Porte bonheur
Des larmes roulèrent sur ses joues rosies par la fraicheur nocturne. Jamais elle n'aurait su s'endormir dans cette folie humaine. Après pareille venue funeste, personne ne l'aurait supporté. Son regard plongea vaguement vers les cieux. Quant à sa main, elle se referma sur la petite boite à musique qui continuait à chantonner la berceuse qu'elle ne pourrait plus écouter de la même manière qu'auparavant. La touchant du bout de ses naseaux, Stormy tenta de la réconforter, ne serait-ce qu'un petit peu. Mais cette tentative demeura vaine, il était tout simplement trop tard.
Plus tôt dans la journée
- Allez, viens vite, on va finir par être en retard et rater le début de la course ! Dépêche toi, je veux être sur la ligne d'arrivée !
- Avant cela, il faudrait que tu sois sur la ligne de départ !
Terminant de pivoter la clef dans la serrure, sellant ainsi l'entrée de sa demeure, la jeune femme expira de soulagement. Après cette journée, elle n'entendrait plus jamais parlé de cette maudite course de vitesse à laquelle devait participer son protégé, son bébé. D'où venait-il, elle l'avait toujours ignorée et sans doute l'ignorerait-elle toujours. Elle savait juste qu'elle l'avait sorti de l'enfer de flammes d'un incendie, alors qu'il n'était encore qu'un nourrisson. Aucun autre corps ne fut retrouvé dans les décombres ce jour là, de telle manière que le mystère fut clos et mis sans suite. Ses pensées vagabondant au loin dans ses souvenirs, elle ne sentit pas la présence du petit jockey qui, profitant de la situation, lui fit faire un bond de sursaut.
- Même si ce n'est pas ta monture officielle, je te conseille de ménager ton Doduo. Sinon, tu risques de te retrouver avec deux heures d'avance et aucun moyen de retour.
- Mais si on avance à ton rythme, je risque de rater le départ... Et ça, je ne veux pas !
Deux paires d'yeux s'élevèrent à l'unisson vers l'azur ensoleillé. Deux paires d'yeux qui, malgré ce désaccord, rayonnaient.
La première semblait parler de fierté. Celle-là que seule une mère est apte à comprendre, à ressentir et à décrypter. Elle allait voir son protégé courir pour ses couleurs, avec le pokémon qu'elle avait entrainé depuis toutes ces années. Plus encore, elle serait témoin de l'apogée de son rêve à lui, celui de remporter ce grand prix qu'il convoite depuis tant de temps. Elle en était persuadée.
Quant au second regard, on pouvait y lire l'appréhension et le stress d'une compétition approchant à grand pas. Car malgré l'adrénaline qui l'envahissait comme jamais auparavant, il doutait de ses compétences, il redoutait les futurs adversaires qu'il aurait à combattre pour la victoire. Il craignait d'échouer dans cette épreuve. Plongeant sa main dans sa poche, il sortit une petite boite à musique finement décorée qu'il considérait comme porte-bonheur. Ce talisman représentait d'ailleurs, à ses yeux, son seul véritable bien personnel. Sa mère lui contait régulièrement l'histoire de sa découverte dans les flammes ainsi que ce mystérieux coffret enfermé dans sa main.
- Finalement, tu as eu le dernier mot. Mais comme je t'ai averti, nous sommes arrivés avec une grande avance... Tu m'écoutes quand je te parle ?
- Je vais me changer tout de suite ! Pendant ce temps, tu pourrais préparer Stormy s'il te plait ?
Sans même lui laisser le temps de rétorquer quoi que ce soit, l'enfant se retira vers les bâtiments réservés aux cavaliers, sa casaque rayée de noir et blanc sous le bras. Il savait que, s'il y avait bien un endroit où il pourrait écouter sa mélodie et retrouver son calme avant le moment fatidique, ce serait dans les vestiaires encore vides. Se doutant quelque peu des intentions réelles du garçon, elle s'attela à sa recommandation. Elle s'empara d'une pokéball à sa ceinture qu'elle envoya dans les airs, laissant apparaitre un Zeblitz. Celui ci secoua sa tête et observa les alentours. Que tout cela lui semblait étrange. À chaque nouvelle odeurs, ses naseaux se dilataient afin de mieux sentir. À chaque nouveau son, ses fines oreilles se bousculaient afin d'en découvrir la source. Elle le laissa ainsi durant une longue minute découvrir cet environnement insolite et finit par l'appeler pour le seller. Le zèbre, après être sur que le terrain ne cachait aucun danger, finit par rejoindre sa propriétaire dans un trot qui se voulait à couper le souffle. Sa musculature se mouvait harmonieusement au rythme de sa foulée. Son poulain était on ne peut plus prêt.
- Ça va bientôt commencer. Tiens, je te laisse ma boite à musique, qu'elle puisse me porter bonheur.
- Pas de problèmes. Allez, passe moi ta jambe que tu puisses te mettre en selle. Et hop ! C'est bon, tu es bien installé ?
Hochant légèrement de la tête, le jockey fit part d'une réponse positive. Et il mena sa monture sur la pelouse, laissant son entraineur sur le bas côté. La course ne tarderait pas à commencer. Il pourrait enfin porter fièrement cette casaque aux couleurs de Stormy, les défendre contre tous les ennemis qui se présenteraient face à lui. Mais ce qui le motivait réellement était de démontrer que sa mère pouvait entrainer des champions. Se retournant dans sa selle, il lui fit un dernier signe et parti au petit galop vers le départ. Le cœur battant, la jeune femme ne pouvait plus que patienter le départ et espérer. Espérer la victoire de ses protégés, mais plus encore, espérer qu'ils ne leur arrivent rien durant ces deux milles mètres. Prenant le petit totem entre ses deux mains jointes, elle murmura quelques mots d'encouragements qui se volatilisèrent dans le brouhaha des tribunes. Et le départ fut enfin donné quelques minutes après. Une pluie battante commença à submerger le terrain. Elle repéra vite des stries se détacher du peloton. Ils prenaient la tête et avaient fermement l'intention de la garder.
- Allez, la dernière.... Non ! PHEN ! STORMY !
La scène qui venait de se dérouler sous ses yeux la glaça d'effroi. Alors que Stormy prenait son appel pour sauter la rivière, un éclair zigzaguant d'entre les nuages s'apprêtait à foudroyer le dôme des spectateurs. Cependant, le Zeblitz possédait, comme tous ses compatriotes de la même espèce que la sienne, la capacité d'attirer toute source d'électricité vers lui. Ce qui se produisit, faisant perdre l'équilibre du plané au couple, qui atterrit violemment dans la rivière. Et elle avait peur pour eux. Malgré cette sensation, son premier réflexe fut de courir en direction du drame. Elle espérait les retrouver en vie tous les deux. Elle priait pour qu'aucun autre coup de tonnerre ne vienne frapper à nouveau la terre.
À son arrivée, des équipes de secours prenaient déjà en charge le cavalier et sa monture. Haletante, elle s'approcha du groupe infirmier et de leurs patients. Par le biais de divers pokémons électriques, Stormy se déchargeait petit à petit de son trop plein d'énergie. Cependant, il n'en était pas de même du côté de son garçon. Le visage fermé des soigneurs en disait long sur son bambin. Celui ci, le sourire aux lèvres, paraissait serein. Son corps reposait allongé sur l'herbe humide, aux abords de la source d'eau. Ne pouvant guère retenir ses larmes, elle se précipita sur le corps inanimé de Phen. Reniant tout ce qui se passait autour d'elle, elle serra longuement son enfant habillé de noir et blanc. Il venait de réaliser son rêve à lui, il venait de réaliser son rêve à elle. Mais quelle contrepartie en échange ? Celui d'une vie sans aucun prix ?
Elle reposa son ange délicatement sur le sol, des larmes roulant sur ses joues rosie par la fraicheur nocturne. Stormy, lui tendant un objet dans sa bouche, frotta délicatement ses naseaux contre elle. Elle prit la petite boite qui, comme elle le comprit, était tombée de sa poche lors de sa course effrénée. Est ce que tout cela se serait déroulé si il avait gardé son porte bonheur sur lui ? Aurait-elle dût l'obliger à prendre ce grigri avec lui, avant qu'il ne parte sur le champs. Elle-même ignorait la réponse.
Elle ouvrit délicatement la boite à musique. Et la mélodie commença à retentir.