Chapitre 3 - Révélation
Rubys se lève pour l'accueillir imitée par Stéphane qui lui tend la main. Jack lui serre vigoureusement, avec un large sourire. Capumain se met entre les jambes du nouvel arrivant et commence à zigzaguer entre ses pieds. Apparemment il est très content de voir le professeur. Puis, il s'arrête net entre les chaussures de ville de Jack et commence à grogner en direction de Stéphane. Décidément, si Rubys l'apprécie beaucoup, ce n'est pas le cas pour son pokemon.
- Voyons Capumain ! Si Rubys l'a conduit ici, c'est que nous pouvons lui faire confiance, tu n'as pas à réagir ainsi, dit Jack les sourcils froncés et les mains sur les hanches, baissant la tête vers Capumain.
- Capu ! Capumain, main, semble abandonner Capumain.
- C'est bien. Que me vaut la visite d'une telle personne Rubys ? As-tu enfin trouvé un prétendant, ce n'est pas trop tôt !, ricane-t-il affectueusement.
Le visage de Rubys prend une légère teinte rouge. Visiblement gênée, elle tente d'enchainer :
- Non, non, il est marié et, il a un problème que vous seul pouvez probablement résoudre. Enfin, je lui laisse le soin de vous expliquer cela.
Jack semble très intéressé par la révélation de sa jeune collaboratrice. Il fit un geste à ces camarades pour leur demander de s'assoir et ils s'exécutent aussitôt. Stéphane joint ses mains, les bras posés au niveau des accoudoirs et débute son histoire.
Après le monologue de son interlocuteur, Jack, manifestement passionné par son histoire, prend la parole :
- Très captivant. Selon moi, vous n'avez pas à vous inquiéter, vous pourrez rentrer chez vous. Cependant, je ne pourrai vous affirmer quand, soupire-t-il.
- Quoi ? Vous êtes sérieux, s'affole Stéphane.
Jack s'installe dans sa chaise confortablement et commence une longue explication. D'après lui, les pokémon peuvent user d'attaques générant parfois d'importantes failles spatio-temporelles qui elles-mêmes entrainent des voyages parmi les dimensions.
- Cela doit provoquer des apparitions dans les autres mondes. Dans le vôtre, vous les nommez « fantôme », ou « esprit ». Ce qui explique également que ces êtres immatériels possèdent des formes assez étranges et qu'ils ne se montrent que l'espace d'un instant, le temps que dure une attaque en somme, conclut le professeur.
- Oui, d'accord, mais ça dit rien sur « mon voyage » un peu particulier, réplique Stéphane assez tendu.
- J'y viens, j'y viens, soyez patient. C'est une première étape pour cette explication. De par vos dires et en plus de mes recherches, j'ai la certitude que d'autres mondes ou dimensions existent, pose-t-il. Dans ce cas, d'autres moyens sont envisageables pour voyager de l'un à l'autre. D'après mes données, il existe d'ailleurs une multitude de monde, mais ce n'est pas le propos, continue Jack.
Jack explique que ces voyages inter-dimension ne peuvent se faire que lorsque certaines conditions sont réunis et que celles-ci sont impossible à réunir humainement parlant, raison pour laquelle les pokemon ne font que « passer » dans ces dimensions. Mais Stéphane n'est pas au bout de ses peines :
- La difficulté ici, c'est qu'habituellement, les mondes sont en équilibres entre eux. C'est un principe d'échange équivalent qui prône l'interaction équilibrée de permutation entre chaque dimension, soutient-il.
A voir la tête de Stéphane, Jack comprend que ces mots n'ont pas atteint leur objectif. Rubys elle, acquiesce pour signaler son accord avec les explications de son collègue. Elle semble avoir compris. Jack tente alors une traduction avec des mots à la portée de Stéphane :
- Concrètement, si un monde donne quelque chose, il faut que le monde qui reçoit donne à son tour quelque chose de valeur équivalente, affirme le scientifique. Cela signifie que si vous êtes arrivé ici, une personne de notre monde est passée dans le vôtre.
- Mais alors, ça veut dire que je ne pourrais pas retourner chez moi ? dit-il en vacillant.
- En aucune façon, cela indique simplement qu'il faudra attendre que dans votre monde comme dans le nôtre, un orage magnétique réapparaisse. A ce moment précis, je suis certain que lui et vous, vous auraient la possibilité d'intervertir vos places à nouveau, grâce au vortex qui devrait se recréer, affirme-t-il fièrement.
Stéphane pousse un soupir de soulagement, mais très vite, l'anxiété reprend le dessus.
- Attendez, mais il est quand le prochain orage ? grogne-t-il.
- Normalement, ces orages possèdent une grande puissance, mais ils sont aussi très rares. Néanmoins ils apparaissent toujours en binôme, c'est là le point que soulevait les travaux d'anciens dont j'ai repris les données, déclare Jack de manière calme et posée. Toutefois, ce phénomène peut se manifester à nouveau dans quelques heures comme dans quelques mois. De plus, il est probable que l'écoulement du temps ici soit différent de ton monde, ajoute-t-il avec sérieux.
- Grosso modo, faut que j'attende qu'un orage revienne dans six mois en apprenant que ça fait 10 ans que je suis partis quand je reviendrai chez moi, rétorque le pauvre voyageur.
- Ou bien cela n'aura duré que quelques minutes, nous ne pouvons pas le savoir, affirme Jack.
Stéphane se décompose littéralement. Ses espoirs déjà bien effrités tombent en poussière. Que dirait-il à sa femme, et à son fils s'il revient dans dix ans ? Doit-il tenter de recommencer sa vie ici ? Doit-il attendre un autre orage ? Est-il sûr de pouvoir rentrer chez lui ? Est-ce que les cheveux de Jack sont bien les siens ? Stéphane est tellement perdu, que même des questions dérisoires se mêlent à sa réflexion.
- Mais alors, que dois-je faire, finit-il par lâcher en une voix tremblante.
Une larme commence à couler le long de son visage déformé par le désespoir. Son regard se vide au fur et à mesure que son espoir se dissipe. Jack et Rubys ne peuvent s'empêcher d'avoir un pincement au cœur en pensant à ce qu'il peut ressentir. Néanmoins, ils ne peuvent rien faire pour lui, du moins pour le moment.
- Attendre. Nos stations météos sont très performantes, et ces types de phénomènes sont très reconnaissables, on peut les prévoir trois, quatre jours à l'avance, parfois plus, sur n'importe quelle partie du globe, annonce-t-il en tentant de l'apaiser.
- Mais je fais quoi en attendant ? murmura Stéphane partit en sanglot.
Rubys essaie de le consoler en se rapprochant de lui, passant sa main gauche le long de son dos. Stéphane enfonce la tête dans ses mains, les coudes sur le bureau, les yeux humides.
- Je peux t'héberger et t'aider si tu le veux, jusqu'à ce que tu puisses retourner chez toi, glisse-elle avec toute la tendresse et la compassion dont elle peut faire preuve.
Stéphane se retourne brusquement vers Rubys, et son expression à changer. Un rictus de rage traverse désormais son visage. Il était terrassé par la tristesse mais tout à coup, une colère incommensurable s'est emparée de lui.
Surprise et effrayée, Rubys se lève en reculant de quelques pas, ne comprenant pas ce revirement. Jack fait de même et tente de calmer le jeune homme.
- Mais bien sûr ! Tu vas bien t'occuper de moi, tellement bien que tu espères que je ne reparte pas et que tu me gardes que pour toi c'est ça !? Tu veux que reste, c'est tout, je te plais, alors tu ne veux juste pas que je reparte hein ! Pas question ! hurle-t-il, les yeux injectés de sang.
Il part vers la sortie d'un pas lourd et rythmé, presque au pas de course. Rubys se laisse tomber sur sa chaise. Elle ne comprend pas et ce visage plein de haine l'a rempli de frayeur. Des larmes commencent à perler sur son doux visage. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver pour qu'il dise toutes ces choses si brutalement. L'incompréhension à fait place à la tristesse, elle se sent blessée. Capumain, encore paralysé par la scène, s'installe finalement sur les genoux de sa maitresse et tente de la réconforter. Jack abasourdi, se retourne vers sa protégée. Il contourne son bureau et s'agenouille devant elle :
- Calme-toi Rubys, ce n'est rien. Il a du mal à accepter sa situation, ta bonne foi et ta générosité ont dû le secouer. Il ne s'y attendait pas, et force est de constater qu'il a réagi de façon excessive, tente d'expliquer le mentor à son élève. Je pars le résonner, Capumain reste avec elle et tente de l'apaiser du mieux que tu peux.
- Capu ! fait Capumain, comme obéissant à un ordre militaire.
Stéphane sort du bâtiment et commence les cents pas devant les portes automatiques, qui n'arrêtent pas de s'ouvrir à chacun de ses passages. Il est tiraillé entre le désespoir et la rage. Il ne sait même pas pourquoi il s'est énervé sur Rubys, elle n'a rien fait, bien au contraire. Mais c'était plus fort que lui, il ne se contrôlait plus, et ça l'énerve d'autant plus. Il faudra qu'il aille s'excuser, un peu plus tard, au calme. Son cœur bat si fort qu'il a l'impression que les gens dans la rue voisine peuvent l'entendre. Il tente de se calmer mais rien n'y fait, pas même la sueur qui commence à s'installer le long de son dos.
Tout à coup, en se retournant pour continuer sa marche rageuse, un Clic apparait :
- Clic ! Cliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiic ! Cliclic, fait-il en flottant devant lui.
- Aaaaaaaaaaaaah ! lâche Stéphane en tombant en arrière.
Pour la deuxième fois de la journée, son fessier s'écrase au sol, non sans mal. Stéphane voit sortir Jack du bâtiment et se diriger vers lui. Apparemment ce Clic lui appartient. Il s'aperçoit alors que toute sa colère et sa tristesse sont tombées d'un coup, exorcisées par la surprise. Il tente de se relever, la main sur le genou, quand le dresseur de Clic lui tend la main. Stéphane la prend, s'appuie dessus pour se relever puis se tapote les fesses pour effacer les traces de poussières. Il prend alors la parole :
- Ce Clic vous appartient ? demande-t-il.
- C'est exact, affirme Jack, il m'a été transmis par un ami il y a fort longtemps, mais il n'a jamais vraiment combattu. Il était champion d'une arène de pokemon type acier, poursuit-il, d'ailleurs cette arène était ici. Mais comme tu peux le constater, l'environnement ne convenait pas pour un tel type d'arène et il l'a déménagé dans une autre ville.
- Ce qui explique que les pokemon sur l'amphore de la fontaine soient de type acier, songe Stéphane.
- C'est exact, mais là n'est pas le propos, répond Jack. Ce Clic, j'aimerais vous le transmettre à mon tour.
Ce présent lui semble surprenant. Il ne comprend pas pourquoi Jack lui ferai cadeau d'un pokemon, sachant qu'il ne devrait pas rester longtemps, du moins pas trop.
- Mais pourquoi vous me le donner ? questionne Stéphane
- Car je n'ai pas terminé mon explication. Ce que je voulais ajouter, c'est qu'en moyenne, le second orage se forme sous deux mois. Mais cela reste une moyenne, dit-il.
Les yeux de Jack cherchent les mots propices à des explications plus poussées. Quand enfin ils arrivent, il reprend :
- Selon mes notes, et celles des précédents chercheurs, il semble que le délai séparant les deux orages d'un binôme soit d'au maximum un an et d'au minimum deux heures, mais aux vues de la force de ce dernier, je pencherai plutôt sur 3-4 mois. Cependant, avec quelques calculs, je serai à même de donner des chiffres plus précis, finit-il.
- Donc dans environs 4 mois, je pourrais rentrer chez moi, mais pas avant ? interroge Stéphane.
- J'en ai bien peur mon cher ami et c'est pour cela que je souhaite que vous vous rendiez à Civitasiel, une métropole spécialisé dans la prévision des phénomènes météorologiques. Dans cette optique, je vous « prête » ce Clic pour votre excursion. Il y a un à deux mois de voyage pour aller jusqu'à cette cité, selon le mode de transport. Je vous conseille le mode pédestre, si vous devez rester quelques mois, autant profiter des charmes de notre monde n'est-ce pas ? conclut Jack.
Stéphane n'est pas vraiment enchanté par son discours, mais cela le rassure un peu. Il sait que dans quatre mois, il sera de retour chez lui. Quatre mois, si long et si court à la fois. Il ne peut néanmoins que consentir à sa requête.
- Je comprends, mais j'aimerai parler à Rubys avant mon départ, je voudrais m'excuser de mon comportement de tout à l'heure, murmure-t-il.
- Tu auras tout le temps nécessaire pour cela, elle t'accompagne, explique Jack.