Chapitre 15 : Roigada VII (Le Bouquet Final 1/5)
Gardevoir jouait avec intensité. Elle portait son violon sur l'épaule et faisait danser son sabre sur les cordes, envoyant des notes courtes et énergiques, intensifiées par le pouvoir magique de l'épée. Sa cape orangée, tout en dansant au rythme du corps de sa porteuse, envoyait des scintillements multicolores. Elle sentait en elle les frissons monter, car la voix de son instrument couplées à celles de ses trois amies formait une mélodie puissante, enivrante et éclatante.
Si elle ouvrait les yeux, elle pourrait voir aux quatre coins du champ de bataille, ces amies jouer elles-aussi.
Mélodelfe jouait le célèbre Symphonie d'Emeraude. Une série de notes longues dans un niveau de grave, cela avait pour but de former un fond musical puissant et grondant, comme venant des profondeurs de la terre.
Fragilady, d'un poignet léger et véloce, jouait le fameux Hymne de Saphir. Une succession de mesures très aigues et entrainantes. Cet air donnait le tempo, sophistiqué et d'une rapidité impressionnante.
Joliflor était en charge de l'illustre Harmonie du Topaze. Son sabre recourbé et son incroyable aisance à le manier lui permettait de jouer les airs les plus complexes. Celui-ci était donc fait pour elle. Rapide, il passait des aigus aux graves à une vitesse ahurissante offrant une dimension intrigante et dissonante à son jeu.
Gardevoir apportait la touche finale avec le soutien de l'unique Ode du Grenat. Mélodie à chaque fois différente, portée par l'inspiration pure et la magie de l'instant. Le rôle de son air était de compléter les trois autres. Cela demandait une maîtrise de l'instrument parfaite ainsi que d'un instinct musical de tous les instants, à l'affût de la moindre mesure afin de rendre la mélodie la plus homogène possible.
Ces quatre airs différents apportaient une pierre, formant l'édifice de l'Union du Diamant. Une symphonie si complexe et sophistiquée qu'on eut dit que seule un orchestre de milles instruments pouvait parvenir à le réaliser. Mais grâce à un talent surhumain et au pouvoir surnaturel du Sabre feuille, les quatre Chevaliers du Doublons parvenaient à elles seules de se faire entendre par le seigneur Groudon lui-même.
Puis, quand vint le final. Gardevoir se sentit chargée d'une énergie incommensurable. Ses membres brulaient de force et sa cape brillait d'un rouge feu étincelant. Dès cet instant, elle lâcha son instrument de musique et se jeta à corps perdu dans la bataille, prenant l'armée des Machocs à revers. Le sabre feuille qui avait contribué à cette magnifique symphonie luisait d'une émanation mauve et vibrait d'une énergie crépitante. Tout en laissant éclater la puissance de son âme au combat, elle jeta un œil autour d'elle et fut heureuse de constater que ses sœurs s'étaient elles aussi laissées gagner par l'exaltation de l'Union du Diamant.
Elles allaient montrer à ces envahisseurs ce qu'il leur en coûte de s'en prendre à un peuple sans défense.
Elles allaient leur faire goûter la puissance des Chevaliers du Doublon.
***
Une fulgurante décharge psychique frappa Roigada de plein fouet. Surpris par l'intensité du choc, celui-ci ne put le contrer et chuta de plusieurs dizaines de mètres avant de s'écraser violemment au sol, lui arrachant un cri de douleur.
Il eut à peine de temps de se mettre sur un genou qu'Alakazam plongeait vers lui, l'épée droit devant. Roigada esquiva de justesse et parvint à se mettre debout en titubant.
-Je vois qu'on fatigue ? Railla Alakazam. Tu t'es ramolli avec les années !
Sur ces mots, il se jeta sur son adversaire, les lames se croisèrent encore. L'éclat de celle de Roigada commençait à faiblir tandis que l'autre brillait plus fort que jamais. Malgré sa fatigue, le Roi parvint à créer autour de lui un bouclier invisible. Alakazam ricana puis de son sabre tenta de fendre la protection. Mais celle-ci résista sans mal. Frustré, il se jeta dans un frénétique assaut. Chaque coup qu'il portait rebondissait sur l'armure psychique de son adversaire.
-Lâche ! Trouillard ! Bats-toi !
Il hurla de rage en voulant transpercer la barrière pour pouvoir faire de même avec le cœur de Roigada, qui à l'intérieur de la bulle suffoquait. Le Roi venait d'user de ses dernières réserves d'énergie pour créer cette protection, il s'était assis à même le sol et avait lâché son sabre feuille. Alakazam, furieux de cette interruption cracha.
-Quel piètre Chevalier tu fais ! Qui aurait cru que Roigada VII manquerait au code.
L'intéressé porta la main à son oreille, lui faisant comprendre qu'il n'entendait rien.
-« QUI COMBAT JUQU'A LA MORT, COMBAT POUR LE DOUBLON » Cria Alakazam. Rha ! Tu te dis Chevalier alors que tu transgresse ton propre Code !
A la mention de cette phrase, Roigada éclata de rire, ce qui eut pour résultat d'attiser la colère de son adversaire, qui cogna son sabre de toute ses forces contre le blindage invisible.
Une fois que Roigada parvint à contrôler son hilarité, il lui parla d'une voix sereine, comme s'il ne s'adressait pas à un ennemi.
- Toi qui ne voulais plus entendre parler du Code de Chevalerie du Doublon, voilà que tu m'en récite un Verset. Et comble de l'ironie, c'est exactement le seul dont je suis l'auteur.
Alakazam hurla de haine et se jeta encore une fois sur la barrière.
-Tu perds ton temps. Ce pouvoir me garantie une sécurité contre des attaques pour une durée de deux heures.
-Traître ! Couard ! J'attendrais milles éternités s'il le faut pour te mettre en pièce !
-Très bien, approuva Roigada avec le sourire. Que dirais-tu de profiter de tout ce temps pour discuter, il y a si longtemps que nous ne sommes pas parlés, rien que toi et moi.
-Je n'ai rien à te dire ! Répondit-il en s'asseyant, dos à Roigada. Dans deux heures, tu pourras te considérer comme mort !
Roigada tenta de voir si son piège avait marché. Car dans le cas contraire, il aurait usé de ses ultimes forces pour rien.
-Pourquoi ne vas-tu pas rejoindre ton armée ? Elle doit certainement avoir besoin de toi.
Alakazam tourna la tête et jeta un regard assassin à son ennemi.
-Pour que tu puisses filer en douce ? Non ! Je vais rester ici et reprendre des forces, pour que d'ici deux heures ta royauté ne soit plus qu'un lointain souvenir !
-Pourtant tu as entendu comme moi l'Union du Diamant. Ton armée ne peut rien face au Doublon.
-Le Doublon ne vaut plus rien ! Tous ceux qui font partie de cet ordre ridicule sont des incapables dirigés par un menteur traître !
-Oh, c'est donc ainsi que tu traites ta propre fille ?
-TAIS-TOI ! Hurla Alakazam. Gardevoir a cessé d'être ma fille le jour ou tu as cessé d'être mon frère !