Little fox's princess
Tendrement lovée sur mon coussin, je regardais rêveusement la chambre où je me trouvais. Une chambre immense, dotée d'un lit à baldaquin, un jacuzzi, un bureau en marbre, des rideaux de velours rouge, trois lustres entièrement en cristal, une boîte à bijoux remplie à ras-bord de pierres précieuses et trois coussins où était avachis comme des boudins trois pokémons, dont moi.
Le premier, un Groret, dormait et ronflait en même temps, les yeux fermés. Le second, un Cornèbre assez trapue, parlait tout seul : « Boudiou, qu'est-ce que j'ai faim ! » Et enfin, la troisième, moi, une Goupix toute simple en train de rêvasser. Nous étions dans la chambre de notre dresseuse, j'ai nommé lady Elizabeth Johanna Sélène de Fjord, 3ème du nom, fille du lord d'Azuria. En vérité, le manoir de mademoiselle était bien discret, dans la forêt de Clémenti-ville où Elizabeth et son père allaient de temps en temps faire les courses.
Elizabeth déboula dans la chambre à trois heures pile, enfoncée dans une robe dorée et luisante. Cette fille-là était le prototype même de l'aristo, avec ses cheveux teints en platine, ses lèvres regonflées, sa poitrine écrabouillée par le corset et ses cinq centimètres de couche de fond de teint pour une 'figure bronzée na-tu-rel-le-ment'.
-C'est terrible ! roucoula-t-elle en chopant une bouteille de parfum posée sur la table de nuit.
-Tu as encore grossi ? m'étonnai-je (Goupi pix gou ?)
-Qu'est-ce que tu racontes, Goupix ? ( Lady Elizabeth avait un don pour nous comprendre lorsqu'on l'insultait.) Père a invité le marquis d'Azuria à dîner, et rien n'est près ! Je dois me laver les cheveux, puis faire mon brushing…
Lorsqu'elle disait « je dois », elle voulait bien entendu dire « les servants sont obligés de », j'étais bien placée pour le savoir.
-… Donner le bain à Groret, tailler les griffes de Cornèbre, te boucler les poils…
-Chouette, un bain ! (Groret gro !) lâcha Groret, soudainement réveillé.
-Et moi ? (Goupi ?)
-Ah ! Encore à râler, Goupix ? Ne t'inquiète pas, Anna est partie acheter une bouteille de lait pour ton massage. Cornèbre, c'est horrible ! Regarde-moi l'état de tes plumes !
Elizabeth, à moitié hystérique, s'aspergea de Chanel en secouant sa crinière blonde.
-Cette soirée sera très importante pour mon avenir ! insista-t-elle. J'espère que vous serez sages.
Anna, la servante rousse, revint très vite avec la bouteille de lait pour le corps. Elizabeth m'enfonça dans une petite baignoire avant de me faire le massage (qu'elle arrête très vite.) Elle appela :
-Anna ! Viens t'occuper de Goupix !
Anna obéit. Elle avait des mains si fines que je me mis à ronronner.
-Vous êtes si mignonne, Goupix… murmura la servante, attendrie. Ce lait sent magnifiquement bon sur votre poil.
-Merci ! (Goupix !)
-Je me demande si le marquis est beau. Il doit venir d'ici quelques heures… vous serez sage, Goupix, pas vrai ?
-Euh… (Gou…)
-Je le savais, très chère.
Une fois le nettoyage de peau terminé, Anna m'emmena vers Elizabeth. Celle-ci se coiffait devant le miroir. A ma vue, elle sortit d'un tiroir le fer à boucler.
-Anna, refais-lui ses bouclettes sur la tête, elle a l'air d'une gitane comme ça ! Et après, occupe-toi de Groret. Il a une odeur déplorable et j'en suis navrée.
Encore une fois, « j'en suis navrée » voulait bien entendu dire « je suis désolée que ses problèmes d'odeurs viennent m'importuner mes pauvres et fragiles narines. » Elizabeth avait toujours été comme ça, depuis qu'elle m'avait adoptée. Je m'en souvenais comme si c'était hier.
~Flash-back~
Il fait froid, il pleut. Je suis cachée à l'ombre d'un buisson produisant des baies rouges. J'ai faim, mais j'hésite à manger les fruits. Et s'ils étaient empoisonnés ? Mes parents viennent de me quitter. Ma mère est morte. Tombée dans un ravin. Elle fuyait un dresseur, mais n'avait pas vu le précipice. Mon père est devenu malade. Je crois qu'il a fini par mourir de chagrin. Me laissant seule au monde. Je n'ai qu'un mois et je me sens déjà dépérir.
Soudain, j'entends des pas. Mes oreilles se dressent. Une fille apparaît. Elle a dix ou onze ans, de longs cheveux artistiquement coupés et brushingés. Elle les protège d'un parapluie. La fille me voit et lâche un :
-Oh ! Il est mignon !
-Vous voulez le capturer, mademoiselle ? demande le majordome qui lui tient le parapluie.
-Il est sale, j'ai pris un bain ce matin.
-Nous pourrions le relaver ?
-Et s'il a des puces ?
-Je ne pense pas. Et puis, ça m'a tout l'air d'être une femelle.
-Vous n'êtes pas là pour raisonner mais pour me servir, s'énerve la fillette. On s'en va.
Elle commence à partir. Je sens que je vais mourir si personne ne me capturer et à cette idée je me mets à pleurer. Les larmes coulent de mes yeux vers et s'enfoncent dans mon museau.
-Elle pleure… chuchote le majordome. Mademoiselle…
-PAS mademoiselle, LADY !
-Lady Fjord, ce serait cruel de…
-Mais tais-toi pauvre abruti ! Je fais ce que je veux ! Et… oh… ah… ses yeux…
-Elle pleure ! répète le majordome.
Lady Fjord –je ne savais pas qu'elle s'appelait Elizabeth- s'approche. Elle prend une Poké Ball et s'approche de moi. Je tremblote et pleure, mais elle a l'air décidé et me lance l'objet. Je me sens aspirée, puis je tombe dans un univers inconnu. A l'intérieur de la Ball, tout est tapissé de coussins. Je m'y allonge et m'y endorme. Je vivrais…
~Fin du Flash-back~
En y repensant, je me sentis pleine d'amitié pour ma chère dresseuse. Elle me caressa les poils de la tête pour évaluer mes boucles puis me reposa. C'est à ce moment que la sonnette d'entrée retentit et la voix suraiguë de la lady se fait entendre :
-Ouvrez ! C'est le marquis !
-Doucement, ma fille, répondit son père en descendant. Je vais ouvrir.