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Chocolat de Nyakisa



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Informations

» Auteur : Nyakisa - Voir le profil
» Créé le 26/01/2012 à 23:19
» Dernière mise à jour le 26/01/2012 à 23:19

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Chocolat
« Chocolat. »

Mes mains tremblent alors que le Pokémon est étendu sur le sol, parfaitement immobile. Chaque seconde me semble être une éternité alors que Ed me regarde me diriger vers mon Rattata, l'air désolé. Sa tristesse ne peut se mesurer à la mienne mais rajoute au mal saisissant du tableau. Je me penche vers Chocolat, touchant les poils recouvrant sa peau avec une attention toute particulière. Je le fait rouler sur le sol, frissonnant au contact de sa peau froide, pour mettre son ventre à découvert. Son regard vide fixe le ciel de la forêt, comme s'il cherche à capter une nouvelle fois la lumière du soleil. Mais il n'y aura plus jamais une nouvelle fois.

« Chocolat ! »

Je secoue doucement le petit être, les larmes commençant à couler sur mes joues, mes yeux rougissant sous la torture, les mots franchissant mes lèvres sans que je les contrôle, appelant une nouvelle fois le Pokémon qui ne peut plus m'entendre. Et que je ne pourrai plus jamais l'entendre non plus. Je lève les yeux, regardant sans le voir Edwin qui s'excuse et prend congé, décidant de m'accorder un moment de solitude qui me revient de droit. Je hoche la tête, mécaniquement, sans vraiment comprendre la signification de ses mots dans l'immédiat. Je le vois s'éloigner, paralysée dans la clairière, sans vraiment comprendre. J'ai envie de lui dire de rester mais les mots ne franchissent pas ma bouche. Alors je reste là, regardant les arbres qui m'entourent sans les voir, laissant libre cours à ma tristesse, accompagnée du souvenir de Chocolat, me sentant désormais seule au monde.

Pleurer sur un Rattata peut paraître risible, ceux ayant un cœur des plus froids me diront qu'il y a des Rattata partout, qu'ils vivent moins longtemps que nous, qu'ils sont fragiles, et que ça allait forcément arriver, à ma grande détresse. Mais Chocolat était plus qu'un simple Rattata, c'est l'ami qui m'a aidé à surmonter les durs moments de ma vie. J'ai l'impression que je lui dois tout. Pourtant je n'ai même pas été capable de l'aider.

Ramassant le corps sans vie de cet ami, je rentre chez moi, réalisant à peine la morbidité de la scène que j'offre. Le posant dans le carton du salon qui lui servait le plus souvent de maison, je pars m'affaler dans mon lit, sans même lui accorder un dernier regard. J'aurais dû m'attendre à que ce soit si rapide, m'y préparer et rester forte au lieu de simplement éclater en sanglot en le voyant étendu là, immobile au milieu de la clairière. Les larmes commencent à se tarir, je m'accorde un soupir. Je l'avais emmené au centre, un mois plus tôt, le Rattata avait du mal à respirer. Il n'était pas si vieux pourtant, il devait avoir près d'une demi-douzaine d'années. L'infirmier n'avait rien pu faire pour l'aider, lui prescrivant un traitement en me prévenant que ça ne marchait que dans un cas sur deux, qu'il était déjà trop atteint. Pourquoi je n'avais pas remarqué sa fatigue plus tôt ?

Chocolat, le souvenir de ma mère, ce Pokémon qu'elle m'avait un jour rapporté, offert par l'un de ses collègue qui venait d'avoir une portée. Je me souviens vaguement de ce jour, je méprisais les Rattata mais c'était mon premier Pokémon. Je savais qu'en grandissant il aurait un poil brun et perdrait sa couleur violette, alors je l'ai appelé Chocolat en attendant ce jour. Ma mère qui est morte une année plus tard. Je me souviens très bien, c'est arrivé quelques jours plus tard - comment j'aurais pu oublier ce jour après tout ? -, son air grave qu'elle partageait avec mon père alors que je rentrais de l'école. J'avais 10 ans. Je les voyais se tenir la main, comme ils le faisaient dans les moments difficiles. Je ne voulais pas les écouter, je ne voulais pas les entendre me dire la mauvaise nouvelle. Mais ils me l'ont dit, ma mère était mourante, cancer. Je croyais y faire face mais mon monde s'est écroulé le jour où on m'a annoncé qu'elle était partie, disparue pour toujours. Je lui en ai voulu pendant un temps, avant de me rendre compte que toute cette haine était en fait dirigée vers moi, vers moi qui n'avais jamais pu apprendre à mieux la connaître, qui avais passé une bonne partie de ma jeunesse dont je me souviens à lui parler mal, la mépriser à haute voix, alors qu'en réalité je l'aimais, comme tous les enfants de cet âge là. Et quand j'avais appris son cancer, je l'ai simplement méprisée d'avantage, refusée de lui parler, n'acceptant pas de voir la réalité en face, me plongeant dans la routine que je souhaitais éternelle.

C'est après sa mort que Chocolat m'a beaucoup aidé, je me suis d'avantage intéressée à lui. Mon père était plus souvent absent pour aller travailler et couvrir nos dépenses, pour continuer de payer cette belle maison qu'il n'a jamais voulu vendre, en souvenir de ma mère. Moi je n'aime pas cette maison, je partais m'isoler dans la forêt, jouant avec mon Rattata, des liens se tissant très rapidement, remplaçant ceux que j'avais perdu avec ma mère. Et aujourd'hui ils sont à nouveau brisés.

Chocolat. Je n'ai jamais été très dresseuse, je n'ai jamais vraiment aimé combattre, alors mon Rattata est resté figé dans sa forme, condamné à ne jamais prendre son teint chocolat. Mais ça ne le dérangeait pas, il préférait jouer innocemment. Un hoquet me prend à ces souvenirs. Ces souvenirs joyeux qui m'ont redonné de l'espoir en la vie. J'aurais besoin de lui maintenant, lui qui arrivait à me redonner le sourire par sa simple présence. Ma vie qui a réussi à avoir un équilibre entre la joie et le malheur grâce à lui. Je suis destinée à ne vivre que dans le malheur, finalement ? Je suis maudite ?

Je me tourne et me retourne dans mon lit, déterminée à ne pas descendre, à ne pas revoir le regard vide, presque accusateur, de mon Pokémon que je n'ai pas pu sauver à temps. « Ce n'est pas ta faute. La vie continue. » C'était les mots de mon père à la mort de ma mère, percevant ma tristesse sous le masque de haine que je m'étais forgé. Il avait réussi à mettre au jour que c'était moi que je haïssais, et non pas ma mère comme je le prétendais. Finalement, il m'avait fallu plusieurs mois pour accepter ses paroles et réaliser qu'il avait raison. J'ai envie d'entendre son nouveau conseil aujourd'hui, pour faire face au destin de Chocolat, mais je ne le verrai pas avant plusieurs heures. Qu'est-ce qu'il me dirait ? Un autre couplet de « La vie continue. » sans doute. Et encore une fois il aurait raison. Mais je ne peux simplement pas oublier mon Chocolat comme ça, passer à autre chose aussi facilement.

J'entends quelqu'un sonner à la porte. Sans doute Edwin. Je laisse s'écouler plusieurs sonneries. Finalement le silence. Il doit se dire que je ne suis pas là. Ou bien que j'ai encore besoin d'être seule. Je déteste être seule. Ed aussi m'a aidé à surmonter la mort de ma mère, mais j'avais déjà des liens avec lui et je pouvais passer plus de temps avec mon Rattata qu'avec lui.

La mort de ma mère. On a mit plusieurs mois à s'en remettre. Plusieurs années même. Mais on s'en est relevés, c'est vrai, saufs. Est-ce que ce sera pareil ou bien est-ce que je vais mourir de tristesse cette fois ? Il parait que ça arrive. Ce serait peut être mieux, au moins plus rien ne pourra jamais me faire de mal. Je me retourne et mes yeux se posent sur un cadeau que j'avais reçu pour mon anniversaire, posé sur mon bureau, sous un tas de feuilles de papier. Je prends mon courage à deux mains et me lève, incapable de rester toute la journée allongée sur mon lit à ne rien faire. Ma main se pose sur la tablette posée sur la table. Du chocolat. Je m'offre un nouveau soupir en délivrant la nourriture de son emballage plastique. Je ne vais pas attendre qu'il périme. Et j'ai envie de chocolat sans trop savoir pourquoi. Je pose un carré sur ma langue et le sent commencer à fondre doucement, parfois interrompu quelques instants par chaque claquement de dents. C'est tellement bon, ma petite faiblesse.

Je m'offre un sourire pour la première fois depuis que j'ai appris la nouvelle. Mais je ne m'en sens pas honteuse comme j'aurais pu l'être quelques minutes plus tôt. Je m'assois sur la chaise, attaquant à nouveau le chocolat, mon hoquet m'offrant un peu plus de répit après chaque bouchées, avant de finalement s'éteindre.

Je me souviens maintenant. Chocolat. C'était aussi un nom pour exprimer la joie que j'avais eu en le recevant, et qui a vite symbolisé le réconfort qu'il m'offrait dans les moments difficile. Il n'aimerait pas me voir dans cet état. Déprimer de la sorte n'est pas lui faire honneur, et je veux lui rendre hommage, je veux sentir que son existence n'a pas été vaine, qu'il m'a offert plus de plaisir que de tristesse.

Je me lève et me dirige vers le salon. Je me dois de lui offrir un enterrement digne de ce nom. Je me saisis de sa boîte et vais chez Edwin, me remémorant que, encore une fois, je ne suis pas seule comme j'essaie de m'en persuader. Lui non plus n'aimerait pas me voir comme ça, je dois prendre sur moi, positiver, « continuer ma vie ». Bien sûr ce sera difficile et ça demandera du temps avant que je puisse m'en remettre totalement, mais je dois au moins essayer de faire ça et de ne pas transformer le souvenir de Chocolat en un évènement tragique et malheureux. Chocolat m'a toujours évoqué la joie. Apaisée, je pose enfin mon regard sur le Rattata. Un sourire attristé recouvre mes lèvres.

Je vois enfin l'air bienheureux dessiné sur le visage de Chocolat.