Team Rocket X-Squad de Malak

Avant que Two-Goldguns n'ai pu tirer une seule balle, Siena avait rappelé son Drakoroc. Elle avait hésité pendant une seconde qui lui avait semblé une éternité. Le Shadow Hunters avait pu bluffer sur ses balles perforantes, bien sûr. Mais si ça n'avait pas été le cas... elle aurait perdu Drakoroc. Elle avait déjà perdu un Pokemon, son Pharamp, durant la bataille d'Akuneton. Elle ne voulait pas revivre ça. Two-Goldguns sourit devant sa décision.

- Je vois que les infos sur ton dossier se révèlent fausses, gné. Il est écrit que tu es la plus détachée et professionnelle de ton équipe. Mais quelqu'un de censé n'aurait pas hésité à se servir de bouclier de son Pokemon.

- Ça aurait changé quelque chose ? Soupira Siena, défaitiste. Vous auriez pu facilement m'abattre tandis que je fuyais.

- En effet. Et je ne mentais pas, mes balles sont bien à l'épreuve de tous les types. Mais même si ça n'avait pas été le cas, là encore, ça n'aurait rien changé, gné. Il m'aurait suffi de viser ton serpent dans les yeux, la seule partie de son corps pas protégé. Bon, j'ai épargné tes amis, et je vais épargner tes Pokemon. Ça te suffit pour que tu viennes avec moi bien gentiment ? J'aime pas utiliser la violence quand si je peux l'éviter, mais si tu refuses, je n'hésiterais pas à te tirer dans les jambes et te porter moi-même.

Un profond sentiment de vulnérabilité, à la fois inconnu et dérangeant, envahit la jeune femme. Elle ne pouvait rien faire. Rien pour sauver sa peau ou empêcher de type de la capturer. Elle ne craignait pas la mort - même si elle n'était pas particulièrement pressée de la rencontrer - mais cette sensation comme quoi tout ce que vous auriez pu tenter aurait été inutile lui était insupportable. Bon, tant pis, de toute façon. Elle n'allait surement pas se laisser cueillir bien gentiment. Elle allait se défendre, même si elle savait que ça ne servirait à rien, si ce n'est qu'à la faire tuer. Mais valait mieux périr ici en essayant de se défendre que mourir entre les mains de l'ennemi, après avoir subi maintes tortures et humiliations. Mais avant qu'elle n'ait pu brandir son pistolet, il s'échappa de ses mains quand Two-Goldguns tira dessus.

- Oh, t'es mauvaise perdante, hein ? Typique des Rockets. Ils ne reconnaissent jamais la défaite, même quand ils sont morts, gné. C'est pour ça que vous êtes devenus mes proies favorites ! Vous êtes tellement amusants.

- Je suis touchée, dit Siena. Mais ne tirez pas trop de plaisir à m'avoir eu. Quand vous aurez mon frère ou ma sœur en face, ça sera différent.

- J'attends ça avec impatience, fit-il en pointant ses deux pistolets d'or sur elle.

Siena ferma les yeux, s'entendant à perdre l'usage de ses deux jambes à la seconde. Ou alors le Shadow Hunter avait perdu patience et décidé de l'éliminer ? C'était tout aussi bien. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'être déçue. Elle avait eu de grand projet pour sa carrière dans la Team Rocket, et juste parce qu'elle s'ennuyait et qu'elle voulait à tout prix participer à cette mission, sa carrière allait prendre fin alors qu'elle venait à peine de commencer. Mais la détonation qu'elle entendit ne fut pas celle des pistolets du Shadow Hunters. On aurait dit des missiles qui venait de s'écraser. Et pour cause, une partie de la base explosa.

Siena, à l'aveuglette, courut le plus loin possible de l'explosion. Ce fut quand elle leva les yeux au ciel qu'elle comprit : le Lussocop était là. Il avait tiré sur la base pour distraire Two-Goldguns, qui se trouvait juste devant. Mais le Shadow Hunters se reprit vite. Constatant que sa cible se faisait la malle, il visa à nouveau, mais pour changer de direction quand le Lussocop tira une nouvelle fois deux torpilles. Two-Goldguns, avec sa précision irréelle et la puissance de ses balles spéciales, il les fit exploser en pleine course. Quand il revint à Siena, elle s'était déjà réfugié derrière la murette de la base. Mais ça n'empêcha pas Two-Goldguns de tirer au hasard dessus. Ses balles traversaient le mur. Siena les sentit siffler tout autour d'elle, tandis qu'elle se baissa au maximum et rampa pour y échapper.

- Idiote, lança Two-Goldguns. Tu ne pourras pas m'échapper. J'ai des balles pour tous les usages, gné. Goute plutôt celles-là !

En une explosion, toute une partie de la murette vola en éclat, et Siena sentit une douleur indescriptible aux jambes. Mais elle continua à ramper, signe que de toute évidence, elle ne les avait pas perdu. Pendant ce temps, Two-Goldguns venait de détruire deux autres roquettes du Lussocop.

- Ils m'agacent, ceux-là, soupira le Shadow Hunters. Je n'aurais pas dû les laisser filer, gné.

Siena savait qu'il était impossible que Fay et ses hommes eussent regagner le Lussocop en si peu de temps, mais sans doute la capitaine avait expliqué la situation à Lusso par radio. C'était bien essayé et gentil de sa part, mais ça n'allait rien changer. Two-Goldguns, d'un bond prodigieux qui n'avait rien de naturel, l'avait rejoint, et son sourire indiquait clairement à Siena ce qu'il l'attendait.

- C'est fini, ma grande, gné.

Avant que Siena ne ferme les yeux, acceptant son sort, elle vit un flash de lumière derrière Two-Goldguns. Un Pokemon apparut de nulle part. Alors que Siena sentit son corps devenir léger et disparaître dans un autre flash blanc, elle reconnut le Pokemon. Un Neitram. Un Pokemon Psy à l'allure d'extraterrestre, possédant une tête allongée qui renfermé un immense cerveau. Quand tout à coup, Siena se retrouva sur le pont du Lussocop, elle comprit que le Neitram venait d'utiliser sa téléportation pour la ramener à bord.

- C'était tout juste, remarqua Lusso en l'aidant à se relever. Beau travail, mon pote.

Neitram émit un son inqualifiable, comme un signal venu d'ailleurs, et Lusso le rappela dans sa Pokeball.

- C'était qui ce type... Waouh !

D'un coup, deux vitres du pont explosèrent, et un pilote du vaisseau tomba, un trou rouge dans la tête.

- Baissez-vous tous ! Hurla Siena. Ce gars peut viser n'importe quoi ! Il faut se tirer, et vite ! Il serait capable de toucher les réacteurs !

- Z'avez compris les gars ? Insista Lusso. On décampe !

- Il faut reprendre Fay et les autres, rappela Siena.

- On a déjà sorti un hélico du hangar pour les récupérer, dit Lusso. Au cas où on aurait droit à une sortie mouvementée, comme c'est le cas. Qu'est-ce qu'il s'est passé, bon sang ? Fay avait l'air grave furax quand je l'ai eu à la radio.

- Oui, elle va m'en vouloir longtemps, c'est sûr...


***


Comme prévu, Fay ne lui avait pas adressé une seule fois la parole depuis leur retour à la base. Siena et elle avaient fait leur rapport respectif séparément au général Tender. Et comme prévu, Siena s'était fait méchamment taper sur les doigts par le général pour avoir outrepassé ses pouvoirs spéciaux d'agent et contesté l'autorité du capitaine Fay devant ses hommes et pendant sa propre mission. Chose inhabituelle, Siena s'était surprise à répondre au général.

- J'ai fait ce qu'il fallait pour sauver Fay et ses hommes, monsieur. C'était moi que ce type voulait, et si Fay m'avait défendu, elle y serait restée.

- C'était justement le but, Crust, s'énerva Tender.

- Mon général ?

- En tant que membre de la X-Squad, vous êtes bien plus importante que le capitaine Fay, expliqua Tender d'une voix qui se voulait raisonnable. Et Fay le sait. En vous prenant avec elle, elle savait que vous étiez sous sa responsabilité. Ce que vous lui avez forcé à faire en vous obéissant, c'est-à-dire sauver sa peau en vous abandonnant... c'est une atteinte à son honneur de soldat.

Siena comprenait, mais elle avait haussé les épaules.

- La vie est plus importante que l'honneur, monsieur. Si Fay n'avait pas fui, Two-Goldguns l'aurait tué, puis il m'aurait tué ou capturé par la suite, car Fay n'aurait pas été là pour prévenir le capitaine Tender.

- Vous ne m'apprenez rien, capitaine. Mais il aurait pu en être tout autrement. Je ne regrette pas que vous ayez fait ce que vous avez fait, mais il faut bien que vous vous rentrez dans la tête que les membres de la X-Squad sont irremplaçables, alors que les soldats comme Fay, aussi brillant soient-ils, on peut les remplacer.

- Je n'ai rien de plus que le capitaine Fay, général, protesta Siena. Je suis un soldat moi aussi. Pas un magicien comme Mercutio ou Galatea.

Siena s'était attendu à ce que Tender dise quelque chose, sans doute d'un quelconque air gêné, mais il n'en fit rien. Ce silence énerva la jeune femme plus que de raison. Lâche, pensa-t-elle.

- Le Boss veut que vous lui présentiez votre rapport personnel sur cet individu qui dit être de la Shaters, dit enfin le général.

Siena mit quelques secondes à comprendre.

- Moi... en personne ?

- Vous étiez la personne visée, non ? C'est vous qui le connaissez le plus. Et puis si une organisation comme la Shaters en a après vous, cela pourrait s'avérer très inquiétant. Le Boss devra prendre toutes les mesures, et pour cela il faut qu'il sache tout ce qu'il y a à savoir. Vous partez pour le quartier général immédiatement. Un transport rapide vous attend déjà.

Tout cela allait bien trop vite pour Siena. Elle venait d'échapper à la mort in extrémis et voilà qu'elle devait rencontrer le Boss personnellement. Durant le trajet, elle ne cessait de se demander si Giovanni voulait réellement entendre ce rapport de sa bouche, ou la virer en personne après son attitude envers Fay. Ou bien peut-être que c'était assez grave pour qu'il la fasse exécuter ? Tender avait semblé étrangement inquiet d'ailleurs...

Siena était dans le compartiment passagers, et ne savait pas du tout où on la menait. La localisation du Quartier Général de la Team Rocket était sans doute plus secret encore que les plans de fabrication de la Master Ball. Naturellement, Siena n'y avait jamais mis les pieds. C'était là le repère de Giovanni, et de ses neufs Agents Spéciaux. Mais elle compta mentalement dans sa tête, et après environ une heure de trajet, et selon la vitesse de l'engin, le Quartier Général devait se trouvait à Johto, ou pas loin. Dès qu'elle descendit, un sbire l'attendit, se mettant au garde à vous.

- Capitaine Crust. Bienvenue au Quartier Général de la Team Rocket. Suivez-moi, je vous prie. Le Boss vous attend.

Siena se rendit compte qu'ils avaient atterri sur un toit. Le sbire la tira presque vers les escaliers, et Siena ne put qu'entrevoir rapidement les hautes montagnes qui entouraient la base. L'intérieur était immense. Et luxueux. Cette base n'avait rien de la base typiquement militaire de Kanto. Plusieurs hautes personnalités de la Team Rocket lui passèrent devant ; des généraux, des hauts scientifiques, des directeurs de section... Comme le sbire qui la guidait ne s'arrêtait pour aucun d'entre eux, Siena abandonna l'idée de se mettre au garde à vous à chaque passage. Enfin, ils arrivèrent dans un large couloir hautement décoré qui ne pouvait être que celui qui menait au bureau du Boss. Il était composé de diverses colonnes, ainsi que d'une galerie de miroirs en guise de mur. Un homme était adossé à l'une des colonnes ouvragées du couloir. Il les observa passer d'un air amusé.

- Tiens tiens tiens... Regardez qui nous avons là ?

Le sbire, un instant paralysé, s'inclina si profondément qu'on aurait dit que cet individu avait le titre de Maître de l'Univers. Cet homme était relativement jeune, pas plus de vingt ans. Il portait un habit richement brodé, à l'allure très distingué et peu avare en couleurs impressionnantes. Il avait un visage pale, beau, et des cheveux noir de jais brillants. Quelque chose qu'on remarquait immédiatement : il lui manquait un œil. Son œil droit avait été remplacé par une sphère biotechnologique au centre rouge. Siena sursauta quand elle le reconnut. Un froid intense envahit tous son être.

- Zelan !

Zelan, son ancien ami d'enfance - le seul qu'elle n'ait jamais eu - lui sourit. Ce n'était plus le sourire franc et aimable d'autrefois. Mais un sourire froid, moqueur, mauvais.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?! S'exclama Siena, surprise au plus haut point.

- Eh, eh, pourquoi tant de familiarité ? Je suis l'Agent 002 maintenant, capitaine Crust. Adressez-vous à moi avec le rang qui m'est dû.

Siena en perdit momentanément sa voix, ainsi que ses pensées. Zelan en Agent Spécial du Boss ? C'était... totalement insensé ! Elle se força toutefois à se reprendre rapidement.

- Toutes mes excuses, monsieur !

- Allons, allons, je plaisantais, ricana Zelan. On se connait mieux que ça. Mais quand même... Tu connais la règle comme quoi le nom d'un Agent Spécial doit être uniquement connu du Boss ? Notre identité doit rester top secrète, même dans la Team Rocket. Toute infraction se doit d'être irrémédiablement punie.

- Tu vas me tuer, alors ?

Siena ne parlait pas à la légère. Elle savait que l'homme en face d'elle, plus que quiconque, en étant capable.

- Te tuer ? Quelle idée saugrenue ! Je ne peux pas tuer les invités du Boss, et le fait que tu connaisses mon nom est inévitable, vu qu'on se connaissait bien avant que je n'entre dans la Team Rocket. Toutefois...

Zelan baissa ses yeux vers le sbire, toujours agenouillé. Siena comprit une fraction de seconde avant qu'un rayon rouge sortait de l'œil cybernétique de Zelan pour frapper le pauvre sbire en plein cœur.

- ...autant réduire au maximum les fuites, acheva-t-il.

Siena observa le cadavre encore fumant avec un sentiment de nausée qui lui monta à la gorge. C'était tout Zelan, ça, de tout faire pour qu'elle se sente coupable de ses actions innommables. Il lui semblait que c'était le seul but dans la vie de Zelan : la faire souffrir, et y prendre un malin plaisir. Alors qu'elle avait réussi à être libre et à oublier le passé, voilà qu'il revenait la narguer au sein même de la Team Rocket.

- Pourquoi es-tu là, Zelan ? Demanda difficilement Siena.

- Je sortais de chez Giovanni, en fait. Il m'a confié une petite mission, qui te concerne d'ailleurs, toi et tes amis. Mais je ne peux pas t'en dire plus. Motus et bouche cousue, sinon je serai obligé de te tuer cette fois.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Qu'est-ce que tu fais dans la Team Rocket ?!

Zelan lui sortit son sourire charmeur et mystérieux d'autrefois.

- J'ai des choses à faire, Siena. Des choses que je ne pourrais faire qu'en étant dans la Team Rocket. Et puis Giovanni n'a pas trop enquêté sur mon passé. Il a vu mes pouvoirs et de quoi j'étais capable, et ça lui a suffi. Et c'est vrai d'ailleurs. Je suis probablement le membre le plus puissant de toute la Team Rocket, même plus que ton frère et ta sœur, même plus que l'Agent 001 lui-même !

Zelan éclata de rire, et Siena eut un grand frisson. Elle avait déjà entendu ce rire, jadis. Un rire grave, empreint d'une touche de folie évidente.

- Ah et au fait, évite de parler du passé au Boss, si tu vois ce que je veux dire, ma chère Siena. Ça vaudrait mieux, pour toi comme pour moi.

La menace était évidente, mais pas nécessaire. Même si Siena méprisait Zelan, jamais elle ne raconterait leur histoire ; sa plus grande honte. Zelan la dévisagea intensément, en lui prenant le menton. Siena frémit mais ne se dégagea pas.

- Regarde comme tu as grandi... Mais pour autant, tu es restée la même. C'est une faiblesse, Siena. Ceux qui n'évoluent pas se feront vite rattraper par le temps. Songes-y, Siena. Un nouveau monde va bientôt naître. Profite bien des quelques instants de joie et d'amitié qu'il te reste avec ton équipe !

Et il s'éloigna dans le couloir, en riant toujours comme un bossu. Siena mit un certain temps à se remettre de cette rencontre inopportune, puis elle se souvint que le Boss l'attendait. Elle respira un grand coup, retrouva son calme et sa maîtrise d'elle-même, puis se dirigea, seule, vers la porte. Avant de frapper, elle remarqua son reflet dans l'un des miroirs qui faisaient office de mur.

Zelan avait raison : elle était restée la même. Avec sa petite taille et ses couettes, elle ne ressemblait pas vraiment à une capitaine de la Team Rocket. Elle défit ses deux couettes, et laissa ses cheveux bleus lavande tomber sur ses épaules. C'était mieux. Elle frappa à la porte du Boss, puis fut invitée à entrer. Elle s'était attendu à une espèce de salle du trône moderne, mais non, le bureau du Boss, bien que spacieux, était assez simple, si ce n'était l'immense aquarium rempli de divers Pokemon eaux assez rares derrière. Giovanni était assis à son bureau, en train de rédiger quelque chose, son fidèle Persian à ses pieds. Il leva les yeux quand Siena entra, et la jeune femme se mit immédiatement au garde à vous.

- Capitaine Siena Crust au rapport selon vos ordres, monsieur !

- Ah, Siena. Asseyez-vous donc, fit le Boss en désignant la chaise devant son bureau.

Giovanni donnait le ton. En l'appelant par son prénom et en lui demandant poliment de s'asseoir, l'entrevue allait être peu protocolaire... mais aussi peu officielle. Dès lors, cette histoire de rapport détaillé sur le Shadow Hunter et la destruction de la base R-7 ne tenait plus la route.

- Je suis heureux d'apprendre que vous avez survécu à votre rencontre avec un membre de la Shaters, poursuivit le Boss de son ton décontracté. Il se peut que vous soyez la seule, dans la Team.

- Ce n'était pas dû à mon habilité, monsieur, répondit Siena en s'asseyant face à lui. J'ai bénéficié d'une aide précieuse au bon moment.

- Ainsi donc, votre unité est la cible de la Shaters ? C'est bien évidement regrettable, mais voyez cela comme un honneur à votre réputation. La Shaters prend très très cher pour ses contrats. Celui ou ceux qui veulent votre mort sont sans nul doute très influents. Une idée, capitaine ?

- Les Dignitaires, monsieur ?

- C'est la probabilité numéro une, en effet. Jamais ils n'oseraient s'en prendre à nous directement, si ce n'est avec Lance et son armée. Mais ils ont dû être fort en colère quand nous avons fait tout le travail à leur place concernant Vriff. Ils ne veulent plus que les exploits de la X-Squad continuent à se répandre. Tachez de ne pas me faire perdre la face en vous faisant bêtement tuer, vous et vos camarades, capitaine.

- On essaiera, monsieur. Les Shadow Hunters ont-ils déjà échoué dans une de leur mission ?

- Non. Mais il faut un début à tout. Quoi qu'il en soit, vous vous doutez surement que cette histoire de Shaters n'était qu'un prétexte de ma part pour vous parler sans que le général Tender ne soit au courant. Il fait preuve d'une étonnante protection à votre égard. C'est légitime, bien sûr, mais j'ai reçu beaucoup de rapports vantant votre extraordinaire capacité à commander et votre dévouement sans faille pour la Team Rocket.

Siena se maintint une posture droite et inexpressive, mais intérieurement, elle bouillonnait de bonheur. Le Boss lui-même qui la complimentait !

- Merci monsieur, mais je n'ai rien fait dernièrement de particulier qui...

- Il s'agit plus de ce que vous êtes plutôt de ce que vous avez fait, dans ce cas. Dites-moi, capitaine Crust, savez-vous qui est votre père ?

Siena se prit deux secondes pour mettre ses idées en place, puis dit prudemment :

- J'en ai une petite idée, monsieur. Mais ce dont je suis sûre, ce qu'il ne s'agit pas de celui de mon frère et de ma sœur.

- Vous le saviez, alors ?

- Je m'en doutais bien avant que Mercutio et Galatea apprennent la vérité à ce sujet. Eux et moi, on a toujours été différents. Et je sais pertinemment que je n'ai et que je n'aurai jamais aucun talent pour ce Flux qu'ils contrôlent. Ils m'ont dit le contraire, bien sûr, mais de façon si peu convaincante que j'ai tout de suite deviné qu'ils avaient reçu l'ordre de ne rien me dire. Alors pour ne pas leur causer de souci avec la hiérarchie, je suis rentrée dans leur jeu. Mais je ne leur en veux pas. Je sais qu'ils ne m'auraient jamais caché la vérité de leur plein gré.

- Voilà une attitude admirable, capitaine, souligna Giovanni. Enfin, si vous savez, autant être franc entre vous, désormais. Votre frère et votre sœur doivent souffrir de continuer à vous mentir. Ce qui amène maintenant la réponse à ma précédente question.

Siena prit sa respiration, et dit :

- C'est probablement le général Tender qui leur a ordonné de ne rien dire. C'est lui, mon vrai père.

- En effet, acquiesça Giovanni. Qu'est-ce qui vous a mis la puce à l'oreille ?

- Ce n'était pas son comportement envers moi, si c'est ce que vous redoutez, monsieur. Il n'a jamais rien fait ou dit qui puisse faire penser qu'il est mon père. Mais outre le fait qu'on a exactement la même couleur de cheveux et quelques traits similaires, c'est aussi grâce à son fils, le capitaine Lusso Tender. Depuis que je suis petite, il n'arrêtait pas de s'intéresser à moi, sans raison. Il m'a souvent protégé. Puis il n'est guère finaud.

Giovanni eut un rire bref.

- Oui. Bien que Lusso ait été aussi tenu au secret par son père, son caractère fait qu'il ne pouvait que vous laisser des soupçons, à vous et à votre esprit aiguisé.

- Monsieur... Pourquoi le général m'a-t-il jamais reconnu ? Demanda enfin Siena. Pourquoi ne voulait-il même pas que je sois au courant ?!

- Ah, il faut le comprendre, ce brave Hegan... C'est difficile à expliquer, et peut-être plus à entendre, mais votre naissance avait été en quelque sorte planifiée, pour protéger le futur enfant de Livédia Crust et du Mélénis dont elle est tombée amoureuse. Avant son arrivé, votre mère était très attachée au général Tender. Il a accepté de faire ça, pour elle. Ce n'était pas pour moi, même si je lui avais ordonné. L'idée était que tout le monde croit que Tender était le père de tous les enfants de Livédia, pour cacher l'ascendance de Mercutio et Galatea aux yeux des ennemis de leur père. Mais Livédia est morte lors d'un accident, et Tender n'a pu accepter l'idée de vous élever tous les trois, seul. Et s'il vous avait élevé juste vous, le plan de votre naissance n'aurait servi à rien. Mais je suis sûr qu'il a souffert de ne pas pouvoir vous reconnaître comme sa fille légitime.

- Je vois... fit Siena.

Giovanni la dévisagea un moment, puis demanda :

- Qu'est-ce que cela vous fait de savoir tout ça, capitaine.

Siena n'hésita pas.

- Rien du tout, monsieur. Je voulais juste savoir pourquoi le général n'a jamais fait mention de moi, au cas où il aurait eu, d'une façon ou d'une autre, honte de moi. Si ce n'est pas le cas, s'il a fait tout cela par devoir pour la Team Rocket et par amour pour ma mère, alors c'est bon. Mais ça ne change rien. Je ne vais pas prendre le nom de Tender pour pouvoir bénéficier de la renommée de mon père. D'ailleurs, je lui suis en quelque sorte reconnaissante qu'il m'ait laissé grandir auprès de Mercutio et Galatea, de m'avoir laissé faire mon chemin toute seule. Je ne veux pas être favorisée par ça. Je veux obtenir de l'avancement pour ce que je fais, et pas à cause de qui est mon père.

Consciente d'en avoir un petit peu trop dit, Siena se tut et rougit. Mais le Boss lui lança un regard impressionné.

- On ne s'était donc pas trompé sur votre cas, capitaine. J'ai tendance à accorder beaucoup d'importance aux jumeaux Crust pour leurs pouvoirs, mais il semblerait que vous me soyez tout aussi précieuse. Votre père aura été pour moi un grand ami et un de mes hommes les plus précieux. J'ose espérer que vous ferez comme lui.

- Je ne vis que pour vous servir, monsieur, vous et la Team Rocket, certifia Siena.

- Bien. C'était ce que je voulais savoir en vous faisant venir jusqu'à moi. Voir quel type de soldat vous étiez. Voir si le sang de votre père coulait bien dans vos veines. Je n'ai pas été déçu. Capitaine Crust, j'ai foi en vous, en votre dévouement et en vos capacités. De par ma qualité de chef de la Team Rocket, je vous octroie le grade de major des armées, ainsi qu'une place dans mon commandement militaire personnel.

Siena n'osait pas y croire. Pourtant, les paroles du Boss semblaient bien réelles.

- Moi... major... dans votre hiérarchie militaire...

- Vous continuerez à servir dans la X-Squad, bien sûr, mais je vous ferai venir de temps en temps au QG, pour que vous voyez un peu comment fonctionne le commandement, et que vous vous familiarisez avec. Je ne doute pas qu'un jour, vous y ayez une place importante, alors autant commencer à acquérir de l'expérience.

Sa rencontre avec Zelan était totalement oubliée. Elle était à la fois soulagée d'avoir appris la vérité sur son père, et immensément heureuse et fière des nouvelles responsabilités que le Boss en personne lui confiait. Certes, c'était aussi parce qu'elle était la fille d'un général légendaire qui en plus était un vieil ami du Boss, mais elle arriverait à force à se démarquer du nom du général Tender. Elle allait faire son chemin dans la Team Rocket, armée de ses seules capacités. Et puis un jour, elle allait dépasser son père. Voilà ce qu'était son rêve. Juste avant de partir, elle se souvint de quelque chose.

- Monsieur, avec votre permission, j'aimerais faire un tour à l'armurerie de la base.

- Bien sûr major, mais pourquoi ?

- Il est temps que je me trouve une arme qui me soit propre.

Giovanni sourit.

- Très bonne idée. Une arme originale et personnalisée amène toujours un peu plus de charisme auprès des hommes, n'est-ce pas ? Vous irez loin, Siena Crust. J'en suis sûr.