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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 21/11/2011 à 19:39
» Dernière mise à jour le 27/11/2011 à 16:36

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Chapitre 1 : Premiers pas
Aaaaargh. (Cri d'agonie de la Léa.)

D'où qu'il sortait, ce mal de tête ? J'avais l'impression qu'un marteau-piqueur était en train de faire des travaux de rénovation à l'intérieur de mon crâne. Bon, j'étais la première à admettre que j'en avais besoin, mais ils auraient quand même pu faire moins de bruit. Là, c'était une vraie torture. Manquait plus que le fer chauffé au rouge pour que je me mette à avouer tout mes crimes. Je tendis le bras et cherchai à tâtons la bouteille d'eau sur ma table de chevet. Sauf que ma main ne rencontra que le vide. Pas de table de chevet ? Mmh, bizarre. Je me souvenais pourtant m'être endormie dans mon lit. Non, attendez, pas endormie. J'étais en train de...

Les souvenirs me revinrent de plein fouet.

J'ouvris les yeux. Et retins une exclamation de surprise. Ce n'était pas ma chambre. Mais alors, vraiment pas. Comment je le savais ? Le premier indice, c'était la couleur. On aurait dit qu'un aveugle avait eu une promotion sur les pots de peinture et s'était amusé à repeindre la pièce de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, sans aucune logique. Les murs oscillaient entre orange, rouge, et jaune, tandis que le parquet avait une curieuse couleur d'un marron délavé, et que le plafond, lui s'affichait en noir, comme s'il était soudain devenu gothique. Par contraste, la couette du lit était bleue, avec des motifs en forme de petites étoiles argentées. Le tout formait un ensemble qui constituait un affront impardonnable au concept même d'harmonie.

Ensuite, en terme de meubles, c'était la dèche. Il y avait une Gamecube au centre, trônant sur un tapis rouge, une bibliothèque dans un coin, ainsi qu'un ordinateur. Et c'était tout. Rien qui traînait par terre. Aucun signe que quelqu'un vivait ici. C'aurait pu être une chambre d'ami qui ne servait que deux fois l'an. Une chambre d'ami affreusement décorée. Ce n'était certainement pas la mienne.

Je me levai, et faillis tituber sous le coup d'un léger vertige. On pouvait avoir le vertige dans un rêve ? Voilà qui était nouveau. En parlant de nouveau, j'étais habillée bizarrement. Basquettes blanches, chaussettes bleues qui m'arrivaient quasiment aux genoux, un short rouge, et une T-shirt bleu, sans manches. Je ne me souvenais pas de ça dans ma garde-robe. Drôle de rêve, en tout cas. Je m'approchai de la fenêtre, histoire de jeter un coup d'oeil à l'extérieur. Je dus m'y reprendre à deux fois avant de réussir à l'ouvrir : la poignée était bloquée, comme si elle n'avait pas servi depuis un bon bout de temps.

Dehors, un grand soleil brillait, et la température avoisinait les vingt degrés. Je me penchai. Pas de jardin, juste une rangée d'arbres bien ordonnés, et puis plus loin, plusieurs séries de haies qui délimitaient un chemin de terre. C'était bien trop cohérent pour un de mes rêves. Où étaient les lapins violets ? Les gnomes dansants ? Le Père Noël en slip ? (Une image mentale datant de mes dix ans qui resterait avec moi jusqu'à la fin de mes jours.)

Bon, rêve ou pas, je n'allais pas rester plantée là. Je sortis de la chambre, et me retrouvai dans un banal couloir. Mon enquête débuta par l'ouverture méthodique des portes, les unes après les autres. Chambre, dans les tons verts, moche mais pas autant que celle dans laquelle j'avais repris connaissance. Salle de bain, étonnamment standard. Toilettes, rien à dire là-dessus. Et re-chambre, en rouge cette fois. Je parvins à des escaliers. Les marches grincèrent convenablement sous mon poids, ce qui me fit plaisir. Ce rêve n'était peut-être pas si mal. Ennuyeux, mais passable.

Arrivée en bas, je posai le pied sur un carrelage couleur beige (reposant pour les eux par rapport aux couleurs des chambres, j'approuvai). Et c'est là que les choses déraillèrent complètement. La femme assise à la table du séjour tourna la tête vers moi, et demanda avec un grand sourire :

- Alors, Léa, prête pour ton voyage Pokémon ?

Il y avait beaucoup, beaucoup de choses qui n'allaient pas avec cette phrase. Tout d'abord, comment cette femme connaissait-elle mon nom ? Je ne l'avais jamais vue de ma vie. La question ne se posait pas si tout cela était un rêve, mais dans ce cas là, pourquoi rêvais-je de partir en voyage ? On ne pouvait pas trouver plus casanier que moi. Je détestais bouger, quelle qu'en soit la raison, et je n'étais jamais aussi heureuse que lorsque je me trouvais chez moi, bien au chaud sous ma couette. Si vous vouliez m'énerver, demandez-moi d'aller chercher du pain à la boulangerie. Si vous vouliez me tuer, annoncez-moi qu'on partait en week-end chez Tonton Hervé, qui habitait à l'autre bout de la France. Vous comprendrez donc pourquoi le fait que je rêve de partir en voyage relève plutôt du cauchemar. Et enfin, il y avait ce mot. Pokémon. Là, c'était carrément du délire.

Tout ça, je m'en rendis compte en moins d'une seconde. Il aurait ensuite fallu que j'y réfléchisse, que j'analyse toutes les données à ma disposition afin de parvenir à une conclusion sensée. Malheureusement, ma bouche prit les devants sur mon cerveau.

- Mon voyage quoi ? répétai-je d'une voix étranglée.

- Ma chérie, je sais que tu as attendu ce jour avec impatience, continua-t-elle en souriant de plus belle. Si tu allais voir le professeur Chen ? Tu dois avoir hâte de commencer ta quête !
Un rire nerveux s'échappa de mes lèvres. Ça y était. J'étais finalement devenue folle. Ce jeu pourri avait fini par avoir ma peau.

- Je vois que tu débordes d'enthousiasme ! Vas-y, ma chérie, je te soutiens de tout mon coeur !
Sa voix était aussi sucrée que du sirop pour la toux, et ses lèvres figées en un sourire constant. La manière dont elle prononçait ses phrases sonnait faux, comme un texte déclamé par un mauvais comédien. On aurait dit un zombie. Ou un personnage de jeux vidéo. Mais c'était ridicule. Invraisemblable.

Im-po-ssible, ne cessait de répéter la partie rationnelle de mon esprit.

Comment aurais-je pu me retrouver dans le monde de Pokémon ? Et pourtant, mon dernier souvenir avant de me réveiller dans la chambre arc-en-ciel, c'était bien de me préparer à jouer à Pokémon... Peut-être que c'était réel. Peut-être que j'étais vraiment rentrée dans Pokémon. Juste une connerie de plus que m'aurait infligée ce stupide jeu. Ou peut-être que j'étais tout simplement devenue folle. Dans tous les cas, je n'avais pas vraiment le choix. Certes, j'aurais pu me rouler en boule et crier jusqu'à ce que ça s'arrête, mais je n'avais plus six ans. Il était temps d'affronter mes problèmes comme une adulte. Ou d'essayer, au moins.

Je pris donc ma voix la plus douce et demandai à ma "mère" :

- Je suis censée faire quoi, déjà ?

- Va voir le prof Chen à son labo, et il te donnera ton premier Pokémon, répondit-elle sans perdre son sourire. Je suis si fière de toi !

- Le prof Chen... Bien sûr, suis-je bête. Et il est où, ce labo ?

Là, elle fronça les sourcils.

- Mais enfin, ma puce, tu sais bien. Le labo.

Avant que je puisse lui répondre que ça ne m'avançait pas des masses, elle me fourra un sac à dos dans les mains.

- Et voilà, tu as tout ce qu'il te faut là-dedans ! proclama-t-elle. Ton sac de couchage, des vêtements de rechange, ta trousse de toilette, et ton téléphone portable. Oh, et je t'ai préparé un sandwich au cas où tu aies un petit creux sur la route de Jadielle !

- Euh... merci ?

- Maintenant, vas-y, mon petit chou à la crème ! Montre-leur ce que tu as dans le ventre !

- Oui, bonne idée. Je vais... y aller.

Je m'enfuis vers la sortie avant qu'elle ne me qualifie d'un autre sobriquet.
Une fois dehors, je tentai de remettre de l'ordre dans mes pensées, sans trop de succès. Mon cerveau refusait catégoriquement de coopérer, me répétant pour la millième fois que tout ceci était impossible. Je lui grognai dessus mentalement, lui conseillant d'aller s'acheter une nouvelle définition du mot 'impossible', et de revenir me parler ensuite.

Je me forçai à me concentrer sur le bon côté des choses. Au moins, il faisait beau. Je pouvais sentir la chaleur du soleil sur ma peau, dissipée de temps à autres par un petit vent frais. Pas encore besoin de crème solaire, mais les pulls resteraient également au placard. Si j'avais dû deviner, j'aurais dit qu'on était en Avril - à supposer que les saisons existent dans le monde de Pokémon. Peut-être que tous les jours étaient les mêmes.

J'endossai mon sac à dos - assez lourdement chargé, notai-je au passage - et scannai les environs du regard. Sur ma gauche, située après un sentier de terre, se trouvait une maison identique à celle dont je venais d'émerger. Plus loin devant moi, légèrement sur la gauche lui aussi, un bâtiment massif était posé bien en évidence. Probablement le labo dont la zombie m'avait rebattu les oreilles. Toute la zone était entourée d'arbres. Je distinguai une étendue d'eau à une centaine de mètres devant moi - un lac peut-être -, mais personne n'était en train de s'y baigner. Il n'y avait pas foule : une vieille femme plantée devant un parterre de fleurs me tenait lieu de seule compagnie. Si c'était un village, c'était un très petit village.

Je fis quelques pas sur le sentier qui menait vers l'extérieur, et découvris qu'il disparaissait très rapidement pour laisser place à de l'herbe. Mais pas n'importe quelle herbe, attention. Déjà, elle m'arrivait aux genoux. Ils connaissaient pas la tondeuse, dans le coin ? Ensuite, elle était tellement dense qu'on ne voyait même plus le sol. Et pour terminer, elle bougeait. Elle frémissait ici et là, comme si des bestioles invisibles s'y promenaient incognito. Ce qui était probablement le cas, à bien y réfléchir.

- Hé, attends ! C'est dangereux de s'aventurer dans les hautes herbes ! fit une voix derrière moi.

Je me retournai. Un homme en blouse blanche, la cinquantaine à vue d'oeil, se dirigeait vers moi d'un pas vif tout en agitant les bras, comme si je m'apprêtais à commettre un crime et qu'il devait absolument m'en empêcher.

- Dangereux ? Pourquoi ?

- À cause des Pokémon sauvages, bien sûr, répondit-il en arrivant à ma hauteur, l'air légèrement essoufflé. À ton âge, tu devrais le savoir, Léa. (Il fronça les sourcils.) Et vu mon âge, tu devrais éviter de me faire de pareilles frayeurs ! Tu sais bien que même un simple Rattatta peut occasionner de graves blessures à un homme adulte.

Je tombai des nues.

- Les Pokémon attaquent les humains ? Pas tous les Pokémon, quand même ? Et seulement si on les provoque, nan ?

Il me lança un drôle de regard.

- Léa, tu es sûre que tu vas bien ? Tu es peut-être malade... Si tu ne te sens pas bien, on peut remettre ça à demain, tu sais.

Bon, j'avais ma réponse. Les Pokémon n'étaient pas des mignonnes petites peluches, et ça, tout le monde le savait.

- Non, ça va, fis-je en m'efforçant de sourire. J'ai juste mal dormi.

- Ha oui, dit-il en hochant la tête. Tu es nerveuse, c'est normal. Beaucoup de jeunes dresseurs font des cauchemars la veille de leur départ.

Il me sourit chaleureusement, et ça ressemblait beaucoup plus à un vrai sourire que l'étirement de lèvres sans nom plaqué sur le visage de ma "mère". À l'évidence, certains personnages étaient davantage travaillés que d'autres.

- Allez viens, ton Pokémon t'attend au labo.

Et il partit devant, convaincu que j'allais lui emboîter le pas. Ce que je fis, bien entendu. Si dans ce monde-là se promener signifiait tomber tous les trois pas sur des créatures enragées, je n'allais pas cracher sur un moyen de défense, fût-ce un Pokémon. Les portes du labo s'ouvrirent automatiquement à notre approche, ce qui me surprit au premier abord, mais à bien y réfléchir, qu'y avait-il d'étonnant ? Les maisons possédaient l'électricité ainsi que l'eau courante, et la femme qui me servait de mère avait fait mention d'un portable. L'avancée technologique devait être égale, voire supérieure à celle de la Terre.

À notre entrée, un homme également vêtu d'une blouse blanche, mais plus jeune, et avec des lunettes qui lui tombaient sur le nez, se précipita vers nous.

- Professeur Chen, avez-vous besoin d'aide ?

J'entendis le professeur soupirer.

- Johnson, je vous l'ai déjà dit mille fois, cessez de me poser cette question à tout bout de champ. Certes, vous êtes mon assistant, mais vous êtes également un individu à part entière. Allez donc bosser sur votre thèse et fichez-moi la paix.

L'assistant cligna des yeux.

- Donc... vous n'avez pas besoin d'aide ?

Le professeur soupira de plus belle, puis me fit signe de le suivre tandis qu'il se remettait en marche.

- Non, parce que sinon, je suis là, vous savez... ajouta l'assistant d'une petite voix derrière nous.

Nous arrivâmes dans ce qui devait être le coeur du labo. La lumière, plus feutrée, en éclairait à peine le fond. En plissant les yeux, je distinguai un bureau encombré à côté d'étagères bourrées de bouquins jusqu'à en éclater. À ma gauche se trouvait une étrange machine rouge et blanche ; je n'avais pas la moindre idée d'à quoi elle pouvait bien servir. À ma droite, une table sur laquelle reposaient trois boules rouges et blanches elles aussi. Il semblait y avoir un thème commun, vu les couleurs. Moi, ça me rappelait Noël.

Un garçon était appuyé contre la table d'un air nonchalant. Il était habillé d'un T-shirt noir et d'un pantalon violet, et il émanait de lui une sorte d'aura de satisfaction qui me déplut immédiatement - comme s'il était persuadé de valoir mieux que nous, et d'ailleurs qu'attendions-nous pour commencer à le vénérer ?. Cependant, ce qui frappait le plus chez lui, c'était ses cheveux. Ils ressemblaient à une crête de dinosaure, s'étalant en dents de scie vers l'avant. On voyait difficilement comment une telle coiffure pouvait tenir sans aucun gel, mais je suppose que c'était l'une des conséquences de vivre dans un jeu vidéo : les lois de la physique avaient tendance à voler par la fenêtre dès qu'il était question d'avoir l'air cool.

- Salut, Pépé, lança-t-il en se redressant. J'ai failli attendre, dis donc. C'est la feignasse qui t'a ralenti ?

Il me jeta un coup d'oeil accompagné d'un sourire narquois au cas où je n'aurais pas compris qui était la feignasse en question.

- Ah, tu es là, toi ? s'étonna le prof en l'apercevant. Je ne me souvenais pas de t'avoir dit de venir... mais très bien, très bien.

Il frappa dans ses mains, et nous gratifia d'un sourire.

- Sur cette table, mes enfants, se trouvent vos futurs compagnons. Le premier Pokémon que reçoit un dresseur devient bien souvent son meilleur ami, et bien qu'il ne survive pas toujours à l'aventure, il occupe toujours une place particulière dans son coeur... Je me souviens, mon tout premier Pokémon...

- Pépé, on a pas toute la journée, l'interrompit l'autre, et je dus reconnaître que j'étais plutôt d'accord avec lui.

- Mmh, oui, tu as raison. Bien, alors, Léa, et, euh...

Il s'arrêta. Leva les yeux au ciel tout en plissant le front.

- Comment il s'appelle, déjà ? demanda-t-il en se penchant vers moi.

Je mis quelques secondes avant de comprendre qu'il s'agissait d'une question.

- Vous ne savez pas comment s'appelle votre petit-fils ?

Il se gratta la tête, l'air songeur.

- Certes, certes, mais il se trouve que j'ai un trou de mémoire...

- Pépé, fais pas traîner, lança le petit-fils. Raboule le Pokémon, là !

- Léa, sois gentille, donne-moi un coup de main, continua le professeur sans lui prêter la moindre attention. Tu le connais, toi, son prénom.

Je me penchai vers le petit-fils en question.

- Alzheimer ?

- À tes souhaits, me répondit-il.

Bon, c'était peut-être une caractéristique du jeu, résonnai-je. Le monde dans lequel j'étais tombée ne ressemblait pas trait pour trait à ce qui se trouvait dans la cartouche - encore heureux -, mais il en conservait tout de même quelques aspects. Le joueur devait avoir la possibilité de nommer son rival. Ce qui signifiait, réalisai-je en sentant un sourire fleurir sur mes lèvres, que je pouvais lui coller n'importe quel prénom, aussi débile fût-il. Une terrible envie de l'appeler Gros Nul me prit à la gorge.

Non, résiste, Léa, résiste. Ne succombe pas au côté obscur de la Force !

J'ouvris la bouche. La refermai. La rouvris.

- Il s'appelle... Zack.

- Zack ? Mais, oui, bien sûr, je m'en souviens maintenant ! s'exclama le prof en se frappant le front.

Mon objectif n'avait pas changé, après tout. Je devais triompher de Pokémon dans les règles, et rester fair-play incluait de ne pas traiter son adversaire de noms d'oiseaux. Zack était un prénom neutre, qui faisait parfaitement l'affaire.

- Évidemment que j'm'appelle Zack. Vous avez fini d'énoncer des évidences, oui ? J'veux mon Pokémon, moi !

Bon, d'accord, Zack était le prénom d'un débile qui m'avait fait trébucher dans la cour de récré quand j'étais en CP. Et pour être franche, ça lui allait comme un gant.

- Donc, Léa et Zack, comme je vous le disais, vos futurs Pokémon sont sur la table, reprit le prof. Léa, tu peux aller en choisir un en premier.

- Bah non, et moi alors ? protesta Zack. J'suis ton petit-fils, il est où mon favoritisme ?

- Attends un peu, Zack. Tu en auras un toi aussi.

Je m'approchai de la table. Les trois boules rouges et blanches - les trois Pokéballs, rectifia mon cerveau en repêchant l'information dans les tréfonds de ma mémoire - avaient l'air on ne peut plus inoffensives. Difficile d'imaginer qu'à l'intérieur de ces trucs qui tenaient au creux de la main sommeillaient des monstres. Le prof avait placé des photos des Pokémon près de leurs Pokéballs respectives. Je devais donc me décider entre une tortue bleue, un mini dinosaure orange, et un gros crapaud verdâtre affublé d'une sorte de bulbe sur le dos. Vous parlez d'un choix.

Je tendis le bras, essayant de rendre l'instant solennel. Il aurait vraiment dû l'être, si l'on en croyait le petit discours du professeur, mais j'avais encore du mal à m'imprégner de la réalité, et pour tout dire, je m'attendais à tout instant à me réveiller. Donc pour le solennel, on repassera. Ma main frôla la Pokéball de la tortue bleue, avant de se refermer sur celle du crapaud-bulbe. Entre l'eau, le feu, et la plante, je préférais nettement cette dernière. L'eau et le feu étaient des éléments trop volatiles, trop imprévisibles, tandis qu'une plante, ça se contentait de pousser dans un coin ensoleillé, non ? Et puis, j'avais la main verte, ça devait compter pour quelque chose.

- Un Bulbizarre, excellent choix, Léa !

- Moi, je prends celui-là, déclara Zack en s'emparant de la Pokéball du machin orange sans même la regarder.

- Maintenant que vous avez vos Pokémon, si vous en profitiez pour leur donner un surnom ?

- Un surnom ? répétai-je. Pourquoi ?

- Hé bien, commença le prof, il existe des milliers de Bulbizarres et de Salamèches, mais le vôtre est unique. Il vous accompagnera tout au long de votre voyage, avec un peu de chance. Lui donner un surnom est une preuve du lien qui existe entre vous. Cela reste vrai pour n'importe quel Pokémon, d'ailleurs, surtout depuis les nouvelles règles mises en place par le Conseil des Quatre.

- Ça sert à rien, décréta Zack en faisant la moue. Lui coller un surnom le fera pas évoluer plus rapidement, et ça l'aidera certainement pas à dézinguer les autres Pokémon. Hein, Pépé ?

- Non, reconnut-il.

Je me tournai vers Zack.

- Tu ne vois pas l'intérêt d'une marque d'affection ? Je crois que je commence à cerner ton caractère... Moi, mon Bulbizarre s'appellera...

Il me fallait un nom qui inspire la terreur dans le coeur de mes ennemis. Un nom qui reflète son apparence physique. Un nom majestueux et imposant à la fois.

- ...Salade.

Il y eut un silence.

- J'ai vu pire, dit finalement le prof.

- Sans commentaire, ajouta l'autre nul, mais son sourire parlait pour lui.

Je serrai la Pokéball dans ma main. On irait loin ensemble, Salade et moi, j'en étais certaine.
- On fait quoi maintenant ? voulus-je savoir.

- Vous êtes libres de partir à l'aventure, répondit le prof. Libres d'aller affronter les champions des arènes et de collecter tous les badges si le coeur vous en dit. Peut-être même vous retrouverez-vous face au Conseil des Quatre, qui sait ? Aucun dresseur ne peut dire où le mènera sa quête. Moi-même, quand j'ai commencé, j'étais loin de me douter que je finirais un jour comme expert reconnu de tout ce qui concerne les Pokémon !

Zack émit un petit bruit amusé.

- Te vexe pas, Pépé, mais y a rien de glorieux à être un scientifique. Je vise plus haut que ça, moi. Je vais devenir le plus grand dresseur Pokémon de tous les temps !

- T'as le plus grand ego de tout les temps, c'est déjà ça, répliquai-je.

- Et je vais commencer par mettre une raclée à ton Pokémon. En supposant que t'aies le courage de me faire face, minable.

Minable ? Je n'avais rien dit pour la première insulte, parce qu'effectivement, j'étais une feignasse, difficile de le nier, mais là, ça commençait à bien faire.

- D'accord, allons-y, répondis-je avec un calme que j'étais bien loin de ressentir.

Il me décocha un sourire mauvais, puis appuya sur le bouton de sa Pokéball, ce qui la fit tripler de volume, et l'envoya dans les airs en ordonnant :

- Salamèche, à toi !

Un jet de lumière blanche en jaillit, et se matérialisa au sol sous la forme du Pokémon orange.

- Sala-mèche, glapit-il.

Je tendis ma Pokéball à bout de bras. Pas besoin de la jeter en l'air pour que ça marche, quand même, si ? L'autre l'avait fait parce que c'était un gros frimeur.

- Salade, en avant, déclarai-je en essayant de ne pas avoir l'air débile (ce qui n'était pas gagné).

Il y eut un flash de lumière, et un truc vert avec quatre pattes et un gros bulbe sur le dos apparut.

- Zarre ! grogna-t-il comme si c'était l'équivalent de "Bonjour tout le monde".

- Ha, votre première bataille, observa le prof. Comme c'est émouvant !

Émouvant, émouvant... C'était surtout galère, galère. Ça se jouait comment, ce jeu ? Pour la première fois de ma vie, je regrettais de ne pas m'être davantage informée sur Pokémon.

- Salamèche, utilise tes griffes, attaque-le ! s'écria Zack en pointant le doigt sur mon bulbe vert.

Bulbe vert qui leva la tête vers moi, attendant des instructions. J'étais censée dire quoi ? Il n'avait pas de griffes, ou elles n'étaient du moins pas suffisamment développées pour infliger des dégâts. Sa bouche entrouverte - ou aurais-je dû dire gueule ? - révélait une absence totale de dents. Il allait faire quoi, baver sur l'autre à mort ? En plus, une flamme brillait au bout de la queue du dino orange, et Salade avait "Inflammable" écrit en grand sur son front.

Le Salamèche fit un bond vers Salade, griffes en avant. Plus le temps de réfléchir. Je hurlai la première chose qui me passa par la tête :

- Fonce-lui dessus !

Ma bestiole verte baissa la tête et chargea son ennemi. Les deux Pokémon se rencontrèrent dans un choc brutal. Salade percuta de plein fouet le ventre du Salamèche, et reçut en retour un coup de griffe sur le nez. Ils roulèrent au sol dans un enchevêtrement de pattes, crachant et sifflant, avant de se relever pour se faire face à nouveau, l'air mal en point mais tout aussi déterminés l'un que l'autre.

- Salamèche, recommence, dit Zack calmement. Vise les yeux, cette fois.

Les Pokémon comprenaient ce genre d'instructions détaillées ? Il allait falloir que je revois ma stratégie. Enfin, peut-être pas de là à l'imiter. Viser les yeux... le concept des coups en dessous de la ceinture, ça n'existait pas dans les batailles de Pokémon, apparemment. Tout était permis.

- Bien joué, Salade, l'encourageai-je. Refais exactement la même chose, et on va l'avoir.

- Bulbizarre ! me répondit-il.

Grâce à mon Master de traduction spécialité Pokémon, j'en déduisis que ça signifiait "Oui !". Le Salamèche de Zack, moins bavard, se contenta de foncer sur Salade sans déclaration préalable. Nouvel assaut, griffes acérées contre coups de boule dans le ventre. Cette fois, ils ne s'arrêtaient plus, leurs échanges devenant de plus en plus violents.

- Allez, allez ! cria Zack alors que son Pokémon reculait en boitant.

Salade, qui lui aussi montrait des signes de fatigue, sauta sur l'occasion et lui rentra dedans une ultime fois, mettant toutes ses forces dans son attaque. Le Salamèche fut brutalement projeté au sol, sans émettre une seule plainte, malgré la violence du choc. Il releva la tête, tenta de se remettre debout, puis abandonna finalement, restant prostré à terre.

- Hé bien, bravo, Léa. C'est toi qui a gagné, constata la voix du professeur Chen, me ramenant à la réalité.

Zack fit la moue.

- J'ai juste choisi le mauvais Pokémon, voilà tout, dit-il en le faisant revenir dans sa Pokéball. Je vais le faire combattre pour l'endurcir, et la prochaine fois, ce sera ton Bulbizarre qui restera sur le carreau.

Il nous salua d'un geste de la main.

- Allez, à plus les nazes !

Le prof se racla la gorge.

- Pépé, tu sais bien que je plaisante, se défendit Zack. Vous êtes pas vraiment nazes... Quoique dans le cas de Léa, ça reste à voir.

- Je ne parle pas de ça. Tu n'aurais pas oublié quelque chose ?

- Hein ? Ah, oui...

Il fouilla dans son sac et en ressortit une poignée de billets froissés, qu'il me tendit. Je restai sans bouger.

- C'est quoi, ça ?

- T'as gagné, non ? s'impatienta-t-il. Alors prends tes sous et arrête de retourner le couteau dans la plaie.

J'acceptai les billets, trop étonnée pour faire des commentaires. C'était donc comme ça que marchait l'économie chez les dresseurs : les perdants payaient les gagnants. Il y avait moyen de s'enrichir très rapidement avec cette petite combine... Enfin, non, rectifiai-je mentalement. Effectuer un voyage Pokémon, ça devait sûrement coûter bonbon. Je venais juste de me trouver un moyen de financement.

- Bon, j'me casse, conclut Zack.

Et sur ces mots, il quitta le labo. J'échangeai un regard avec Salade.

- On va y aller aussi, nous.

- Bien sûr, bien sûr, approuva le prof. Roulez jeunesse !

Après avoir fait mes adieux au prof, je me retrouvai quelques minutes plus tard à suivre la route qui s'éloignait du petit village, Salade à mes côtés. Tout en marchant, je m'interrogeai. Quel était leur niveau d'intelligence, à ces bestioles ? Ils comprenaient le langage humain, et étaient capables de suivre à la lettre des instructions assez détaillées, pour ce que j'en avais vu. Les chiens pouvaient faire ça. Avais-je le droit de garder un chien enfermé dans une boule rouge et blanche ? Avais-je le droit de forcer mon chien à en combattre un autre ?

Mes réflexions furent coupées court par un bruit strident, un cri aigu qui me vrilla les oreilles. Avant que je puisse réagir, un gros rat violet surgit d'entre les hautes herbes et me sauta au visage, ses dents pointues fendant l'air tels deux poignards.

Merde, fut la seule chose qui me traversa l'esprit.

Claquement sec. Le rat fut stoppé net à quelques centimètres de mon nez. Je lui louchai dessus puis reculai d'un pas. Une liane sortie du bulbe de Salade était étroitement enroulée autour du corps du rongeur.

- Zarre !

Mécontente, la bestiole se mit à se contorsionner en piaillant. Sans se démonter, Salade la cogna une fois par terre, puis l'envoya valser à dix mètres de là, avant de me regarder l'air de dire : "Bon, on continue ?". Je le remerciai en balbutiant, puis nous nous remîmes en route, sauf qu'à présent j'étais sur le qui-vive. Plus question de me laisser surprendre par un autre de ces petits monstres.

Salade se révéla d'une vigilance à toute épreuve, puisque ce fut lui qui, malgré son net désavantage côté taille, repéra en premier l'espèce de gros moineau qui picorait sur le bord du chemin.

- D'accord, chuchotai-je. On va passer doucement devant lui, et avec un peu de chance il ne devrait même pas nous remarquer...

J'avais à peine fini ma phrase que l'oiseau leva la tête, gonfla ses plumes de façon menaçante et lança un "Roucool !" retentissant.

- Bon, vas-y, Salade.

Le Roucool, qui avait apparemment décidé de nous picorer jusqu'à ce que mort s'ensuive, réussit à mettre deux coups de bec à mon Pokémon avant que celui-ci ne parvienne à le mettre hors de combat. Je commençai à me demander si on allait enfin pouvoir avancer sans être interrompus tous les dix mètres. Certes, j'étais censée entraîner mes Pokémon en les faisant combattre, mais camper sur la route ne faisait pas partie de mes projets.
Au bout d'un quart d'heure de marche, nous arrivâmes dans une petite ville qui semblait plus importante que le bourg dont je venais.

- Un centre Pokémon ? fis-je en déchiffrant l'inscription sur le fronton d'un gros bâtiment au toit rouge qui se situait juste dans l'axe du chemin. "Nous soignons vos Pokémon gratuitement." T'en dis quoi, Salade ?

Il n'émit pas d'objection, et se contenta de m'emboîter le pas. L'intérieur était plus accueillant que ce à quoi je m'attendais - je m'étais plus ou moins imaginé une salle d'attente aux urgences, avec des chaises dures comme de la pierre et trois magazines sur une table qui se battaient en duel. Mais non, c'était plutôt comme une salle de jeu, les gamins en moins, avec des couleurs partout et une impression de silence feutré. Le sol propre comme un sou neuf me faisait curieusement penser à du papier glacé, et mes chaussures firent des drôles de bruit lorsque j'y posai les pieds. Il y avait de confortables canapés alignés le long des murs, et des ordinateurs dans un coin, qui semblaient être en libre-service.

- Bonjour, bienvenue au Centre Pokémon, déclara la jeune fille derrière le comptoir avec un grand sourire. Voulez-vous que je m'occupe de vos Pokémon ?

- Euh, oui, répondis-je, me demandant à quoi ressemblait une consultation pour Pokémon. Je n'ai qu'un Pokémon pour l'instant, c'est un Bulbizarre.

- Zarre, fit Salade en guise de bonjour.

- Oh, qu'il est chou ! commenta-t-elle. Ils sont tellement mignons comme ça, on en viendrait presque à souhaiter qu'ils n'évoluent jamais. Ils prennent tellement de place ensuite...

- Hum, oui, acquiesçai-je sans trop m'avancer, n'osant pas avouer que je n'avais pas la moindre idée de quoi elle parlait.

De toute évidence, j'avais encore beaucoup de progrès à faire si je voulais être capable de faire la conversation à quelqu'un dans ce monde-là.

- Bien, il faut que votre Pokémon se trouve dans sa Pokéball pour que nous puissions nous occuper de lui, m'informa-t-elle, ayant repéré que je ne m'y connaissais pas des masses.

Je rangeai donc Salade dans sa maison (à quoi pouvait bien ressembler l'intérieur d'une Pokéball ?), et la lui tendis. Elle la plaça sur un plateau noir, partie intégrante d'une impressionnante machine qui faisait bien deux mètres de largeur, et peut-être un de hauteur, appuya sur un bouton, attendit dix secondes tandis que la machine vibrait légèrement, puis me rendit mon Pokémon.

- Voilà, votre Bulbizarre est en pleine forme. Au plaisir de vous revoir !

- Quoi, c'est tout ?

Elle hocha la tête.

- Pas d'examens ? Pas de médicaments ? Juste un petit tour sur cette machine et il est immédiatement guéri ?

- Pour ce qui est des blessures simples ou d'un coup de fatigue, ça va très vite. Il arrive parfois qu'on rencontre des problèmes que la technologie ne puisse pas soigner, et dans ce cas là, il faut du temps et de l'attention, ainsi qu'un peu de chance. (Elle me sourit, mais une ombre passa sur son visage.) Vous n'avez pas à vous soucier de ça pour l'instant. Votre Pokémon va parfaitement bien, je vous l'assure.

Je faillis lui demander ce qu'elle entendait par "des problèmes que la technologie ne puisse pas soigner", mais décidai finalement que je ne voulais pas savoir.

- Hé bien, merci. Vous auriez des conseils à me donner pour maintenir Salade en forme ?

- Pensez à faire le plein de potions et d'antidotes avant de partir à l'aventure, répondit-elle, l'air sérieux. Bien souvent, trop de jeunes dresseurs laissent leur orgueil et leur confiance en eux les diriger, et leurs Pokémon en souffrent. Il y a un magasin juste à côté de notre centre, vous n'aurez pas à chercher bien loin.

Je la remerciai une dernière fois, fis sortir Salade de sa Pokéball, et me mis en devoir de suivre ses conseils. Le magasin, aussi visible qu'un champignon dans un bouquet de jonquilles - c'était ça de peindre son toit en bleu fluo - n'avait pas l'air bien grand vu de l'extérieur. J'avais à peine franchi la porte que l'homme derrière le comptoir me pointa du doigt en demandant d'une voix autoritaire :

- Vous !

- Euh, oui ? répondis-je, inquiète.

Avais-je commis une quelconque infraction ?

- Vous venez de Bourg Palette ! affirma-t-il d'une voix de stentor.

Avant que je puisse ouvrir la bouche pour répondre, il continua :

- Oui, j'en suis sûr ! Vous connaissez le professeur Chen ? J'ai un colis à lui remettre. Tenez !

Et sans attendre ma réponse, il vint me fourrer un colis dans les mains. Le tout avait duré moins de dix secondes. Encore sonnée, je fis un effort pour rassembler mes pensées.

- Je venais acheter des potions pour...

- Plus tard ! me coupa-t-il. Allez d'abord délivrer mon colis et on en reparlera.

Je ressortis donc dans l'air frais du matin en pestant contre la programmation du jeu. Quelqu'un s'était emmêlé les pinceaux quelque part s'il pensait que le jeune dresseur, en possession de son premier Pokémon et impatient de partir à l'aventure, avait envie de retourner d'où il venait pour jouer les pigeons voyageurs.

Nous refîmes le chemin en sens inverse, tombant au passage sur deux autres rats violets dont Salade ne fit qu'une bouchée - enfin, métaphoriquement, parce qu'il avait plutôt l'air d'être
herbivore, mon bulbe vert. De retour au labo, j'eus la surprise d'y trouver Zack en train se de tourner les pouces. Cependant, aucune trace du prof.

- Qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogeai-je.

- Je te retourne la question.

Je brandis mon colis tel un trophée.

- J'ai un truc à remettre à ton grand-père.

- Super, railla-t-il. Bah laisse donc ça sur la table, et puis je lui dirai que tu es passée.

- Je préfère attendre pour être sûr qu'il l'obtienne en mains propres, rétorquai-je en essayant d'imiter son sourire narquois. Pas que je te fasse pas confiance, mais tu comprends...

Nous nous affrontâmes du regard pendant quelques secondes.

- Ha, les jeunes, vous êtes là ! s'exclama le prof en arrivant, mettant fin à notre petit duel improvisé. Excellent, excellent !

- Vous étiez où ?

Il me lança un coup d'oeil surpris, avant de répondre :

- Aux toilettes. Le chili d'hier soir passe mal. Je peux te donner davantage de détails si tu y tiens.

- Ha. Non, merci, ce sera pas utile, parvins-je à balbutier.

Léa, l'experte en faux pas social. Note pour mon cerveau : la prochaine fois, réfléchis à ce que tu vas me faire dire avant de me faire ouvrir la bouche.

- Bon, comme je le disais à Zack avant d'être interrompu par mon problème de boyaux, j'avais oublié de vous donner vos Pokédexs, et...

Il s'interrompit, et je fus à nouveau la cible de son regard.

- Tiens, d'ailleurs, Léa, comment as-tu su qu'il fallait que tu reviennes ?

- On m'a remis un colis pour vous, expliquai-je en lui tendant la chose en question.

Il devint rouge comme une pivoine.

- Ah, excellent, fit-il d'une voix haut perchée en m'arrachant le colis des mains, ma... ma Pokéball personnalisée. Oui, c'est cela, j'avais commandé une Pokéball personnalisée, et je suis ravi qu'elle soit enfin arrivée ! Hé hé hé...

- Mais Pépé, je croyais que tu étudiais les Pokémon, pas que tu les attrapais. Pourquoi t'aurais besoin d'une Pokéball ? objecta Zack.

J'aurais juré qu'il prenait un malin plaisir à mettre son grand-père dans une situation embarrassante.

- Mais je capture encore des Pokémon, figure-toi ! se défendit le prof. Cela m'arrive même très souvent !

- Et on peut la voir, cette Pokéball ?

- Euh, non, dit-il en rougissant de plus belle. Tu risquerais de... de l'abîmer ! D'ailleurs, comme elle est très fragile, je vais m'empresser d'aller la ranger, ajouta-t-il en ouvrant un tiroir de son bureau dans lequel il déposa la boîte, avant de le refermer à clef. Voilà, elle est en sécurité ! Maintenant, si nous parlions de vos Pokédexs ? Je suis très content de te voir ici Léa, car je comptais remettre ton Pokédex à Zack et lui demander de te le donner la prochaine fois qu'il te croiserait, mais j'avais peur qu'il... l'égare. Déjà qu'il n'est pas très soigneux avec ses affaires, alors imagine concernant celles des autres.

- En effet, j'ai bien fait de revenir.

- Un peu de confiance, serait-ce trop demandé ? se lamenta Zack.

- Oui, répliquai-je tandis que le prof se lançait dans un discours à propos des merveilles du Pokédex.

- ... un bijou de technologie, comme un petit ordinateur portable qui vous permet de...

- C'était une question rhétorique.

- ... vous donne le nom du Pokémon et des informations basiques à son sujet, mais attention, vous pouvez aussi...

- Tu veux en voir une autre, de question rhétorique ?

- ...fonctionne même la nuit, une autonomie de plus de quarante-huit heures...

- Vas-y, fais péter.

- ...batteries solaires, huit fonctionnalités, le tout pesant moins de cent grammes...

- C'en était une, crétin.

- ...système de carte intégré, mais cette dernière option est encore en développement...

- Ah pardon.

- Et voilà ! conclut le prof avec enthousiasme, sans paraître se rendre compte qu'on l'avait à peine écouté. Un Pokédex chacun.

Je me retrouvai avec une genre de carnet en plastique rouge dans les mains, étonnamment léger, qui s'ouvrait sur un écran accompagné de touches en dessous.

- Tu vas voir Pépé, je vais t'en ramener des infos sur les Pokémon, moi. Vite fait, bien fait !
Non mais quel vantard. Je sentais que j'allais me faire un plaisir de lui rabattre le caquet.

Le prof se mit à agiter un doigt de droite à gauche, tel un parent interdisant à son gamin de manger trop de bonbons.

- Pas si vite, Zack. J'aimerais en profiter pour vous rappeler les nouvelles règles mises en place par la Ligue. Les punitions sont particulièrement sévères en cas d'infraction, et je préfèrerais ne pas avoir à débourser mes Pokédollars en amendes.

Je pouffai. Pokédollars ? Mon dieu, qu'est-ce qu'ils n'allaient pas inventer...

- Il n'y a pas de quoi rire, Léa, me réprimanda le prof. Certains dresseurs se sont même retrouvés en prison. Je compte sur vous pour ne pas faire d'entorses au règlement, quel que soit ce que vous en pensez. La règle la plus importante, c'est que vous n'avez le droit de capturer que le premier Pokémon rencontré dans chaque zone. Si vous échouez à le capturer, tant pis. Vous ne disposez que d'une seule tentative. Ensuite, il vous est interdit de chercher à attraper tout Pokémon rencontré dans la même zone.

- Quoi ? beugla Zack, qui apparemment n'était pas au courant. C'est quoi cette règle débile ? Comment je vais faire pour me constituer une équipe de la mort si je ne rencontre que des Chenipans ?

- C'est vrai que ça paraît très arbitraire comme décision, renchéris-je.

- Je suis sûr que la Ligue a de bonnes raisons, tempéra le prof Chen, sans avoir l'air terriblement convaincu. Deuxièmement, vous ne pouvez transporter avec vous que six Pokémon. En réalité, cette règle là n'est pas si nouvelle que ça, mais ça ne peut pas vous faire du mal de vous la rappeler...

- Donc, comme on est déjà passé par la route qui mène à Jadielle, ça signifie qu'on n'a plus le droit d'y attraper un Pokémon ? fis-je en exprimant mes pensées à haute voix.

- Hé oui, vous aviez commencé votre voyage Pokémon, c'est la loi.

- Mais Pépé, tu ne nous avais même pas donné de Pokéballs, se plaignit Zack. On aurait pas pu en attraper de toute façon, même si on l'avait voulu. Donc ça ne compte pas, hein ?

Le prof se frappa le front. Il allait finir par avoir une marque s'il continuait comme ça...

- Des Pokéballs ! Tu as raison, ça m'était complètement sorti de la tête. Et si, ajouta-t-il en partant fouiller dans un placard, ça compte quand même.

- C'est naze de chez naze, commenta Zack.

- Arrête de faire la tête, répondit distraitement le prof tout en vidant tout le contenu du placard par-dessus son épaule, vous vous rattraperez sur la route 22.

Un appareil photo lancé par le prof dans sa quête de Pokéballs atterrit à mes pieds, suivi de près par un masque de plongée et une boîte de petit pois en conserve.

- La route 22 ? relevai-je, intéressée. C'est où, ça ?

- Compte pas sur moi pour te le dire, minable, répondit Zack, alors qu'un parapluie rejoignait la pile d'objets à mes pieds. Tiens, d'ailleurs, tu sais ce que je vais faire ? Je vais aller piquer une carte à ma soeur, et je lui dirais de ne pas t'en donner une.

- Ta soeur a des cartes ? Cool, merci pour l'info.

- Hein ? Quoi ? Mais non...

- Ha, les voilà enfin ! annonça le prof en brandissant un petit sac rempli de Pokéballs. Je commençais à croire qu'elles avaient fini à la poubelle lors de mon dernier nettoyage de printemps.

- Et il remonte à quand, votre dernier nettoyage de printemps ? voulus-je savoir.

- Mmh ? Je ne sais pas, quinze, vingt ans, quelque chose comme ça. Tenez, cinq Pokéballs chacun, comme ça, pas de jaloux.

J'empochai mon butin lorsque je remarquai une photo par terre. Elle avait dû tomber du sac. Je me penchai pour la ramasser. Un couple tenant un bébé dans les bras souriait joyeusement, la femme agitant la main à l'intention du photographe. Le père ressemblait tellement à Zack - même yeux, même façon de sourire, même cheveux - qu'il n'était pas difficile de deviner qui était le bébé.

- Une vieille photo de famille, fit le professeur Chen en la récupérant, une expression embarrassée sur ses traits.

Il jeta un coup d'oeil furtif à Zack et la glissa rapidement dans sa poche, puis s'empressa de changer de sujet :

- Qu'est-ce que vous faites encore là, les jeunes ? Vous avez tout ce qu'il vous faut, alors décampez et allez m'attraper ces Pokémon ! C'est que j'ai du travail moi, mine de rien, je ne vais pas passer ma journée à m'occuper de vous.

- Oui, m'sieur !

- À vos ordres, professeur.

Ainsi débuta mon voyage Pokémon.

***

Note de l'auteur : Ceci est en fait la version romancée de ma partie de Pokémon Vert Feuille. Je joue en Nuzlocke, c'est à dire que tout Pokémon évanoui est considéré comme mort, et qu'on ne peut tenter d'attraper que le premier Pokémon que l'on rencontre dans chaque zone. Donc oui, malgré l'humour de la chose, il y aura du sang, des morts (parce que je suis une quiche en stratégie), et des pleurs.

Équipe actuelle :
Salade