Chapitre 2 : De multiples frustrations
_____L'inspecteur Kecléon préparait aisément sa petite valise noire qui se trouvait sur son lit, son grand enfant préparant la sienne à part, chez lui : des livres, des lunettes de soleil, les serviettes de bain, tout ce qui pouvait servir pour la plage, et quelques enveloppes pour envoyer des cartes postales quand il serait là-bas.
_Il ne pouvait pas oublier son acolyte pendant ses vacances, une Kirlia adorable et très douce envers lui, avec qui il résolvait la plupart de ses affaires ; ils étaient d'ailleurs devenus de très bons amis.
_Tout à coup, une sonnerie se fit entendre. Il descendit les marches de l'escalier, se dirigea vers la porte et interrogea :
_— __Oui, qui est-ce ?
_— __C'est Kirlia, ouvre-moi, j'ai quelque chose d'important à te dire !
_Il avança vers le seuil, et tourna deux fois le verrou d'un aspect doré vers son sens contradictoire pour déverrouiller l'entrée. Le battant rectangulaire de bois s'ouvrit, laissant s'évader une agréable luminosité solaire éblouissante.
_Il fit signe à son amie d'entrer, et de s'asseoir sur son modeste fauteuil de cuir, agrémenté de quelques coussins ayant des motifs beiges et marrons. Il réalisa le même geste, et entama la discussion d'un air enjoué :
_— __Je pars à 18h47 ce soir. Ma valise est prête, tu vas me manquer, tu sais...
_— __Justement, Kecléon. On vient de retrouver le corps d'une Tengalice, qui a été sûrement tuée hier soir. Tu dois repousser tes vacances, j'en suis navrée, affirma timidement la danseuse psychique.
_Le visage du commissaire blêmit. Il resta bouche bée pendant une dizaine de secondes. Puis, après de longues pensée, il dit, dynamisant ses paroles :
_— __Bon, comme le dit mon proverbe, la vie passe avant tout. Je vais essayer de décommander ou bien de décaler pour la semaine prochaine... Je vais en parler à mon p'tit Sablaireau, Kirlia. Tu as déjà vu les environs de la scène de crime ?
_— __Si c'est ta question, oui nous pouvons nous téléporter directement là bas. Viens, dit-elle d'une douceur extrême.
_— __Peut-on aller chez mon fils, avant, pour que je lui annonce la mauvaise nouvelle ?
_Kirlia acquiesça d'un signe de tête. Il s'avança vers elle, et lui serra la main, comme toutes les fois où ils utilisaient ensemble Téléport. Une aura fuchsia les engloba totalement, les cachant presque totalement à cause de la lueur qui s'en échappait. Kirlia fermait les yeux, sûrement de façon à se concentrer pour ne faire aucune erreur.
_Tout à coup, cette bulle psychique se rétrécit à une vitesse indescriptible, jusqu'à ne plus l'apercevoir. Ils s'étaient maintenant évaporés, voyageant entre les dimensions.
~ * ~
_— __Ouf, enfin arrivés ! Ça me fatigue de se téléporter à deux, tu sais... Bref, voilà le lieu du crime.
_Revenant du logis du fils de l'inspecteur, qui n'avait pas tellement été touché par l'annonce de l'abandon des vacances, ils se remirent au travail.
_Kirlia pointa sa patte vers une maison dont l'aspect vu de dehors était assez joli. Les murs étaient peints d'un orange très pâle, où étaient incrustées des fenêtres blanches et une porte également de ce coloris. Autour de ce logis se trouvait un magnifique terrain de verdure, contenant de multiples fleurs multicolores, et où était installé un petit jardin qui ne serait probablement plus entretenu.
_Ils arrivaient maintenant à destination après une courte marche. L'endroit était à présent entouré d'une bande jaunâtre imprimée de quelques mots répétitifs : « Scène de crime ». Les deux compagnons la franchissèrent en la soulevant délicatement : les Machopeurs et leur évolution étaient déjà là pour s'assurer qu'aucun individu ne passe sans autorisation juridique.
_Un Simiabraz assez âgé vint les retrouver :
_— __Ah, vous voilà. Voici le rapport des faits : Tengalice a été tuée en pleine nuit, sans aucun témoin jusqu'à maintenant. L'agresseur a également laissé ça sur sa victime.
_Le combatif flamboyant déplia une feuille de papier, et en lut son contenu :
_— __ « Bourrasque des vents, Cyclone de feuilles, De son allure enténébrée, Il mourra ce soir ». Vous avez une idée du « pourquoi a-t-il laissé cela » ?
_Le commissaire fut surpris à l'annonce ces quelques phrases hantées. En effet, cela ressemblait mot pour mot à la lettre qui l'avait reçu la veille, qui avait d'ailleurs éveillé sa curiosité.
_Son acolyte se demandait pourquoi il réfléchissait longuement comme ceci.
_— __Je pense le savoir. Puis-je m'introduire avec Kirlia dans la maison ?
_— __Oui, bien sûr, allez-y ! La pièce où se trouve la victime est tout de suite à droite en y entrant.
_Les deux personnages entrèrent dans la demeure, et comme l'avait dit le plus haut gradé de la police nationale, ils tournèrent à droite pour accéder à une chambre close, n'ayant pour sortie que son entrée, et ne possédant aucune fenêtre, n'ayant pour meuble qu'un lit, dont la couverture était ondulée, comme si des enfants Pichu agités avaient sauté dessus.
_Au milieu de celle-ci gisait un corps feuillu, une Tengalice : la victime. Ses feuilles verdoyantes qu'elle détenait à l'extrémité de ses bras trempaient maintenant dans un liquide rougeâtre, s'étalant sur le sol. On pouvait encore apercevoir les griffures qu'on lui avait infligées pendant ses dernières minutes de vie.
_Rompant l'harmonie si maléfique, la Pokémon psy questionna son collègue :
_— __Pourquoi as-tu réagi de façon si étrange à l'annonce de l'espèce de poème trouvé sur la victime ?
_Il lui conta alors ce qui s'était passé la veille en passant par tout les détails : la lettre, le Dracolosse, les prospectus...
_— __Ah, je comprends mieux maintenant. Je te propose d'aller interroger le voisinage, si quelqu'un a entendu quelque chose durant cette nuit, incita-t-elle.
_Le Kecléon lui répondit positivement, puis ils partirent quelques minutes après l'expertise de la chambre meurtrière, qui ne révélait aucun indice. Ils quittèrent ainsi le foyer de la victime à grands pas, se dirigeant maintenant vers la maison la plus proche de l'endroit où ils se trouvaient.
_Ils frappèrent à la porte de chêne massif qui abritait le numéro 31 de la « Rue de Rosélia Virtuose », son nom se tirant d'une grande poète du dix-neuvième siècle. Au bout de quelques secondes, celle-ci s'ouvrit :
_— __C'est pourquoi ? Vous voulez quoi encore !?
_Une Noarfang, assez âgée et d'aspect sévère, se tenait debout à regarder les deux enquêteurs d'un air de dégoût. Après quelques secondes d'inactivité vocale, Kirlia, d'une voix plutôt adoucit, déclara :
_— __Excusez-nous, Police de Volucité. Avez-vous entendu des bruits suspects en soirée, hier ?
_— __Non. C'est tout ? Alors adieu !
_Dans un vacarme assourdissant, elle referma la porte en un battement d'aile brusque, tel une attaque Cyclone créée par un Roucarnage extrêmement puissant.
_Ils recommencèrent le tour du voisinage, vainement, en se faisant souvent désagréablement accueillir, comme s'ils étaient eux-mêmes les meurtriers.
_— __On pourrait peut-être retourner au bureau pour réfléchir à cette affaire ?
_— __Oui, ça sera toujours mieux que de se retrouver devant des personnes déplaisantes » avoua le commissaire, frustré.
_Les deux compagnons se rassemblèrent encore une fois, pour utiliser le psychique Téleport expérimenté de Kirlia. Comme un rituel, l'étrange aura violetée fit de nouveau son apparition, les absorbant de manière fulgurante.
~ * ~
_— __J'en suis sûr, ce Pokémon meurtrier n'est pas de type spectre, ni de type psy !
_— __Je te signale que certains de ces types ont des griffes, j'en suis certaine.
_Le caméléon rugissait, à défaut de vouloir avoir raison, mais la victime de ses cris le raisonnait à chaque phrase douteuse qu'il prononçait. Puis, calmement, Kirlia proposa intelligemment :
_— __Je pense que nous devrions rentrer nous reposer, nous sommes un peu bousculés par cette histoire, cette étrange lettre, ce meurtre...
_— __Tu as raison... Sur ce point. Nous reprendrons cette affaire demain, affirma-t-il malicieusement.
~ * ~
_Un pot d'encre bleuté, d'une allure assombrie par la pièce enténébrée, était ancré dans la table de travail d'une chambre n'ayant pour source de lumière qu'une légère lampe dont sa puissance de voltage était très faible. Une ombre se dressait sur une chaise, trempant ses griffes acérées dans le liquide bleuâtre de gestes misérablement adroits.
_Ayant maintenant ses longs ongles aiguisés injectés d'encre, il les dirigea vers du papier ressemblant quelque peu à de l'ancien parchemin, du temps où Grahyena XIX était roi. L'ectoplasme déposa l'extrémité de son bras droit, doucement, sur le support d'écriture. Il griffonna quelques phrases, dont ses lettres étaient admirablement calligraphiées.
_Finissant son dernier mouvement littéraire, il murmura, comme si la personne concernée était là :
_— __Désormais, ça sera toi le prochain.