Chapitre 67 : Exode
Le général Lance arpentait les couloirs du nouveau Q.G provisoire du gouvernement, installé à la capitale de Johto, Doublonville. Ces lâches de Dignitaires avaient fui le navire alors qu'il n'avait même pas encore sombré. D'un autre côté, il ne faisait plus aucun doute que les armées de l'Empire allaient atteindre Safrania dans une semaine au plus. Les évènements au Mont Braise avaient précipité les choses, et Lance s'en serait bien passé. Le meurtre d'un des Elus par Sacha, et pire encore, celui du Pegasa femelle de l'épée d'un des Rocket...
Maintenant qu'on leur avait enlevé leur seule chance de pouvoir vivre quasiment indéfiniment, les Elus restant avaient juré de plonger tout Kanto et ses habitants dans le chaos et la noirceur la plus totale. Déjà, les prisonniers des vriffiens - autrefois des habitants des villes qu'ils avaient prises - étaient amenés sur les autels de leur Dieu Asmoth pour y être sacrifiés en masse. Chaque jour, chaque heure, des innocents étaient immolés dans la plus totale sauvagerie au nom du dieu des vriffiens.
Et Lance ne pouvait rien y faire, si ce n'était envoyer des missiles sur les villes qui avaient été prises, pour éliminer autant de vriffiens que possible et accorder aux prisonniers une mort rapide. Chaque missile de tiré sur leur propre ville avait été un déchirement pour Peter, mais de toute façon, ils n'en n'avaient plus aucun, à présent. La situation était désastreuse. Jamais il n'avait connu une chose pareille, même depuis quarante ans qu'il servait dans l'armée.
Arrivé devant la porte du Conseil des Dignitaires, Lance fut annoncé puis il entra. Ils étaient là, en cercle sur leurs confortables fauteuils. Les dix hommes les plus puissants de Johkan. Hommes d'affaires, riches entrepreneurs, descendants de familles nobles ; ceux qui faisaient la pluie et le beau temps dans tout Johto et Kanto s'étaient nommés les Dignitaires, et dirigeaient les deux régions depuis maintenant trois siècles.
Lance les méprisait tous. Des bourgeois, des obèses libidineux, totalement coupés de la réalité du monde et ne recherchant que leur propres intérêts aux dépends du peuple, voilà ce qu'ils étaient à ses yeux. Pour eux, l'argent et le pouvoir étaient les seules choses qu'ils jugeaient dignes. Mais le général n'y pouvait rien. En tant que Maître de la Ligue Pokemon et Maître G-Man, il avait choisi de servir la région, et n'avait d'autre choix pour cela que d'obéir à ces crétins.
Mais les Dignitaires prenaient quand même garde à ne pas trop fâcher Lance. Ayant le soutien de l'armée et des dresseurs Pokemon, et avec ses pouvoirs prodigieux, le général n'aurait pas eu de mal à réussir un coup d'Etat si l'envie lui en prenait. Ce qui n'était pas son but, bien sûr. Les G-Man ne devaient jamais gouverner eux-mêmes. L'histoire avait prouvé que dans le cas contraire, le peuple avait souvent à faire à plusieurs années de tyrannie.
- Messieurs les Dignitaires, général Peter Lance au rapport, messieurs ! S'annonça Lance en une posture des plus militaires.
- Général, après les évènements du Mont Braise, nous avons jugé utile de réévaluer nos possibilités face à cette situation dangereuse.
Le Dignitaire qui venait de parler s'appelait Artelus Crayns. Un abruti parmi les abrutis, celui-là. Lance se demandait parfois si un quelconque Pokemon psy ne lui avait lobotomisé le cerveau dans sa jeunesse. C'était un homme fort distingué à l'allure des nobles d'antan, et il jouait souvent comme porte-parole du Conseil.
- Mais encore ? Demanda Lance.
- En tuant le Pegasa femelle, la Team Rocket a porté la colère des dirigeants de l'Empire de Vriff à son paroxysme, dit le Comte Chumfort. Cette même colère qu'ils ont provoqué au dépend de Kanto en s'ingérant dans les affaires de l'Empire.
- Ils sont totalement responsables de la situation présente, affirma Jeremy Cowen, le riche PDG de la Sylphe SARL.
Lance se força à conserver son calme. C'était bien du style des Dignitaires que de rechercher des boucs émissaires à leur malheur. Lance avait entendu la version de Sacha Ketchum sur la mort de Pegasa. Le Pokemon avait apparemment lui-même demandé au jeune Rocket de l'achever. Enfin, si toutefois le Rocket en question n'avait pas menti. Mais tuer Pegasa n'aurait rien rapporté à la Team Rocket...
- C'est bien possible, répondit Lance. Ou bien pas du tout. Qu'est-ce que ça change, maintenant, de savoir à qui la faute ?
- Nous avons décidé à l'unanimité de cesser le combat contre les vriffiens, affirma Balthazar Igeus, qui faisait un peu office de chef officieux de la bande. Nous ne pourrons pas gagner, autant se faire à l'évidence.
- Comment ?! Vous voulez qu'on se rende ? Les vriffiens ne connaissent rien à la pitié des vaincus ! Ils nous sacrifierons tous sur l'autel de leur dieu malfaisant !
- C'est une possibilité que nous avons envisagé, admit le Dignitaire Edgar Cummens. C'est pour ça qu'en œuvre de bonne foi, nous allons leur livrer la Team Rocket. Si nous les aidons à se venger de ses empêcheurs de tourner en rond, peut-être seront-ils plus disposés à l'égard des gens innocents de Kanto. Peut-être nous laisserons-t-ils en paix. Après tout, s'ils sont venus dans notre région, c'était pour châtier la Team Rocket qui les avait défiés sans explication !
Lance secoua la tête, accablé devant tant de bêtise.
- C'est... la solution la plus stupide que j'ai jamais entendue venant de vous ! Et ce n'est pas peu dire, pardonnez-moi du peu !
- Surveillez vos propos, général, lui conseilla Crayns.
- Il va sans dire que la Team Rocket a une large part de responsabilité dans cette invasion, dit Silvestre Wasdens, le plus jeune des Dignitaires, à la coupe parfaite et au costume doré. Elle a énormément provoqué l'Empire, si nos informations sont exactes.
Wasdens était peut-être le moins stupide parmi les Dignitaires. Qu'il soit d'accord avec cette folie montrait bien l'ampleur de la crise.
- Comment pouvez-vous penser que quoi que ce soit pourra calmer les vriffiens ? S'écria Lance. Ils ne vivent que pour conquérir les peuples libres et les soumettre à leur religion macabre ! Vous pensez qu'après leur avoir livré la Team Rocket sur un plateau, ils vont nous remercier et repartir gentiment chez eux, alors qu'ils sont en train de nous battre à plate couture ?! Redescendez sur terre, bon sang ! Nous devrions plutôt renouveler notre alliance avec la Team Rocket. Ils ont avec eux désormais une fille qui peut renverser des armées à elle toute seule. Sans eux, Kanto est perdue, c'est une évidence !
- Il suffit, général, coupa Chumfort. Notre décision a été prise. Vous allez arrêter immédiatement toute confrontation avec les vriffiens, et préparer vos forces pour attaquer la base des Rocket à Kanto. C'est un ordre !
Lance réfléchit à toute vitesse. Refuser d'obéir l'aurait tout droit amené dans la case cellule, et il ne pourrait rien faire là-bas. Il feint plutôt la soumission, tout en songeant à comment alerter les Rocket de ce qui était en train de se passer.
***
Mercutio était bien morose. Pourtant, en apparence, il n'y avait pas de quoi. Ils étaient encore tous en vie, il y avait un Elu de moins, Mercutio avait un nouveau Pokemon quasi légendaire et le plan des Elus pour vivre éternellement avait été irrémédiablement stoppé. Mais à quel prix ? La mort d'un noble Pokemon. Ça paraissait bien peu, oui, sauf pour celui qui avait dû se charger de lui passer son épée au travers du corps. Ses mains en tremblaient encore. C'était la première fois qu'il tuait un Pokemon. Assez paradoxal pour un Rocket : tuer un humain ne lui faisait pratiquement plus rien, et il était bouleversé au premier Pokemon qu'il tuait. Il essayait de se dire que c'était ce que Pegasa avait voulu, et qu'il lui avait rendu service.
Le Pegasa mâle, bien que lui-même en deuil, abondait en ce sens et avait tenté de déculpabiliser son nouveau dresseur. Nouveau dresseur... Mercutio n'arrivait pas encore à s'imaginer possesseur d'un Pokemon comme Pegasa. Il se disait qu'il n'en avait même pas le droit. Pegasa était un Pokemon ancestral et désormais unique en son genre. De plus, il ne l'avait pas vraiment capturé lors d'une épreuve de force entre Pokemon et dresseur. Mais Pegasa avait été clair. Il voulait demeurer le Pokemon de Mercutio. Il voulait enfin découvrir la vie domestique après des siècles à avoir été sauvage. Il avait avoué à Mercutio que depuis quelques années, il se baladait du côté des villes pour observer les humains et leur mode de vie ( ce qui pouvait expliquer, entre autre, son langage assez moderne ). De plus, il appréciait Mercutio et le fait qu'il travaille pour une organisation clandestine chargée de changer le monde. C'était fun, avait-il dit.
- Et puis, mon pote, tu m'as sauvé contre ce taré des lianes, avait-il ajouté. Tu m'as sauvé en me capturant. J'ai une dette envers toi, mon frère !
- Moi aussi, tu m'as sauvé, lui avait rappelé Mercutio. On est quitte.
- Si tu veux. Mais ça montre qu'on fonctionne bien tous les deux, si on se sauve à tour de rôle. J'suis sûr que t'es quelqu'un d'bien, mon frère ! Allez quoi, soit cool. J'suis assez balèze dans mon genre, je te serai utile.
À court d'arguments, Mercutio avait cédé, bien sûr. Malgré ce qu'il avait dit, il était plus qu'heureux d'avoir un nouveau Pokemon, et pas le moindre. Puis un Pokemon qui savait parler, c'était sympa. Mortali comprenait tout ce que Mercutio disait, bien sûr, mais pour une conversation, c'était pas l'idéal. Et le fait que Pegasa puisse voler et que Mercutio n'allait plus devoir se trimballer à pied lors de ses voyages était aussi très appréciable.
Il dormit peu, cette nuit. On vint le réveiller très tôt, car quelqu'un désirait le voir à l'entrée de la base. Un dresseur, d'après ce que le sbire avait dit. Songeant qu'il s'agissait encore de Sacha, Mercutio se promit d'en parler à Tender pour que cette base normalement secrète ne devienne pas un moulin à vent pour les dresseurs fidèles au gouvernement. Mais ce n'était pas Sacha qui attendait à l'entrée, escorté par plusieurs gardes. C'était Eryl, qui accueillie l'arrivée de Mercutio avec un grand sourire. Mercutio dut s'avouer qu'il était plus content de la voir elle que Sacha.
- Que fais-tu là ? Comment savais-tu où nous trouver d'abord ?
- Sacha me l'a dit, avoua la jeune fille.
- Bien sûr... Euh... bon, ça va les gars, dit Mercutio aux gardes. Je réponds d'elle.
Peu convaincus, les gardes se retirèrent néanmoins. Avant que Mercutio n'ait pu la questionner d'avantage, Eryl prit les devants.
- C'est toi que j'ai appelé, mais en fait ce que je vais dire est destiné au général Tender.
- Tu as un message pour Tender ? S'étonna Mercutio.
- Non, pas moi. C'est le général Lance qui m'envoie. C'est urgent.
Mercutio arrangea rapidement la rencontre. Dans le bureau du général, le reste de la X-Squad, ainsi que le colonel Bouledisco les avaient rejoints. Eryl semblait un peu patraque devant cet auditoire, mais prit la parole.
- Le général Lance m'envoie vous dire que les Dignitaires ont décidé de faire passer la Team Rocket pour responsable de la situation avec l'Empire de Vriff. Ils veulent vous livrer aux Elus pour leur demander ensuite de les épargner. Une armée, commandée par le général Lance, sera bientôt à vos portes.
Un long silence accueillit cette déclaration, rompu au bout d'un moment par Galatea.
- Je ne comprends pas. Si Lance est censé venir nous écraser et nous livrer à Vriff, pourquoi nous prévient-il ?
- Il nous offre une chance de filer, répondit Tender. Lance est un type sensé. Il sait que livrer la Team Rocket aux vriffiens ne changera rien, et qu'on serait plus utile en train de se battre contre l'Empire.
- Sans nous, tout Kanto serait déjà envahi, fit Mercutio avec colère. Et c'est comme ça que le gouvernement nous remercie ?!
- Ce n'est guère surprenant de la part des Dignitaires, commenta Tuno avec un haussement d'épaules. On s'en doutait depuis le début que ça finirait de la sorte.
- C'est vrai, confirma Tender. Le Boss s'y était préparé. Si nous ne sommes plus les bienvenus à Kanto pour la lutte contre les vriffiens, nous avons ordre de quitter la région.
- Mais où irons-nous ? Demanda Siena. Se terrer dans l'une de nos bases de Johto ou d'Hoenn tandis que Kanto part en fumée ?
- Elle a raison, approuva Zeff. Pour moi, il est hors de question que je laisse ces bâtards de vriffiens s'emparer de notre région, que les Dignitaires veulent de nous ou pas !
Bouledisco approuva à sa façon :
- Ce sont des tarlouzes, ces bouffeurs de Pokemon, les mecs ! Si j'me mets à fuir face à eux, j'pourrai plus jamais retrouver un seul bon groove !
- C'est bien beau tout ça, fit Tender. Mais on ne peut pas affronter à la fois les vriffiens et l'armée du gouvernement. Il nous faudra obligatoirement dégager d'ici.
- J'ai une idée, dit Mercutio. Allons dans l'Empire de Vriff.
C'était une phrase simple, pourtant il fallut à tout le monde un certain temps pour l'assimiler puis la comprendre.
- L'Empire, Mercutio ? Répéta Tuno, sceptique.
- Oui, l'Empire. J'en ai assez de rester ici et de prendre des coups. Allons plutôt apporter la guerre chez l'ennemi pour changer ! Leurs défenses sont faibles, car le gros de leur armée est chez nous. Nous, la Team Rocket, nous sommes des infiltrateurs, non ? Eh bien, infiltrons-nous chez Solaris et semons-y la pagaille ! Que les vriffiens comprennent qu'ils ne peuvent pas espérer attaquer nos maisons sans que les leurs ne soient menacées ! Nous ne pourrons pas les vaincre chez nous, mais chez eux, c'est une autre histoire. Mettons l'Empire à feu et à sang ! Qu'ils regrettent de s'en être pris à nous !
Tout le monde fut un peu impressionné par ce plaidoyer. Le colonel Bouledisco fut le premier à approuver Mercutio.
- Yo, ce young a pas tort, les mecs ! On pourrait s'faire la malle, comme ça les teubés du gouvernement et les vriffiens ne nous trouverons pas ! Et on irait là où ils s'attendent le moins ! Quel groove, mec ! J'adore ça !
- Mais comme vous l'avez dit, presque tous les soldats de l'Empire sont chez nous, fit remarquer Tender. Nous irons à Vriff pour détruire des villes sans défense et remplie de civils innocents ?
- Ces civils ne sont pas si innocents que vous le croyez, général, rétorqua Mercutio. La grande majorité soutient la croisade que Solaris mène chez nous. Il ne faut pas oublier que lors d'une guerre, les civils restés au pays créaient les armes et apportent la nourriture aux soldats partis en guerre. Ce que je veux, c'est faire sombrer les vriffiens dans le même désespoir que nous. Je veux qu'ils craignent pour leurs maisons, pour leurs familles, comme les habitants de Kanto le font. Je veux qu'ils souffrent de la faim quand on exterminera leurs lignes d'approvisionnement. Je veux qu'on intercepte leurs livraisons d'armes. Et surtout, je veux qu'on combatte leur religion au cœur même où elle est née. C'est elle, notre véritable ennemie, pas Solaris ou les soldats. C'est cette vision déformée de la vie qui pousse les vriffiens à s'en prendre ainsi aux peuples libres.
- Que proposes-tu ? Demanda Siena.
- On va leur envoyer un message. Pour ça, on va brûler toutes leurs églises, on va tuer chaque représentant de leur Confrérie qu'on trouvera. Cette religion vénère la mort et diabolise la vie ? Eh bien, qu'il en soit ainsi. On va apporter à ceux qui y croient la chose qu'ils recherchent le plus : la mort.
Tender se gratta son menton mal rasé.
- Si on suit ce que vous préconisez, il y aura inévitablement des morts parmi les civils de Vriff. Des gens qui n'ont pas nécessairement soutenu l'invasion de Kanto ou voulu notre mort à tous.
- C'est vrai, admit Mercutio. Oui, il y aura des pertes de ce côté-là. Mais notre but n'est pas de tuer aveuglement tout le monde comme le font les vriffiens. Nous devrons bien sûr essayer de réduire au maximum les dommages collatéraux. Mais nous n'allons pas sacrifier nos propres civils pour épargner ceux de l'ennemi.
Il y eu d'autres questions et oppositions, mais finalement, Tender accepta l'idée de Mercutio. Mais il y avait un problème.
- Et comment comptez-vous amener tout le personnel de notre base jusqu'à l'Empire ? Questionna le général. Nous ne rentrerons pas tous dans le Lussocop. Surtout que cette base recèle en plus pas mal de secrets de la Team Rocket que je n'aimerais pas voir tomber entre les mains du gouvernement.
Galatea avait alors souri.
- Là, c'est moi qui ai une idée. Et je sens qu'elle va vous plaire.
Galatea les avait amenés jusqu'à la plus haute salle de la base, à savoir la salle de contrôle générale. Elle avait exigé une vision d'ensemble de la base sur un des panneaux holographiques. Elle avait aussi demandé aux ingénieurs de couper les fondations du bâtiment. Ils l'avaient regardé comme si elle était folle.
- Couper les fondations ?!
- Ouais, confirma Galatea. En gros, il faut que la base ne soit plus rattachée au sol. Allez, grouillez-vous les gars, on a pas le temps !
Désemparés, les ingénieurs sortirent après que le général ait donné son accord.
- Si je peux me permettre, dit-il, qu'est-ce que vous préparez, exactement ?
- On ne peut pas déplacer tout le monde et vous ne voulez pas que Lance s'empare de la base, résuma Galatea. Mon astuce fera d'une pierre deux coups. On gardera notre base, et on pourra déplacer aussi tout le monde jusqu'à Vriff.
- Ton « astuce » nécessite le Flux, n'est-ce pas ? Fit Siena.
- Oui. Mais je n'ai jamais encore essayé ça. Il me faudra une grande puissance. Amenez-moi une chaise électrique.
- Tu comptes exécuter quelqu'un ? Demanda Zeff, intéréssé.
- Non, c'est pour moi. Je peux transformer l'énergie électrique pour qu'elle augmente mon Flux.
Pendant que les préparatifs du plan de Galatea se faisaient, Mercutio se tourna vers Eryl, qui était restée en retrait mais qui observait attentivement tout ce qui se passait.
- Je ne sais pas trop ce que Galatea prépare, mais en tous cas, on va vite partir, je pense. Tu ferais mieux de faire pareil toi aussi avant que les hommes de Lance n'arrivent.
Mais Eryl secoua la tête.
- Si le général m'a envoyé ici pour vous porter ce message, c'est parce que je le lui ai demandé. Je veux partir avec vous. Je préfère de loin me battre avec la Team Rocket que pour des gens qui osent s'en prendre à leurs alliés comme le font les Dignitaires. Et puis, j'ai toujours une dette envers vous. J'aimerais vous aider.
Mercutio n'avait rien contre, cette fois. Eryl était une amie, et Mercutio appréciait sa présence. C'était aussi une bonne dresseuse qui pourrait leur être utile. Il en parla à Tender. Le général acquiesça distraitement, occupé par les préparatifs de Galatea. Une heure plus tard, les fondations de la base ayant été détruites comme elle l'avait demandé, la jeune Rocket s'installa sur une chaise reliée à un petit générateur électrique.
- Attendez avant d'envoyer le jus, hein ? Faut que je me concentre pour emmagasiner l'électricité dans mon Flux. Mercutio, j'aurais besoin de toi, aussi.
- Hein ? Pourquoi ?
- J'aimerais que tu me donnes tout le Flux que tu peux. J'aurais besoin d'une grande quantité pour faire ce que je veux.
- Euh... et comment je suis censé faire ça ?
- Donne-moi ta main, c'est tout. J'aspirerai le Flux moi-même. Général, vous ferez mieux de dire à tout le monde de rentrer dans la base et de s'accrocher à quelque chose.
Tender prit l'interphone et sa voix résonna dans tout le bâtiment et la cour de la base.
- Ici le général Tender. Nous allons tenter... euh... quelque chose, et pour ça, j'ordonne à tout le monde de rentrer dans l'édifice et de bien se tenir. Ce n'est pas un exercice. Terminé.
Tuno s'approcha du général.
- Vous ne demandez pas à Galatea ce qu'elle va faire avant ?
- J'ai confiance en ces gamins et en leurs pouvoirs, répondit Tender. C'est pour ce genre de truc qu'on les a, non ?
Galatea, après avoir longtemps regardé la projection holographique de l'ensemble de la base, ferma les yeux et prit la main de son frère.
- C'est parti. Envoyez le jus.
Amusé, Zeff activa lui-même le générateur de la chaise électrique. Galatea n'esquissa pas un geste, ni même n'ouvrit les yeux. Pourtant on entendait bien le son de l'électricité qui passait. Durant près de dix minutes, il ne se passa rien de notable. Mercutio aurait pu croire que sa sœur s'était endormie, si elle ne le tenait pas si fermement. Djosan, Acpeturo et Herts arrivèrent dans la salle, l'air passablement étonnés.
- Souffririez-vous de nous expliquer la raison de toute cette agitation, messieurs de la Team Rocket ? Demanda le chevalier duttelien. Que fait donc Galatea Crust ?
- C'est quoi tous ces appareils ? Fit Herts en regardant autour de lui d'un air dégouté. Que d'abominations à la fois dans une seule salle !
Le bruit fit ouvrir les yeux de Galatea. Mercutio faillit la lâcher de surprise. Les yeux de sa sœur, normalement d'un vert profond, étaient devenus deux orbes de lumières sans iris ni pupilles.
- Taisez-vous, exigea-t-elle. Il faut que je me concentre.
- Que vous vous concentriez pour quoi ? Questionna Acpeturo.
- Le Cinquième Niveau.
- C'est quoi c... Bon sang !
Toute la pièce trembla d'un seul coup. Plusieurs objets tombèrent des tables et des étagères. Il y eut un bruit atroce et assourdissant, et Mercutio, comme toutes les personnes présentes, perdit l'équilibre. Sa main toujours dans celle de Galatea, il pouvait sentir l'énorme puissance qui parcourait le corps de sa sœur. Plus que ses yeux, c'était tout son corps qui désormais brillait comme un soleil. Mercutio vit alors quelque chose d'assez inquiétant par la fenêtre. Le ciel bougeait. Et vite. Il mit quelques secondes à se rendre compte qu'en fait, c'était toute la base qui bougeait. Lentement arrachée du sol, tout le bâtiment était en train de s'élever dans les airs.
- Par la tombe de mes ancêtres ! Jura Djosan.
- Qu'est-ce cela ? S'affola Herts. Quelle magie est-ce là ? Est-ce l'œuvre de Dieu ? Nous attire-t-il dans sa céleste demeure ?!
Pour parfaire le coté divin de la chose, le fauteuil de Galatea commença à s'élever dans les airs, lui aussi. Mercutio lâcha sa sœur, effaré. Arrivé presque au plafond, la chaise se mit à tourner sur elle-même. Galatea, toujours rayonnante, gardait les yeux fermés et avait une expression d'intense effort sur son visage. La base continuait à monter de plus en plus haut dans le ciel. Lusso Tender, qui venait d'arriver en titubant, bredouilla :
- Je le promets, j'arrête définitivement de fumer un pétard en cachette quand je suis de service !
- Yahouuuuuu, cria Bouledisco. On vole ! On vole ! We fly away ! Go into the sky, guys !
Dire que Mercutio était impressionné était un euphémisme. Galatea lui avait parlé des possibilités qu'offrait le Flux, mais ça... Quand la base eut atteint la hauteur souhaitée, la chaise de Galatea revint au sol et cessa de tourner. Galatea ouvrit les yeux. Des gouttes de sueur coulaient sur son visage.
- J'ai... j'ai réussi ?
Soudain, la base se cambra violement et Mercutio, comme beaucoup d'autres, fut projeté contre le mur.
- Oups, s'excusa Galatea. Désolé, il faut rester concentrée pour la tenir immobile...
- C'est un peu drastique, ton idée, Galatea, observa Siena. On n'aura pas l'air discret avec une base flottante. Mais tu peux la diriger ?
- Bien sûr, sinon à quoi ça servirait ? Ça demande même moins d'efforts que de la soulever. Nous y allons, général ?
Le général Tender se releva avec difficulté, tout retourné, mais aussi euphorique de contempler la toute-puissance du Flux et des possibilités qui s'offrait à lui.
- Alors direction l'Empire de Vriff ! Que tout le monde s'accroche quand même, j'ai jamais conduit une base avec la puissance de mon esprit. Mais bon, ça doit pas être bien différent d'un vélo...