Pokemon - Come to dream de Beorg

L'ombre bondissante se plante en plein milieu du sentier, face à Stéphane, à l'orée du faisceau de sa lampe de poche. Ses yeux rouges brillent d'un éclat malicieux et sa queue virevolte d'une danse orientale. Jay reconnait parfaitement ce pokemon, même s'il n'en voit que des traits généraux.
C'est un Noctali, normalement très rare à rencontrer à l'état naturel, pour ainsi dire impossible dans son jeu. Néanmoins, ses disques lumineux sont bleutés et non dorés, comme ils le sont ordinairement. Il semble que ce Noctali soit un spécimen à part, avec des caractéristiques physiques différentes de ses congénères. Stéphane tente une approche amicale :

- Je te salue, valeureux pokemon. Je me nomme Stéphane, et je me dresse face à toi dans l'intention de te capturer, dit-il sur un ton solennel.
- Tu sais, c'est juste une capture et non pas un concours de politesse, lui signifie Rubys atterrée.
- Oui, bon, bref, est-ce que tu veux nous accompagner Noctali ?

Le pokemon ombre et ciel s'immobilise, puis émet un grognement, comme un rire. L'idée qu'un homme lui pose cette question semble beaucoup l'amuser. Il s'avance alors de quelques pas dans la lumière, comme une provocation indécente et défie Stéphane du regard, les yeux enflammés d'une ardeur sans limite. Stéphane envoie alors Thor :

- Thor à toi, attaque lancecrou ! ordonne-t-il.
- Clic ? fait le pokemon, surpris.
- Quoi, rétorque Stéphane décontenancé, tu ne connais pas l'attaque ?
- Clic, cliiiiiiic… mime Thor d'un mouvement de négation.

Aux vues de la situation, Noctali se moque ouvertement de la piètre performance de Stéphane. Il se roule par terre, les pattes recroquevillées sur lui-même, imitant presque un rire humain. Le dresseur, irrité, décide de profiter de la situation et de lui jeter un pokeball pendant qu'il se tord de rire. Il n'est qu'à quelques mètres, il ne devrait pas avoir de problème de précision. Stéphane prend alors une de ses pokeball dans sa poche et lance celle-ci vers le pokemon sauvage.

- Mais, attend, je rêve là… lâche-t-il en s'agenouillant.

En effet, la pokeball qu'il vient d'envoyer s'est écrasée sur la tête de Fouinette, pourtant toujours à côté du bosquet, quelques pas derrière Noctali. Surpris de cette réception quelque peu douloureuse, Fouinette se tourne vers son dresseur, ahuri. Thor tourne ses rouages comme s'il s'interrogeait sur la manière dont Stéphane avait pu manquer cette action, tentant de cacher sa surprise. Noctali, quant à lui, s'enfonce de plus en plus dans un fou rire des plus singuliers. Cette situation commence à agacer Stéphane au plus haut point.

- C'est pas drôle, je vais te montrer ! vocifère-t-il le regard presque haineux. Thor, attaque éclair maintenant ! ajoute Stéphane avec conviction et colère.

Thor s'exécute et envoie une grosse décharge électrique en direction de Noctali. Ce dernier prend l'attaque de plein fouet. Cela stoppe son euphorie et il se remet sur ses pattes, visiblement peu affecté par cette attaque. Il s'approche alors doucement de Stéphane puis finit par s'arrêter à quelques pas de lui. Il s'assoit, et lève la tête vers son visage, comme pour communiquer.

- Je vois, je ne suis pas assez bon pour arriver à te capturer. Ok, t'as gagné, marmonne Stéphane déprimé.

Noctali acquiesce, semble s'incliner, comme pour le saluer, puis repart dans les ténèbres de la nuit. C'est la première fois que Stéphane ressent ça. Il se sent inutile, faible et pitoyable. Jouer à pokemon et vivre dans ce monde est complètement différent, on peut échouer à tout moment, et pas de sauvegarde. Stéphane vient de le comprendre et s'assoit en tailleur, dépité par cette découverte pourtant évidente. Rubys, Thor et Fouinette décide de le réconforter, visiblement touchés par cette soudaine déconvenue.

- Écoute-moi bien, lui murmure Rubys, tout dresseur digne de ce nom est passé par cette étape. C'est dans l'adversité qu'on devient plus fort alors prends cette expérience avec philosophie et sert t'en pour avancer, ajoute-t-elle le regard brillant.
- Très bien, de toute façon, tant que je ne serais pas viser… déclare le dresseur.

Une fois relevé, tous reprennent le chemin vers l'auberge qui maintenant n'est plus qu'a quelques centaines de mètre. Une fois sur le pas de la porte, nos amis frappent et une vieille femme leur ouvre, avec un grand sourire.

- Je suppose que c'est pour passer la nuit. Entrez jeunes gens je vous en prie, annonce la dame aux cheveux grisonnants, d'un ton doux et avenant.

Une fois la porte passée, la chaleur de l'endroit rosie les joues de nos compagnons de route. Il ne fait pas spécialement froid dehors, mais la suave tiédeur produite par le feu de bois leur procure une sensation de bien-être.
Après quelques courtoisies de rigueur et un bon repas, la dame, prénommée Hilda, leur annonce qu'il ne reste qu'une seule chambre, avec un lit deux places. Rubys et Stéphane se regardent alors, gênés de cette situation. Il remercie tout de même la dame et commence à monter à l'étage, là où se trouvent les chambres. Juste avant de partir vers leur logement provisoire, Stéphane se retourne vers la gérante et lui demande :

- Excuser ma question mais, il y a tant de dresseur que cela à cette période de l'année ? Nous n'avons pourtant croisé personne sur notre route, affirme-t-il avec sérieux.
- Oh, oui, effectivement nous avons beaucoup de dresseur à cette époque, mais on ne les rencontre pas sur le chemin traditionnel, explique-t-elle. Ils viennent ici pour s'entrainer et capturer des pokemon, ajoute Hilda.
- Mais où, dans la forêt une peu plus loin ? questionne Stéphane.

Hilda acquiesce de la tête et commence une longue explication. Intrigué et assoiffé de connaissance, Stéphane finit par s'installer à une petite table, près de la cheminée pour écouter l'histoire de la gestionnaire. Elle le suit et s'installe face à lui. Ils semblent tout deux partis dans un monde d'histoire et de légende, comme un apprenti face à son mentor.
Rubys les regarde quelques instants entamer leur discussion puis sourit tendrement. Elle se tourne alors vers Fouinette et Thor et leur demande s'ils veulent monter. Thor, qui connait Rubys depuis longtemps, décide de l'accompagner. Fouinette quant à lui, préfère rester ici, curieux de connaitre ces histoires et désirant attendre son maitre. Fouinette se rapproche alors de Stéphane, se hissant jusqu'à son épaule et s'assoit, écoutant attentivement lui aussi les dires d'Hilda.

- Cette forêt est très connue car elle abrite des pokemon très variés, raconte-t-elle. Cela va du plus commun pokemon insecte au plus rare d'entre eux. Certains sont d'ailleurs très puissants, ce qui amène aussi des braconniers.
- Des braconniers, vous plaisantez ? s'indigne Stéphane.
- Non, malheureusement, continue la vieille femme. En cette saison, certains pokemon ne peuvent pas être capturés, à cause de leur cycle de reproduction. Je n'en connais pas les détails mais d'après les scientifiques, certaines espèces ne doivent pas être capturées à des périodes précises pour garantir leurs survies et celui de l'écosystème de la forêt, détaille-t-elle.

Stéphane a du mal à croire à ces déclarations. Ces joues rosé par le feu, crépitant à quelques mètres derrière lui, virent au rouge plus intense, la colère s'insinuant dans ses poumons. Il semble que ce monde ressemble au sien sur trop de choses, et ça ne lui plait pas. Néanmoins, avide de connaitre le reste du récit, il fait signe à sa partenaire de continuer.

- Mais le plus gros problème, c'est la pollution qu'engendrent les dresseurs peu scrupuleux, grogne Hilda. Il préfère camper dans la forêt plutôt que de venir dormir ici, et laisse leurs empreintes immondes sur place, ajoute-t-elle dégoutée.
- Vous parlez des boites, papiers, ce genre de chose ? demande le jeune homme.
- Oui, c'est bien cela. Ces irresponsables polluent notre belle forêt, et parfois, des pokemon meurent en tentant de manger ces déchets, s'indigne-t-elle à son tour, touchée par le sort de ses pauvres pokemon.
- C'est vraiment honteux ! s'insurge Stéphane, frappant du poing sur la table. Mais on ne peut rien faire ? s'inquiète-t-il.
- Si bien entendu. Des gardes pokeforestiers patrouillent régulièrement, ramassant le plus de déchets possibles, verbalisant sévèrement les mauvais dresseurs et punissant les braconniers, développe-t-elle, mais parfois, la nature s'en charge elle-même, rajoute Hilda mystérieuse.
- Que voulez-vous dire ? dit Stéphane curieux.
- Il y a une légende qui circule sur cette forêt, dit-elle, personne n'a jamais pu la vérifier, ni la réfuter d'ailleurs. Cette légende est en fait un poème, gravé dans la roche, qui a été découvert par des chercheurs en archéologie, raconte-t-elle.
Elle se lève et prend une cadre, accroché au-dessus de son comptoir, à gauche de l'entrée. Stéphane n'avait pas fait attention à ces inscriptions en entrant, trop pressé de manger. La vieille dame lui tend le cadre.
- Ceci n'est qu'une reproduction sur papier, mais le texte est l'authentique poésie décrite sur cette roche, gardée dans un musée, explique Hilda.

Stéphane commence alors à lire dans sa tête les vers qui lui sont présentés :


« Au temps des floraisons, le rouge prédomine
Quand la course de l'équilibre sera en danger
Brulera alors la flamme de l'enragé
Pour chasser l'impur et l'impie.

Au temps des jours prolongés, la vitesse veille
Quand le vent de la mort s'abattra sur notre forêt
Soufflera plus intensément la brise de vie
Pour ramener le bon et la sureté.

Au temps des feuilles rouges, longinus surveille
Quand la survie de la forêt passera par le combat
S'abattra sur le pêcheur la lance de la foi
Pour sauver l'âme de ses bois.

Au temps du rideau blanc, flocon observe
Quand la nourriture deviendra la cause du mauvais
Fondra sur les malsains la grande gelée
Pour survivre à cette famine.

A quatre réunis, l'espace n'aura d'emprise
Dans l'univers, la normalité sera démise
Les portes seront ouvertes
Et le retour sera peut-être.

Quatre héros du temps seront là, en marge des générations
Aidant le faible, chassant le mauvais, aidant le nourrisson
De tout temps dans cette forêt, pour l'éternité
La paix, le respect et la vie feront respecter. »
Stéphane s'interrompt un instant et réfléchi à la signification de ces mots, retranscrit en terme de pokemon. Il fait le rapprochement avec quatre sortes de pokemon qui seraient en marge des autres habitants de la forêt et que ne se montreraient que si la situation le demande.

- D'après ce que j'ai compris, il s'agit de quatre pokemon qui veilleraient sur la forêt, dit-t-il. Je vois le principe, mais pourquoi un par saison, pourquoi pas tous en même temps ? Et quels sont ces pokemon ? questionne-t-il alors.
- Je ne sais pas pourquoi un par saison. Ce que je sais en revanche, c'est que leur puissance seule serait équivalente à tous les pokemon réunis dans la forêt, raconte-t-elle. Les pokemon en questions seraient, suivant les scientifiques : Pyrax, Limaspeed, Lancargot et Hexagel, mais nous n'avons aucun preuve concrète pour le moment, finit-elle.
- D'accord, mais par contre, il y a un paragraphe que je ne comprends pas, celui où il parle de l'univers, s'interroge Stéphane, vous savez quelque chose ? ajoute-il avec grand intérêt.
- He bien, selon d'autres textes, il est dit que ces pokemon seraient les représentants les plus puissants de leurs espèces et que chacun aurait développé anormalement une partie de leur pouvoir, dit Holga très concentrée. Ça serait certainement une vitesse extraordinaire pour Limaspeed, une force herculéenne pour Lancargot, une manipulation du feu de Pyrax presque divine et une pourvoir glaçant sans pareil pour Hexagel, mais tout ceci reste à l'état de suppositions, conclut-elle avec scepticisme.
- Très bien, je comprends Je vous remercie beaucoup pour cette histoire, je pense que je ne verrais pas la forêt du même œil maintenant, dit Stéphane en s'étirant. Je pense que je vais me reposer à présent. Bonne nuit madame, ajoute-t-il avant de se retirer.

Après quelques derniers échanges de courtoisie, Stéphane remonta avec Fouinette, qui avait fini par s'endormir sur son épaule. Il monta avec délicatesse l'escalier de bois nacré et entra dans sa suite.
Thor s'était endormi à la tête de Rubys qui s'était introduite sous les couvertures sans même se déshabiller. Par respect, Stéphane préféra se mettre dans son sac de couchage à ses coté, mais sur le sol. Il sait que cette nuit, il rêvera à des choses dont il ne soupçonnait même pas l'existence il y a quelques heures. Sa première nuit dans ce monde, mêlée d'excitation et de tristesse, mais le sommeil le gagne rapidement, et l'univers du fantastique s'empare de lui, jusqu'au petit matin.