2.11 - Jack Lumber (1)
- C'est dangereux, on devrait pas !! geignit Evéa.
- Mais on craint rien, je suis sûr que cette histoire de maître de la forêt c'est une légende ! souffla Santal.
- J'ai fait tomber mon gâteau par terre… marmonna Grume.
Santal se tourna vers ses amis.
- Je parie qu'il ne se passera rien ! On peut tout à fait se promener dans cette stupide forêt sans se faire attaquer par…
- PAR ?
Les trois enfants se tournèrent vers Jean Georges qui se trouvait sur une branche. Les trois enfants frémirent mais ne fuirent pas.
- Partez. Vous savez très bien qu'il y a des chemins balisés pour entrer et sortir de la forêt.
- … On voulait juste visiter ! marmonna Evéa.
- Oui on voulait rien faire de mal ! assura Santal.
- Ne nous attaquez pas, s'il vous plait… geignit Grume.
Jean regarda les trois enfants.
- Vous êtes des habitants de Sylvebourg, n'est-ce pas ?
- Oui !
- Hm !
- Voilà !
- Vous savez qui je suis ?
Les trois enfants se regardèrent.
- Euh… Le maître de la forêt ?!
Jean acquiesça.
- Alors vous savez que vous devez m'obéir, n'est-ce pas ?
Les trois enfants se regardèrent, ne sachant pas quoi faire.
- Mais monsieur, on veut vraiment visiter cette forêt ! geignit Evéa.
- On ne fera rien de mal, on ne cueillera rien ! assura Santal.
Jean pencha la tête sur le côté. Grume explosa, terrorisé.
- Pardon, pardon, j'ai fait tomber mon gâteau, monsieur, pardon, vraiment !!
Jean fit de gros yeux.
- … C'est juste un gâteau !
- …
- … Et si vous cueillez une ou deux fleurs pour vos familles c'est pas si grave !
Les trois enfants s'étonnèrent du ton nouveau de Jean Georges, puis ils tiquèrent.
- Nos familles ?! s'étonna Grume.
- Bwarf, mon père travaille tout le temps et en plus comme c'est un notable, il va à des réunions… soupira Santal.
- Moi avec mon père qui crie tout le temps pour rien… marmonna Evéa.
- Chez moi on parle pas, à part mes deux frères qui passent leur temps à s'asticoter… souffla Grume.
Jean Georges ne trouva qu'à soupirer face à ces jérémiades.
- De quoi vous plaignez-vous donc, stupides enfants.
Santal, Evéa et Grume s'étonnèrent alors que Jean leur tourna le dos, toujours accroupi sur sa branche.
- Vous, au moins, vous avez une famille. Restez dans ces bois autant que vous le voulez mais ne dérangez pas les Pokémon.
L'homme des bois partit. Les trois gamins se regardèrent, totalement interloqués.
***
L'aube était fraîche quand Biverdam, le Garde du Ministre, prit son poste devant la Grande porte du Palais.
Quelqu'un sortit à sa suite, le Majordome Timber.
- Fraîche matinée, n'est-il pas ?
- Hm, marmonna le garde.
Le vieux majordome à moustache agita sa canne.
- Je pars pour ma balade en forêt.
- Je ne peux que te mettre en garde. Si Jean Georges est à sa cabane…
- Oh, pfff ! Tu penses que j'ai peur d'un vulgaire vagabond ? Je suis un Majordome de Classe A, formé à Dame-Blanche, tu penses réellement que je vais me faire avoir par un misérable rustre ?
Biverdam secoua la tête.
- Prends garde quand même, Timber… marmonna le Garde.
- Cela te va bien de dire ça ! sourit le Majordome.
***
Jack Lumber attendait dans sa salle du Trône. Ce palais, c'était son fief, son œuvre, et le seul fait de savoir que Jean Georges et cet étrange gamin sur un Doduo pouvaient attenter à son règne.
« Ces sauvages ne comprennent rien… Ils ne comprennent rien au pouvoir. Et je me doute qu'aucune somme d'argent ne les poussera à me servir ou à cesser leur attaque… »
Le Ministre soupira et se releva. Gloupti, toujours attaché dans un coin de la salle, se recroquevilla.
« Il se peut que j'aie à me battre… Biverdam gardera l'entrée, mais… et s'ils passaient par un autre endroit ? Le toit par exemple… »
Le Ministre envoya Roucarnage, Noadkoko et Feunard, ses trois Pokémon.
« Je vais avoir besoin de vous pour garder les issues… »
C'est ainsi que le Ministre se lança dans un grand numéro de paranoïa…
***
… tandis que le plan se mettait en place.
- Je n'arrive pas à croire qu'on était assis là depuis hier. Comment a-t-il pu garder ça ici ?! s'étonna Patty.
Santal haussa les épaules.
- C'est Jean, il est comme ça… Quand il sent que quelque chose est dangereux pour la forêt, il prend le risque de l'isoler avec lui.
- J'appelle ça du suicide !
Evéa et Grume portaient les derniers paquetages et les plaçaient sur Doduo. L'échelle de corde avait été décalée de telle sorte qu'elle se trouvait sur le côté gauche du site, de sorte à faciliter le transit. Les deux porteurs sortaient les paquets de la cabane et des caisses sur la « terrasse ».
- On a de la chance, le temps est clair… marmonna Evéa.
- Hm… Mais j'ai les doigts couverts de poussière, je peux pas manger tout de suite… soupira Grume.
- En effet c'est gravissime… geignit Evéa, ironique.
- Tout est bien attaché ? marmonna Patty.
- Oui ! assura Santal auprès de Doduo.
Patty hocha la tête. Un caillou frappa la cabane.
- Eh !
Puis deux, trois. Et enfin une tripotée.
- Qu'est-ce que…
- Eh !! Eh !
- Hiiiii !!!
- Cachez-vous, les enfants !! cria Patty.
Grume et Patty se placèrent dans le cabanon de Jean. Evéa se cacha dans le renfoncement créé par une caisse posée sur le côté. Santal et Doduo, hors de la cabane, virent ce qui se passait.
- Des Capumain !!! cria le jeune homme.
Les jets de pierre cessèrent. Patty profita de l'accalmie et sortit sa tête de la cabane, à quatre pattes, tendant ses fesses harmonieuses vers un Grume ultra gêné.
- SANTAL ! PARS AVEC DODUO !
- Quoi ?! Mais…
- TU TROUVERAS CERTAINEMENT UN MOYEN !
Des jets de noix survinrent. Patty se replia rapidement. Santal n'était pas visé.
- VAS-Y !
- Mais… Mais et vous ?!
- T'OCCUPES, FONCE ! C'EST LE PLUS IMPORTANT !
Avec un contrecœur immense, Santal agita la bride de Doduo comme Moosh le leur avait appris. Le Pokémon se mit à courir à travers la forêt.
Patty, Evéa et Grume.
Ils étaient calfeutrés sur le site de la cabane de Jean Georges. Les Capumain leur avaient laissé une accalmie. Patty eut une réflexion. « Pourvu qu'ils n'aient pas poursuivi Santal ! ».
Afin de s'en assurer, elle prit le risque de sortir de sa cachette. La pluie de cailloux reprit.
« Non, tout va bien. Je n'aurais pas dû m'égosiller comme ça… car maintenant j'ai une certitude, c'est que ces Capumain sont dressés.
1 – Ils attaquent ce site précis.
2 – Ils cessent d'attaquer quand ils ne sentent pas de présence hostile.
3 – Leurs attaques sont précises et frappent les points stratégiques où nous pourrions nous trouver. Ce sont des tirs ciblés. »
Patty regarda Grume qui se découvrit et regarda l'infirmière qui lui frappa la tête.
- N'en profite pas pour me reluquer !!!
- Aouch !! Mais je…
Les attaques redoublèrent d'intensité. Patty vérifia donc ses hypothèses. « C'est nous qu'ils visent… ou alors… »
Patty haussa les sourcils. « Jean ! C'est Jean qu'ils visent. Quand ils sentent une présence, ils la visent et bombardent. L'attaque est mécanique, cela ne veut dire qu'une seule chose : Ils sont dressés. »
Cela, paradoxalement, rassura Patty. « Leur dresseur est loin d'ici, il attend d'être sûr que les lieux seront nettoyés de toute présence. Il vise forcément Jean Georges. C'est probablement un homme du Ministre dans ce cas, mais pourquoi une attaque si frontale ? »
« A moins que… le Ministre n'ait eu vent par quelque moyen qu'une attaque allait avoir lieu ! Un des enfants aurait parlé ? Non, ils tiennent trop à Jean… »
Patty reprit son calme et affuta ses analyses de médecin. « Le Ministre a probablement vu ou eu vent des contacts entre moi, Moosh et Jean Georges. Il a forcément des espions et des co… »
Patty claqua des doigts. « Nous sommes partis avec Jean Georges vers sa cabane en passant à proximité du Palais du Ministre !! Quels crétins nous sommes !! Il a dû se douter de quelque chose en voyant Jean Georges s'acoquiner avec… »
« BON SANG, LE MINISTRE CONNAIT MOOSH, ILS SE SONT BATTUS ! EVIDEMMENT QU'IL S'EST MEFIE !!
« Zut, et je suis sûr que Moosh et Jean ne vont absolument pas y penser ! »
Patty fut vite extraite de ses réflexions quand les tirs cessèrent. Elle s'inquiéta pour Evéa qui était isolée, toujours dans sa caisse, orientée de telle façon qu'elle était protégée des tirs. La fillette n'était pourtant pas touchée.
Patty regarda Evéa et lui fit signe de ne rien dire. Evéa hocha la tête. Patty désigna les tireurs en faisant un cercle avec sa main, puis se désigna elle-même. « Ils nous visent ! ». Evéa hocha la tête. Patty lui somma avec la main de rester en place. Mais la jeune enfant eut une pensée à laquelle Patty ne pouvait pas s'attendre.
- La gentiane !! murmura la gamine.
Evéa sortit de sa cachette. Patty serra les dents, mais Evéa ne fut pas touchée, ce qui étonna Patty. La petite blondinette se pressa vers la fleur bleue qui avait été frôlée, à première vue, mais pas brisée. La tige était néanmoins vacillante et le pot avait été frappé, en témoignait la terre qui s'était déversée autour.
Evéa prit la gentiane avec elle. Patty se demanda pourquoi elle n'était pas frappée par les Capumain. Soudain, elle réalisa que Santal ne l'avait pas été non plus. « Ils ont une zone délimitée de tir. En réalité ça parait évident maintenant que j'y pense. »
- Ahem. Je vous somme de vous rendre !
La voix inconnue fit frissonner Grume. Evéa se baissa. Patty l'encouragea à regagner sa cachette, ce qu'elle fit, le pot de fleur dans ses mains.
- Le Ministre a eu vent de vos agissements qui vont à l'encontre de son pouvoir suprême.
Patty grimaça. « Quel taré ! »
Elle recommença à analyser la situation. « Il est vers la face Nord par rapport à la cabane. Il connait l'endroit puisqu'il vient par le côté où l'échelle de corde est censée se trouver… L'ECHELLE ! »
Patty, dans le petit baraquement, regarda en face d'elle. L'échelle de corde était toujours là, face à l'entrée du baraquement, à quelques quinze mètres de ladite entrée. Evéa était la plus proche. « Je ne peux pas demander à la gamine d'y aller, surtout avec les Capumain aussi proches… Je pourrais envoyer un de mes Pokémon… Les Tarsal sont trop faibles, s'ils se font frapper… Et j'ai besoin de Nanméouïe au cas où… »
Patty soupira. « Une seule solution… »
- Vous connaissez le règlement de la ville : Toute personne soupçonnée ou surprise en train d'attenter à l'intégrité du règne du Ministre sera arrêtée !
Patty se déplaça à quatre pattes avec une grande discrétion. Elle avait laissé à Grume sa Pèlerine Vitale et était plus séduisante que jamais. Mais la question n'était pas là. Patty flippait d'être repérée et attaquée. Evéa la regardait, impressionnée. Patty prit l'échelle de corde et commença à la remonter doucement. Evéa comprit ce qu'elle faisait.
- A trois ! Un…
« Il est à bonne distance, il a peur de Jean Georges, il va porter un assaut fatal, le prochain assaut sera décisif… »
Evéa regarda Patty qui se démenait. Et elle…
***
- Santal, tu es dresseur depuis plus longtemps que Grume et Evéa.
Jean Georges avait pris les gamins sous leur aile et avait décidé de les entrainer dans une clairière quand il avait appris qu'ils étaient tous les trois dresseurs. Des séances auxquelles les enfants ne se privaient pas de participer.
- Oui !
- Tu as un Ptitard que t'a offert ton père à ton dixième anniversaire et un Piafabec que tu as capturé par toi-même.
- Exact.
- Hm. Grume, ta famille aime les insectes.
- Oui.
- Notamment les Pokémon émergeant des cocons.
- Oui.
- Bon. Evéa…
La fillette se mordilla les lèvres. Jean plissa les yeux.
- … on s'occupera d'Evéa plus tard.
- C'est pas juste ! Pourquoi elle ne travaille pas autant que nous ? grommela Grume.
- Ouais en plus je suis sûr que tu es super forte ! souffla Santal.
Jean souffla, repoussant une mèche rouge devant son visage.
- Les garçons, vous allez courir avec vos Pokémon, vous allez au bout de ce sentier et vous revenez.
- Même moi ? s'étonna Grume.
- Tu peux porter tes Pokémon, nan ?
- … oui bah oui…
Les deux garçons partirent. Jean et Evéa les regardèrent s'en aller en courant.
- Bon, alors, tu veux toujours pas t'entrainer devant les garçons ?
- Non ! geignit Evéa en souriant.
- Pourtant t'es forte, j'vois pas ce qui cloche…
- Tu peux pas comprendre, Jean !
- Ouais, ouais, pis j'veux pas que tu m'expliques vu que tu rougis chaque fois que tu me dis « Tu peux pas comprendre, Jean ! »
- …………..
Jean ricana. Evéa sourit, embarrassée.
- Jean, c'est grave si… si je n'ai pas trop envie de travailler dur avec mes Pokémon ?
Jean regarda Evéa et haussa les épaules.
- Je suppose que tu peux aussi te contenter de les aimer.
Evéa acquiesça.
- Oui, voilà, c'est ce que je veux.
- Mais il faut aussi que tu saches être forte quand il le faut. Hein ?
Evéa acquiesça.
- Oui… Je suppose que oui…
***
- Deux…
Evéa sortit de sa cachette, y laissant cependant la gentiane de Jean Georges. Elle se dirigea vers la rambarde Nord de la terrasse de la cabane et vit le majordome, à bonne distance, dans son horrible costard violet.
- CA SUFFIT !!
Timber regarda la fillette blonde qui se dressait face à lui.
- Mademoiselle, si Jean Georges est dans les parages, vous êtes priée de me le livrer sans ménagement.
Evéa envoya Chlorobule. Le Pokémon Plante regarda sa maîtresse.
- Attaque Doux Parfum !!
Chlorobule émit une fumerolle rose. Timber frappa le sol avec sa canne. Cette fois, des noix furent lancées sur la cabane. Patty s'assit derrière la caisse où Evéa s'était logée.
La fillette n'esquiva pas les noix, à la surprise de Timber et Grume. Le gros garçonnet sortit la tête de la cabane.
- EVEA !! RENTRE !!!
La gamine s'empara d'un balai avec des brindilles et l'agita en l'air. Les noix frappaient la cabane, Chlorobule et aussi Evéa qui fermait les yeux en se prenant les fruits à coque. Les Capumain cessèrent soudainement de frapper, et vinrent auprès de la fillette qui avait réussi son coup. Elle était toute endolorie mais fière d'elle.
- Voilà. Heureusement que j'ai « compris » que c'étaient des Pokémon qui tiraient ces projectiles.
En fait elle l'a su par Santal, mais elle ne savait pas si Timber l'avait vu ou pas. Face à l'étonnement de Timber (un haussement de sourcil négligé), Evéa comprit qu'il ne l'avait pas vu.
- Je vois. Vous n'êtes pas forte mais je suppose que vous êtes une adversaire bien assez valeureuse. Livrez-moi Jean Georges sans plus de délai.
- Jamais !
- Vous pouvez toujours y compter !
Evéa regarda Patty qui était à ses côtés. Nanméouïe soigna Chlorobule.
- Bien joué, Evéa. Ça va aller ?
Evéa acquiesça. Patty regarda Timber.
- ESPECE DE SALE ENFOIRE !!!
Timber eut un mouvement de sourcil.
- T'EN PRENDRE A UNE GAMINE MAIS T'AS PAS HONTE ?!
- Vous utilisez cette enfant pour mener votre vaine révolution contre le Ministre et c'est moi que vous accusez d'être un persécuteur d'enfants ? Ma foi. Je suis Timber, un Majordome de Dame-Blanche et croyez-moi, vous allez tâter de mon attaque Dégommage…
Le Majordome en costard violet sortit un Capidextre qui semblait féroce. Patty repéra des bourses que le Pokémon portait dans le dos. Pour « Dégommer », Capidextre prenait des cailloux dans les bourses et balançait avec des mouvements secs. Patty, Evéa, Chlorobule et Nanméouïe se replièrent. La terrasse de la cabane morfla, les rondins de bois la constituant étant gravement endommagés. Les Capumain euphorisés par le Doux Parfum s'éloignèrent, apeurés. Timber sourit.
- Il est temps d'en finir avec vous. Jean Georges n'est pas ici, je présume qu'il serait intervenu depuis longtemps, mais rien ne m'empêche de m'amuser un peu…
Le singe aux grandes paumes balança du gravier sur la terrasse de Jean Georges alors que les filles s'étaient réfugiées dans la cabane. Le bois de la terrasse était en train de se désagréger. Les rambardes étaient presque détruites.
- Cela ne suffit pas, Capidextre, monte sur cette cabane et anéantis-moi ces fauteurs de trouble ! Le Ministre ne doit plus avoir le moindre gêneur sur les bras… Personne ne doit se mettre en travers de sa route…
Capidextre grimpa sur ce qui restait de la devanture de la cabane. Une fois sur les restes de la rambarde, le Pokémon écarquilla les yeux.
Collés des deux côtés des bords du site de la cabane, un Armulys et un Blindalys tendaient une bande de soie large comme un filet de ping-pong.
Grume tendait le filet avec un Coconfort « chargé » dedans.
Le gros gamin à lunettes haussa les sourcils en regardant le Capidextre, lâcha le Coconfort qui fusa comme un missile et alla se ficher dans la gueule de Capidextre. Le Pokémon retomba avec Coconfort encastré dans sa face, dans une trajectoire fusant vers le sol. Comme Timber s'approchait de la cabane, il se prit Capidextre et Coconfort de plein fouet, ce qui lui fit l'effet d'un camion lui rentrant dedans. Sa canne vola et alla se ficher dans le terreau frais de la forêt.
Quand Patty, Grume et Evéa s'approchèrent, ils virent Timber et Capidextre complètement assommés. Coconfort sautillait, tout content. Patty hocha la tête.
- Ah ouais quand même !!
- Il est mort ?! s'étonna Evéa.
- Non… Non, j'crois pas… marmonna Patty.
Coconfort émit une sécrétion qui maintint le Majordome ligoté. Ensuite, seulement, les trois résidents de la cabane descendirent vérifier.
***
- En tant que dresseurs, vous devez faire preuve de sang-froid et d'inventivité. Toute situation peut se régler. Et si elle ne le peut pas, malgré vos réflexions, revenez à la case départ et résignez-vous jusqu'à ce qu'une solution vienne.
Jean Georges se déplaçait face à Grume et Santal qui écoutaient vaillamment. Evéa n'était pas concernée par la leçon de Jean et nettoyait son Chlorobule avec une pince à épiler en enlevant les petits grains de saleté entre ses feuilles et ses racines. Le Pokémon Plante couinait sous ses attentions.
- Le mieux c'est de penser à tout. La prise de tête c'est l'arme numéro un du dresseur. Et d'autant plus dans une forêt.
Santal et Grume plissèrent les yeux. « On ne se battra pas souvent dans la forêt… »
- Dans une forêt, tout est terrain, tout est plaine. Tout est praticable. Et celui qui pratique le mieux est le roi.
- C'est toi, alors ! sourit Santal.
- … on peut dire ça. Même si je ne perds jamais de vue qu'on trouve toujours plus fort que soi. Et on trouve toujours des situations imprévisibles devant soi.
Santal acquiesça.
- Et dans ces cas-là, on fait quoi ?
Jean haussa les épaules.
- On fait confiance à son instinct… oui, Grume ?
- Ce que tu nous dis, là, ça vient des livres de l'école qu'on t'a ramené, nan ?
Jean Georges regarda Grume, blasé.
- Absolument pas !
- Bah ça ressemble…
- Eh bien non, pas du tout. En revanche il y a des chances pour que tu ne manges pas de fruits au miel tout à l'heure.
- J'ai rien dit du tout ! J'ai dit quelque chose, Santal ?!
Le gamin secoua la tête, amusé.
***
Santal arriva sur la place du village qui était tout droit face au Palais. Comme il était très tôt, il n'y avait personne dans les ruelles du village.
Il était totalement stressé, ne sachant pas ce qui se passait du côté de Patty, Evéa et Grume. Et encore moins du côté de Moosh et de Jean Georges.
Qui de toute façon attendaient qu'il agisse.
L'ancien maître de la forêt Faunus avait laissé dans cette cabane de puissants explosifs dans un but apparemment suicidaire. En réalité c'était dans le cas extrême où la forêt prendrait feu. Comme pour le capitaine d'un bateau, le Maître prendrait feu avec sa Forêt. Quand Jean Georges avait découvert cela, il avait apparemment été d'accord sur le principe.
Mais aujourd'hui, ces explosifs étaient plus que nécessaires. Et Santal n'avait AUCUNE idée de comment il allait les faire exploser. Doduo se tenait à côté du gamin qui prenait les paquetages avec pour objectif de faire sauter la statue du Ministre sur la place. Un évènement qui ferait à coup sûr se déplacer le garde Biverdam et permettre à Jean et Moosh d'entrer dans le palais.
Après quoi, Santal et Doduo retiendraient Biverdam en le faisant courir dans les rues. Un plan simple.
Cependant impossible de faire sauter les explosifs sans une attaque à distance qui les agiterait assez. Déjà qu'il avait grandement craint que tout ne saute pendant la course de Doduo… Mais là impossible. Doduo et Piafabec ne peuvent que frapper physiquement, et Ptitard, avec ses attaques Eau… ne va certainement pas aider à ce que ça explose plus vite. Il serait plutôt capable de les noyer.
Le plan de base était que Patty s'en charge avec ses Tarsal et leur Choc Mental. Mais là…
- Zut, zut, zut…
Les explosifs étaient posés au pied de la statue, Doduo semblait attendre, éloigné, à côté d'un des bancs bordant la place, Santal stressait, ne sachant pas quoi faire.
- Je sers à rien ! Je suis nul ! Dire que je voulais remplacer Jean comme Gardien de la Forêt plus tard ! Mais des CLOUS, oui ! Je suis même pas capable de réaliser un stupide plan !
- Ca n'a rien de stupide.
Santal sursauta et se tourna vers un homme à côté de lui. Un grand bonhomme barbu, un peu gros, et avec un Pijako sur l'épaule.
- Qui… Qui êtes-vous ?!
- Quelle importance. J'ai cru comprendre que tu voulais faire exploser cette statue. C'est vrai qu'elle est moche.
- … euh…
- Mais je suppose que ce n'est pas l'art qui a fait de toi un terroriste !
- Non, non… et je suis pas un terroriste.
- C'est bon à savoir. Et c'est heureux, tu parais bien jeune ! ricana l'homme.
- … c'est… pour faire une diversion… pour chasser le Ministre de la ville, parce que…
Santal hésita, mais il se dit aussi que si ce vieil homme voulait l'arrêter, il l'aurait fait depuis longtemps.
- … parce qu'il ne respecte pas cette ville, pas ses habitants et pas cette forêt, parce qu'il veut perturber ce qui fait l'essence de notre ville ! Et ça c'est pas acceptable !
L'homme acquiesça. Il sortit de sa poche un bonbon.
- Donne ça à ton Ptitard. Je pense qu'il est prêt.
- … prêt ?
- Oui.
Santal s'étonna, prit le bonbon bleu, le sortit de son papier d'emballage et tendit la confiserie vers son Pokémon Eau. Ptitard goba la sucrerie. L'homme tourna le dos et partit.
- Euh… mais… monsieur…
- Je ne me préoccupe pas de savoir si ce que tu fais est bien ou mal. L'important c'est que l'esprit de ton initiative soit bon.
Santal plissa les yeux, puis il dut se retourner vers Ptitard qui brillait intensément.
- Ah !!
Ptitard évolua en Têtarte. Le Pokémon salua gaiement son maître. Il était beau, rond, l'air débonnaire. Un Pokémon tout à fait sympathique.
- … Cool !
- Tir de boue…
Santal se tourna. L'homme était face à la rue qui faisait face au palais du Ministre.
- Tir de boue, petit, c'est la solution.
- M… Merci… Je…
- Quand tout cela aura explosé, dépêche-toi de retourner à la cabane.
- M… Comment vous savez…
- Je sais, c'est tout.
Santal se posa des questions cinq secondes avant de reprendre ses esprits.
- Têtarte ! Tir de Boue !!
Le Pokémon leva les mains ouvertes et les dirigea vers les explosifs. La statue vola en éclats sous l'explosion produite par le choc des boulettes de terre.
Le bruit et la fumée. Biverdam haussa les sourcils, stupéfait.
- Que… Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel !! A moi !!
Biverdam appela quatre Simularbre. Les Pokémon portèrent leur maître. Leurs pieds parfaitement synchrones produisirent un déplacement rapide, aussi rapide qu'une voiture.
Lorsque Biverdam quitta le site, Jean descendit de la maison sur le toit de laquelle il épiait le Garde. Moosh sortit des poubelles où il s'était caché.
- On y va.
- Hm…
Jean et Moosh se dirigèrent vers les escaliers en courant. Enfin, Jean.
- Qu'est-ce que t'as ?!
- … J'me sens tout nu sans Doduo…
- … Tu sais courir au moins ?!
- Oui, mais bon…
Moosh sembla embarrassé par l'absence de Doduo. Jean Georges roula les yeux.
- J'ai compris…
C'est ainsi que Moosh arpenta les marches du Palais du Ministre… cramponé sur le dos de Jean Georges.
- Je me sens ridicule !
- Merci ! Par contre tu as les cheveux gras…
- Je comprends pourquoi Patty te fait tomber de ton Doduo… grommela Jean.
***
Biverdam s'empressa de se rendre sur la place. Mais il fut arrêté en chemin par le gros bonhomme barbu au Pijako. L'homme et son Pijako, voletant à ses côtés, bloquaient ostensiblement la route.
- … Qui êtes-vous ?! Laissez-moi passer !! De toute évidence, la Statue du Ministre a été dégradée !
- T'entends ça, Betty ? Dégradée ! La statue a fait Boum mais à part ça, elle a été dégradée ! Hah-hah-hah-hah !
Biverdam fronça les sourcils et descendit du véhicule formé par ses Simularbre. Lesdits Pokémon se placèrent en formation pour encercler le duo.
- Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous m'avez tout l'air d'un délinquant de premier ordre.
- Et vous, vous m'avez l'air d'un amateur d'arbres !
- … Martopoing !
Les Simularbre foncèrent en même temps sur l'homme et le Pijako. Le Capitaine n'eut qu'un mot à dire et une onde de choc remit les Simularbre en place, les posant, assis par terre autour de lui.
Biverdam s'étonna, intrigué. Le Capitaine releva sa casquette.
- Vous devez être bien inculte pour ne pas me connaître.
Pijako se posa sur l'épaule de son maître.
- Je suis Morrison Quest. Plus connu sous le nom du Capitaine.
Biverdam grimaça.
- Je suis l'un des trois membres de la Première Ligue Pokémon. Et vous vous réveillerez dans environ deux heures. « Pijaphone »
Pijako ouvrit la bouche. Une sorte de dôme d'air se créa autour d'eux. Biverdam s'écroula, assommé. Les Simularbre tombèrent immédiatement KO. Morrison hocha la tête, tourna le dos et partit sans demander son reste.
- Mon travail ici est officiellement terminé…