Drôles de retrouvailles
Chapitre 11 : Drôles de retrouvailles
J'entendis un rire enfantin. Je ne sus dire s'il venait d'une fille ou d'un garçon. Je respirai un grand coup.
"Mais quoi, je ne vous ai pas fait peur tout de même ? Mais quoi, quelle idée de se promener aussi tardivement dans les bois, ne vous a-t-on jamais dit qu'il était imprudent de sortir le soir, même pour toi, Shuu ?"
Shurinosuke marmonna dans sa barbe de telle sorte que je ne sus comment il le prit. Je remarquai néanmoins qu'il s'était rapproché de moi, sans que je ne m'en rende compte; et la personne s'était également avancée, et avait jailli de l'obscurité.
Ses longs cheveux rouge sang retombaient sur ses frêles épaules, vêtues d'une longue cape noire recouvrant elle-même un kimono aussi blanc que neige. Ses boucles étaient retenues à l'aide d'un nœud noir qui domptait sa chevelure entière tant il était imposant.
"Mais quoi, cela faisait longtemps, Shuu, que l'on ne s'était pas vus, n'est-ce pas ?"
"Charlie, il est vrai que tu as raison. La dernière fois que l'on s'est vus, c'était aux funérailles de Mère. Tu te rappelles, l'accident qui lui a été fatal."
Je les regardai l'un après l'autre. Ils se connaitraient depuis assez longtemps, alors ?
"Mais quoi, tu sais pourtant que j'ai la mémoire courte, Shuu. Cela fait... Trois ou quatre ans, environ, mais ce qui s'est passé était un accident tu sais. Tu n'as réellement pas changé depuis ce jour-là."
"Trois ou quatre ans environ ? Attends, rappelle-moi, nous sommes bien en train de parler de Mère, ma Mère, qui est aussi la tienne, me semble-t-il ? Cela va faire six ans qu'elle nous a quittés ! Aie au moins un peu de pudeur et de respect, bon sang ! Tu n'as pas changé non plus, tu n'as donc pas mûri ! Perdre ta Mère ne t'a donc pas suffi pour grandir ?!"
Shurinosuke reprenait son souffle, tant il avait haussé le ton. Il tremblait un peu, et semblait frissonner. Il me semblait qu'il avait l'air féroce, mais en même temps l'air fragile. On aurait dit qu'il était prêt à bondir sur elle. Sur sa sœur.
Quant à elle, elle se contenta de lever les yeux au ciel, avant de les poser sur moi. Elle me dévisagea longuement, ne me quittant pas du regard, puis soupira.
"Mais quoi, il ne cessera donc jamais d'être toujours aussi irritable dès que l'on évoque les sujets sensibles, tellement irritable qu'il en oublie presque les bonnes manières. Mais quoi, tu ne me présentes donc pas ta jeune amie, Shuu ?"
"Je ne pense pas que cela soit nécessaire, Charlie, tu sais déjà tout d'Alice. Tu connais même la raison de notre présence, alors, laisse-nous maintenant, ou ce ne sera pas une partie de plaisir, je peux te l'assurer."
Je ne suivais plus à présent.
"Pardon, mais il me semble ne pas avoir très bien compris ce qu'il s'est passé à l'instant."
Ma propre voix m'étonna, mais j'essayai de ne pas le laisser paraître sur mon visage.
"Mais quoi, enfin, Shuu, elle n'est donc au courant de rien ? Mais quoi, alors, vous n'avez guère fait de travail, Shintaro et toi, puisqu'elle ne sait même pas ce qu'elle est, ni même ce que nous sommes en fait; elle ne sait donc pas encore ce dont elle est capable. Mais quoi, ne m'en veux pas Shuu, mais cela risque d'être fort intéressant, alors pas question que je vous laisse partir sans vous avoir chatouillé les côtes !"
Charlie sourit. Shurinosuke, lui, ne souriait pas. Il semblait quelque peu dérangé par sa sœur. Je ne savais que faire, je restai alors immobile quand je crus entendre un froissement de feuilles. Pourtant, il n'y avait aucun souffle de vent. Je restai alors sur mes gardes.
"Mais quoi, cela peut bien arriver que des feuilles se froissent sans aucune raison apparente, ne crois-tu pas Alice ?"
Je regardai Charlie surprise.
"Pardon, mais il me semble ne pas t'avoir comprise, Charlie. Je... Je n'ai rien dit, je veux dire, mon visage traduirait-il donc à ce point mes pensées ?"
"Elle lit dans tes pensées, c'est tout, ne cherche pas plus loin Alice. Oh, comme je regrette d'avoir croisé ta route, Charlie. Si tu savais à quel point je désire t'oublier pour repartir d'un nouveau pied. Tu n'en fais vraiment qu'à ta tête."
Charlie ne pipa mot. Elle se contenta simplement de nous regarder, Shurinosuke et moi, l'un après l'autre, très attentivement. Moi... Je commençai à avoir la tête qui tournait.
"Mais quoi, Shuu, je semble donc t'ennuyer à ce point; tu sais, te revoir me redonne de l'énergie, j'ai bien besoin d'avoir mon grand frère à mes côtés, même si tu ne penses pas la même chose de moi. Mais quoi, la nuit commence à tomber, il n'est pas très prudent de rester ici en soirée; je m'en vais retourner dans ma guilde; et d'ailleurs, si l'envie vous vient, venez nous rendre visite; vous serez les bienvenus. Mais quoi, ne tardez pas trop longtemps, la forêt pourrait bien vous jouer des tours."
Elle rit alors de manière enfantine, puis disparut en un claquement de doigts. Shurinosuke fronça les sourcils, puis avança en silence et se remit en route. Mon esprit était tout embué, mon corps ne répondait plus à mes attentes, je restai immobile. Je ne pouvais plus me tenir sur mes jambes, je m'écroulai. Ma tête heurta le sol, mes yeux se fermèrent quand des mains chaudes me rattrapèrent.