Chapitre 48 : Les Asmolés
Penan avait pensé pouvoir supporter Lusso Tender - même lui obéir - du moment qu'il partait avec lui pour sauver Mercutio et Siena. Il s'était lourdement trompé. Il lui semblait que le fils du général avait été créé par le Wrathan en personne, l'incarnation du diable, pour embêter Penan. Tout en lui le répugnait. Il n'y avait aucune raison précise, si ce n'était un vague et ancien sujet de discorde du temps ou Lusso était encore un de ses cadets. Mais Penan le détestait, c'était comme ça. C'était des choses qui arrivaient. Il existait toujours quelqu'un que vous méprisiez cordialement sans trop de raisons apparentes.
Pour Lusso Tender, cette mission en plein Empire de Vriff n'était qu'une sympathique escapade entre amis. Que la vie de sa demi-sœur soit en jeu ne l'inquiétait pas trop. Il riait, blaguait, chantait même avec les gars de son unité, à un tel niveau sonore que Penan s'étonnait de ne pas avoir croisé de soldats vriffiens alertés par le tapage de Lusso. Penan reconnaissait sans difficulté la compétence militaire du jeune Tender, à l'image de son père et de Siena. Mais pour tout le reste, il se demandait comment un type qui avait le général Tender comme père pouvait être ainsi. Qui que soit la première femme de Tender et donc la mère de Lusso, elle ne l'avait pas manqué. Le capitaine Tender était en train de hurler à tue-tête une chanson idiote en compagnie de son Pokemon, un Brouhabam, qui donnait l'air.
"Et ce beau matin, j'ai rencontré Brouhabam
Une belle fille à poitrine au-devant
J'ai invité Brouhabam à dîner
Je suis trop cool !"
Non contente d'avoir strictement aucun sens, sa chanson vous agressait les oreilles, plus particulièrement celles de Penan. Ce dernier se demandait pourquoi l'Agent 009 n'y mettait pas fin. L'envoyée du Boss n'avait pas dit grand-chose depuis le début de la mission. Elle se contentait de donner les directions et encore, s'en remettait souvent à l'intuition du capitaine Tender. L'Agent 009, alias Domino, la Tulipe Noire, était une jeune femme, petite mais très jolie, aux boucles blondes et aux yeux d'un violet glacé. Sa combinaison moulante laissait entrevoir les formes athlétiques de son corps. Elle portait à la ceinture plusieurs tulipes noires dont chacune avait une fonction précise.
Penan, tout comme tout le monde dans la Team Rocket qui ne gravitait pas autour du Boss, n'était que peu informé de la hiérarchie entre Agents Spéciaux de Giovanni. Il savait que le Boss avait neuf agents à son service, allant de 001 à 009. Il était bien connu de tout le monde que l'Agent 001 était le plus puissant, le plus secret et le plus effrayant des hommes de la Team Rocket. Quant à l'Agent 002, on le prenait à juste titre pour le plus dangereux, et le plus soucieux de détruire des vies. Mais hormis ces deux là, il n'y avait pas ensuite de différence entre les autres Agents, qui étaient classés par numéro de code de façon n'ayant aucun rapport avec leur puissance. 009 était une femme froide et méthodique, sans pitié et entraînée pour à peu près toutes les situations. Elle commandait elle-même la base principale de la Team Rocket à Hoenn. On la disait la favorite du Boss.
Pour que Giovanni envoie quelqu'un comme elle dans une telle mission, c'était qu'il s'intéressait de très près à Mercutio et voulait tout faire pour le garder en vie. Cela aurait dû soulager Penan, mais l'ancien commandant s'inquiétait de ce grand intérêt que le Boss semblait porter aux jumeaux Mercutio et Galatea. Bon, évidement, connaissant l'histoire de leur naissance, cet intérêt n'était pas sans fondement. Au bout d'un long moment, Lusso se mit à arrêter ses chansons relatant ses aventures imaginaires pour regarder autour de lui d'un air un peu perdu.
- Euh... on est où là ?
Un de ses hommes regarda sur son petit radar longue portée.
- Trente kilomètres au sud-ouest de Duttelia, répondit-il à son capitaine.
- Encore un bon bout de trotte, commenta Lusso en soupirant.
- Pourquoi commencer par Duttelia, monsieur ? demanda un autre de ses subordonnés.
- Faut bien commencer quelque part, et c'est là le dernier endroit où les gamins se trouvaient.
- Mais la ville est aux mains des Vriffiens maintenant, intervint Penan. Il serait plus judicieux de chercher parmi les rares villages dutteliens encore debout, là où ils auraient pu se cacher en attendant...
Le capitaine Tender se passa la main dans ses courts cheveux, une habitude que Penan trouvait particulièrement exaspérante.
- Duttel est grand, dit Lusso d'un ton évasif. On pourra tout ratisser pendant des mois sans les retrouver. Vaut mieux aller à la source et rechercher des infos. À en croire les rumeurs, le roi de Duttel a survécu à la prise de sa capitale. S'ils sont vivants, Siena et Mercutio sont sans doute avec lui.
Il y avait du vrai dans ce que disait Lusso, mais se jeter dans la gueule du loup était un plan guère brillant. Penan désirait plus que personne sauver ses enfants, mais mort ou capturé, il ne pourrait plus sauver personne. Penan coula un regard vers l'Agent 009, comme pour demander son avis. Cette dernière prit son béret blanc et le fit tourner entre son index tandis qu'elle dit :
- Nous nous approcherons le plus possible de Duttelia, mais hors de question d'y rentrer à moins que l'on soit sûr que les Crust soient là. Je préfèrerais éviter le combat contre les Vriffiens.
À en juger par le regard de Lusso, lui avait hâte de se frotter à ces « bouffeurs de Pokemon », mais il s'abstint de toute remarque. Penan était d'accord avec Domino. Ils étaient venus assez nombreux, avec quelques renforts derrière et cachés, mais quand on voyageait en plein territoire ennemi, il valait mieux se faire le plus discret possible. Quelques heures plus tard, ils approchèrent un village relativement calme. Ses habitants avaient choisi de se rendre et de se convertir aussitôt à la religion des Vriffiens, aussi avaient-ils été épargnés, ainsi que leur village. Il y avait cependant une garnison de soldats de l'Empire. Le groupe Rocket dut prendre garde de ne pas se faire repérer.
Les gens de ce village avaient été épargnés pour une bonne raison ; tous, même les plus jeunes, se tuaient à la tâche pour leurs conquérants. En file indienne, ils partaient du village en portant de lourds matériaux : fer, bois, poudre à canon et se dirigeaient vers la petite colline qui s'élevait au-dessus d'une forêt. Durant le trajet, plusieurs soldats vriffiens, armés de fouets, veillaient à ce que leurs esclaves ne traînent pas trop. Les pauvres villageois dutteliens ne pouvaient même plus utiliser leurs Pokemon comme bêtes de somme pour transporter tout ça, car la première chose que les Vriffiens faisaient en prenant un village, c'était de faire un immense festin, dont la nourriture était les Pokemon des vaincus.
Habillés des mêmes guenilles que les villageois, les Rocket se mêlèrent parmi eux incognito, chacun ayant pris au village de quoi porter. Les villageois avaient l'air si misérables, si désemparés, qu'aucun ne remarqua que des étrangers s'étaient glissés parmi eux. Ou peut-être certains l'avaient-ils remarqué, mais s'en fichaient. Durant le pénible chemin, où les plaques métalliques pesèrent lourd sur les épaules de Penan, l'ancien commandant reçu quelques coups de fouets de la part des tortionnaires vriffiens.
- Allez, infidèle, avance ! lui cria l'un d'eux après un coup douloureux. Ce n'est que par la sueur de ton front que tu pourras racheter tes péchés aux yeux de notre Seigneur Asmoth !
Penan se retint de lui envoyer ses plaques de métal à la tête. Devant, l'Agent 009 se faisait elle aussi bien rudoyer par ces sauvages, dont beaucoup la suivaient de leurs yeux lubriques. Domino restait calme malgré les coups, les insultes et les sifflements, mais Penan imaginait sans mal ce qui arriverait à l'imbécile qui oserait poser ses mains baladeuses là où il ne fallait pas. Il risquait de se voir enfoncer de force une tulipe noire dans une partie sensible de son anatomie. Le trajet ne semblait ne pas finir, surtout que maintenant, ils montaient sur la colline. Penan ne sentait presque plus ses jambes et ses bras. Dans cette rude montée, plusieurs Dutteliens s'écroulèrent, à bout de force. Ils furent battus à mort par les soldats vriffiens.
- Les faibles et les paresseux ne sont d'aucune utilité à Dieu, clama un officier vriffien après s'être acharné sur une vieille femme qui, d'épuisement, avait laissé tomber son fardeau. S'ils ne peuvent pas expier leurs fautes envers Asmoth en travaillant pour Sa gloire, la mort est leur unique option !
Le niveau de sadisme et de folie de ces Vriffiens était bien au-delà de ce que Penan avait imaginé. C'était ces gars-là qui tentaient à l'heure actuelle d'envahir Kanto ? S'ils y parvenaient, Kanto étant l'une des plus puissantes régions du globe en terme de dresseurs présents, rien ne les empêcherait de se lancer à la croisade du monde entier. La planète serait recouverte des ténèbres de l'obscurantisme, du déclin et de la cruauté. Le monde allait courir à sa perte. Perdu dans ses pensées, Penan ne remarqua qu'au bout de deux fois la personne qui lui tapotait discrètement sur l'épaule. Penan retint une exclamation de stupeur et de soulagement.
- Tuno ?!
- Chut, fit le colonel à voix basse. Moins fort !
Le jeune colonel, toujours bien habillé et à la mine éternellement joyeuse, semblait ne pas avoir dormi ni s'être lavé pendant une semaine ; ce qui était sûrement le cas. Il portait les mêmes haillons que les villageois. Son visage était terne, sale et plusieurs rides étaient apparues sur son visage juvénile. Il tirait une énorme brouette remplie de monceaux de bois.
- Que diable faites-vous là ? chuchota Tuno.
- Quelle question ! On est venu vous récupérer !
- On ? Qui est avec vous ?
- Le capitaine Tender et son escouade. L'Agent 009 aussi.
La surprise s'afficha dans le regard épuisé du colonel. Il ne put répondre car un coup de fouet lui arracha un grognement de douleur. Penan reçut le même.
- C'est quoi ces messes basses, infidèles ? demanda l'esclavagiste qui les avait fouettés. Utilisez le peu d'énergie qu'il vous reste à avancer, mécréants ! Ou alors, vous connaîtrez le sort réservé aux fainéants !
Penan reprit sa route, mais prit soin de se placer juste devant Tuno. Ils reprirent leur conversation sans tourner la tête et en remuant les lèvres le moins possible.
- Où sont Mercutio et Siena ? demanda Penan.
- Je n'en sais rien, déplora Tuno. J'ignore même s'ils sont toujours vivants. On a été séparé lors de la bataille de Duttelia. S'ils ont survécu, ils ont sans doute trouvé le refuge secret des Dutteliens, dans les montagnes, là où les civils sont évacués pendant l'attaque.
Penan ne savait pas trop si les paroles de Tuno l'avaient soulagé ou effrayé. Au moins restait-il un espoir raisonnable.
- Et vous, que vous êtes-il arrivé ? Pourquoi êtes-vous ici ?
- J'ai réussi tant bien que mal à fuir Duttelia, blessé. Ce village est le premier que j'ai trouvé, mais il a été envahi quelques heures après mon arrivée.
- Mais pourquoi n'avez-vous pas essayé de fuir ?
- Les fuyards sont impitoyablement massacrés, expliqua Tuno. Les Vriffiens veulent garder leurs travailleurs. Je n'ai que deux Pokemon avec moi, dont un assez mal en point. Je serais mort si j'avais tenté de m'enfuir. J'espérais plutôt mourir après avoir saboté ce que les Vriffiens sont en train de faire construire.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Vous allez voir.
En effet, après être monté jusqu'au sommet de la colline, Penan vit. Sous son regard se montait tout un champ d'énormes vaisseaux de guerre, encore plus gros et plus menaçants que les Ailes du Sang dont Penan avait vu les photos. Ceux-là ne ressemblaient plus à des bateaux, mais à des espèces de forteresses volantes. Il y en avait bien une trentaine. Quelques-unes semblaient déjà finies. Penan pouvait voir de là leur armement et une seule de ces choses paraissait suffisante pour rayer une ville de la carte. De plus, les vriffiens avaient abandonné l'idée de construire leurs appareils volants pratiquement qu'en bois, comme avec les Ailes du Sang. Ces vaisseaux-là étaient à plus de cinquante pour cent faits en acier.
- Si j'en crois ce qu'il se raconte à la tombée de la nuit dans le village, à l'abri des oreilles des Vriffiens, ils appellent ça des Asmolés, en l'honneur de leur dieu Asmoth, dit Tuno. C'est avec des centaines de ces choses qu'ils comptent envahir notre région. Il y a apparemment plusieurs chantiers identiques dans tout l'ancien royaume de Duttel.
Penan resta sans voix, prenant toute conscience de la menace qui pesait sur leur tête.
- Si je dois y rester, le moins que je puisse faire est de détruire ces horreurs, poursuivit le colonel, ou du moins de ralentir leur construction.
- Ne tentez rien maintenant. Attendons de voir ce que l'Agent 009 va décider.
Ils continuèrent à travailler pour les Vriffiens jusqu'à la tombée de la nuit, quand ces derniers, eux-mêmes fatigués de donner des coups de fouets, rentrèrent dans leurs tentes. Ce furent des villageois meurtris, accablés et brisés qui retournèrent dans leurs chaumières, en laissant derrière eux ceux qui n'avaient pas supporté le rythme de travail et qui avaient péri sous les coups de Vriffiens.
Tuno les conduisit dans une grange abandonné, là où il passait ses nuits dans ce village depuis sa fuite de Duttelia. Après avoir entendu son rapport sur les Asmolés des Vriffiens, l'Agent 009 décida que la menace était suffisamment grande pour tenter de saboter les projets de l'Empire. Mais leur survie restait prioritaire, car l'objectif principal de cette mission restait le secours de Mercutio Crust. Aussi mirent-ils au point un plan pour saboter les chantiers des Vriffiens. Lusso Tender prit une grande part dans sa conception, à tel point qu'il aurait pu se résumer en ces quelques mots : « on fonce, on casse tout et on repart ».
Le lendemain, ils furent réveillés avant l'aube, comme tout le village, par les soldats vriffiens, pour qu'ils retournent à leur travail. Penan ne sentait plus son dos depuis hier et ne pensait pas pouvoir tenir un jour de plus comme ça. Mais il n'aurait pas besoin, car tout ça allait cesser ce matin. Le trajet jusqu'aux chantiers fut sans doute pénible, mais sachant qu'il allait bientôt pouvoir rendre au centuple les coups de fouets des Vriffiens à leurs propriétaires, Penan sentit une énergie l'envahir qui lui fit supporter le fait de parcourir dix kilomètres en portant des barres de fer renforcées.
Quand ils parvinrent enfin jusqu'au chantier, le plan débuta. Domino empoigna discrètement une de ses tulipes noires et la lança au sol. Une explosion en résulta, suivie d'un nuage de fumée épais. Les vriffiens hurlaient, les villageois se bousculaient entre eux ; bref, la confusion était telle que Tender, son escouade et Tuno parvinrent à s'éclipser de la file de travailleurs. Ils se dispersèrent et chacun entra dans l'un des Asmolés encore en construction. Quand le nuage se dissipa, les Vriffiens jouèrent les gros bras pour tenter de savoir ce qui s'était passé. Mais les villageois ayant l'air encore plus hébétés qu'eux, ils jugèrent qu'ils n'y étaient pour rien. Ils conclurent qu'il devait s'agir soit d'un Pokemon sauvage, soit d'un disfonctionnement de l'un des Asmolés.
Mais le vrai disfonctionnement se produisit quelques minutes plus tard, quand, une à une, les machines volantes des Vriffiens subirent plusieurs explosions en leur sein. Chaque membre de l'escouade 11 étant dresseur, tous avaient des Pokemon. À cause du chaos, les Vriffiens mirent un certain temps à réagir. Durant ces quelques secondes, l'Agent 009 avait déjà éliminé plusieurs soldats ennemis en lançant ses tulipes mortelles avec une précision infaillible. Penan avait dégainé son fidèle pistolet et semblait retrouver sa jeunesse tandis qu'il tirait sur les Vriffiens.
Tuno et quelques hommes de la onzième, suivis de leur Pokemon, revinrent leur prêter main forte, tandis que Lusso Tender et le reste de son escouade poursuivaient leur œuvre destructrice parmi les Asmolés. Mais s'il n'y avait que peu de Vriffiens qui surveillaient le groupe de travailleurs venu du village, il y en avait beaucoup qui travaillaient dans le chantier. Ils arrivèrent de plus en plus nombreux sur les Rocket, tandis que les villageois prenaient la fuite sans qu'aucun Vriffien ne songe à les arrêter. Domino se battait maintenant avec un long bâton à l'effigie de ses tulipes noires, dont le bout était très pointu. Penan se demandait où elle avait pu cacher un truc aussi long. L'agilité de l'Agent était tout bonnement exceptionnelle. Elle se mouvait avec une grâce infinie et évitait tous les coups d'épées de ses adversaires, en les embrochant de suite après.
Le Crimenombre de Tuno était responsable de la plupart des vols planés de Vriffiens, même si le reste des Pokemon des membres de l'escouade 11 s'en sortait bien. Quand il eut utilisé ses deux chargeurs, Penan sortit son long poignard et n'hésita pas à aller à la rencontre de ces colosses armés d'une épée qui faisait six fois son couteau. Pourtant, le poignard de Penan tranchait bien plus souvent et mortellement que les épées des Vriffiens. L'ancien commandant Rocket fut sidéré devant ce manque de tactique de combat apparent des soldats impériaux. Ils fonçaient sans réfléchir, sans se soucier de leur sécurité, en donnant des coups très puissants mais totalement irréfléchis et imprécis.
Ça devait être un enseignement des dirigeants de l'Empire. Le but était de faire fléchir l'ennemi sous le nombre, peu importe combien de soldats y passaient. Après tout, pour les Vriffiens et leur religion distordue, la mort était un salut, quelque chose qu'il ne fallait pas craindre mais au contraire rechercher. Penan était d'ailleurs ravi d'aider ses pauvres types à la trouver. En revanche, lui, n'était pas pressé de se retrouver dans le Monde des Esprits de Giratina ; pas avant d'avoir revu ses enfants, du moins.
Quand les Vriffiens devinrent un peu trop nombreux pour eux, ils se replièrent peu à peu vers les Asmolés que Tender, ses hommes et leurs Pokemon étaient en train de faire sauter. Les Vriffiens en profitèrent pour bien les cerner, empêchant toute retraite. Même quand le capitaine Tender et ses hommes sortirent des Asmolés pour les aider, ils ne parvinrent pas à briser le barrage vriffien. Ces derniers avaient sorti leurs arcs et leurs lances, les empêchant d'avancer. Il n'y avait plus d'issue. Ils avaient sous-estimé le nombre des Vriffiens et ils allaient maintenant en payer le prix. Mais Lusso Tender avait apparemment un autre plan.
- Venez tous ! leur cria-t-il.
Intrigués, ils le suivirent dans un des derniers Asmolés encore intact. Tender comptait-il se battre à l'intérieur ? Ça ne changerait pas grand-chose au problème. Mais une fois tous arrivés à la salle de commande de l'appareil volant, ils comprirent que Lusso avait une toute autre idée.
- Quelqu'un sait-il faire voler ce monstre ? demanda-t-il.
- T'es pas sérieux, vieux ?! s'exclama Tuno.
- Si t'as une autre idée géniale, je t'écoute !
Penan ne s'étonna pas de ce ton familier utilisé entre eux. Tuno et le fils Tender avaient fait leurs classes ensemble.
- Pour retrouver les Crust, ce petit bijou nous sera plus utile que la marche à pied, insista Lusso.
- Mais pas vraiment discret, ajouta Tuno.
- Faites le décoller, ordonna 009. De toute façon, c'est soit ça soit les Vriffiens.
En effet, les soldats de l'Empire avaient commencé à pénétrer dans l'Asmolé. Domino et quelques autres allèrent les retenir pendant que Lusso et Tuno s'amusaient avec les différentes commandes du tableau de bord.
- La vache, pour un peuple qui n'aime pas la technologie, je trouve qu'ils ont un peu trop de leviers et de manivelles ! clama Tender.
Il en tira une justement, qui eut pour effet de causer un grand bruit et une petite secousse.
- Euh... qu'est-ce qui s'est passé là ?
- Tu as déployés des espèces de pieux d'acier tout autour du vaisseau, le renseigna Tuno en regardant par la fenêtre. Ça peut être sympa si on joue aux auto-tamponneuses dans le ciel. Mais là, tu ferais mieux de les ranger, car ça va alourdir l'Asmolé.
- Arrête avec ce nom bidon, grogna Lusso en tirant à nouveau la manette des piques. On l'a volé, on l'appelle comme on veut. Attendez voir...
Lusso prit un air de profonde réflexion que Tuno et Penan jugèrent de très mauvais augure. Ils entendirent anxieusement.
- Ah voilà. Le Lussocop, déclara-t-il non sans une touche de fierté.
- Devrais-je dire que c'est totalement horrible ? demanda Tuno sur le ton de la conversation.
- Non, tu ne dois pas. C'est moi qui ai eu l'idée de le voler, c'est mon vaisseau. Si t'aimes pas le nom, sors, vole en un autre et nomme-le comme tu l'entends.
Lusso poussa un autre levier. Penan s'accrocha à une rambarde, inquiet, mais il y eut seulement un bruit de machines lointain, comme si un moteur s'allumait.
- Ça a l'air encourageant, dit Lusso, content de lui. Maintenant voyons comment le faire décoller !
Il tira vers le bas une autre manette en bois. Aussitôt, il y eu un vacarme épouvantable, et diverses explosions au dehors. Tous les canons autour du Lussocop avaient fait feu en même temps, touchant à la fois des Vriffiens et d'autres Asmolés.
- Oups, fit Tender. Essayons ça.
Enfin, le vaisseau tangua un moment, puis se leva lentement du sol, petit à petit. Lusso poussa un cri de joie.
- Allez vole, mon petit, vole...
Une flèche se planta à un deux millimètres de son visage. Les Vriffiens étaient parvenus jusqu'à la salle de commande. Tous abandonnèrent un moment le pilotage de l'appareil pour aller aider Domino et les autres. Quand plus aucun Vriffien vivant ne se trouvait dans le Lussocop et que ce dernier était déjà haut dans le ciel, Lusso revint à la navigation.
- Ok, alors maintenant, c'est fastoche, il suffit de faire tourner cette espèce de roue pour le diriger, dit-il.
Il la tourna et le vaisseau changea de cap. Mais n'avançait toujours pas, se contentant de s'élever encore plus haut.
- Il doit avoir un autre bouton pour la marche avant, signala Tuno.
Après plusieurs essais infructueux, où ils actionnèrent notamment un nombre considérable d'armes, du lance-flamme aux centaines de flèches en passant par une espèce de rayon de nature et d'origine inconnues, ils parvinrent enfin à pouvoir diriger le vaisseau, tant bien que mal. Lusso s'occupait de la direction tandis que Tuno dirigeait la vitesse et la marche avant ou arrière. Au cas où, un autre Rocket avait les mains posées sur les commandes de l'armement.
- Eh bien voilà, s'exclama Lusso, ravi. On a foutu un beau merdier dans le chantier vriffien et on a gagné un de leur vaisseau, qu'on pourra étudier à fond pour découvrir ses points faibles. Mais après que l'équipe scientifique l'aura démonté, je veux le récupérer en bon état, ajouta-t-il.
- Regardez ça, dit un homme de Tender qui observait dans une espèce de télescope. On voit super bien le sol avec ça !
- Qu'est-ce que je disais ? sourit Lusso. Pratique pour retrouver les gamins Crust rapidement. Si les Vriffiens nous envoient leurs Ailes du Sang pour nous intercepter, on saura s'en occuper ! Alors, où est-ce qu'on va ?
- Vers les montagnes de Duttelia, dit Tuno. C'est là que se trouve le refuge du roi Antyos et de son peuple. Mercutio et Siena doivent être là-bas.
S'ils étaient en vie, pensa Penan. Mais il devait garder espoir. L'espoir était souvent tout ce qu'il restait à la fin. Tandis que le Lussocop changeait de cap, Penan dirigea ses pensées vers ses enfants.
- Tenez bon les petits ! On vient vous chercher !