- Faudra faire avec alors. Le 4x4 est prêt, on peut partir dès maintenant. Todd, toujours pas de nouveau ?
- Rien à faire, les lignes téléphoniques ont du être endommagées.
Todd avait passé bon moment à essayer de téléphoner au commissariat de Carmin-sur-Mer pour avoir des informations sur la catastrophe, et notamment les noms des survivants, en vain.
- Raison de plus pour y aller rapidement, alors. Toujours d'attaque, gamin ? Ajouta-t-il en s'adressant à Will. Il sourit d'un air bienveillant, sa cigarette coincé entre ses lèvres.
Le garçon hésita, puis se dit qu'après tout, ces trois là étaient des policiers et s'ils pouvaient l'amener au près de sa sœur, autant qu'il profite de l'occasion. Il songea un instant au hall d'entrée boueux du Centre Pokémon qu'il laissait derrière lui, puis à la disparition de son précieux appareil photo. Il eut un pincement au cœur : Lily était sa sœur, alors bien sûr qu'elle passait avant son appareil ! Il secoua la tête pour remettre ses idées en place :
- Je suis prêt, fit-il d'un air buté. Il posa son regard sur Stone qui le regardait également, une lueur étrange dans le regard, et se corrigea : On est prêt. »
Trop émotif. Trop impliqué. Trop immature. Trop défaitiste. Pas assez de sang froid. En résumé : trop faible.
Mais il y a de l'espoir.
Quand ils pénétrèrent dans le hangar sombre derrière le commissariat, Bazooka s'avança d'un pas conquérant vers le 4x4 rutilant garé au fond. De loin, le véhicule ressemblait à un de ses Bastiodon préhistoriques dont Will avait vu le squelette lors d'une exposition, mais au moins cinq fois plus grand et teint en rouge vif. Il s'approcha du capot qui lui arrivait au niveau des yeux, un peu intimidé.
- « Alors ? Il en jette, hein ! Je te présente le Bull ! Fit le policier en s'appuyant négligemment sur un des énormes pneus. C'est le pick-up le plus rapide du monde ! Equipé d'un V10 8.3L, en gros 500 galopas envoyés sur l'essieu arrière rigide et des ressorts à lame triple...
- Ca va, ca va, pas la peine d'en faire la pub à chaque fois... L'interrompit Baron en passant devant lui. Il contourna l'énorme masse du « Bull » pour ouvrir la porte arrière.
- Votre carrosse est avancé, messieurs, fit-il à l'adresse de Will et Stone qui se regardèrent mutuellement avant de se hisser à bord. A l'intérieur, l'espace était plutôt vaste. Baron se glissa à leur côté tandis que Nest montait à l'avant et que Bazooka grimpait à la place du chauffeur.
- Tu ferais bien d'attacher ta ceinture, cow-boy, souffla Nest avec un sourire en le regardant dans le rétroviseur, ce que Will fit aussitôt.
Baz le Capumain s'installa sur l'épaule gauche de son maître et le policier tourna la clé en écrasant la pédale d'accélérateur. Le véhicule fit un bond en avant et déboula sur la rue dans un rugissement sonore, tandis que Will se trouva projeté en arrière sur son dossier et que Stone atterri brusquement sur ses genoux. Tremblants de partout, le garçon et son Pokémon se redressèrent lentement pour regarder dehors. Il n'apercevait cependant que son reflet sur la vitre et quelques lumières au loin ; la ville défilait trop vite pour pouvoir reconnaitre quoi que ce soit. Bazooka, au volant, semblait détendu. Il sifflotait sur l'air d'une chanson rock qui passait à la radio tandis que Baz s'amusait à passer la tête par la fenêtre ouverte. Nest, lui, avait les bras croisés au dessus de la tête et mâchonnait un chewing-gum. Peut-être que Bazooka refusait qu'il allume une de ses cigarettes à l'intérieur de son précieux « Bull ». Quand à Baron, il avait sorti un petit livre qu'il semblait lire distraitement, malgré l'éclairage réduit de la cabine. Will se dit qu'il était décidément en bien étrange compagnie.
Stone, après la surprise du démarrage, se lassa vite de jeter des regards sombres au macaque qui faisait des grimaces à travers la vitre. Il décida qu'il était temps pour lui de prendre un peu de repos et se roula en boule sur les genoux de son maître en soupirant bruyamment. Will, un peu surprit, ne bougea pas. Il observa le Mangriff, perdu dans ses pensées, puis se cala doucement sur son siège et ferma les yeux, bercé par le rythme saccadé du véhicule.
Nest se tourna doucement pour observer le jeune garçon et son Pokémon endormis. Un instant plus tard, il baissa le volume de la radio, sourd aux protestations silencieuses de Bazooka et regarda dans le rétroviseur, échangeant avec Baron un regard complice. Le Bull, fonçant à toute vitesse sur une petite route de campagne, traversait Kanto pour se rendre à Carmin-sur-Mer.